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25/04/2024 | FRANCE | N°22/02897

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 25 avril 2024, 22/02897


25/04/2024





ARRÊT N° 117/24



N° RG 22/02897 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O5V3

MS/MP



Décision déférée du 20 Juin 2022 - Pole social du TJ de TOULOUSE 20/00582

R. BONHOMME























CCI DE [Localité 4]





C/





[X] [Z]

CPAM HAUTE-GARONNE







































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CONFIRMATION

















REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE



CCI [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée à l'audience par Me Guillaume BROUQUIERES du cab...

25/04/2024

ARRÊT N° 117/24

N° RG 22/02897 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O5V3

MS/MP

Décision déférée du 20 Juin 2022 - Pole social du TJ de TOULOUSE 20/00582

R. BONHOMME

CCI DE [Localité 4]

C/

[X] [Z]

CPAM HAUTE-GARONNE

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

CCI [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée à l'audience par Me Guillaume BROUQUIERES du cabinet substituant Me Gilles MAGRINI de la SELARL URBI & ORBI, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [X] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 5]

assisté à l'audience par Mme [P] [O] (membre de la [6] GRAND SUD) en vertu d'un pouvoir

CPAM HAUTE-GARONNE

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Mme [Y] [U] (membre de l'organisme) en vertu d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, devant N. ASSELAIN et M. SEVILLA conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente

M. DARIES, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffière : lors des débats M.POZZOBON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente, et par M.POZZOBON, greffière

M. [Z] a été embauché par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de [Localité 4] en tant que technicien bâtiment le 2 novembre 2005 et a été mis à disposition de l'Aéroport [8].

Il a été victime d'un accident du travail le 18 juillet 2011, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ( CPAM) de Haute-Garonne.

Les séquelles ont été déclarées consolidées le 11 octobre 2015 et un taux d'incapacité de 15% lui a été attribué.

M. [Z] a saisi le tribunal judiciaire de [Localité 4] d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 20 juin 2022 le tribunal judiciaire de [Localité 4] a:

-rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la CCI,

-rejeté la fin de non recevoir,

-reconnu la faute inexcusable de la CCI de [Localité 4],

-ordonné à la CPAM de fixer la rente à 15% du salaire annuel,

-ordonné une mesure d'expertise avant dire droit pour statuer sur les préjudices,

-rejeté la demande de provision,

-réservé les autres demandes,

-déclaré la CPAM recevable en son action récursoire,

La CCI a fait appel de la décision.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, elle demande à la Cour:

-d'annuler le jugement,

subsidiairement,

-de le réformer,

-de constater l'incompétence de la juridiction judiciaire,

à titre infiniment subsidiaire,

-de débouter M. [Z] de ses demandes

L'appelant soutient que le tribunal a statué avec un seul assesseur sans demander l'avis des parties, ni de l'assesseur présent.

L'employeur affirme que le tribunal judiciaire est incompétent pour juger de l'action de M. [Z] qui est un agent public titulaire et non contractuel.

Il ajoute que la preuve de la conscience d'un danger de bris de vitre n'est pas rapportée et que l'employé ne prouve pas qu'il n'avait pas suffisamment de connaissance et de matériel pour effectuer l'intervention.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, M. [Z] demande confirmation du jugement, une provision de 1.500 euros et sollicite l'organisation d' une expertise médicale outre la condamnation de la CCI à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Z] ne conteste pas être agent public titulaire mais rappelle qu'en matière de faute inexcusable pour un agent de la CCI, le tribunal judiciaire demeure compétent. Il ajoute que l'employeur devait avoir connaissance du danger et n'a pas évalué les risques ni mis en oeuvre de formation adaptée, ni d'élément de protection.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, la CPAM de Haute-Garonne s'en remet sur l'appréciation de la faute inexcusable de l'employeur et sur la demande de provision.

L'audience s'est déroulée le 7 mars 2024.

La décision a été mise en délibéré au 25 avril 2024.

Motifs de la décision

Sur la demande tendant à l'annulation du jugement à défaut d'accord des parties quand à la possibilité de siéger sans le second assesseur:

L'article L. 218-1 du code de l' organisation judiciaire précise, pour les tribunaux spécialement désignés dans les matières prévues à l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire , que dans le cas où la formation collégiale est incomplète, l'audience est reportée à une date ultérieure, dans les conditions fixées par décret, sauf accord des parties pour que le président statue seul après avoir recueilli, le cas échéant, l'avis de l'assesseur présent.

En l'espèce le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse mentionne en page 1 :

' Président Romain Bonhomme, juge statuant en qualité de juge unique conformément à l'article 17-VIII du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, en l'absence d'un assesseur et avec l'accord des parties'.

En application de l'article 457 du code de procédure civile, la minute a la force probante d'un acte authentique, le juge signataire ayant la qualité d'officier public. Elle ne peut donc être attaquée que par la voie de l'inscription de faux, en ce qui concerne les mentions correspondant à des éléments que le juge a pu vérifier ou auxquels il a personnellement assisté ou qu'il a accompli lui-même.

La contestation de la CCI concernant l'absence d'accord des parties pour statuer en l'absence d'un assesseur et l'absence d'avis recueilli auprès de l'assesseur présent pour statuer en l'absence de l'autre, ne saurait donc prospérer en l'absence d'inscription de faux.

Ce moyen de nullité du jugement sera par conséquent rejeté.

Sur l'incompétence des juridictions judiciaires:

Un agent de droit public d'une chambre de commerce et d' industrie , qui relève du régime général de la sécurité sociale, en vertu des dispositions du statut du personnel des chambres de commerce et d' industrie , peut demander au juge administratif la réparation par son employeur du préjudice que lui a causé l'accident du travail ou la maladie professionnelle dont il a été victime, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du code de la sécurité sociale, lorsque cet accident est dû à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés. Il peut également exercer une action en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cet accident non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, contre son employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de ce dernier, ou contre une personne autre que l'employeur ou ses préposés, conformément aux règles du droit commun, lorsque la lésion dont il a été la victime est imputable à ce tiers.

( Cour administrative d'appel, Marseille, 4e chambre, 24 Mai 2022 ' n° 21MA02194 - décision non admise en cassation par le Conseil d'état le 26 décembre 2022)

C'est donc par de justes motifs que le tribunal judiciaire s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Le moyen d'incompétence sera rejeté et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la faute inexcusable de la CCI:

Selon l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.

La preuve de la faute inexcusable incombe au salarié qui s'en prévaut.

Il appartient à la victime de justifier que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a'pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.

Sur la conscience du danger:

La Cour s'associe au tribunal judiciaire et regrette l'absence de production par l'employeur du rapport d'accident réalisé suite à l'accident du travail litigieux.

Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. [Z] a été embauché le 2 novembre 2005 par la chambre de commerce et de l'industrie de [Localité 4] en tant qu'agent titulaire occupant un poste de technicien bâtiment et a été mis à disposition de la société Aéroport [8].

Le 18 juillet 2011 il a déclaré un accident du travail à son employeur.

L'employeur a indiqué dans la déclaration d'accident du travail qu'il a souscrite que 'la victime s'est blessée en transportant une vitre'.

Le compte rendu d'admission à [7] mentionne que le salarié souffre d'un traumatisme crânien après avoir reçu un bloc de verre d'une hauteur de 2 mètres et mentionne une plaie du cuir chevelu superficielle, et des plaies multiples sur l'avant bras gauche par verre.

Le compte rendu du Docteur [R] du 18 janvier 2013, qui a reçu M. [Z] à [7] dans le cadre d'une consultation médico sociale d'orientation, relate que la victime a reçu sur la tête un morceau d'une vitre de 3mX1m50 sur 3cm d'épaisseur.

La conscience du danger doit être appréciée par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.

La cour rappelle, concernant l'attestation de M. [M] [C], collègue de travail de la victime, critiquée par l'employeur comme étant non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, que cet écrit constitue néanmoins un élément de preuve au même titre que tout autre document versé aux débats de sorte qu'il n'y a pas lieu de l' écarter, la cour ayant pu vérifier que cet écrit, circonstancié et auquel est joint une copie de la pièce d'identité du témoin, était suffisamment probante.

L'attestation de M. [C] indique que : 'les vitres de pré-passerelle ont un défaut connu depuis longtemps. Lorsqu'il y a un choc dans le bas d'une de ces vitres, les parcloses se déclippent et les vitres sortent de leur emplacement. Ces dernières années nous sommes intervenus régulièrement sur celles-ci pour les remettre en place.'

Le compte rendu du CHSCT du 28 février 2012 mentionne comme origine de l'accident du travail de M. [Z] une 'Remise en place d'une vitre'.

Il ressort du planning produit par M. [Z] que celui-ci intervenait régulièrement sur les portes vitrées de l'Aéroport.

Mme [S] responsable sécurité de l'Aéroport a enfin attesté que le poste de premiers secours de l'aéroport est intervenu auprès de M. [Z] le 18 juillet 2011 suite à la chute d'une paroi en verre.

Dans ses conclusions l'employeur ne conteste pas la nécessité régulière de repositionner ces vitres de très grande dimension et indique que 'M. [Z] est intervenu à plusieurs reprises sur des changements de vitre sans que des incidents similaires se produisent(page 16 conclusions CCI).

Il ressort de ces éléments, que l'employeur aurait du avoir conscience du danger inhérent à la manutention de parois vitrées de très grande dimension, sorties de leur emplacement et devant être repositionnées par les techniciens.

Sur les mesures prises par l'employeur pour prévenir le salarié du dommage:

Il ressort des pièces produites aux débats et notamment des préconisations du CHSCT qui prévoit le renforcement des mesures de formation et de prévention au titre de l'intervention des techniciens vitrage, que l'employeur n'a pas mis en oeuvre de formation spécifique ni d'instructions suffisantes concernant l'intervention des techniciens sur le repositionnement des portes et parois vitrées de très grande dimension.

En outre il ressort des constatations médicales(plaies au niveau du cuir chevelu, des avants bras et traumatisme crânien) et des allégations du salarié, que l'employeur n'a pas fourni d'équipements individuels de protection suffisants, notamment ni casque de chantier ni gant de manutention.

En laissant son salarié manipuler des parois vitrées de plusieurs mètres de hauteur sans formation spécifique, instruction ni équipement individuel de protection adapté, l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du risque de blessures dont il avait nécessairement conscience.

La Cour confirme par conséquent le jugement qui a reconnu la faute inexcusable de l'employeur.

Sur les autres demandes:

L'expertise judiciaire a déjà été ordonnée par le tribunal judiciaire, la demande de M. [Z] à ce titre est sans objet.

Il sera par contre fait droit à sa demande de provision à hauteur de 1.500 euros, au regard notamment du taux d'incapacité de 15% reconnu par la caisse.

Il convient également de faire droit à sa demande de condamnation de la CCI à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande tendant à l'annulation du jugement,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 20 juin 2022, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de provision,

Y ajoutant

Alloue à M. [Z] une provision de 1.500 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

Dit que la CPAM doit faire l'avance de cette provision et en récupérera le montant auprès de l'employeur,

Condamne la CCI de [Localité 4] à payer à M. [Z] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la CCI de [Localité 4] aux dépens d'appel;

Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par M. POZZOBON, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

M. POZZOBON N. ASSELAIN

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 22/02897
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.02897 ?
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