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30/04/2024 | FRANCE | N°21/04112

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 30 avril 2024, 21/04112


16/04/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/04112

N° Portalis DBVI-V-B7F-OM4Q

AMR/JM/ND



Décision déférée du 21 Juin 2021

TGI TOULOUSE

(19/02091)

Mme KINOO

















[M] [U]





C/



[Z] [E]

[Y] [V]

ARREDO 3 SRL



























CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le
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à

Me Marie-cécile NIERENGARTEN-MAALEM

Me Jean-luc FORGET

Me Tristana SOULIE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [M] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Marie-cécile NIERENG...

16/04/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/04112

N° Portalis DBVI-V-B7F-OM4Q

AMR/JM/ND

Décision déférée du 21 Juin 2021

TGI TOULOUSE

(19/02091)

Mme KINOO

[M] [U]

C/

[Z] [E]

[Y] [V]

ARREDO 3 SRL

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

Me Marie-cécile NIERENGARTEN-MAALEM

Me Jean-luc FORGET

Me Tristana SOULIE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [M] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-cécile NIERENGARTEN-MAALEM, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [Y] [V]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

ARREDO 3 SRL

Société de droit italien à resposabilité limité

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Tristana SOULIE, avocat au barreau de TOULOUS

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 5 octobre 2014, M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] ont commandé auprès d'un exposant de la foire de [Localité 4], M. [M] [U] exerçant sous I'enseigne Agencement [M] [U] une cuisine de marque Hofemeier comportant les éléments suivants :

- meubles : 20.280,97 euros hors taxes,

- plan de travail : 2.388,90 euros hors taxes,

- électroménager : 1.559 euros hors taxes,

- sanitaires : 250 euros hors taxes,

- contrôle technique : 360 euros hors taxes,

- assistance technique 1 jour : 500 euros hors taxes,

- livraison : 600 euros hors taxes,

soit un total toutes taxes comprises de 25 938,87 euros ramené à 10 500 euros.

Le bon de commande mentionne une date de livraison souhaitée pour fin avril 2015.

Le 8 avril 2015, M. [U] a passé commande des meubles de cuisine auprès de la société de droit italien Arredo 3.

Les meubles ont été livrés le 22 mai 2015 chez M. [E] et Mme [V] qui en ont accusé réception, sans formuler de réserves.

Le mobilier a été installé par M. [E] et Mme [V] sous la supervision d'un technicien le 23 mai 2015.

M. [E] et Mme [U] ont échangé de nombreux courriels avec M. [U] entre le 17 novembre 2015 et le 7 juin 2016 à propos de meubles inutilisables ou impossibles à positionner et des problèmes de calage.

Le 4 mai 2016, M. [P] [A], agent commercial de la société Arredo 3 a visité M. [E] et Mme [V] et relevé plusieurs désordres affectant la cuisine : un meuble doté d'une porte basculante vers le bas au lieu de relevante, fourniture de vis trop fines, déformation des rails d'un meuble en hauteur, fléchissement de deux meubles.

Par ordonnance du 30 mars 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, saisi par M. [E] et Mme [V], a ordonné une mesure d'expertise et désigné M. [R] [D] pour y procéder.

M. [U] a appelé en cause le fournisseur de la cuisine, la société italienne Arredo3 Srl.

Par ordonnance du 28 septembre 2017, le juge des référés a étendu les opérations d'expertise à cette société.

L'expert judiciaire a été déposé son rapport le 17 janvier 2019.

-:-:-:-

Par acte d'huissier du 21 juin 2019, M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] ont fait assigner M. [M] [U] exerçant sous le nom commercial [M] [U] agencement devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par acte d'huissier du 3 octobre 2019, M. [M] [U] a fait appeler en la cause la société italienne Arredo 3 SRL.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 21 novembre 2019, les deux affaires ont été jointes.

-:-:-:-

Par jugement contradictoire du 21 juin 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse, a :

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] agencement à verser à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 7150 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise,

- dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de I'évolution de l'indice BT01 depuis le 17 janvier 2019 jusqu'à la date du jugement,

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] agencement à verser à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 720 euros au titre du préjudice de jouissance,

- débouté M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts,

- débouté la société Arredo3 SRL de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] agencement à verser à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] agencement à verser à la société Arredo3 SRL la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] agencement aux entiers dépens en ce compris les frais de la procédure de référé et ceux de I'expertise judiciaire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Le Tribunal a considéré que si les meubles de cuisine étaient affectés d'un défaut de conformité en ce qu'ils n'étaient pas de la marque convenue, ce que les acquéreurs avaient noté dès leur réception, ces derniers ne justifiaient pas avoir voulu refuser la livraison ni avoir inscrit des réserves sur le bon de livraison, de sorte que, la réception sans réserve couvrant les défauts apparents de conformité, la différence de marque devait être regardée comme acceptée par les acquéreurs.

Il a relevé que les acquéreurs avaient commandé un revêtement en mélaminé de qualité mais que le revêtement livré était de qualité inférieure Pet, sans qu'il soit établi que les acquéreurs aient accepté ce défaut de conformité, engageant ainsi la responsabilité du vendeur.

Il a retenu que les autres désordres relevaient de l'inadaptation de la commande faite par M. [U] à la société Arredo 3 Srl, le catalogue de cette société comportant toutes les pièces manquantes et adaptées au type de meuble qui devait être conçu et fourni par le vendeur.

Le tribunal a considéré que devaient être mis à la charge du vendeur le coût du remplacement complet des meubles avec le revêtement Pet, outre la somme de 10 euros par mois sur six ans pour l'absence de jouissance pleine de la cuisine.

Il a retenu que les acquéreurs ne démontraient pas que le vendeur les aurait assurés au moment de la livraison d'une qualité ou valeur égale ou supérieur du meuble ni ne démontraient des man'uvres dolosives du vendeur.

Le tribunal a enfin estimé que les préjudices étaient imputables à M. [U] en raison d'un défaut de conception et un défaut de mise en 'uvre, le technicien n'ayant pas correctement supervisé les acquéreurs lors des opérations de pose et a rejeté en conséquence sa demande visant à être relevé et garanti par son fournisseur.

-:-:-:-

Par déclaration du 1er octobre 2021, M. [M] [U] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] Agencement à verser à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 7150 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise,

- dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de I'évolution de l'indice BT01 depuis le 17 janvier 2019 jusqu'à la date du jugement,

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] Agencement à verser à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 720 euros au titre du préjudice de jouissance,

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] Agencement à verser à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] Agencement à verser à la société Arredo3 SRL la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] exploitant sous I'enseigne [M] [U] Agencement aux entiers dépens en ce compris les frais de la procédure de référé et ceux de I'expertise judiciaire,

- « ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ».

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises à la cour par voie électronique le 7 décembre 2021, M. [M] [U], appelant, demande à la cour, au visa de l'article 1603 du code civil, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

- infirmer le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [E] et Mme [V] de leur demande au titre de la non-conformité,

- débouter M. [E] et Mme [V] de leur demande de condamnation au titre du coût de reprise à 7 150 euros toutes taxes comprises,

- débouter M. [E] et Mme [V] de leur demande de condamnation à titre de dommages et intérêts,

- débouter M. [E] et Mme [V] de leur demande relative au titre du préjudice de jouissance,

- fixer le coût des travaux à la somme de 5 481,60 euros toutes taxes comprises,

Reconventionnellement,

- condamner la société Arredo 3 à le relever et garantir de toutes éventuelles condamnations,

- condamner la société Arredo 3 à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter la société Arredo 3 de ses demandes à son encontre.

Dans leurs dernières conclusions transmises à la cour par voie électronique le 9 octobre 2023, M. [Z] [E] et Mme [Y] [V], intimés et sur appel incident, demandent à la cour, au visa des articles 1147 et 1603 et suivants du code civil, de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :

' a condamné M. [U] exploitant sous l'enseigne [M] [U] agencement à leur verser la somme de 720 euros au titre du préjudice de jouissance,

' les a déboutés du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts,

Statuant de nouveau,

- condamner M. [U] exploitant sous l'enseigne [M] [U] agencement à leur payer les sommes suivantes :

- 6.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 5.000 euros de dommages et intérêts,

- confirmer le jugement pour le surplus,

En tout état de cause,

- condamner M. [M] [U] exploitant sous l'enseigne [M] [U] agencement à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [M] [U] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises à la cour par voie électronique le 6 mai 2022, la société de droit italien à responsabilité limitée Arredo 3 Srl, intimée et sur appel incident, demande à la cour, au visa des articles 32-1, 559, et 700 du code de procédure civile, de :

- la recevoir en son appel incident, le dire bien fondé et y faisant droit,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- constater qu'elle a été attraite abusivement à la procédure par M. [M] [U] et qu'il y a lieu de l'indemniser à ce titre,

En conséquence,

- condamner M. [M] [U], exploitant sous les enseignes « [M] [U] agencement » et « [M] home design », à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- constater que l'appel principal interjeté par M. [M] [U] revêt un caractère abusif,

En conséquence,

- condamner M. [M] [U], exploitant sous les enseignes « [M] [U] agencement » et « [M] home design », à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- condamner M. [M] [U], exploitant sous les enseignes « [M] [U] agencement» et « [M] home design », à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2023 et l'affaire a été examinée à l'audience du 23 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

La responsabilité de M. [U] pour ce qui concerne la marque des meubles de cuisine 

' Les articles 1604 et suivants du code civil obligent le vendeur à délivrer une chose conforme aux spécifications convenues entre les parties. La conformité consistant en une identité entre la chose promise au contrat et la chose délivrée est une obligation de résultat. Dès lors, le seul constat d'un défaut de conformité aux prévisions contractuelles, quel que soit son importance, caractérise un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.

La marchandise délivrée doit avoir l'origine, la marque, le type, les caractéristiques, la quantité et la qualité prévus par le contrat.

La réception de la marchandise libère le vendeur de son obligation de délivrance, de sorte que la réception sans réserve de la chose vendue couvre ses défauts apparents. Néanmoins, l'acceptation sans réserve par l'acheteur de la marchandise vendue ne lui interdit de se prévaloir que des défauts apparents de conformité.

Dans son rapport d'expertise judiciaire, M. [D] relève que la marque du produit livré n'est pas conforme à la commande :

- livraison des meubles de marque Arredo 3 de fabrication italienne,

- commande de meubles de marque Hofemeier de fabrication allemande, du groupe Beckermann.

Il ressort, en effet, du bon de commande signé par M. [E] et Mme [V] le 5 octobre 2014 que la cuisine devait être de marque Hofemeier. Or, M. [U] leur a livré une cuisine de marque Arredo 3, ce qui constitue un défaut de conformité.

Cependant, les acquéreurs n'ont apposé aucune réserve sur le bon de livraison.

M. [E] et Mme [V] indiquent dans leurs écritures qu'ils ont constaté à la livraison que le matériel livré n'était pas conforme, la marque étant différente de celle convenue.

Dès lors que le défaut de conformité est apparent et n'a pas fait l'objet de réserves, il est couvert par la réception.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [E] et Mme [V] de ce chef.

'M. [E] et Mme [V] soutiennent que le vendeur a commis un dol susceptible d'engager sa responsabilité. Ils reprochent à M. [U] de ne pas les avoir informés qu'il n'était plus distributeur de la marque Hofemeier et qu'il ne pourrait donc pas leur livrer la cuisine vendue ; ainsi que d'avoir remplacé sans les en informer et sans leur accord, la cuisine vendue par une cuisine d'une autre marque de qualité inférieure. Selon eux, M. [U] aurait dû annuler la vente et leur proposer de commander une autre cuisine. Il les aurait donc trompés afin de conserver la vente en faisant une marge plus importante. Le préjudice qu'ils estiment avoir subi consiste dans le fait d'avoir une cuisine d'une qualité inférieure à celle convenue.

Les acquéreurs se prévalent d'autres cas d'espèce dans lesquels le vendeur aurait été condamné pour des problèmes similaires.

Ils produisent, à ce titre, les assignations réalisées par Mme [S] et celle réalisée par M. et Mme [I] à l'encontre de M. [U]. Ils produisent également le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 5 avril 2023 dans le litige opposant Mme [S] et M. [U]. Le juge a prononcé la résolution des contrats et condamné M. [U] à indemniser Mme [S], notamment en raison de la non-conformité de certains éléments de cuisine aux stipulations contractuelles et des malfaçons affectant la cuisine. Toutefois, ni des assignations ni des faits constatés et un litige tranché dans le cadre d'une autre instance opposant un tiers et une partie citée devant la cour ne sauraient permettre d'établir la preuve, dans le présent litige, de man'uvres dolosives imputables à M. [U] et dirigées contre M. [E] et Mme [V].

Les acquéreurs ajoutent que la marge du vendeur est particulièrement importante. Néanmoins, le fait de réaliser un bénéfice sur la vente ne constitue pas un dol.

Le vendeur professionnel qui se trouve dans l'impossibilité de livrer les biens convenus aux acquéreurs, doit les informer et peut leur proposer la délivrance d'autres biens équivalents aux mêmes conditions ou des biens aux caractéristiques différentes et à des conditions potentiellement différentes. Le changement de fournisseur et donc de marque s'analyse en effet en une modification contractuelle qui doit requérir l'accord en amont du cocontractant.

Il apparaît en l'espèce que M. [U] a changé de fournisseur et de marque de manière unilatérale et sans en référer aux acquéreurs, les laissant découvrir, le jour de la livraison ce changement par rapport aux stipulations contractuelles.

Or, M. [U], en sa qualité de vendeur, aurait dû informer M. [E] et Mme [V] de son changement de fournisseur et de marque en amont, et en tout état de cause avant la livraison des biens, intervenue plus de cinq semaines après qu'il ait passé commande auprès d'un autre fournisseur.

Il n'est toutefois pas établi que M. [U] aurait été animé d'une intention de tromper M. [E] et Mme [V], ni dès la conclusion du contrat faute d'établir qu'à cette date il ne pouvait déjà plus se fournir en cuisines de marque Hofemeier, ni à la date de commande chez un autre fournisseur ou lors de la livraison, faute d'établir que les cuisines de marque Arredo 3 sont de moins bonne qualité que les cuisines de marque Hofemeier.

En effet, l'expert judiciaire a considéré que les meubles commandés auprès de la société Arredo 3 l'ont été pour un prix « estimativement » inférieur de 28% au prix des meubles Hofemeier et il indique que la société Arredo 3 a reconnu que sa production était de 20% moins chère que celle de Hofemeier. Néanmoins, l'expert judiciaire a considéré qu'il n'était pas possible de comparer directement deux prix unitaires compte tenu du fait que les fabricants décomposent de façon très différente les éléments de cuisine à assembler.

En conséquence, aucun dol ne peut être imputé au vendeur relativement à la marque des meubles de cuisine et la demande d'indemnisation au titre de la moins-value qui découlerait de la fourniture de meubles d'une autre marque que celle convenue sera donc rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point..

La responsabilité de M. [U] en ce qui concerne le revêtement des meubles 

Les acquéreurs ont relevé des « traces de doigts en permanence sur les meubles mats » et des « difficultés rencontrées pour le nettoyage ». L'expert judiciaire évoque « des défauts d'aspect des revêtements de surface ».

Le fait que les courriels échangés entre les parties ne fassent pas état de défauts d'aspect des revêtements ne permet nullement de considérer, ainsi que le soutient le vendeur, qu'il n'y a pas de défaut de conformité.

Le bon de commande adressé par M. [U] à son fournisseur indique un type de façade des armoires « maxximatt lavagna 320 », ce qui correspond, dans le catalogue de la société Arredo 2017 (pièce 11, p. 8), à du « stratifié pet mat ».

Or, il est mentionné sur le bon de commande signé par les acquéreurs lors de la foire : « cuisines Hofemeir, exécution façade : mélaminé de qualité ».

À ce titre, l'expert judiciaire relève que M. [U] a indiqué avoir livré des revêtements de surface de type Fenix alors que les bons de livraison Arredo 3 mentionnent un revêtement type Pet, qui est de moindre qualité que prévu.

Le revêtement est donc bien affecté d'un défaut de conformité.

M. [E] et Mme [V] soutiennent que ce défaut de conformité n'était pas apparent au jour de la livraison et se serait révélé au cours de l'expertise.

M. [U] soutient que le revêtement fait « partie intégrale » de la cuisine et que les acquéreurs n'ont émis aucune réserve au moment de la livraison, de sorte qu'ils auraient accepté cette cuisine.

La qualité du revêtement n'est pas nécessairement apparente lors de la livraison et peut se révéler par l'usage ou lors d'une expertise.

En l'espèce, les acquéreurs évoquent des traces de doigts et difficultés de nettoyage, défauts qui n'apparaissent que lors de l'usage des meubles, soit après leur livraison. Ils n'ont en outre découvert que le revêtement livré n'était pas conforme à celui commandé que lors des opérations d'expertise qui ont révélé que le revêtement de type Pet livré était de moindre qualité que celui contractuellement prévu.

Au regard des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que M. [U] n'a pas fourni des meubles de cuisine dotés d'un revêtement de la qualité équivalente à celle promise, ce qui constitue un défaut de conformité non apparent lors de la livraison., et qu'il doit être condamné à réparer les conséquences dommageables de ce défaut de conformité.

Il soutient que les dommages et intérêts ne peuvent être équivalents au coût de remplacement des meubles de cuisine du fait de l'acceptation des meubles lors de la livraison, de sorte que, selon lui, seuls les travaux de reprise peuvent être indemnisés.

Cependant, le revêtement faisant partie intégrante des meubles, ce défaut de conformité ne peut être réparé qu'en changeant les meubles de cuisine. L'expert judiciaire considère ainsi que « la mise en conformité en revêtement Fenix nécessite le remplacement complet des meubles suivant devis proposé par Arredo 3 du 23/07/2018, pour 7 150 euros toutes taxes comprises ».

Le montant du devis n'étant pas discuté par le vendeur, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [U] à verser à M. [E] et Mme [V] la somme de 7150 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise.

La responsabilité de M. [U] en ce qui concerne les défauts des meubles

La condamnation du vendeur à indemniser les acquéreurs du coût de remplacement total des meubles de cuisines en raison de défaut de conformité du revêtement couvre également les autres défauts affectant les meubles de cuisine. La cour statuera donc spécifiquement sur le préjudice de jouissance que les acquéreurs estiment avoir subi, et consistant dans le fait de ne pas avoir pu utiliser pleinement leur cuisine en raison des défauts affectant les meubles, tels que retenus par l'expert judiciaire.

Dans son rapport, l'expert judiciaire relève les désordres suivants :

- il manque le meuble au-dessus du réfrigérateur,

- le meuble bas, s'arrachant du support a été déposé avant qu'il ne s'effondre complètement,

- le meuble bas à gauche du réfrigérateur menace également de se détacher ; les profils d'accrochage sont insuffisants pour le poids d'un meuble chargé de vaisselle,

- les tablettes de rangement de l'ilot central fléchissent anormalement et ne sont pas capables de supporter de la vaisselle ou similaire,

- mauvais assemblages des meubles entre eux, générant des joints de séparation de dimensions variables et inesthétiques,

- mauvais calage du réfrigérateur,

- absence de protection des parois agglomérées en contact direct avec un sol réputé humide.

L'expert judiciaire a considéré que les défauts affectant le système d'accrochage des meubles, l'absence de renfort des étagères et l'absence de protection des bas de parois relevaient de l'inadaptation de la commande faite par M. [U] à la société Arredo 3 Srl et que les désordres relatifs aux assemblages et au calage des meubles relevaient de la mise en 'uvre, le technicien devant réaliser l'assistance à la pose n'ayant pas respecté son obligation de conseil qui aurait permis d'éviter les désordres relevés.

Ces désordres, imputables à M. [M] [U], ont causé à M. [E] et Mme [V] un préjudice de jouissance en ce qu'une partie des meubles vendus et livrés ne pouvait pas être utilisée du tout, ou utilisée dans des conditions normales, peu important qu'ils n'aient pas eu besoin d'installer une cuisine annexe.

Contrairement au moyen soulevé par M. [U], le fait que les acquéreurs n'aient pas élevé de demande devant l'expert judiciaire relativement à un préjudice de jouissance ne les empêche nullement d'en demander réparation.

Au regard d'une part de ce que plusieurs meubles ne pouvaient être utilisés, et d'autre part, de ce que M. [E] et Mme [V] ont sollicité à maintes reprises le vendeur pour qu'il y remédie, sans un succès rapide et total, ce chef de préjudice doit être évalué à 50 €s par mois, soit 3 600 €. M. [U] sera condamné au paiement de cette somme, le jugement étant réformé sur ce point.

La demande de garantie formée par M. [U] à l'encontre de la société Arredo 3 Srl

M. [U] demande à la cour de condamner la société Arredo 3 à le relever et garantir des condamnations mises à sa charge.

L'expert judiciaire a considéré que les défauts affectant le système d'accrochage des meubles, l'absence de renfort des étagères et l'absence de protection des bas de parois relevaient de l'inadaptation de la commande faite par M. [U] à la société Arredo 3 Srl. Il a relevé que le catalogue de la société Arredo 3 était très complet avec tous les accessoires et comportait les pièces manquantes adaptables au meuble à concevoir et à fournir. À ce titre, selon l'expert judiciaire, le mode d'assemblage des pièces et les accessoires relèvent de la conception qui est de la responsabilité de M. [U] et non de la société Arredo 3 qui intervient en qualité de fabricant, et qui ne pourrait se voir reprocher de n'avoir pas livré des éléments non commandés.

L'expert a estimé que les désordres relatifs aux assemblages et au calage des meubles relevaient de la mise en 'uvre, le technicien devant réaliser l'assistance à la pose n'ayant pas respecté son obligation de conseil qui aurait permis d'éviter les désordres relevés.

'En sa qualité de vendeur professionnel de cuisines, M. [U] dispose nécessairement des compétences pour apprécier les éléments qu'il doit se procurer auprès de son fournisseur afin de satisfaire à la commande que ses clients lui ont passée.

M. [U] produit aux débats le bon de commande du 8 avril 2015 auprès de la société Arredo 3 Srl qui révèle qu'il n'a pas commandé les pieds pour les meubles bas, ni les tiges de renfort pour les étagères ; ce manquement est imputable à lui seul, en sa qualité de concepteur de la cuisine puisque les pieds, comme les tiges de renfort, sont des éléments non nécessairement inhérents à des meubles et doivent en conséquence être prévus par le vendeur et commandés à son fournisseur.

Il en va de même du système d'accrochage des meubles, qui dépend du type de surface sur laquelle ils seront fixés, ainsi que leur assemblage et leur calage, qui relèvent de la pose ou l'assistance à la pose à laquelle le vendeur s'est engagé, de sorte que les désordres les affectant ne peuvent nullement être imputés au fabricant, étranger à la prestation de pose des meubles.

'S'agissant du meuble situé au-dessus du réfrigérateur, M. [U] se prévaut d'un courriel de M. [A], agent commercial de la société Arredo 3 Srl qui, selon lui, vaudrait reconnaissance de responsabilité.

Néanmoins, le courriel dans lequel M. [A] fait état des désordres rencontrés par M. [E] et Mme [V] et sollicite le renvoi de certains éléments par la société Arredo 3 Srl ne saurait valoir reconnaissance de responsabilité de ladite société, dès lors que M. [A] intervient en qualité de technicien seulement chargé de constater les désordres affectant la cuisine. Il importe donc peu qu'il ait indiqué dans son courriel du 10 mai 2016 que « nous sommes responsables pour les 30 vis livrés trop courts et le meuble haut positionné sur le frigo américain », et ce d'autant que M. [A] a ensuite rédigé une attestation dans laquelle il n'admet la responsabilité de la société Arredo 3 Srl que pour les vis, défaut qui a depuis été réparé, et indique s'en remettre, pour le meuble au-dessus du réfrigérateur, à l'analyse de M. [L], salarié de la société Arredo 3 Srl, qui impute le défaut à une erreur de M. [U].

M. [A] dans son courriel du 10 mai 2016 détaille le défaut qui affecte ce meuble : « reçu ce meuble avec porte basculante vers le bas au lieu de relevante ».

La charge de la preuve d'un manquement contractuel incombant à celui qui s'en prévaut, elle pèse donc sur M. [U] qui ne démontre toutefois pas avoir commandé le meuble avec une porte basculante vers le haut ce qui aurait, seul, permis d'imputer la livraison d'un meuble inadapté, parce que doté d'une porte basculante vers le bas, à la société Arredo 3 Srl.

L'expert judiciaire a relevé « une erreur de commande de M. [U] ».

Il y a lieu de considérer que l'inadaptation du meuble situé au-dessus du réfrigérateur n'est pas imputable à la société Arredo 3 Srl.

En conséquence, la demande de M. [U] d'être relevé et garanti par la société Arredo 3 Srl sera rejetée et le jugement confirmé à ce titre.

La demande pour procédure abusive formée par la société Arredo 3 Srl à l'encontre de M. [U] 

L'erreur de M. [U] sur la portée de ses droits et le seul mal fondé de son action comme de son appel ne sont pas susceptibles de caractériser un abus dans l'exercice de l'action en justice et d'une voie de recours. La société Arredo 3 Srl, qui ne caractérise ni l'abus de droit ni le préjudice pouvant en résulter sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, le jugement étant confirmé

Les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, M. [U] supportera les dépens de première instance ainsi que retenu par le premier juge, et les dépens d'appel.

Il se trouve dès lors redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance, telle qu'appréciée justement par le premier juge qu'au titre de la procédure d'appel, dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, et ne peut lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

-Confirme le jugement rendu le 21 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse sauf sa disposition ayant condamné M. [M] [U] à payer à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 720 € au titre du préjudice de jouissance ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

- Condamne M. [M] [U] à payer à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 3 600 € au titre du préjudice de jouissance ;

- Condamne M. [M] [U] aux dépens d'appel ;

- Condamne M. [M] [U] à verser à M. [Z] [E] et Mme [Y] [V] la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

- Condamne M. [M] [U] à verser à la société Arredo 3 Srl la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

- Rejette la demande présentée par M. [M] [U] au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/04112
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;21.04112 ?
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