La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2024 | FRANCE | N°21/04950

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 30 avril 2024, 21/04950


30/04/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/04950

N° Portalis DBVI-V-B7F-OQTS

AMR/FS/ND



Décision déférée du 25 Novembre 2021

TJ de TOULOUSE - 17/03105

Mme TANGUY

















Monsieur [Z] [R]

Madame [B] [D] épouse [R]

S.C.I. BALCA

S.C.I. BALLY





C/



Monsieur [J] [U]

Monsieur [Z] [R]

Madame [B] [D] épouse [R]

S.C.I. BALCA

S.C.I. BALLY

S.A.R.L. POLATO

SA SMA









































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à



Me JEANJACQUES

Me PEYCLIT

Me SALESSE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE AVRI...

30/04/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/04950

N° Portalis DBVI-V-B7F-OQTS

AMR/FS/ND

Décision déférée du 25 Novembre 2021

TJ de TOULOUSE - 17/03105

Mme TANGUY

Monsieur [Z] [R]

Madame [B] [D] épouse [R]

S.C.I. BALCA

S.C.I. BALLY

C/

Monsieur [J] [U]

Monsieur [Z] [R]

Madame [B] [D] épouse [R]

S.C.I. BALCA

S.C.I. BALLY

S.A.R.L. POLATO

SA SMA

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

Me JEANJACQUES

Me PEYCLIT

Me SALESSE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTS

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Hervé JEANJACQUES, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [B] [D] épouse [R]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Hervé JEANJACQUES, avocat au barreau de TOULOUSE

S.C.I. BALCA

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle PEYCLIT de la SELARL SELARL PEYCLIT & DI STEFANO AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

S.C.I. BALLY

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle PEYCLIT de la SELARL SELARL PEYCLIT & DI STEFANO AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [J] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Sans Avocat constitué

S.A.R.L. POLATO

[Adresse 14]

[Localité 7]

Représentée par Me Julie SALESSE de la SCP D'AVOCATS SALESSE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

SA SMA

[Adresse 16]

[Localité 15]

Représentée par Me Julie SALESSE de la SCP D'AVOCATS SALESSE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- Par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 18 octobre 2001, M. [Z] [R] a acquis une maison à usage d'habitation cadastrée section AS n° [Cadastre 3] située [Adresse 5] (31).

Ayant le projet de faire construire quatre maisons individuelles, les Sci Bally et Balca (sociétés familiales dont les gérants et seuls associés étaient respectivement à I'époque Mme [H] épouse [U] et M. [U]) ont acquis le 11 mars 2013 les parcelles suivantes situées [Adresse 4] :

-la Sci Balca : la parcelle cadastrée n° [Cadastre 8],

-la Sci Bally : les parcelles cadastrées n° [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13],

-les deux Sci : les parcelles cadastrées n° [Cadastre 9] et [Cadastre 10].

Des demandes de permis de construire ont été déposées et un arrêté de permis de construire a été délivré le 19 octobre 2012.

Les Sci Bally et Balca ont signé avec la Sarl Polato un contrat de construction prévoyant notamment la démolition d'un vieux corps de ferme non occupé situé sur la parcelle [Cadastre 8] et contigu à la maison de M. [R].

Le 27 août 2013, la Sarl Polato, en démolissant I'ancien corps de ferme, a endommagé le mur et la toiture de la maison de M. [R].

Par acte du 1er décembre 2014 M. [Z] [R] a assigné Aviva, son assureur, la Sci Balca, la Sci Bally, la Sarl Polato, et la Sa Juridica, assureur protection juridique de M. [U], devant Ie juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse afin de voir désigner un expert.

Faisant droit à la demande de M. [Z] [R], le juge des référés a, par décision du 16 janvier 2015, ordonné une expertise et désigné M [J] [I] pour y procéder, lequel a déposé son rapport le 30 octobre 2015.

Au mois de juin 2016 un protocole d'accord a été conclu entre d'une part M. [Z] [R] et d'autre part la Sarl Polato et son assureur la Sa Sma, ces dernières s'engageant à prendre en charge Ie coût de l'ensemble des travaux de remise en état, évalué à la somme de 45.868,90 € par l'expert, incluant la somme de 5.439,50 € correspondant aux travaux de mise en sécurité du mur mitoyen effondré, outre les indemnités complémentaires de 2502 € au titre des honoraires d'avocat et de 8640,31 € Ttc au titre des frais d'expertise.

Le versement effectif de ces fonds est intervenu le 5 juillet 2016.

M. [Z] [R] et Mme [B] [D] épouse [R] ont, par exploit en date du 31juillet 2017, assigné les Sci Balca et Bally devant le tribunal de grande instance de Toulouse afin d'être autorisés à faire pénétrer toute entreprise de leur choix sur la propriété de ces sociétés afin de procéder aux travaux prescrits par l'expert et afin d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice de jouissance.

M. [J] [U] a, suivant acte authentique en date du 18 septembre 2017, cédé ses parts dans la Sci Balca à Mme [H] divorcée [U].

Par exploit en date du 9 février 2018, la Sci Balca a assigné en intervention forcée M. [J] [U], afin de l'entendre condamner à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge au visa d'une clause de garantie de passif concernant la procédure engagée par M. et Mme [R].

Par exploits en dates des 15 et 16 février 2018, les Sci Balca et Bally ont assigné en intervention forcée successivement la Sa Sma et la Sarl Polato, son assurée, afin de les entendre condamner à les relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à leur charge.

Par ordonnance du 31 mai 2018, le juge de la mise en état a :

-ordonné la jonction des procédures ;

-donné acte à la Sci Balca de ce qu'elIe accepte que les entreprises mandatées par M. [R] et Mme [D] pénètrent sur sa propriété et entreposent du matériel afin de réaliser les travaux prescrits par M. [I], sous réserve qu'elles présentent un descriptif détaillé des travaux qu'elles feront, qu'elles justifient d'une assurance décennale, qu'elles n'endommagent pas les parcelles en réalisant les travaux et en y entreposant leur matériel et laissent celles-ci dans l'état dans lequel elle se trouve à ce jour ;

-donné acte à M. [R] et Mme [D] de ce qu'iIs renoncent à leur demande tendant au prononcé d'une astreinte ;

-donné acte à M. [R] et Mme [D] de ce qu'iIs se désistent de leur demande de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice ;

-constaté que les parties s'accordent sur le principe d'un bornage à frais partagé ;

-désigné M. [A] [S] aux fins de procéder au bornage des propriétés contiguës.

M. [S] a déposé son rapport le 20 mai 2019.

Les travaux de réfection du mur ont débuté en septembre 2020.

Par ordonnance du 26 novembre 2020 le juge de la mise en état a ordonné la comparution personnelle des parties à l'audience du 12 janvier 2021 en indiquant que le débat portait essentiellement « sur le contenu du devis des travaux produit par les consorts [R]-[D] qui doit décrire de façon détaillée les travaux prescrits par I'expert, M. [I], afin de pouvoir vérifier qu'iIs sont bien conformes au rapport d'expertise, ce qui n'est pas le cas au regard des pièces versées aux débats et bloque la situation entre les parties ».

Le 10 janvier 2021, les travaux de réfection du mur de la maison d'habitation de M. et Mme [R] se sont achevés, de sorte que par ordonnance du 2 février 2021 le juge de la mise en état a « constaté que les demandes initiales des Sci Balca et Bally de production d'un devis détaillé n'avaient plus lieu d'être » .

Par jugement contradictoire en date du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

-rejeté I'ensemble des demandes des consorts [R]-[D] ;

-rejeté les demandes reconventionnelles des Sci Bally et Balca ;

-condamné les consorts [R] d'une part et les Sci Bally et Balca d'autre part à partager les dépens par moitié, en ce compris les frais de l'expertise en bornage ;

-rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles ;

-dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Le tribunal a considéré que l'inertie reprochée aux Sci n'était pas démontrée, ni leur responsabilité dans le retard conséquent pris dans Ia mise en oeuvre des travaux alors que les fonds pour les réaliser étaient débloqués par l'assureur. Il a estimé qu'il ne ressortait d'aucune pièce produite ni du rapport d'expertise la nécessité de frais additionnels pour surveiller l'ouvrage une fois les travaux réalisés.

Il a considéré que de leur côté les Sci ne démontraient pas avoir été dans l'impossibilité de vendre le terrain en raison du litige ni l'existence d'un préjudice financier. Il a estimé que le retard pris dans la réalisation des travaux n'était pas imputable à la société Polato qui avait finalisé un protocole d'accord avec les époux [R] et la Sa Sma dès le mois de juin 2016.

Par déclaration en date du 17 décembre 2021, M. [Z] [R] et Mme [B] [D] épouse [R] ont relevé appel de ce jugement en critiquant ses dispositions ayant rejeté l'ensemble de leurs demandes, les ayant condamnés à partager la moitié des dépens (autres que ceux relatifs aux frais de l'expertise en bornage) et ayant rejeté leurs demandes au titre des frais irrépétibles, en intimant la Sci Balca et la Sci Bally.

Par déclaration en date du 10 mars 2022 la Sci Balca et la Sci Bally ont relevé appel du jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes reconventionnelles et ordonné le partage des dépens, en intimant M. et Mme [R], M. [J] [U], la Sarl Polato et son assureur la Sa Sma.

Les deux affaires ont été jointes sous le numéro Rg 21-4950 par ordonnance du 13 octobre 2022.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 20 juillet 2023 par voie électronique, M. [Z] [R] et [B] [D] épouse [R] , appelants et intimés, demandent à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou en tout cas mal fondées ;

Prenant droit de l'ensemble des éléments de la cause ;

-déclarer l'appel qu'ils ont diligenté recevable et bien fondé ;

-débouter les appelantes Sci Balca et Sci Bally de l'intégralité de leurs demandes, fins et

conclusions ;

Et, en conséquence,

-réformer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté l'ensemble de leurs demandes ;

-réformer le jugement dont appel en ce qu'il les a condamnés à partager la moitié des dépens;

-réformer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté leurs demandes ;

-condamner solidairement les sociétés Sci Balca et Sci Bally, à leur payer, ensemble, une indemnité de 32.132,00 €, en réparation du préjudice de jouissance qu'ils ont subi ;

-condamner solidairement les sociétés Sci Balca et Sci Bally, à leur payer ensemble, une indemnité globale de 14.000,00 €, en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi ;

-condamner solidairement les Sci Balca et Sci Bally, à leur payer ensemble, une indemnité de 9.000,00 €, en réparation du préjudice matériel additionnel qu'ils ont subi ;

-ordonner que l'intégralité de ces indemnités porteront intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017, date de l'assignation introductive d'instance, avec capitalisation desdits intérêts au bout d'une année entière d'échéance, le tout conformément aux dispositions des articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil, et ce jusqu'à parfait paiement ;

-condamner en outre, solidairement, les sociétés Sci Balca et Sci Bally à leur payer, ensemble, la somme de 24.000,00 € TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tant que de besoin et sur le même fondement,

-condamner solidairement les sociétés Sci Balca et Sci Bally à leur rembourser, ensemble, les honoraires proportionnels résultant des dispositions de l'article A. 444-32 du code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matières civile et commerciale qu'ils seraient amenés à régler dans l'hypothèse d'un recours à l'exécution forcée de la décision à intervenir ;

-condamner enfin, solidairement, les sociétés Sci Balca et Sci Bally aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, sauf à voir ordonner le partage par moitié avec eux, d'une part, et les Sci Balca et Bally, d'autre part, des honoraires de l'expert judiciaire [A] [S], le tout avec distraction au profit de Maître Hervé Jeanjacques, avocat, sur ses affirmations de droit, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 12 juillet 2023 par voie électronique, la Sci Balca et la Sci Bally, appelantes et intimées, demandent à la cour de :

A titre principal

-Réformer le jugement prononcé le 25 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de Toulouse sur les chefs de jugement critiqués et repris dans la déclaration d'appel régularisée le 10 mars 2022, à savoir en ce qu'il a rejeté leurs demandes reconventionnelles, omis de statuer sur leurs demandes contre Monsieur [J] [U], et rejeté leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau,

-Condamner solidairement et conjointement la Sarl Polato et la Sa Sma à leur payer la somme totale de 139 058,88 euros sauf à parfaire et la somme de 35.000 euros à la Sci Balca à titre de dommages et intérêts,

-Condamner Monsieur [J] [U] à relever et garantir la Sci Balca de la totalité des éventuelles condamnations mises à sa charge et des frais exposés au titre du présent litige, en ce compris les frais de bornage, les frais d'avocat à hauteur de leur montant réel, les frais d'huissier découlant de l'instance devant le Tribunal Judiciaire de Toulouse et des deux procédures d'appel, mais également les frais générés par les travaux, soit un total à ce jour de 24 326,67 euros sauf à parfaire,

-Condamner tout succombant à payer aux Sci Bally et Balca la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

-Confirmer le jugement prononcé le 25 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de

Toulouse pour le surplus,

-Débouter les époux [R] de l'intégralité de leurs demandes indemnitaires,

-Débouter les époux [R] et les sociétés Polato et Sma de leurs demandes au titre de l'article 700 du CPC,

-A titre subsidiaire, si la Cour entrait en voie de condamnation contre l'une ou l'autre ou les 2 Sci Balca et Bally,

-Prononcer la mise hors de cause la Sci Bally qui n'est pas propriétaire de la parcelle sur laquelle les travaux de réfection du mur ont eu lieu (parcelle N°[Cadastre 8]),

-Condamner les Sociétés Polato et Sma à relever et garantir de toutes condamnations mises à la charge de l'une ou l'autre ou des 2 Sci Bally et Balca,

En tout état de cause

-Débouter les époux [R] de l'intégralité de leurs demandes indemnitaires,

-Débouter les époux [R] et les sociétés Polato et Sma de leurs demandes au titre de l'article 700 du CPC,

-Condamner tout succombant à leur payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 27 juillet 2023 par voie électronique, la Sa Sma et la Sarl Polato, intimées et sur appel incident, demandent à la cour de :

Rejetant toutes conclusions adverses comme mal fondées ou, à tout le moins, injustifiées,

A titre principal,

-confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

-débouter les Sci Balca et Bally de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à leur encontre,

-les mettre purement et simplement hors de cause,

-condamner in solidum les Sci Balca et Bally à leur verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner in solidum les Sci Balca et Bally aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Salesse.

A titre subsidiaire et incident,

-rejeter les demandes indemnitaires de M. [R], à défaut les ramener à de plus justes proportions,

-ramener les demandes de M. [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions

-ramener les demandes de dommages-intérêts formulées par les Sci Balca et Bally à de plus justes proportions,

-limiter leur part de responsabilité,

-rendre les franchises de la Sma Sa opposables :

- A la société Polato au titre des travaux de reprise additionnels,

- A l'ensemble des parties au titre des préjudices annexes,

-condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Salesse.

M. [J] [U], assigné par acte délivré à étude le 10 octobre 2022 contenant dénonce de la déclaration d'appel et des conclusions, n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera rendu par défaut conformément à l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2023 et l'affaire a été examinée à l'audience du 16 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Les demandes de M. et Mme [R] au titre d'un préjudice moral et d'un préjudice de jouissance

Pour demander aux Sci Balca et Bally l'indemnisation de leur préjudice de jouissance et moral sur le fondement des articles 544 et 1240 du code civil, M. et Mme [R] font valoir que le caractère anormal du trouble est caractérisé par le rapport d'expertise judiciaire de M. [I] qui constate l'absence d'imperméabilisation du mur pignon Nord-Ouest de leur maison et l'éboulement partiel de ce mur liés à la non finition des travaux engagés par elles lors de la démolition de l'ancien bâtiment confiée à la Sarl Polato, que la persistance de ce trouble anormal est caractérisée par « le refus obstiné des Sci Balca et Bally » de les autoriser à pénétrer sur leur propriété pour la réalisation des travaux de reprise, de sorte qu'ils ont subi un préjudice de jouissance et moral durant sept ans quatre mois et trois jours que la simple remise en état du mur devenu le mur pignon Nord-Ouest de leur domicile ne permet pas de réparer.

Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi et les règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Les dégâts occasionnés le 27 août 2013 au mur et au toit de la maison d'habitation de M. et Mme [R] lors des travaux effectués à la demande des Sci Balca et Bally dépassent les inconvénients normaux de voisinage dont ces dernières doivent réparation de plein droit.

L'expert judiciaire M. [I] a constaté que les travaux envisagés par les Sci Bally et Balca et confiés à la Sarl Polato portaient notamment, selon la notice descriptive, sur la « démolition d'une ancienne maisons ; gravats et toiture évacués à la décharge », sans qu'il soit fait mention de ce que cette ancienne maison était contiguë à la maison d'habitation [R] et que sa démolition allait mettre à nu un mur refend intérieur qui se trouverait dorénavant destiné à devenir le mur pignon Nord-Ouest extérieur de cette maison exposé totalement aux intempéries et précipitations.

Il indique que les travaux de la Sarl Polato ne sont pas conformes qualitativement aux règles de l'art du fait qu'aucun travaux de protection, d'imperméabilisation de paroi et d'étanchéité n'ont été prévus ni réalisés immédiatement après la démolition du corps de ferme.

Il a préconisé les travaux de remise en état suivants :

-étude béton armé pour plans d'exécutions,

-protection de chantier, mise en place d'un butonnage et échafaudage,

-rebâtir la partie effondrée, et reboucher toutes les cavités pour redonner de la cohésion à la paroi,

-supprimer les parties de mur en débordement sur l'emprise du nouveau mur à créer,

-réalisation des fondations du nouveau mur selon pré-rapport sapiteur [W] (en touches de piano),

-création d'un nouveau mur accolé à |'ancien en « blocs à bancher '' de 27 cm agrafés sur les deux façades en retour,

-remplissage entre les deux murs réalisés en renformis de briques ou au mortier,

-prolongement de la couverture de l'habitation [R] au-dessus du nouveau mur a'n de garantir le hors d'eau et hors d'air, (reprise planche de rive et tuiles de rives à fixer mécaniquement),

-réalisation d'un enduit de protection sur le nouveau mur.

Il en a évalué le coût à la somme de 40429,40 € Ttc et la durée à 2 mois. Il a évalué le coût des mesures conservatoires déjà réglé par M. et Mme [R] à la somme de 5 439,50 € Ttc, soit un total 45 868,90 € Ttc.

M. et Mme [R] ont été indemnisés de cette somme par la Sa Sma assureur de la Sarl Polato, outre de celle de 2520 € Ttc au titre des honoraires d'avocat et de celle de 8640,31 € Ttc au titre des frais d'expertise, le 5 juillet 2016, en exécution du protocole d'accord intervenu en juin 2016.

Les travaux de remise en état du mur et du toit ont été réalisés de septembre 2020 au 10 janvier 2021.

M. et Mme [R] ne justifient d'aucun préjudice de jouissance, quelle qu'en soit la durée, l'expert n'ayant constaté aucun usage restrictif des pièces accolées au mur litigieux ni de températures inférieures à 19 degrés dans ces pièces. De même les travaux de remise en état ont été effectués depuis la parcelle voisine et n'ont occasionné aucune gêne pour M. et Mme [R].

Ils doivent être déboutés de leur demande de ce chef, le jugement étant confirmé.

Les tracas liés à cette situation, notamment l'absence de bâchage du mur mis à nu durant plusieurs mois ayant conduit à son éboulement partiel, leur ont causé un préjudice moral.

L'ampleur de ce préjudice doit cependant être tempérée par le fait que les travaux de reprise, consistant notamment en la construction d'un mur et de ses fondations, devaient être réalisés sur la parcelle voisine appartenant à la Sci Balca et que cette dernière n'a pas été associée au protocole d'accord intervenu avec l'entreprise Polato, de sorte qu'en l'absence de décision judiciaire ordonnant les travaux, ces derniers ne pouvaient se faire qu'avec l'accord de la Sci Balca qui a légitimement exigé d'être informée de la nature exacte de ceux-ci. De fait, alors même que les travaux avaient débuté, des difficultés imputables à M. et Mme [R] subsistaient encore puisque par ordonnance du 26 novembre 2020 le juge de la mise en état a ordonné la comparution personnelle des parties à l'audience du 12 janvier 2021 en indiquant que le débat portait essentiellement « sur le contenu du devis des travaux produit par

les consorts [R]-[D] qui doit décrire de façon détaillée les travaux prescrits par I'expert, M. [I], afin de pouvoir vérifier qu'iIs sont bien conformes au rapport d'expertise, ce qui n'est pas le cas au regard des pièces versées aux débats et bloque la situation entre les parties ».

Au regard de l'ensemble de ces éléments le préjudice moral subi par M. et Mme [R] doit être évalué à la somme de 5 000 €.

La Sci Balca et la Sci Bally, maîtres d'ouvrage ayant confié les travaux litigieux à la Sarl Polato doivent être condamnées in solidum à payer cette somme à M. et Mme [R], outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, le jugement étant infirmé sur ce point.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

La demande de M. et Mme [R] au titre d'un préjudice matériel complémentaire

Leur demande porte sur le coût de l'intervention d'un bureau de contrôle et d'un maître d'oeuvre, pour la somme totale de 9000 €.

La nécessité de l'intervention d'un maître d'oeuvre ne ressort ni du rapport d'expertise judiciaire ni du rapport technique du sapiteur M. [W]. Par ailleurs, si ce dernier indique en dernière page de son rapport que « les armatures à mettre en place dans les fondations et le mur à créer devront être dimensionnées par un bureau d'études spécialisé », ce poste a été pris en compte par l'expert judiciaire dans l'évaluation du coût des travaux de reprise au titre d'une « étude béton armé pour plans d'exécution » et M. et Mme [R] ont déjà été indemnisés de ce chef.

Dans ces conditions ils doivent être déboutés de leur demande d'indemnisation de ce préjudice, le jugement étant confirmé.

Le recours en garantie des Sci Balca et Bally à l'encontre de la Sarl Polato et de la Sa Sma

La Sarl Polato est certes à l'origine du trouble anormal de voisinage subi par M. et Mme [R] et doit sa garantie à ce titre aux maîtres d'ouvrage. Cependant, elle a déjà indemnisé M.et Mme [R] de leur préjudice matériel et n'est que partiellement à l'origine du défaut de protection du mur endommagé. En effet les Sci Bally et Balca se sont surtout préoccupées, en suite du sinistre intervenu le 27 août 2013, du bornage de leur propriété, en sollicitant sur ce point les époux [R] dès le 3 septembre 2013, ne s'inquiétant de la protection du mur endommagé qu'à compter du mois d'octobre suivant, de sorte qu'il convient de limiter la garantie de la Sarl Polato à la somme de 3000 € au titre du préjudice moral.

La Sarl Polato et la Sa Sma seront condamnées in solidum à garantir les Sci Balca et Bally de leur condamnation au titre du préjudice moral subi par M. et Mme [R] à hauteur de 3000 €, sous réserve, pour la Sa Sma de la franchise contractuelle applicable, opposable aux tiers et à son assurée.

La demande de garantie du passif de la Sci Balca à l'encontre de M. [U]

Au soutien de sa demande la Sci Balca produit au débat un acte de dépôt du jugement de divorce intervenu entre M. [J] [U] et Mme [G] [H] le 12 janvier 2016 aux termes duquel M. [U] cède ses parts dans la Sci Balca à Mme [H] et s'engage envers le cessionnaire ou son ayant-cause au maintien de la valeur des parts cédées à la date de ce jour, et par conséquent à le dédommager au prorata du nombre de parts cédées de tout passif de la société survenant postérieurement mais ayant son origine ou une cause antérieure à la cession des parts.

Spécialement, concernant le litige l'opposant à M. et Mme [R], cet engagement s'étend au règlement de toutes les sommes dues à ce titre (intérêts, indemnités, ('), frais et dépenses fiscales ou autres notamment honoraires d'avocats, de conseils, d'experts dus par la société ou le cédant), cette garantie expirant à compter du caractère définitif de l'arrêt rendu relativement à ce litige.

Elle produit en outre deux « récapitulatifs des factures réglées » établis par la Selarl Peyclit & Di Stefano pour la somme totale de 22 134 €.

Au regard des pièces produites, M. [U] doit être condamné à relever et garantir la Sci Balca, au pro rata du nombre de parts cédées, du paiement de la somme de 22 134 € au titre des frais exposés dans le cadre du présent litige et de celle de 5000 € au titre de sa condamnation in solidum avec la Sci Bally à payer cette somme à M. et Mme [R], le jugement étant complété.

Les demandes d'indemnisation des Sci Balca et Bally à l'encontre de la Sarl Polato et de la Sa Sma

Les Sci Balca et Bally font valoir qu'elles ont dû renoncer à leur projet immobilier et prendre la décision de vendre les parcelles avec le permis de construire dès l'année 2014, ce qu'elles n'ont pu faire en raison du litige en cours avec M. et Mme [R] et qu'ainsi elles subissent un préjudice correspondant aux intérêts au taux légal sur le prix de vente auquel elles pouvaient prétendre, soit 436 480 € pour l'ensemble des parcelles, à compter du 1er janvier 2015 et jusqu'au 31 juillet 2023, soit au total la somme de 139 058,88 €.

Elles produisent un compromis de vente signé le 1er août 2014 portant sur la totalité des parcelles au profit de la Sarl Promotion Polato pour un prix de 418 480 €.

Ce seul élément ne permet pas de démontrer que la vente des parcelles aurait été empêchée par le litige en cours, qui ne concernait au demeurant qu'une partie de la parcelle [Cadastre 8] ; bien au contraire il apparaît qu'une vente a pu être formalisée dès août 2014 sans que les Sci Balca et Bally ne s'expliquent sur la raison pour laquelle elle n'a pas abouti.

Dans ces conditions le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les Sci Balca et Bally de leur demande de ce chef.

La demande d'indemnisation de la Sci Balca à l'encontre de la Sarl Polato et de son assureur

La Sci Balca fait valoir que les fondations du mur édifié dans le cadre des travaux de reprise sur sa parcelle [Cadastre 8] ne sont pas enterrées contrairement à ce qui avait été annoncé, ce qui la priverait de la possibilité de construire ou même de réaliser des plantations sur une bande d'une largeur de 3,23 mètres à partir du mur sur toute la largeur du terrain, ce qui impacterait fortement le prix de vente de cette parcelle.

Il résulte du compte-rendu de fin de chantier du bureau d'étude Bim Structure en date du 10 janvier 2021 que le principe constructif des fondations du mur à édifier tel que prévu par l'expert judiciaire, enterrées et en « touche de piano », a été respecté.

Par message électronique du 27 avril 2022 ce bureau d'étude a indiqué à Mme [U] que « vu les fondations en place et pour éviter toute surcharge supplémentaire sur celles-ci il faudra garder une distance de 3,23 mètres à partir du mur pour mettre en place toute charge ou ouvrage supplémentaire ».

Il ne ressort pas de ce message que la réalisation de plantations sur cette zone soit prohibée.

Par ailleurs le sapiteur M. [W] avait indiqué dans son rapport à l'expert judiciaire qu'en l'état de délabrement du mur dénudé de la maison des [R], et en sachant que ce genre de mur ancien n'est en général que très peu voire pas du tout fondé, la seule solution à même de garantir sa pérennité est de construire un autre mur venant le bloquer afin de la stabiliser.

En l'état des éléments produits au débat, rien ne permet d'affirmer que ces mesures constructives, s'agissant de bâtiments très anciens de part et d'autre, n'auraient pas été nécessaires en tout état de cause, de sorte que la Sci Balca ne démontre pas que le préjudice financier dont elle se prévaut est en lien de causalité direct avec la faute de la Sarl Polato.

Elle sera déboutée de sa demande, le jugement étant confirmé.

Les demandes annexes

Les Sci Balca et Bally, qui succombent dans leurs prétentions, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception des frais de bornage, qui seront partagés par moitié avec M. et Mme [R], et ne peuvent prétendre à l'application à leur profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les droits visés à l'article A. 444-32 du code de commerce ne constituent pas des dépens et ont été réglementairement prévus comme restant à la charge du créancier de l'exécution sans que le juge puisse y déroger de sorte que les Sci Balca et Bally seront déboutées de leur demande sur ce fondement.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la Sarl Polato et de la Sma d'une part et de M. et Mme [R] d'autre part, les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

-Confirme le jugement rendu le 25 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse sauf sa disposition rejetant la demande de M. et Mme [R] au titre du préjudice moral

Statuant à nouveau sur chefs infirmés, le complétant et y ajoutant ;

-Condamne in solidum la Sci Balca et la Sci Bally, à payer à M. [Z] [R] et Mme [B] [D] épouse [R] la somme de 5000 € au titre du préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

-Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;

-Condamne in solidum la Sarl Polato et la Sa Sma à garantir les Sci Balca et Bally de leur condamnation au titre du préjudice moral subi par M. et Mme [R] et ce à hauteur de 3000 €, sous réserve, pour la Sa Sma de sa franchise contractuelle opposable aux tiers et à son assurée ;

-Condamne M. [J] [U] à garantir la Sci Balca, au pro rata du nombre de parts cédées, du paiement de la somme de 22 134 € au titre des frais exposés dans le cadre du présent litige et de celle de 5000 € au titre de sa condamnation, in solidum avec la Sci Bally, à payer cette somme à M. et Mme [R] ;

M. [U] doit être condamné à relever et garantir la Sci Balca, au pro rata du nombre de parts cédées, du paiement de la somme de 22 134 € au titre des frais exposés dans le cadre du présent litige et de celle de 5000 € au titre de sa condamnation in solidum avec la Sci Bally à payer cette somme à M. et Mme [R], le jugement étant complété.

-Condamne in solidum les Sci Bally et Balca aux dépens de première instance et d'appel, avec autorisation de recouvrement direct au profit de maître Hervé Jeanjacques, avocat qui le demande, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, à l'exception des frais de bornage, qui seront partagés par moitié avec M. [Z] [R] et Mme [B] [D] épouse [R] ;

-Déboute les Sci Balca et Bally de leur demande fondée sur l'article A444-32 du code de commerce ;

-Déboute toutes les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/04950
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;21.04950 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award