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26/04/2024 | FRANCE | N°22/03958

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 26 avril 2024, 22/03958


26/04/2024



ARRÊT N°2024/159



N° RG 22/03958 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCYP

FCC/AR



Décision déférée du 04 Octobre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Toulouse

( 20/01839)

Section commerce 1 - Chapuis A.

















[H] [J]





C/



Société BANQUE POPULAIRE OCCITANE




































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le 5 04 24



à Me Jean-louis JEUSSET

Me Sébastien HERRI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT...

26/04/2024

ARRÊT N°2024/159

N° RG 22/03958 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCYP

FCC/AR

Décision déférée du 04 Octobre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Toulouse

( 20/01839)

Section commerce 1 - Chapuis A.

[H] [J]

C/

Société BANQUE POPULAIRE OCCITANE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 5 04 24

à Me Jean-louis JEUSSET

Me Sébastien HERRI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

Madame [H] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-louis JEUSSET de la SELARL CABINET JEUSSET AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Judith AMALRIC-ZERMATI, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant)

INTIMEE

BANQUE POPULAIRE OCCITANE

prise en la personne de son représentant légal , domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 3]

Représentée par Me Sébastien HERRI de la SELARL HERRI, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C.BRISSET Présidente et F.CROISILLE-CABROL, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [H] [J] a été embauchée selon contrat d'adaptation à durée déterminée du 11 juin 2001 au 10 juin 2002 par la SA Banque Populaire Occitane en qualité de conseiller de clientèle.

A compter du mois de juin 2002, la relation s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. En 2014, Mme [J] a intégré l'agence de [Localité 4] Jeanne d'Arc.

La convention collective applicable est celle de la banque.

Des déclarations ont été effectuées pour des accidents du travail subis par Mme [J] :

- accident du travail du 24 juin 2014, reconnu comme tel par décision de la CPAM du 15 septembre 2014 ;

- accident du travail du 29 janvier 2015 pour avoir vu son collègue se faire menacer par trois personnes cagoulées.

Mme [J] a été placée en arrêt maladie à compter du 8 novembre 2016.

Le 18 mars 2019, la médecine du travail a émis un avis d'inaptitude totale et définitive à tous les postes dans l'entreprise.

Le 20 juin 2019, Mme [J] a saisi la CPAM aux fins de reconnaissance d'une maladie professionnelle. Après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles du 6 février 2020, la CPAM a reconnu la maladie professionnelle par décision du 19 février 2020. Par jugement du 28 septembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse a déclaré la décision de la CPAM inopposable à l'employeur.

Le 20 mai 2021, Mme [J] a saisi le pôle social aux fins de reconnaissance d'une faute inexcusable. Par un second jugement du 28 septembre 2023, le pôle social l'a déboutée de sa demande.

Entre-temps, par LRAR du 11 juin 2019, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 24 juin 2019, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement selon LRAR du 2 juillet 2019. La BPO a versé à Mme [J] une indemnité de licenciement de 15.937,70 €.

Le 22 décembre 2020, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse d'une action à l'encontre de la BPO aux fins notamment de paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts.

Par jugement du 4 octobre 2022, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- dit que le harcèlement allégué n'est pas établi,

- dit que les demandes sont prescrites,

- débouté Mme [J] de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les éventuels dépens à la charge de Mme [J].

Le 14 novembre 2022, Mme [J] a interjeté appel du jugement, en énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 12 février 2024, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [J] demande à la cour de :

- réformer dans toutes ses dispositions le jugement,

- condamner la Banque Populaire Occitane pour pratique assimilée à du harcèlement moral managérial,

- condamner la Banque Populaire Occitane pour manquement à son obligation de sécurité,

- condamner la Banque Populaire Occitane à verser les sommes suivantes :

* 42.968,13 € au titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par la salariée en raison de conditions de travail mises en place dans l'entreprise qui ont généré un préjudice d'anxiété au détriment de la salariée,

* 4.522,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives n° 3 notifiées par voie électronique le 12 février 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la BPO demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise,

- condamner Mme [J] à la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [J] aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 13 février 2024.

MOTIFS

1 - Sur le harcèlement moral, l'obligation de sécurité et le licenciement :

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces textes est nulle.

En application de l'article L 1154-1, il appartient au salarié qui se prétend victime d'agissements répétés de harcèlement moral d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement (version antérieure à la loi du 8 août 2016) ou de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un tel harcèlement (version issue de la loi du 8 août 2016). Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application de l'article L 4121-1, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il lui incombe d'établir que, dès qu'il a eu connaissance du risque subi par le salarié, il a pris les mesures suffisantes pour y remédier.

Aux termes de l'article L 1226-14, en cas d'inaptitude d'origine professionnelle, la rupture du contrat de travail ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9.

Mme [J] allègue un harcèlement moral et un non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité (absence de mesures dans le cadre du harcèlement moral) et réclame des dommages et intérêts en raison de ses conditions de travail ayant généré un préjudice d'anxiété. Elle ne fait pas de lien entre, d'une part, le harcèlement moral ou le non-respect de l'obligation de sécurité, et d'autre part, le licenciement pour inaptitude dont elle ne prétend pas qu'il serait nul ou sans cause réelle et sérieuse, et elle ne demande pas de dommages et intérêts au titre de la rupture. Elle réclame en outre une 'indemnité compensatrice de préavis', l'inaptitude étant consécutive à une maladie professionnelle.

Le conseil de prud'hommes a estimé que le harcèlement moral n'était pas caractérisé, qu'il ne fallait donc pas appliquer le délai de prescription de 5 ans relatif au harcèlement moral mais les délais de prescription prévus par l'article L 1471-1 au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, que la rupture du contrat de travail datait du 2 juillet 2019 alors que la salariée n'avait saisi le conseil de prud'hommes que le 22 décembre 2020, et que les demandes, qu'elles portent sur l'exécution ou sur la rupture du contrat de travail, étaient prescrites ; dans le dispositif du jugement, il a à la fois jugé les demandes prescrites et en a débouté Mme [J].

Sur ce :

L'article L 1471-1 du code du travail en sa version antérieure aux ordonnances des 22 septembre et 20 décembre 2017 prévoyait un délai de prescription de deux ans pour les actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail ; le délai de l'action portant sur la rupture a ensuite été réduit à un an.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Ce délai s'applique aux actions fondées sur le harcèlement moral. Le point de départ du délai de 5 ans court à compter du dernier acte allégué à l'appui du harcèlement moral ; dès lors que ce dernier acte est antérieur de moins de 5 ans au jour de la saisine du conseil de prud'hommes, l'action n'est pas prescrite et la juridiction peut prendre en compte l'ensemble des agissements invoqués au titre du harcèlement moral quelle que soit leur date ; encore faut-il, pour qu'il soit dérogé au délai de prescription de droit commun de 2 ans relatif à l'exécution du contrat de travail et fait application du délai de 5 ans relatif au harcèlement moral, que la matérialité du dernier acte soit établie.

Mme [J] allègue, outre des faits antérieurs au 22 décembre 2015 (agressions des 7 décembre 2013, 24 juin 2014, 25 novembre 2014, 29 janvier 2015 et 7 mars 2015), des faits postérieurs liés à une restructuration intervenue en 2015-2016 et générant une surcharge de travail. La BPO nie l'existence d'une restructuration et d'une surcharge de travail. Or, dans ses conclusions Mme [J] ne donne aucun détail sur ces derniers faits et elle ne verse pas de pièces probantes à ce sujet :

- le forum 'Que choisir' ne fait état que des avis de clients mécontents de la BPO entre mai 2014 et octobre 2015 et ne concerne pas les conditions de travail de Mme [J] au sein de l'agence Jeanne d'Arc, de surcroît à compter de décembre 2015 ;

- il en est de même de l'article du Tarn libre évoquant une grève des personnels des banques du groupe BPCE (BPO et CEMP) du 24 mai 2015 ;

- les comptes-rendus d'entretiens de Mme [J] (compte-rendu d'entretien professionnel du 21 janvier 2016 et compte-rendu d'entretien d'évaluation de compétences du 15 avril 2016) étaient très positifs, le manager se disant très satisfait, et Mme [J] de même, celle-ci ne faisant état d'aucune difficulté ;

- si, dans les mails de septembre 2019 qu'elle a adressés à la CPAM dans le cadre de la demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle, Mme [J] se plaignait d'une augmentation de son portefeuille clients et de ses objectifs à partir d'avril 2016, elle ne la démontre pas, les tableaux de chiffres en décembre 2016 en pièce n° 24 étant inexploitables faute d'éléments de comparaison antérieurs ;

- dans son attestation, Mme [C], ancienne salariée en contrat à durée déterminée, ne donne aucun détail sur la charge de travail de Mme [J] et en tout état de cause elle a quitté l'entreprise en 2014 ;

- les attestations de clients ou amis (MM. [X] et [S] et Mme [T]) qui sont extérieurs à la BPO et ne donnent pas de précisions sur la charge de travail ne sont pas non plus probantes ;

- les pièces médicales (comptes-rendus de Mme [Y] psychologue des 20 mai 2019 et 20 juin 2021 et certificat du Dr [M] médecin généraliste du 7 juin 2019) évoquant une surcharge de travail se bornent à rapporter les propos de leur patiente ;

- Mme [J] n'a pas saisi le médecin du travail au sujet de ses conditions de travail.

Ainsi, Mme [J] n'établit pas de fait postérieur au 22 décembre 2015, de sorte que les demandes indemnitaires fondées sur le harcèlement moral et l'obligation de sécurité liée au harcèlement moral dans le cadre de l'exécution du contrat de travail sont prescrites.

Quant à la demande portant sur la rupture du contrat de travail, relative à l'indemnité de préavis, elle est également prescrite puisque Mme [J] n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 22 décembre 2020 soit plus d'un an après le licenciement du 2 juillet 2019.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré les demandes prescrites. En revanche, il sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes ce qui aurait supposé un examen au fond.

2 - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La salariée qui perd au principal supportera les dépens de première instance et d'appel et ses frais irrépétibles. L'équité commande de laisser à la charge de l'employeur ses propres frais.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté Mme [H] [J] de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau sur la disposition infirmée, dit n'y avoir lieu à débouter Mme [H] [J] de ses demandes en dommages et intérêts et au titre du préavis, ces demandes étant prescrites,

Y ajoutant, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne Mme [H] [J] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 22/03958
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;22.03958 ?
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