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26/04/2024 | FRANCE | N°22/00365

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 26 avril 2024, 22/00365


26/04/2024



ARRÊT N°2024/140



N° RG 22/00365 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OSP4

SB/CD



Décision déférée du 16 Décembre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/00441)

G. MONTAUT

Section Industrie

















[D] [Z]





C/



S.A.S. ASSISTANCE AERONAUTIQUE ET AEROSPATIALE


































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INFIRMATION







Grosse délivrée

le 26/4/24

à Me SANTI, Me ESTIVAS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [D] [Z]

[Adress...

26/04/2024

ARRÊT N°2024/140

N° RG 22/00365 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OSP4

SB/CD

Décision déférée du 16 Décembre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/00441)

G. MONTAUT

Section Industrie

[D] [Z]

C/

S.A.S. ASSISTANCE AERONAUTIQUE ET AEROSPATIALE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le 26/4/24

à Me SANTI, Me ESTIVAS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [D] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Pierre SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

INTIM''E

Société DAHER INDUSTRIAL SERVICES anciennement la société ASSISTANCE AERONAUTIQUE ET AEROSPATIAL

[Localité 2]

Représentée par Me Nathalie ESTIVAL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Philippe FALCONNIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S. BLUM'', présidente, chargée du rapport et C. DARIES, conseillère. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [D] [Z] a été embauché le 3 mai 2004 par la SAS Assistance Aéronautique et Aérospatiale devenue société DAHER Industrial Services en qualité d'électro-mécanicien suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective régionale de la métallurgie de la région parisienne.

Il a été placé en arrêt maladie à compter du 22 mars 2019.

Dans le cadre d'une visite de reprise, M. [Z] a été déclaré inapte par avis du 27 mai 2019 de la médecine du travail, laquelle précisait que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Après avoir été convoqué par courrier recommandé du 14 juin 2019 à un entretien préalable au licenciement fixé au 21 juin 2019, il a été licencié par courrier recommandé du 1er juillet 2019 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 20 mars 2020 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section industrie, par jugement du 16 décembre 2021,a:

- jugé que la SAS Assistance Aéronautique Aérospatiale n'a pas eu un comportement déloyal lors de l'exécution du contrat,

- jugé que la SAS Assistance Aéronautique Aérospatiale n'a pas eu de comportement de harcèlement moral,

- jugé que M. [Z] a été licencié pour une cause réelle et sérieuse,

- jugé que la SAS Assistance Aéronautique Aérospatiale a respecté son obligation de sécurité,

- jugé que la SAS Assistance Aéronautique Aérospatiale à verser à M. [Z] l'intégralité des sommes qu'elle lui devait et qu'il a été rempli de l'intégralité de ses droits,

- débouté M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté M. [Z] de sa demande au titre de l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] aux entiers dépens.

***

Par déclaration du 20 janvier 2022, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 22 décembre 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 octobre 2023, M. [Z] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- réparer l'omission à statuer sur la demande relative aux congés acquis pendant la maladie,

- débouter l'intimée de toutes ses demandes,

- prononcer la nullité du licenciement ou, à titre subsidiaire, son absence de cause réelle et sérieuse,

- prononcer l'irrecevabilité de la remise en cause des diagnostics médicaux, avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, l'employeur ne les ayant pas contestés dans les 15 jours suivant la modification de l'avis d'inaptitude,

- requalifier l'inaptitude d'origine non-professionnelle en inaptitude d'origine professionnelle,

- fixer comme salaire de référence pour le calcul des indemnités la rémunération mensuelle brute de 3 563, 89 € avant l'arrêt de travail,

- condamner la SAS Assistance Aéronautique et Aérospatiale à lui verser les sommes suivantes:

* 822, 44 € de congés payés acquis pendant l'arrêt maladie,

* 75 000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème, ou à titre infiniment subsidiaire

46, 330, 61 €,

* 7 127, 78 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 712, 78 € de congés payés afférents,

* 18 149, 25 € au titre de reliquat de l'indemnité de licenciement égale au double de l'indemnité de l'article L.1234-9 du code du travail, sur le fondement de l'article L.1226-14 du code du travail,

* 25 000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 10 000 € de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention du harcèlement moral,

* 15 000 € de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de prévention des risques psycho-sociaux,

* 5 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis sa saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

- condamner la SAS Assistance Aéronautique et Aérospatiale aux entiers dépens.

***

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 8 juin 2022, la SAS Assistance Aéronautique et Aérospatiale devenue société DAHER Industrial Services demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes,

- débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [Z] à payer à la SAS Assistance Aéronautique et Aérospatiale la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 2 février 2024.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en rappel d'indemnité de congés payés

Il est admis par la jurisprudence de la cour de cassation , telle qu'elle résulte d'un arrêt du 13 septembre 2023, mettant en conformité le droit français et le droit européen en matière de congé payé résultant de la directive 2003/88/CE , que tout salarié en maladie d'origine professionnelle ou non professionnelle acquiert des jours de congés payés, sans limitation de durée , pendant toute la durée de son arrêt de travail. De même il est admis par la cour de justice de l'Union européenne que la perte du droit au congé annuel payé à la fin d'une période de référence ne peut intervenir qu'à la condition que le salarié ait effectivement eu la possibilité d'exercer ce droit en temps utile. Au cas d'espèce , l'employeur ne justifiant pas avoir pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer son droit à congé, il sera fait droit à la demande du salarié tendant au paiement des indemnités de congés payés acquis pendant la période d'arrêt maladie du 22 mars 2019 au 25 juin 2019, à hauteur de 822,44 euros, sur la base d'un salaire mensuel moyen brut de 3 563,89 euros établi sur la moyenne des trois derniers mois de salaire précédant l'arrêt maladie du 22 mars 2019, selon des modalités de calcul dont l'exactitude a été vérifiée par la cour.

Sur le harcèlement moral

En application de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M.[Z] fait valoir :

- qu'il a bénéficié d'un coefficient non conforme à son activité

- que l'employeur a refusé de lui rembourser des frais engagés lors de missions en 2007 et lui a retiré toute mission à l'étranger lorsqu'il a réclamé le remboursement

- qu'il n'a pas bénéficié des équipements individuels de protection ou ne les a reçus qu'avec retard

- qu'il n'a pas bénéficié du permis bleu et des jetons d'accès aux nacelles élévatrices

- qu'il a été privé d'avantages du comité d'entreprise

A l'appui de ces cinq griefs le salarié produit divers éléments ci-après examinés.

Sur le coefficient non conforme

Le salarié fait état d'une stagnation au coefficient 270 depuis son embauche en 2004 alors que ses prestations correspondaient au coefficient 285.

Le coefficient 270 est défini comme suit dans la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne:

« Technicien d'atelier. Le travail est caractérisé par :

. la nécessité, afin de tenir compte de contraintes différentes, d'adapter et de transposer les méthodes, procédés et moyens ayant fait l'objet d'applications similaires ;

. la proposition de plusieurs solutions avec leurs avantages et leurs inconvénients »

Le coefficient 285 est défini par la convention collective de la manière suivante :

« Technicien d'atelier. Le travail est caractérisé par :

. l'élargissement du domaine d'action à des spécialités techniques connexes ;

. le choix et la mise en oeuvre des méthodes, procédés et moyens adaptés ;

. la nécessité d'une autonomie indispensable pour l'exécution sous réserve de provoquer opportunément les actions d'assistance et de contrôle nécessaires ;

. l'évaluation et la présentation des résultats des travaux, des essais et des contrôles effectués.»

L'appelant produit un courrier recommandé adressé à l'employeur le 4 janvier 2018 dans lequel il évoque son cursus professionnel en déplorant l'absence d'évolution et de reconnaissance de son expérience malgré de bonnes évaluations annuelles.

Il ressort clairement des compte rendus d'entretien annuel d'évaluation des années 2017 et 2018 fournis par l'employeur que le salarié, décrit comme très engagé, bénéficiait d'appréciations élogieuses faisant état non seulement d'une très bonne maîtrise de son métier, mais aussi d'une très grande autonomie. Son évaluateur concluait fin novembre 2017 que ce salarié est 'indispensable et mérite d'être reconnu'. La conclusion est similaire en 2018: 'impliqué, autonome, engagé'.

L'autonomie dont faisait preuve le salarié dans son travail et la diversité des tâches assumées par le salarié dans diverses techniques autres que l'électricité (motoriste, mécanique) permettent de retenir que le salarié relevait davantage d'un classement au coefficient 285. Nonobstant l'absence de réclamation salariale formée par l'appelant, il demeure que celui-ci a été privé d'une marque de reconnaissance à laquelle il était en droit de prétendre au regard de son travail et des appréciations de ses supérieurs hiérarchiques.

- Sur le refus de remboursement de frais, suivi d'un retrait de missions à l'étranger

Le salarié expose qu'il a effectué régulièrement des missions à l'étranger à compter de son embauche en 2004 ( USA, Royaume Uni, Allemagne, essais de vols Thaïlande, Australie, Philippines, Emirats Arabe Unis) et qu'après s'être étonné du seul remboursement de ses frais de route en novembre 2007, et avoir exprimé ses réclamations de ce chef, l'employeur a mis fin à toute mission à l'étranger. Il produit:

- un courrier recommandé adressé à son employeur le 9 juin 2018 justifiant d'une demande de régularisation de dépenses relatives à des voyages effectués entre 2005 et 2007, et de journées de congés sur la période de 2005 -2007.

- trois courriers recommandés des 4, 9, 18 janvier et 13 février 2018 chiffrant à 4000 euros les frais non remboursés et exposant ses diverses doléances.

- un courrier en réponse de son employeur le 18 mars 2019.

- sur l'absence de fourniture d'équipements de travail

M.[Z] expose qu'alors que l'employeur renouvelle les chaussures de sécurité des employés tous les ans, il a dû attendre plus de deux ans pour obtenir le renouvellement de ses chaussures de sécurité. Il fait valoir également qu'il ne lui a pas été fourni de vêtements de travail personnels depuis 2016, et qu'il ne lui a été remis que des équipements destinés aux intérimaires, non nominatifs, ce qui le privait d'accès au service de nettoyage.

Il produit sur ce point un courrier recommandé de réclamation adressé à l'employeur le 4 janvier 2018.

- sur la privation de moyens d'accès à son lieu de travail

Le salarié déclare qu'il était affecté sur un site sécurisé d'Airbus (A-400-M)qu'il situe sur un plan versé aux débats, nécessitant un badge d'accès ; que l'accès lui a été refusé du fait de la désactivation de son badge le 1er juillet 2011, et que sa hiérarchie bien qu'informée n'a rétabli l'accès que le 25 août 2011.

Ce fait est survenu dans une période de congés , au cours de laquelle le salarié a lui-même été absent pour congés du 22 juillet au 14 août 2011, de sorte que la gêne occasionnée par ce dysfonctionnement, bien que réelle, a été réduite dans le temps et ne révèle pas un manquement avéré de l'employeur dans ses diligences à son égard relevant d'une exécution déloyale du contrat.

Sur les difficultés résultant de l'absence d'accès au permis bleu et aux nacelles élévatrices.

Le salarié indique avoir cessé de bénéficier du permis bleu entre octobre 2015 et 2018, habilitation délivrée par Airbus qui permet aux salariés de circuler en véhicule entre les différentes zones de parcage des avions, ce qui l'a rendu totalement dépendant de ses collègues détenteurs du permis pour acheminer le matériel nécessaire à son travail. Il fait également état d'une remise particulièrement tardive des 'jetons d'activation' permettant de se servir des différentes machines du site ( notamment les nacelles pour les travaux en hauteur), l'absence de jetons signalée à l'employeur dès 2015 n'ayant été solutionnée par de ce dernier que le 22 février 2019 , ce dont il est résulté une situation de dépendance à l'égard de personnels habilités pour réaliser son activité. Il produit une photo non datée d'un écran affichant le message 'clé non valide' ainsi que plusieurs courriers adressés à l'employeur courant janvier 2018 (pièces 37 à 39) ainsi qu'à la DRH le 13 février 2019, évoquant notamment le 9 janvier 2018 l'attente du permis bleu depuis deux ans et demi , essentiel pour travailler en piste, malgré les demandes répétées de son chef d'équipe. Il verse également à la procédure le témoignage de trois salariés (MM.[R],[X],[V]) attestant dans des règles de forme répondant aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile , que:

- tous les salariés travaillant dans ce secteur détiennent l'autorisation d'utiliser les nacelles élévatrices et que les autorisations de M.[Z] n'étaient pas valides, qu'il était donc tenu de demander l'assistance de collègues plus jeunes dans l'équipe pour effectuer la plupart des tâches;

- en 2016 et 2017 M.[Z] n'a pas bénéficié de la formation permis bleu permettant de circuler sur le site Airbus, ni des jetons d'accès aux nacelles , alors que des salariés intérimaires en bénéficiaient sans en avoir nécessairement l'utilité pour le poste qu'ils occupaient ; que les diverses demandes de formation sont restées sans effet et que M.[Z] en était moralement affecté et atteint dans sa dignité.

- que M.[Z] parcourait plusieurs kilomètres à pied par jour sur le site lorsqu'il ne pouvait être accompagné.

- une demande de l'employeur tendant à l'inscription à une session de permis piste auprès d'Airbus pour 3 autres salariés en novembre 2017 (MM.[K], [G], [I])

- sur la privation de certains avantages du CE

L'appelant soutient avoir été privé d'accès aux chèques cadeaux et chèques vacances mis à disposition des salariés par le comité d'entreprise, y compris en 2019 alors qu'il avait adressé en mars un chèque de 50 euros au comité d'entreprise afin de bénéficier de ces avantages.

Le comité d'entreprise étant une personne morale distincte de la société employeur, les réclamations du salarié ne peuvent être valablement dirigées contre l'employeur.

Ce fait ne peut donc être pris en compte.

L'appelant fait état d'une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé induite par le harcèlement dont il estime avoir été l'objet. Il produit les pièces médicales suivantes:

- des avis d'arrêts de travail du 22 mars 2019 au 1er septembre 2019,

- son dossier médical auprès de la médecine du travail de juin 2016,

- un courrier du médecin du travail au médecin traitant du 22 mars 2019 évoquant chez le salarié des symptômes anxieux et dépressifs et une situation conflictuelle décrite par le salarié avec son entreprise,

- un avis d'aptitude du 22 mars 2019 avec contre-indication temporaire à occuper le poste,

- une attestation de suivi du médecin du travail le 7 mai 2019,

- l'avis d'inaptitude du 27 mai 2019 avec mention selon laquelle tout maintien dans l'emploi serait gravement préjudiciable à la santé du salarié.

- une attestation de suivi psychologique établie le 5 août 2019 par un psychologue d'un service hospitalier de psychologie du travail, évoquant un vécu professionnel difficile et un conflit ancien avec sa direction avec suivi par un psychologue.

La cour considère qu'à l'exception du dernier reproche tenant à la privation d'avantages accordés par le comité d'entreprise qui ne peut être imputée à l'employeur , et de l'absence alléguée de badge du 22 juillet au 14 août 2011qui ne peuvent caractériser des agissements susceptibles de relever d'une situation de harcèlement, les autres éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'agissement répétés de harcèlement moral par une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé mentale ou l'avenir professionnel du salarié, résultant de la stagnation au même coefficient pendant 15 ans en dépit de bonnes évaluations et d'une autonomie reconnue du salarié dans son travail , de la prise en compte très tardive par l'employeur des demandes du salarié et de son supérieur sur les moyens de travail dont il a été privé durablement , contribuant à une situation d'humiliation du salarié contraint de solliciter l'aide de collègues parfois plus jeunes.

Il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société DAHER Industrial Services dénie tout agissement de harcèlement moral et rétorque que :

- sur le classement du salarié:

le coefficient 270 dont bénéficie le salarié est conforme au travail effectué , qu'en outre selon le tableau qu'elle produit aux débats, sur 16 salariés ayant la même fonction , M.[Z] fait partie des 3 salariés ayant la plus haute rémunération. Cet élément est inopérant en l'absence d'élément de comparaison tenant à l'évaluation annuelle des salariés concernés. Ce tableau ne remet pas en cause les considérations tenant à l'autonomie de M.[Z] dans son travail et à la diversification des compétences ouvrant droit à un classement au coefficient 285.

- Sur le refus de remboursement de frais de missions en 2007 et le retrait de toute mission à l'étranger:

les règles de remboursement de frais sont établies suivant avenant conclu entre les parties, soit sur justificatif soit forfaitairement ; que suite à la demande faite au salarié par courrier recommandé du 18 mars 2019 de préciser la période et les déplacements pour lesquels il n'aurait pas été remboursé' le salarié n'a pas répondu et ne produit pas dans la présente instance les justificatifs des frais engagés qui n'auraient pas été remboursés. La société employeur ajoute que le salarié n'a pas été embauché pour effectuer des missions à l'étranger, et qu'elle n'avait aucune obligation de l'envoyer en mission à l'étranger, d'autant qu'à compter de 2008 elle a ouvert des filiales et a moins recouru à l'envoi de salariés français en missions à l'étranger .

En l'absence de tout élément précis corroborant, d'une part, l'existence de missions à l'étranger dont le salarié aurait été écarté au profit d'autres salariés, d'autre part, la nature , le montant et la date des frais prétendument non remboursés, la cour retient que les explications et pièces fournies par l'employeur permettant d'exclure tout agissement de harcèlement de ces chefs.

- sur les équipements individuels, le permis bleu et les jetons d'accès aux nacelles:

La société employeur produit une attestation de M.[O], responsable des moyens généraux, qui affirme avoir délivré à M.[Z] une nouvelle paire de chaussures le 28 juin 2017 et une nouvelle paire de bottes le 3 janvier 2019 et lui avoir remis des vêtements destinés aux intérimaires afin de répondre plus rapidement à la demande du salarié, remises établies par le listing mentionnant la date précise de remise de chaque équipement.

S'agissant des permis bleus elle objecte qu'elle n'est pas responsable de la gestion des inscriptions sur les sessions d'obtention des permis bleus et badge , pour lesquelles le nombre de place est limité et qu'il n'était pas absolument nécessaire que le salarié en dispose pour effectuer son travail, ainsi qu'en atteste l'absence de reproche sur son travail par le client et l'employeur. La cour relève le caractère inopérant d'une telle argumentation en l'état des trois témoignages précis et concordants de salariés ayant travaillé auprès de M.[Z] qui mettent clairement en évidence l'immobilisme de l'employeur face aux demandes réitérées du salarié, et la gêne que lui occasionnait de façon évidente la privation d'une utilisation autonome de nacelles élévatrices indispensables à l'exécution de son activité qui impliquait un travail en hauteur sur les avions et du permis bleu lui permettant de circuler sur le site .

Par ailleurs alors que la société fait état du refus du salarié de suivre la formation au permis bleu qu'elle lui proposait au motif qu'elle se déroulait en dehors de ses jours de travail, le salarié privé de ce permis depuis octobre 2015 démontre avoir suivi la formation proposée le 10 janvier 2018 pour le 12 janvier 2018 et avoir obtenu le permis spécifique valide du 30 janvier 2018 au 30 janvier 2021 (pièce 56).

De ces développements il résulte que l'employeur n'apporte pas la preuve que l'ensemble des agissements reprochés et établis étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le salarié subit un préjudice caractérisé par la souffrance morale et les troubles anxio dépressifs médicalement constatés occasionnés par le harcèlement subi. Il est justifié de lui allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral .

Sur le licenciement

Il s'évince des pièces médicales versées aux débats que l' avis d'inaptitude du 27 mai 2019 fait suite à une période d'arrêts de travail entre le 22 mars 2019 et le 1er juillet 2019, et mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Le médecin du travail a relevé dans un courrier du 22 mars 2019 adressé au médecin traitant une situation conflictuelle dans l'entreprise évoquée par le salarié et a renvoyé celui-ci le 29 mai 2019 sur une consultation en service hospitalier des maladies professionnelles.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments un lien manifeste entre les troubles anxio-dépressifs et les agissements répétés susévoqués de l'employeur ayant entraîné une souffrance au travail et une dégradation de son état de santé morale à l'origine de l'inaptitude.

En conséquence le licenciement pour inaptitude , dans le contexte du harcèlement moral retenu par la cour, est nul.

M.[Z] était âgé de 66 ans lors de la rupture, et bénéficiait d'une ancienneté de 15 ans au sein de l'entreprise. Il fait état de remboursements au titre d'un prêt immobilier et d'une décote importante de sa retraite due à un travail à l'étranger pendant 28 ans .

Toutefois le relevé du régime de retraite de base que produit le salarié met en évidence une activité du salarié à compter de 1971 sans autre élément de nature à expliquer les motifs d'une éventuelle absence de cotisation au cours de plusieurs trimestres, dont les conséquences en tout état de cause ne sauraient être supportées par l'employeur. Il justifie être demandeur d'emploi depuis août 2019 sans autre précision sur ses ressources depuis cette date.

En l'état d'un salaire mensuel moyen de 3563,89 euros, il lui sera alloué la somme de 42 767 euros correspondant à 12 mois de salaire pour licenciement nul en application de l'article L1235-3-1 du code du travail.

Le salarié est également en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 7 127,78 euros outre l'indemnité correspondante de congés payés de 712,77 euros. Il ne s'agit pas d'une somme à caractère salarial, de sorte que la demande d'indemnité de congés payés sur préavis est rejetée.

Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que deux conditions sont réunies :

. l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie,

. l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Au cas d'espèce l'employeur n'a pas été destinataire des pièces médicales faisant état de la cause des arrêts maladie et de l'inaptitude, l'ensemble des avis établis par le médecin du travail destinés à l'employeur ne comportant aucun mention sur la nature des troubles présentés par le salarié et sur leur relation avec l'environnement professionnel.

Il n'y a donc pas lieu de faire application des dispositions propres à l'inaptitude d'origine professionnelle. La demande tendant au doublement de l'indemnité de licenciement est rejetée.

Sur l'obligation de sécurité et de prévention

L'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur ne justifie d'aucune mesure de prévention mise en oeuvre en matière de harcèlement moral et de risques psycho-sociaux en dépit des alertes du salarié par plusieurs courriers recommandés courant 2018 et 2019 (pièces 37 à 40 du salarié).

Il est justifié de le condamner à ce titre à payer la somme de 3000 euros de dommages et intérêts à M.[Z], sans qu'il y ait lieu à distinction entre l'indemnisation du manquement à l'obligation de prévention du harcèlement et celle du manquement à la prévention des risques psychosociaux, la double indemnité réclamée à ce titre ne se justifiant pas.

Sur les demandes annexes

La SAS Daher Industrial Services , partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

M.[Z] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer à l'occasion de cette procédure. La SAS Daher Industrial Services sera donc tenue de lui payer la somme globale de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 al.1er 1° du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La société Daher Industrial Services est déboutée de sa demande au titre des frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau ;

Dit le licenciement nul ;

Condamne la SAS Daher Industrial Services à payer à M.[D] [Z]:

- 822,44 euros à titre d'indemnités de congés payés

- 5 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 42 767 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 7 127,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 712,77 euros d'indemnité afférente de congés payés

- 3 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention

- 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel

Rejette toute autre demande ;

Condamne la SAS Daher Industrial Services au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

présent arrêt a été signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière.

La greffière La présidente

C. DELVER S. BLUM''

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/00365
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;22.00365 ?
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