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26/04/2024 | FRANCE | N°22/03881

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 26 avril 2024, 22/03881


26/04/2024



ARRÊT N°2024/148



N° RG 22/03881 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCNL

CP/CD



Décision déférée du 22 Septembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/01488)

H. BARAT

Section Commerce chambre 2

















[D] [U]





C/



S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES




































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le 26/4/24

à Me ZOUGGARHE-NAIT,

Me DUPUY-JAUVERT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [D] ...

26/04/2024

ARRÊT N°2024/148

N° RG 22/03881 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCNL

CP/CD

Décision déférée du 22 Septembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/01488)

H. BARAT

Section Commerce chambre 2

[D] [U]

C/

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 26/4/24

à Me ZOUGGARHE-NAIT,

Me DUPUY-JAUVERT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [D] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Mina ZOUGGARHE-NAIT EL MAATI, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Boubacar DOUMBIA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

SAS SOGARA FRANCE devenue S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurence DUPUY-JAUVERT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. PARANT, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles , chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

C. PARANT, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [U] a été embauché le 4 janvier 1983 par la Sas Sogara France en qualité d'équipier de vente suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de détails et de gros à prédominance alimentaire.

La Sas Carrefour Hypermarchés est venue aux droits de la Sas Sogara France.

Le 10 novembre 1987, M. [U] a été opéré du genou gauche. Il a été placé en arrêt de travail pendant quatre mois. Le 9 mars 1988 il a été déclaré apte avec réserves par le médecin du travail : 'lui éviter le rayon des conserves (charges lourdes) du fait des douleurs au genou avec limitation des mouvements'.

Le 22 février 2001, M. [U] a été opéré du genou droit. Il a été placé en arrêt de travail jusqu'en juillet 2001. Lors de sa visite de reprise du 8 juin 2001, le médecin du travail l'a déclaré apte avec réserves : 'en évitant les positions accroupies ainsi que les manutentions lourdes'.

Le 9 juillet 2001, M. [U] a été victime d'un accident de moto qui a occasionné des lésions à la cheville gauche nécessitant une intervention chirurgicale. Il a été placé en arrêt de travail.

Le 30 août 2001, lors de la reprise du travail, le médecin du travail l'a déclaré apte 'sous réserve d'éviter les manutentions lourdes et les positions accroupies prolongées dans l'attente des résultats des examens complémentaires en cours. A revoir avec les résultats'.

Le 4 septembre 2001, lors d'une nouvelle visite, le médecin du travail conclut ainsi : '

un changement de poste est à envisager de façon à éviter l'hypersollicitation du genou droit ; en particulier les travaux nécessitant une position accroupie répétée. Apte à un poste en ligne de caisses. A revoir dans quinze jours'.

Le 20 septembre 2001, après réception des résultats des examens complémentaires, le médecin du travail a repris ses préconisations du 4 septembre précédent ainsi :

'nécessité d'un changement de poste ou d'une reclassement de manière à éviter l'hypersollicitation du genou droit. En particulier ne doit pas être affecté à des travaux nécessitant une position accroupie ou agenouillée répétée. Apte à un poste assis (caisse) ou à un autre poste tenant compte des restrictions susvisées.'

Le 21 septembre 2001, M. [U] a été placé en arrêt de travail suite à l'explosion de l'usine AZF.

Il a repris son activité professionnelle à une date non précisée par les parties et a à nouveau été placé en arrêt de travail pour maladie le 12 mai 2002.

En septembre 2003, M. [U] a formulé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la Caisse Primaire d'Assurance

Maladie de la Haute Garonne.

Il a subi plusieurs interventions chirurgicales.

A la suite des visites de reprise des 13 et 27 janvier 2004, le médecin du travail a déclaré M. [U] inapte à son poste.

M. [U] a été convoqué par courrier du 5 février 2004 à un entretien préalable au licenciement fixé au 11 février 2004.

Le 4 mars 2004, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne a notifié à M. [U] que sa maladie inscrite au tableau n° 57 était prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.

La Sas Carrefour Hypermarchés a alors procédé à la convocation du comité d'établissement fixée au 11 mars 2004 aux fins qu'il donne son avis sur le licenciement de M. [U], salarié protégé, en raison de son statut de membre suppléant du comité d'entreprise dont le mandat avait expiré le 23 janvier 2004. Celui-ci a émis un avis favorable au licenciement.

La Sas Carrefour Hypermarchés a formulé une demande d'autorisation de licenciement auprès de l'inspecteur du travail.

Par décision du 8 avril 2004, l'inspection du travail a autorisé le licenciement de M. [U].

La Sas Carrefour Hypermarchés a notifié à M. [U] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 15 avril 2004.

M. [U] a saisi le 20 juillet 2005 la formation de référé du conseil de prud'hommes de Toulouse afin d'obtenir le paiement de l'indemnité de préavis.

Par ordonnance du 21 octobre 2005, la formation de référé a constaté que la situation avait été régularisée par la Sas Carrefour Hypermarchés.

M. [U] a saisi au fond le conseil de prud'hommes de Toulouse le 20 avril 2009 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

L'affaire a été radié par ordonnances des 9 décembre 2010, 3 septembre 2015 et 5 octobre 2018 et réintroduite pour la dernière fois le 28 octobre 2020.

Par jugement du 22 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Toulouse

a :

- déclaré le conseil de prud'hommes incompétent pour connaître de la demande relative à la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse 'en tout cas abusif et refus de reclassement',

- renvoyé M. [U] à mieux se pourvoir pour cette demande,

- déclaré irrecevable la demande de condamnation de l'employeur à réparer les dommages corporels allégués par M. [U],

- dit que la Sas Carrefour Hypermarchés démontre qu'elle a respecté son obligation de sécurité à l'égard de M. [U],

- débouté M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la Sas Carrefour Hypermarchés de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 4 novembre 2022, M. [D] [U] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 7 octobre 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 4 mars 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [D] [U] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

* a déclaré le conseil de prud'hommes incompétent pour connaître de la demande relative à la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse « en tout cas abusif et refus de reclassement »,

* l'a renvoyé à mieux se pourvoir pour cette demande,

* a déclaré irrecevable la demande de condamnation de l'employeur à réparer les dommages corporels allégués,

* dit que la Sas Carrefour Hypermarchés démontre qu'elle a respecté son obligation de sécurité à son égard,

* l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

* a débouté la Sas Carrefour Hypermarchés de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamné aux entiers dépens de l'instance.

Statuant à nouveau :

- condamner la Sa Sogara au paiement des sommes suivantes :

*56 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tout cas abusif, et refus de reclassement,

*50 000 € pour les dommages notamment corporels résultant de sa faute,

*25 000 € pour les préjudices matériels subis par le salarié,

*1 000 € d'indemnité compensatrice de congés payés,

*3 500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 25 avril 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la Sas Carrefour Hypermarchés demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement et statuant à nouveau, in limine litis,

- déclarer la cour incompétente pour juger de la demande de dommages et intérêts pour préjudice corporel à hauteur de 50 000 € au bénéfice du tribunal judiciaire pôle social de Toulouse,

Sur le fond,

- condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner M. [U] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 8 mars 2024.

MOTIFS

Sur la demande en paiement de 56 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tout cas abusif et refus de reclassement

M. [U] soutient que les postes imposés et le refus des recommandations médicales ont provoqué son inaptitude, caractérisant ainsi le non respect par l'employeur de son obligation de sécurité et de santé des articles L.4121-1 et suivants du code du travail : les postes occupés par lui l'ont exposé à des risques et des dangers pour sa santé et il décrit dans ses conclusions le poste occupé depuis 1979 nécessitant des mises en rayon sur palettes ayant entraîné une usure de la rotule gauche nécessitant une intervention chirurgicale, ces faits étant, selon lui, confirmés par les attestations qu'il verse aux débats. La société Carrefour Hypermarchés a refusé de façon persistante le changement de poste et le reclassement en temps utile et ne lui a proposé aucune formation, ce qui a causé son inaptitude.

La société Carrefour Hypermarchés s'oppose à la demande : elle a, en effet, toujours mis à la disposition de M. [U], équipier de vente en épicerie, le matériel adéquat pour soulager son poste, comme en atteste M. [S], responsable opérationnel : elle a respecté les préconisations du médecin du travail du 9 mars 1988 en lui évitant le port de charges lourdes en le dispensant du port des charges de conserves et après la période de 6 mois déterminée par son médecin traitant, il a repris son poste et ce n'est que 13 ans plus tard qu'il a subi un arrêt de travail pour maladie donnant lieu à la fiche d'aptitude du 20 septembre 2001 qu'elle a respectée en aménageant ses horaires et ses tâches. Aucun manquement à l'obligation de sécurité n'est établi pas plus que n'est prouvé de lien avec l'inaptitude. La cour confirmera le jugement entrepris qui a écarté les attestations produites par l'appelant en application de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

La cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en tout cas abusif et refus de reclassement irrecevable, renvoyant M. [U] à mieux se pourvoir, le licenciement de l'appelant, salarié protégé, ayant été autorisé par l'inspecteur du travail par décision du 8 avril 2004, le conseil de prud'hommes ayant fait une parfaite application du principe de la séparation des pouvoirs qui interdit au juge judiciaire d'examiner la régularité de la procédure de licenciement, le caractère réel et sérieux du motif de licenciement et le respect par l'employeur de son obligation de reclassement d'un salarié protégé dont le licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail.

S'il est constant que la juridiction prud'homale reste compétente pour statuer sur la demande d'indemnisation de la perte d'emploi lorsque l'inaptitude est liée à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, manquement sur le fondement duquel M. [U] fonde sa demande en paiement de 56 000 € , la cour ne peut que constater que, si l'appelant conclut sur ce manquement de

l'employeur à son obligation, il forme toujours devant la cour une demande en paiement de 56 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, abusif et refus de reclassement, laquelle est irrecevable devant le juge judiciaire.

Sur la demande de paiement de la somme de 50 000 € pour les dommages notamment corporels résultant de la faute de l'employeur

M. [U] sollicite 50 000 € de dommages et intérêts en expliquant que l'inaptitude provoquée a engendré 'des dommages corporels qu'il convient de réparer qui peuvent être fixés comme en droit civil pour une personne dont les capacités ont été réduites des deux tiers, dont les souffrances ont été extrêmement pénibles, dont le préjudice d'agrément a été extrêmement important etc '.

La société Carrefour Hypermarchés conclut au rejet de cette demande incompréhensible qui, soit fait double emploi avec la demande précédente, soit est relative à l'indemnisation de sa maladie professionnelle relevant de la compétence du pôle social du tribunal judiciaire, le préjudice subi étant en lien avec l'accident de moto dont il a été victime le 9 juillet 2001.

La cour constate que M. [U] forme une demande d'indemnisation de dommages corporels 'en lien avec une inaptitude provoquée' sans permettre à la cour de déterminer le fondement de cette demande.

Elle constate également que M. [U] ne conclut pas sur le moyen soulevé par le conseil de prud'hommes qui a déclaré cette demande irrecevable comme relevant de la compétence du tribunal judiciaire en raison du lien entre le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et le préjudice en lien avec le caractère professionnel de ses pathologies.

Elle rejettera en conséquence cette demande non fondée par confirmation du jugement déféré.

Sur la demande en paiement de la somme de 25 000 € en réparation de ses préjudices matériels

M. [U] soutient qu' 'il a subi des dommages matériels résultant de son incapacité à s'occuper de ses affaires alors qu'il a été victime de l'explosion de l'usine AZF', que 'son état de santé dégradé a été un important handicap quand il a été victime de cette explosion car il ne pouvait plus rester dans son appartement devenu inhabitable. Il lui a donc fallu déménager et se faire héberger par un ami. Bien entendu l'on imagine les conditions dans lesquelles il a été obligé de procéder à son déménagement et bien plus tard son retour dans son appartement alors que son état de santé commandait un repos complet dans l'attente de l'opération chirurgicale qu'il a subie dès après son retour dans son appartement'.

La société Carrefour Hypermarchés conclut au rejet de cette demande en l'absence de toute pièce versée aux débats, à l'exception de pièces médicales vieilles de plus de dix ans, dont la moitié concernent son accident de moto, ses prétendus préjudices étant, au demeurant, étrangers à la relation de travail.

La cour constate que M. [U] ne fournit pas plus de pièce justifiant de sa qualité de victime de l'explosion de l'usine AZF que de son déménagement et des préjudices matériels en résultant de sorte qu'il ne justifie d'aucun préjudice matériel et sera en conséquence débouté de sa demande d'indemnisation de ses préjudices matériels par confirmation du jugement dont appel.

Sur le surplus des demandes

M. [U] ne fournit aucune explication à sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés, ce qui justifie le rejet de cette demande par confirmation du jugement entrepris.

L'appelant perdant le procès sera condamné aux dépens d'appel sans qu'il soit justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à faire application, en cause d'appel, de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] [U] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE

C. DELVER S. BLUM''

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/03881
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;22.03881 ?
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