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25/04/2024 | FRANCE | N°22/02883

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 25 avril 2024, 22/02883


25/04/2024





ARRÊT N° 114/24



N° RG 22/02883 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O5UJ

MS/MP



Décision déférée du 13 Juin 2022 - Pole social du TJ de TOULOUSE 20/00537

R. [K]























[4]





C/





[F] [W]

CPAM [Localité 3]

[6]










































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CONFIRMATION

















REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



[4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée à l'audience par Me Alexandre MAJOREL du cabinet substituant Me Emmanuelle SA...

25/04/2024

ARRÊT N° 114/24

N° RG 22/02883 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O5UJ

MS/MP

Décision déférée du 13 Juin 2022 - Pole social du TJ de TOULOUSE 20/00537

R. [K]

[4]

C/

[F] [W]

CPAM [Localité 3]

[6]

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

[4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée à l'audience par Me Alexandre MAJOREL du cabinet substituant Me Emmanuelle SAPENE de la SCP PECHENARD & Associés, avocate au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [F] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Sabrina VIDAL, avocate au barreau de TOULOUSE

CPAM [Localité 3]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Mme [N] [T] (membre de l'organisme) en vertu d'un pouvoir

[6]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

représentée à l'audience par Me Anthony PEILLET, avocat au barreau de TOULOUSE substituant Me Marc AZAVANT, avocat au barreau de PAU

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, devant N. ASSELAIN et M. SEVILLA conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente

M. DARIES, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffière : lors des débats M.POZZOBON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente, et par M.POZZOBON, greffière

La société [4] a pour activité l'assainissement, la maintenance industrielle et la gestion des déchets dangereux.

M. [F] [W] exerçait en qualité d'ouvrier réparateur pour la société [4] quand il a été victime d'un accident du travail le 20 mars 2017.

Alors qu'il intervenait pour nettoyer les vérins d'un alimentateur à l'usine d'incinération de [Localité 7], il a mis le pied sur une planche non fixée d'un échafaudage installé par la société [6], et s'est déboîté l'épaule en se retenant au garde corps pour éviter une chute.

L'accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 3] au titre de la législation professionnelle.

Un taux d'incapacité de 20% a été reconnu à M. [W] à la date de consolidation du 18 juin 2020.

M. [W] a engagé la procédure de reconnaissance de faute inexcusable à l'égard de son employeur.

Par jugement du 13 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse s'est déclaré matériellement incompétent s'agissant de la recherche de l'éventuelle responsabilité de la société [6], a reconnu la faute inexcusable de la société [4] à l'origine de l'accident du travail du 20 mars 2017, a alloué une provision de 10.000 euros et ordonné une expertise sur l'indemnisation des préjudices.

La société [4] a fait appel de la décision.

Dans ses dernières écritures, reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable , de débouter la CPAM de ses demandes, de déclarer opposable à la société [6] l'arrêt à intervenir et de condamner M. [W] à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700 et aux dépens.

L'employeur soutient avoir rempli ses obligations légales et affirme que la preuve d'une faute inexcusable n'est pas rapportée.

Il considère que M. [W] avait reçu plusieurs formations, était équipé d' éléments individuels de protection et que l'accident a pour origine le manquement de la société [6] qui a monté l'échafaudage sans fixer plusieurs planches de bois.

La société ajoute que M. [W] n'a pas pris l'accès prévu pour accéder à l'étage et que ni le chef d'équipe qui a autorisé le travail, ni le salarié n'ont vu que les planches n'étaient pas fixées.

M. [W], dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 13 juin 2022 sauf concernant le montant de la provision, de recevoir son appel incident et de lui allouer la somme de 50 000 € à titre de provision complémentaire à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice ;

et de condamner la société [4] à lui verser la somme de 4200 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes il affirme que le chef d'équipe a signé l'autorisation de travail alors que plusieurs planches de l'échafaudage n'étaient pas fixées. Il indique que le risque de chute est parfaitement connu de l'employeur. Concernant la demande de provision il rappelle que l'accident date de plus de 7 ans et qu'il n'a reçu que la provision de 10.000 euros allouée par le tribunal judiciaire de Toulouse.

La SAS [6], dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, demande confirmation du jugement et la condamnation de [4] à lui payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM de [Localité 3] dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé s'en remet sur la décision et demande de constater que la majoration de rente a déjà été versée, qu'elle a déjà versé une provision de 10.000 euros, et qu'elle récupérera les sommes auprès de l'employeur y compris les frais d'expertise du Docteur [M].

L'audience s'est déroulée le 7 mars 2024. La décision a été mise en délibéré au 25 avril 2024.

Motifs de la décision:

Sur la demande à l'égard de la société [6]:

La société [4] demande à la cour de déclarer la décision opposable à la société [6].

Cette demande sera accueillie, la décision étant opposable de plein droit , la société [6] étant à la cause.

Sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Le Tribunal a considéré que le risque de chute était identifié par l'employeur qui avait donc nécessairement conscience du danger et a retenu que ce dernier n'avait pas pris toutes les mesures pour préserver M. [W] de son accident puisque l'autorisation de travail avait été signée par le chef d'équipe en dépit de l'absence de vérification de l'échafaudage.

Selon l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.

La preuve de la faute inexcusable incombe au salarié qui s'en prévaut.

Il appartient à la victime de justifier que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a'pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.

Sur la conscience du danger:

La conscience du danger doit être appréciée par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.

Les articles R4323-67 et suivants du code du travail imposent à l'employeur des règles strictes pour les travaux qui s'effectuent à une hauteur d'au moins deux mètres : l'accès à l'échafaudage doit être sécurisé, les planchers doivent être fixés et des protections collectives doivent être fixées pour éviter les chutes.

Sur les circonstances de l'accident dont le caractère professionnel ne fait pas l'objet de contestation, la déclaration d'accident du travail mentionne qu''en se déplaçant sur l'échafaudage, une planche s'est dérobée sous les pieds de la victime qui s'est accrochée au garde-corps pour éviter une chute, lui déboîtant l'épaule (dans l'attente des résultats de l'enquête pour déterminer la responsabilité d'un tiers éventuel).'

Le rapport d'accident réalisé en présence de l'employeur, de la victime, du responsable maintenance et de la société [6] monteur de l'échafaudage, mentionne que la victime se trouvait sur un échafaudage avec deux autres opérateurs afin de les informer du mode

opératoire pour nettoyer des vérins d'un alimentateur. Le rapport poursuit en indiquant qu'en se déplaçant la victime a mis le pied sur une planche non fixée et calée entre deux autres planches, celle-ci a glissé dans le trou, elle a perdu l'équilibre et s'est déboîté l'épaule gauche en se retenant sur les planches ou le vérin.

Ce rapport ajoute que ni la victime, ni le chef d'équipe n'ont remarqué que les planches en bois n'avaient pas été fixées à l'échafaudage et précise qu'une autorisation de travail avait été signée par le chef d'équipe sans référence à la vérification de l'échafaudage.

S'agissant d'une activité réalisée en hauteur et sur un échafaudage, l'employeur devait nécessairement avoir conscience des risques de chute.

Ce risque était en outre parfaitement identifié dans le plan de prévention des risques produit aux débats.

Enfin, le code du travail prévoit explicitement l'obligation pour l'employeur de sécuriser les échafaudages.

Dans ces conditions c'est pas de justes motifs que la cour s'approprie que le tribunal a retenu que l'employeur avait conscience du risque de chute inhérent au travail sur échafaudage.

Sur les mesures prises par l'employeur pour prévenir le salarié du dommage:

La société rappelle à juste titre que M. [W] est un salarié expérimenté, qui portait des équipements de sécurité individuels et avait reçu plusieurs formations à la sécurité sur échafaudage le 5 décembre 2012 et le 17 janvier 2013.

Elle évoque une imprudence du salarié qui aurait emprunté un mauvais accès pour monter sur l'échafaudage, que celui-ci conteste.

Il doit être rappelé qu'il est sans emport que la victime ait commis une faute ou une imprudence, car il suffit que la faute de l'employeur soit une cause nécessaire du dommage.

En outre, seule une faute inexcusable du salarié peut exonérer l'employeur de sa responsabilité. Elle est définie comme la faute volontaire du salarié, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Il s'agit de l'hypothèse où, en toute connaissance de cause, le salarié s'est volontairement et gravement mis en danger ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

En outre, il ne ressort pas des pièces du débats que le salarié avait reçu une quelconque instruction de prendre un accès précis pour monter sur l'échafaudage.

Le rapport d'accident mentionne que l'opérateur et le chef d'équipe n'ont pas remarqué que les planches en bois n'étaient pas fixées à l'échafaudage et ajoute que le défaut de fixation de la planche incombe à la société [6] monteur de l'échafaudage et non à la société utilisatrice.

Toutefois la faute du tiers est sans incidence sur la faute inexcusable de l'employeur.

La fiche d'intervention signée par le chef d'équipe M [V], autorisant le travail le 20 mars 2017 mentionne bien une inspection des lieux, du matériel et des installations, sans spécifier l'échafaudage.

La mention' inspection des lieux , du matériel et des installations' est pré-remplie sur le formulaire et ne permet pas d'affirmer que l'échafaudage a bien été inspecté.

En toute hypothèse cette vérification s'est avérée incomplète dans la mesure où trois planches en bois n'étaient pas fixées sur l'échafaudage et qu'une inspection dans les règles de l'art imposait de vérifier la stabilité des planches.

Ainsi en laissant son salarié travailler en hauteur sur un échafaudage, sans s'être assuré, au préalable, que les planches en bois étaient bien fixées, l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du risque de chute dont il avait necessairement conscience.

La Cour confirme le jugement qui a reconnu la faute inexcusable de l'employeur.

Sur les autres demandes:

La Cour n'est pas valablement saisie des demandes de la CPAM tendant à 'constater' ou à 'donner acte'.

Le rapport de l'expert judiciaire a été déposé. Il retient notamment un taux de déficit fonctionnel permanent de 12%.

La société [4] reconnaît dans ses conclusions un droit à indemnisation total de M [W] de 38.482 euros.

Compte tenu de ces éléments il y a lieu d'accueillir la demande de provision complémentaire à hauteur de 20.000 euros.

La société [4] sera condamnée aux dépens et à payer à M. [W] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

La demande de la société [6] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera par ailleurs rejetée.

Par ces motifs:

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 13 juin 2022 ,

Y ajoutant

Déclare la décision opposable à la société [6],

Alloue à M. [F] [W] une provision complémentaire de 20.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

Dit que la CPAM doit faire l'avance de la provision versée à M. [W] et en récupérera les montants auprès de l'employeur,

Dit que la CPAM pourra récupérer les frais d'expertise du Docteur [M] auprès de l'employeur,

Dit que les demandes de la CPAM tendant à constater ou donner acte sont irrecevables,

Condamne la société [4] à payer à M. [F] [W] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société [4] aux dépens,

Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par M. POZZOBON, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

M. POZZOBON N. ASSELAIN

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 22/02883
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.02883 ?
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