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30/04/2024 | FRANCE | N°21/00773

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 30 avril 2024, 21/00773


30/04/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/00773

N° Portalis DBVI-V-B7F-N7SH

SL/FS/ND



Décision déférée du 15 Janvier 2021

TJ de TOULOUSE (20/01532)

Mme GAUMET

















S.C.I. BD1





C/



[J] [K]

[T] [K]

[S] [K]



















































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à



Me Jean IGLESIS

Me Stéphanie MACE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



S.C.I. BD1

Prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège.

[Adr...

30/04/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/00773

N° Portalis DBVI-V-B7F-N7SH

SL/FS/ND

Décision déférée du 15 Janvier 2021

TJ de TOULOUSE (20/01532)

Mme GAUMET

S.C.I. BD1

C/

[J] [K]

[T] [K]

[S] [K]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

Me Jean IGLESIS

Me Stéphanie MACE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.C.I. BD1

Prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [J] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie MACE, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [T] [K]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Stéphanie MACE, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [S] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie MACE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

Exposé des faits et de la procédure :

Mme [J] [K] est usufruitière, M. [T] [K] et Mme [S] [K] sont nus propriétaires en indivision d'un immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 8] (31).

L'immeuble voisin, situé au n°9 de la même rue, appartient à la société civile immobilière (Sci) BD1, dont M. [E] [Z] est l'un des associés.

Dès juin 2018, ont été constatées dans l'immeuble du [Adresse 1], dans un appartement donné à bail à Mme [D], des infiltrations d'eau.

Entre juin et septembre 2018 diverses démarches amiables ont été effectuées envers M. [Z], notamment dans le cadre d'une recherche de fuite, auxquelles il n'a donné aucune suite.

Par acte du 4 décembre 2018, Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] ont alors fait assigner M. [E] [Z] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d'expertise. Ce dernier a fait savoir qu'il n'était pas le propriétaire de l'immeuble sis au [Adresse 7].

Après que la Sci BD1 ait été appelée dans la cause par acte du 17 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse a ordonné une mesure d'expertise, par ordonnance du 17 janvier 2019, et commis M. [I] [O] pour y procéder.

L'expert judiciaire a clôturé son rapport le 26 février 2020.

Par acte du 26 mai 2020, Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] ont fait assigner Sci BD1 devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins, notamment, de contraindre la Sci BD1 a réaliser un ouvrage d'étanchéité et d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement réputé contradictoire du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- condamné la Sci BD1 à faire réaliser un ouvrage d'étanchéité approprié et pérenne selon la réglementation en vigueur (DTU), par une entreprise spécialisée et régulièrement assurée selon les préconisations de l'expert M. [O] et ce sous astreinte de 1.000€ par semaine de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et pour une durée de 6 mois,

-condamné la Sci BD1 à payer à Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] les sommes de :

9.509,50€ au titre du préjudice matériel, indexée sur l'indice BT 01 à compter du 26 février 2020, date du rapport de l'expert et jusqu'au présent jugement,

2.020,88€ (1.180,98 + 839,90€) au titre du préjudice de jouissance arrêté au mois de janvier 2021 inclus,

5.000€ au titre de la résistance abusive,

- condamné la Sci BD1 aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de la procédure en référé et ceux de l'expertise judiciaire,

-condamné la Sci BD1 à payer à Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que la Sci BD1 était responsable des infiltrations ayant endommagé l'appartement des consorts [K], et qu'elle était tenue, d'une part de faire cesser ces dommages dont elle avait laissé perdurer la cause depuis le milieu de l'année 2018, d'autre part d'indemniser les préjudices qui en résultent pour les consorts [K].

Il a estimé que la Sci BD1 avait fait preuve de résistance abusive.

Par déclaration du 19 février 2021, la Sci BD1 a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

Le 21 juin 2021, Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] ont déposé des conclusions d'incident devant le magistrat de la mise en état, aux fins de voir ordonner sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, la radiation de l'affaire du rôle en raison de l'inexécution du jugement.

Par ordonnance rendue le 27 janvier 2022, le magistrat de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire du rôle. Il a dit que, sauf péremption de l'instance, l'affaire pourrait être réinscrite après que la Sci BD1 aura justifié avoir régulièrement exécuté la décision dont appel. Il a condamné la Sci BD1 aux dépens de l'incident, et a débouté les consorts [K] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions de reprise d'instance déposées le 27 juillet 2022, la Sci BD1 a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle.

Le 31 août 2022, par dépôt de conclusions, Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] ont demandé la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et l'actualisation de leurs préjudices de jouissance.

Par ordonnance du 16 février 2023, le conseiller de la mise en état a :

- ordonné la réinscription de l'affaire au rôle de la cour,

- fixé l'affaire à l'audience de mise en état dématérialisée du 25 mai 2023 pour d'éventuelles conclusions en réplique et fixation à une audience de plaidoirie.

Il a rappelé que le conseil de l'appelant avait envoyé un courrier précisant que 'M. [E] [Z] s'est exécuté des condamnations mises à sa charge', que le conseil des intimés avait été invité par soit-transmis du 11 janvier 2023 à formuler toutes observations avant le 25 janvier 2023 sur l'exécution de la décision de première instance, et qu'aucune réponse n'ayant été adressée à ce dernier message et compte tenu des conclusions des intimés au fond, il convenait de constater que les causes de la radiation avaient disparu et que les intimés souhaitaient voir juger ce dossier par la cour.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2022, la Sci BD1, appelante, demandait à la cour de :

- recevoir la Société BD1 en son appel,

au fond, le dire bien fondé,

- réformer la décision entreprise,

- juger que les infiltrations et venues d'eaux constatées au sein de la propriété [K] peuvent largement être occasionnées par l'état du mur de la propriété [K],

-juger un partage de responsabilité entre les Sociétés BD1 et Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K],

- constater que la Sci BD1 a réalisé les travaux prescrits par l'expert,

- ramener à de plus justes proportions le montant des dommages évalués par l'expert,

- juger que Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] ne subissent aucun trouble de jouissance,

- juger que la Sci BD1 n'a commis aucun acte de résistance abusive ou injustifiée,

- 'dire et juger' n'y avoir lieu à article 700,

- partager les frais d'expertise par moitié.

Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K], intimés et appelants incidents, ont déposé au greffe des conclusions le 31 août 2022, dans lesquelles ils demandent à la cour de :

- débouter la Sci BD1 des fins de son appel injustifié et infondé ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- Y ajoutant :

procéder à l'actualisation du préjudice de jouissance et condamner en conséquence la Sci BD1 au paiement d'une somme supplémentaire de 19.260,05 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au mois d'août 2022 ;

- condamner la Sci BD1 au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, en ce compris ceux de l'incident.

Ils font valoir que l'expert judiciaire a pu clairement établir la coïncidence entre la source d'infiltration qui résulte de l'absence d'ouvrage d'étanchéité sur la terrasse de l'immeuble appartenant à la Sci BD1 à l'endroit où elle joint le mur pignon de l'immeuble leur appartenant, avec les traces d'infiltrations relevées dans l'appartement loué à Mme [D].

Ils disent que l'expert judiciaire s'est expliqué sur les autres causes invoquées par la Sci BD1.

Ils ajoutent que la Sci BD1 a également été totalement défaillante dans l'entretien de l'immeuble dont elle est propriétaire, laissant la végétation proliférer sur sa terrasse, notamment au droit du mur pignon de l'immeuble leur appartenant, ce qui n'a fait qu'aggraver les infiltrations générées par l'absence d'ouvrage en pied de mur.

Ils font valoir que c'est à juste titre qu'ils ont sollicité la condamnations de la Sci BD1 sous astreinte à réaliser des travaux d'étanchéité appropriés et pérennes, sur toute la longueur de la terrasse.

Ils soutiennent que la preuve n'est pas rapportée que ces travaux d'étanchéité ont été exécutés.

Ils exposent les préjudices subis : changement des placoplâtres et de l'ensemble des meubles de cuisine, et préjudice de jouissance (réduction de loyer consentie à la locataire et appartement vacant depuis septembre 2020).

Ils estiment que la Sci BD1 a fait preuve de résistance abusive.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 décembre 2023, la Sci BD1, appelante, demande à la cour, de :

- recevoir la Société BD1 en son appel,

au fond, le dire bien fondé,

- réformer la décision entreprise,

- juger que les infiltrations et venues d'eaux constatées au sein de la propriété [K] peuvent largement être occasionnées par l'état du mur de la propriété [K],

-juger un partage de responsabilité entre les Sociétés BD1 et Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K],

- constater que la Sci BD1 a réalisé les travaux prescrits par l'expert,

- ramener à de plus justes proportions le montant des dommages évalués par l'expert,

- juger que Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] ne subissent aucun trouble de jouissance,

- juger que la Sci BD1 n'a commis aucun acte de résistance abusive ou injustifiée,

- 'dire et juger' n'y avoir lieu à article 700,

- partager les frais d'expertise par moitié.

Elle fait valoir que l'expert judiciaire relève l'absence de dispositif d'étanchéité entre la terrasse de l'immeuble de la Sci BD1 et les murs de la propriété [K], qu'il relève le fait que l'humidité perdure sur celle-ci, et retient la faute de la Sci BD1 qui n'a pas réalisé correctement l'étanchéité entre la sol de la terrasse et la base du mur.

Elle fait valoir que l'expert judiciaire a refusé de prendre en considération l'état du mur privatif de la propriété [K], écartant la possibilité que les infiltrations puissent provenir de ce mur ; qu'il a également refusé de prendre en compte un phénomène de condensation intérieure (peinture laquée sur plâtre et plaque de matériaux laquée). Elle soutient que le phénomène qui consiste à emprisonner ainsi un mur constitué de galets et de briques liés par un mortier à la chaux peut provoquer un emprisonnement de l'humidité et un phénomène de délitement.

Elle soutient qu'elle a fait réaliser les travaux d'étanchéité préconisés par l'expert judiciaire, et que l'avenir dira si cette étanchéité a fait cesser le phénomène d'humidité ou s'il perdure, ce qui démontrera ou non la pertinence des conclusions expertales.

Elle soutient que la condamnation à reprendre l'ensemble de la cuisine à neuf est exagérée.

Elle conteste le préjudice de jouissance, estimant que l'appartement est habitable et que c'est de leur propre chef que les consorts [K] le laissent vacant.

Elle conteste la résistance abusive.

Elle estime au final que demeurant l'incertitude des conclusions expertales, seul un partage de responsabilité entre les deux propriétés peut être décidé par la cour.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2023.

Par conclusions de procédure du 21 décembre 2023, les consorts [K] ont demandé à la cour de déclarer irrecevables comme tardives les conclusions notifiées dans l'intérêt de la société BD1 le 18 décembre 2023.

L'affaire a été examinée à l'audience du 16 janvier 2024.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité des conclusions de la Sci BD1 du 18 décembre 2023 :

Selon l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Selon l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, les consorts [K] ont notifié des conclusions le 31 août 2022.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 16 janvier 2024, avec une clôture prévue le 19 décembre 2023.

Les conclusions de la Sci BD1 notifiées le 18 décembre 2023 ont été prises la veille de l'ordonnance de clôture. Elles ne contiennent pas de nouvelles demandes. Elles ne s'accompagnent pas de nouvelles pièces. Elles ne contiennent qu'une discussion des éléments de fait sur le préjudice de jouissance.

Les intimés qui n'ont pas sollicité le report de l'ordonnance de clôture à l'audience de plaidoiries n'établissent pas avoir souhaité répondre à ces conclusions et ne pas avoir été en mesure de le faire.

Les conclusions de la Sci BD1 notifiées le 18 décembre 2023 seront déclarées recevables.

Sur les données du rapport d'expertise judiciaire :

La première réunion d'expertise a eu lieu le 24 avril 2019.

Mme [D], locataire au rez-de-chaussée, a indiqué que les dégâts étaient apparents dans son appartement depuis le mois de juin 2018. Elle a dit qu'elle avait dû enlever les placards hauts de la cuisine car ils tombaient, avoir nettoyé plusieurs fois les moisissures au vinaigre blanc, mais la surface redevenait brune, et avoir effectué le dernier nettoyage fin mars 2019 et que cette fois les phénomènes d'humidité n'apparaissaient plus. L'expert judiciaire a constaté que les plaques de plâtre étaient très molles au toucher, et donc très imbibées d'eau.

Dans l'appartement du 1er étage, au-dessus de celui de Mme [D], la locataire était Mme [X]. Elle a indiqué que des traces d'humidité étaient présentes depuis 2018, qu'une paroi présentait un aspect pulvérulent, mais qu'elle était toujours restée blanche. Elle a dit qu'elle n'avait pas eu besoin de faire un traitement. Elle a dit que M. [Z] avait nettoyé la terrasse après le 14 avril 2019.

La deuxième réunion d'expertise a eu lieu le 1er octobre 2019.

Mme [D] a dit qu'elle avait nettoyé la cuisine un mois avant, avec une éponge, du vinaigre blanc et du bicarbonate de soude, qu'elle avait réussi à enlever les moisissures et à obtenir une surface blanche, mais que les tâches étaient réapparues ; que les tâches noires revenaient dans l'angle ; que l'humidité était présente à l'intérieur des placards de la cuisine et du séjour ; qu'à chaque pluie, les murs étaient plus humides ; que des traces d'humidité étaient également présentes sur le mur séparant la cuisine du séjour.

L'expert judiciaire a effectué des mesures à l'humidimètre. Il a indiqué que sur le mur mitoyen, sur une horizontale à environ 1,80 m du sol du toit terrasse de l'immeuble de la Sci BD1, le taux d'humidité était faible ; sur une horizontale à environ 0,80 m du sol de la terrasse, le taux était moyen ; au niveau de la jonction entre le mur et le sol de la terrasse, le taux d'humidité était élevé sur une distance d'environ 1,40 m à partir de la balustrade, exactement là où on constatait qu'il n'y avait aucun ouvrage d'étanchéité entre le mur et le sol. Sur le linéaire restant de la terrasse, la jonction entre le mur et le sol était traitée avec un joint au mortier, et le taux d'humidité était beaucoup moins fort à cet endroit là.

Sur les autres causes possibles d'humidité :

- Humidité par le mur pignon :

L'expert judiciaire a indiqué qu'il y avait une fissure au niveau de la jointure verticale des murs pignons des deux immeubles du [Adresse 1]. L'expert judiciaire lors des mesures à l'humidimètre a indiqué que cette jointure verticale ne présentait pas d'humidité. Il a dit que cette fissure était très superficielle et ne pouvait donc pas être un canal de pénétration de l'eau de pluie à travers le mur.

L'expert judiciaire a dit que le mur du [Adresse 1] était peu ensoleillé, et qu'il était vrai qu'il présentait des zones de surfaces où l'enduit était découvert. Mais il a estimé que l'eau de pluie qui pouvait pénétrer à l'intérieur du mur pouvait tout de même s'évaporer vers l'extérieur de ce mur dès que la température remontait, mais que cette évaporation n'était pas possible pour l'eau qui avait été infiltrée à la base de ce mur, car l'eau était alors emprisonnée par le mur latéral de l'immeuble du [Adresse 7] (plan de coupe en annexe 3 du rapport).

L'expert judiciaire a dit que si la présence d'humidité dans l'appartement du rez-de-chaussée du [Adresse 1] était due au fait que l'enduit extérieur du mur pignon était incomplet et manquait d'uniformité, ou parce que les murs de structure étaient doublés par des parois de plaques de plâtre fixées sur une ossature métallique, cette humidité serait présente à tous les étages, dans tous les appartements qui jouxtent ce mur. Il a dit que ce n'était évidemment pas le cas.

- Humidité provenant des sous-sols ou de l'intérieur de l'appartement occupé par Mme [D] :

L'expert judiciaire a dit que l'humidité provenant des sous-sols ou de l'intérieur de l'appartement pouvait s'évaporer par l'extérieur car le mur était enduit à la chaux, qui était un liant perméable à l'eau.

Il a dit que c'était à l'extérieur que l'enduit respirant était nécessaire, et qu'il était effectivement respirant car il était à la chaux, tout comme le liant de hourdage. A l'intérieur, pour éviter toute condensation de vapeur d'eau, seule la VMC était nécessaire ainsi que le maintien d'une température de chauffage minimum. Or, il se trouvait que l'appartement sinistré était bien équipé d'une VMC; et que l'appartement sinistré avait toujours été chauffé, puisque toujours occupé.

En conclusion, l'expert judiciaire a estimé qu'il y avait une coïncidence exacte entre le point d'infiltration des eaux pluviales et les traces d'humidité sur les parois de l'appartement de l'immeuble mitoyen, que ce soit dans le sens de la largeur ou celui de la hauteur.

L'absence de tout dispositif d'étanchéité sur environ 1,40 ml à la base du mur de l'immeuble mitoyen en était selon lui la cause, puisque c'était à cet endroit-là que le plus fort taux d'humidité avait été constaté, et de loin. Selon l'expert, la faute en incombait au propriétaire, qui n'avait pas réalisé correctement l'étanchéité entre le sol de la terrasse et la base du mur, et qui se devait de faire un ouvrage d'étanchéité approprié et pérenne, selon la réglementation en vigueur (DTU) par une entreprise spécialisée, sur toute la largeur de la terrasse. Il fallait ajouter à cela que, au vu de la position très défavorable de la terrasse par rapport à l'ensoleillement, l'humidité perdurait sur celle-ci et plus particulièrement au niveau de la jonction avec le mur mitoyen, et que ceci était propice au développement de champignons et de la végétation conséquente, qui pouvait même infiltrer le mur. L'expert a dit que sur ce point également, le propriétaire était responsable, car un nettoyage régulier de toute existence de végétation aurait dû être réalisé. Il a dit que M. [Z] devait d'ailleurs en être conscient car il avait réalisé ce nettoyage quelques jours avant la première réunion d'expertise du 24 avril 2019.

L'expert judiciaire a indiqué que le remplacement de tout le doublage des murs (ossature + plaques de plâtre + isolation thermique) atteints par le sinistre était justifié, ainsi que celui des meubles hauts de la cuisine. Ces derniers étaient en effet tombés lors du ramollissement dû à l'humidité de la contre-cloison qui leur servait de support, ainsi que l'avait affirmé Mme [D] lors de la réunion du 24 avril 2019.

Le remplacement des meubles bas, du plan de travail et de l'évier semblait moins évident à l'expert, mais il a dit qu'il pouvait être admis dans la mesure où les meubles hauts et bas doivent avoir le même aspect dans un souci d'harmonie esthétique.

Il a dit que le coût des travaux de remise à neuf se situerait entre 7.500 euros TTC et 9.500 euros TTC.

Suivant à un procès-verbal de conciliation du 5 décembre 2018, le règlement mensuel du loyer et des provisions pour charges dû par Mme [D] a été bloqué à la somme de 800 euros à compter du 1er décembre 2008, du fait de deux dégâts des eaux datant de quelques mois, pour lesquels les travaux n'avaient toujours pas été entrepris. En contrepartie, Mme [D] s'engageait à ne pas exiger l'exécution de travaux dans le logement jusqu'à son départ définitif fin juin 2009. Au vu de l'évolution légale du loyer compte tenu de la variation de l'indice de référence des loyers et du montant réel des charges locatives, l'expert judiciaire a estimé que le préjudice financier consécutif à cet accord était de 1.136,99 euros arrêté au jour du rapport d'expertise.

Sur la responsabilité de la Sci BD1 :

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la cause des infiltrations est l'absence de tout dispositif d'étanchéité sur environ 1,40 ml à la base du mur de l'immeuble mitoyen.

La Sci BD1 soutient que les travaux de reprise ponctuelle sur jonction de mur mitoyen ont été effectués suivant facture du 30 septembre 2019 à échéance au 7 octobre 2019 d'un montant de 402,85 euros TTC portant sur :

- installation de chantier - déplacement ;

- préparation du support ;

- mise en oeuvre d'une résine bitume en pied de mur.

Le devis correspondant, daté du samedi 26 octobre 2019, précise : 'Attention, plusieurs sources d'infiltrations possibles :

- défaut d'étanchéité en partie haute du mur : fourniture et pose d'une couvertine zinc ;

- mur en mauvais état et comprenant des fissures : prévoir la reprise des fissures ;

- présence de remontées capillaires en pied de mur : cave ou fondation ;

- jonction terrasse/mur : réalisation d'une bande de résine à la jonction de ces deux éléments.

Travaux hors garantie.

Afin de s'assurer une bonne étanchéité du mur en question, il semble nécessaire de traiter l'ensemble de ces différents points, à voir avec la copropriété située au numéro 11.

La Sci BD1 ne démontre pas qu'il y avait d'autres causes à l'humidité présente dans l'appartement de Mme [D], le rapport d'expertise judiciaire dont les constations ont été rappelées ci-dessus ayant conduit l'expert judiciaire à écarter les autres causes.

Il apparaît que la Sci BD1 a commis une faute en ne réalisant pas correctement l'étanchéité entre le sol de la terrasse et la base du mur, et en n'ayant pas nettoyé régulièrement le mur.

En conséquence, elle est responsable des infiltrations ayant endommagé l'appartement des consorts [K].

Sur la demande de réalisation de travaux :

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la Sci BD1, sous astreinte, à faire réaliser un ouvrage d'étanchéité approprié et pérenne selon la réglementation en vigueur, par une entreprise spécialisée et régulièrement assurée.

Sur les préjudices :

Les travaux de reprise à l'intérieur de l'appartement sinistré nécessitent la remise en état de la cuisine. Pour préserver l'harmonie de cette dernière, il faut changer les meubles bas aussi bien que les meubles hauts. Ces travaux se montent à 9.509,50 euros TTC suivant devis du 11 février 2020 de la Sarl Isserte.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la société BD1 à leur payer cette somme au titre des travaux de reprise dans le bien des consorts [K], avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 26 février 2020, date du rapport d'expertise, et le jugement, cette condamnation ayant été exécutée.

Le préjudice de jouissance lié aux pertes de loyer s'établit ainsi :

- à compter de décembre 2018, le loyer a été bloqué à 800 euros, aucune revalorisation n'étant effectuée, ni aucune régularisation des charges. La diminution de loyer consentie à Mme [D] de décembre 2018 à août 2020 inclus s'élève à 1.487,48 + 9,47 + 103,98 = 1.600,93 euros.

- Mme [D] a quitté les lieux en septembre 2020. Les consorts [K] expliquent ne pas avoir alors reloué les lieux. Les consorts [K] contestent que les travaux d'étanchéité aient été effectués par la Sci BD1. Ils se prévalent du fait que la facture est du 30 septembre 2019, que le devis est postérieur, et que lors de la réunion d'expertise du 1er octobre 2019, l'expert judiciaire n'a pas constaté que les travaux avaient été effectués. Cependant, ils ne démontrent pas que l'appartement n'aurait pas pu être reloué au 1er septembre 2020, le logement ayant pu être occupé jusqu'au mois d'août 2020 inclus.

Leur préjudice de jouissance s'établit donc à 1.600,93 euros, le jugement dont appel étant réformé sur ce point.

Les consorts [K] demandent des dommages et intérêts pour résistance abusive. Il ne peut être reproché à la Sci BD1 de ne pas avoir répondu aux demandes amiables, ni d'avoir fermé son immeuble en raison de la présence, dit-elle, de squatteurs. En revanche, le comportement de M. [E] [Z] associé de cette Sci lors de l'expertise judiciaire, ayant refusé l'accès de son immeuble à certaines parties et ayant commis des violences physiques sur le conseil des consorts [K] et bousculé l'expert judiciaire, ceci ayant nécessité l'intervention du juge du contrôle des expertises, est caractéristique d'une intention de nuire. Ceci justifie l'octroi de la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts, le jugement dont appel étant confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sci BD1, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera condamnée à payer aux consorts [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

La Cour,

Déclare recevables les conclusions de la Sci BD1 notifiées le 18 décembre 2023 ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 janvier 2021, sauf sur le montant du préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et y ajoutant,

Condamne la Sci BD1 à payer à Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] pris ensemble la somme de 1.600,93 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

Condamne la Sci BD1 aux dépens d'appel ;

La condamne à payer Mme [J] [K], M. [T] [K] et Mme [S] [K] pris ensemble la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00773
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;21.00773 ?
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