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23/04/2024 | FRANCE | N°21/03815

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 23 avril 2024, 21/03815


23/04/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/03815

N° Portalis DBVI-V-B7F-OLOQ

SL/DG



Décision déférée du 21 Juin 2021 - TJ de TOULOUSE

(20/02854)

Mme KINOO

















[U] [I]





C/



[K] [T]





















































INFIRMATION




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Grosse délivrée



le



à



Me KHENNOUCHE

Me BONNAUD-CHABIRAND

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [U] [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Merouane KHENNOUCHE, avocat au barreau de TOULOUSE





INTIMÉ

...

23/04/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/03815

N° Portalis DBVI-V-B7F-OLOQ

SL/DG

Décision déférée du 21 Juin 2021 - TJ de TOULOUSE

(20/02854)

Mme KINOO

[U] [I]

C/

[K] [T]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me KHENNOUCHE

Me BONNAUD-CHABIRAND

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [U] [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Merouane KHENNOUCHE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur [K] [T]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par A. RAVEANE, greffier

Exposé des faits et de la procédure

M. [K] [T] est propriétaire d'une parcelle n° [Cadastre 2] sise [Adresse 3] (31), mitoyenne de la parcelle n° [Cadastre 1] appartement à M. [U] [I], située [Adresse 3].

Ces deux parcelles sont séparées par un fossé.

En novembre 2014, M. [U] [I] a procédé à des travaux de terrassement et de busage sur le fossé.

Par courrier du 1er décembre 2014, le maire de [Localité 4] l'a sommé de cesser toutes actions sur ce fossé, indiquant que les travaux avaient été entrepris sans autorisation.

Le busage ayant été réalisé sur environ 50 ml, M. [I] procédait à l'enlèvement des buses mises en place dans le fossé.

Par acte du 2 novembre 2018, M. [T] a saisi le juge des référés du tribunal de judiciaire de Toulouse, se plaignant de désordres causés à la clôture de sa propriété du fait des travaux réalisés par M. [I] sur le fossé.

Par ordonnance du 20 décembre 2018, le juge des référé du tribunal de grande instance de Toulouse a ordonné une mesure d'expertise judiciaire, et a désigné pour y procéder M. [D] [L].

L'expert judiciaire a clôturé son rapport le 29 avril 2019.

Par acte du 4 août 2020, M. [K] [T] a fait assigner M. [U] [I] devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins, notamment, de le voir condamné à lui payer la somme de 17.000 euros en indemnisation du préjudice subi, demandant l'homologation du rapport d'expertise judiciaire.

Par jugement du 21 juin 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- condamné M. [U] [I] à verser à M. [K] [T] la somme de 17.000 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice subi,

- condamné M. [U] [I] à verser à M. [K] [T] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] [I] aux dépens, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que les travaux entrepris par M. [I] sur le fossé communal séparant son fonds et celui de M. [T] constituaient un trouble anormal de voisinage, et avaient provoqué un préjudice à M. [T] consistant en des dégradations affectant sa clôture grillagée sur environ 50 ml. Il a évalué le préjudice subi à 17.000 euros TTC.

-:-:-:-

Par déclaration du 3 septembre 2021, M. [U] [I] a relevé appel de ce jugement en ces termes : 'Appel nullité du jugement en ce qu'il a :

- condamné M. [U] [I] à verser à M. [K] [T] la somme de 17.000 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice subi,

- condamné M. [U] [I] à verser à M. [K] [T] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] [I] aux dépens, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire.'

Le 21 février 2022, M. [T] a déposé des conclusions d'incident devant le magistrat de la mise en état afin de voir ordonner, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, la radiation de l'affaire du rôle en raison de l'inexécution du jugement.

Par ordonnance du 15 décembre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse a débouté M. [T] de sa demande de radiation de l'affaire du rôle en raison de l'inexécution du jugement dont appel, condamné M. [T] aux dépens de l'incident, et l'a débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 décembre 2023, M. [U] [I], appelant, demande à la cour, au visa de l'articles 544 et suivants du code civil, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

A titre liminaire :

- juger que l'appel interjeté par M. [I] et ses conclusions d'appelant tendent à l'infirmation du jugement rendu le 21 juin 2021 et précise expressément les chefs du jugement critiqué ;

- juger que la cour d'appel est bien saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;

En conséquence :

- infirmer le jugement du 21 juin 2021 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

À titre principal,

- juger que le trouble anormal du voisinage n'est pas caractérisé, faute de lien de causalité établi entre les travaux réalisés et le trouble évoqué,

- débouter M. [K] [T] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [K] [T] à régler la somme de 2.500 € à M. [I] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] [T] aux entier dépens,

À titre subsidiaire,

- condamner M. [U] [I] à verser à M. [K] [T] une indemnisation en réparation du préjudice subi réduite à la somme de 5.350,95 € conformément au devis qu'il communique,

- condamner M. [K] [T] à régler la somme de 2.500 € à M. [I] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] [T] aux entier dépens.

Il soutient que c'est par une erreur matérielle qu'il a indiqué dans sa déclaration d'appel 'appel nullité', mais qu'il a bien précisé la portée de son appel en indiquant les chefs de jugement critiqués et en mentionnant dès ses premières conclusions d'appelant une demande d'infirmation des chefs critiqués. Il estime que la cour est valablement saisie et que la dévolution s'opère sur les chefs de jugement critiqués.

Il conteste le trouble anormal de voisinage. Il dit qu'il a entrepris les travaux sur le fossé dans le cadre de l'entretien et du nettoyage, auquel M. [T] aurait dû contribuer avec lui. Il soutient que l'affaissement de la clôture de M. [T] n'est pas irrémédiable : en effet, la végétation a repoussé, et a stabilisé la rive côté [T], aucune évolution des désordres n'ayant été observée depuis 2014. Il dit que M. [T] en arrachant des arbres le long de sa clôture a pu également dégrader celle-ci.

Il fait valoir que les agents municipaux conseillent aux administrés d'implanter leur clôture à 3 m de l'axe du fossé afin de permettre aux engins de nettoyage de passer, or M. [T] a implanté sa clôture à 2,50 m de l'axe du fossé. Il soutient que le lien de causalité entre ses travaux et l'inclinaison de la clôture n'est donc pas établi.

Il conteste le préjudice.

Subsidiairement, il demande que le coût des travaux de reprise soit limité à 5.350,95 euros (correspondant au devis de reprise de la clôture qu'il produit).

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 décembre 2023, M.[K] [T], intimé, demande à la cour, au visa de l'article 542 du code de procédure civile, des articles 544 et suivants et des articles 1240 et suivants du code civil, de :

À titre principal,

- juger que la déclaration d'appel enregistrée par l'intimé ne comporte pas de demande de réformation de la décision déférée,

- juger que la cour d'appel n'est saisie que d'une demande de nullité du jugement rendu le 21 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse,

- déclarer que les conclusions de l'appelant se bornent à solliciter la réformation du jugement rendu le 21 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse,

- retenir l'absence d'effet dévolutif de l'appel,

En conséquence,

- juger que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande,

- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [I] aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel et à verser à

M. [T] 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de défense exposée devant la cour,

Subsidiairement,

- juger que l'intimé rapporte la preuve de l'existence d'un trouble anormal de voisinage,

- juger, en tout état de cause, rapportée la preuve d'un comportement fautif de M. [I] et d'un préjudice subi par M. [T] conformément à l'article 1240 du code civil,

En conséquence,

- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 21 juin 2021 en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [U] [I] dans les préjudices subis par M. [T] [K], et condamné M. [I] à verser à M. [T] 17.000 € en réparation du préjudice subi, outre sa condamnation aux entiers frais et dépens de l'instance en ceux compris les frais d'expertise judiciaire et 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Très subsidiairement,sur le montant de l'indemnisation due à Monsieur [T], si par extraordinaire la Cour écartait les montants retenus par l'expert,

- fixer l'indemnisation due à M. [T] à la somme de 5.350,95 €,

En tout état de cause, Y ajoutant,

- débouter M. [I] de ses demandes ;

- condamner M. [I] aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel et à verser à

M. [T] 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de défense exposée devant la Cour.

Il soulève l'absence d'effet dévolutif de l'appel, et demande à la cour de juger qu'elle n'est saisie d'aucune demande.

Subsidiairement, il estime que M. [I] lui a causé un trouble anormal de voisinage, et en tout état de cause qu'il a engagé sa responsabilité extracontractuelle pour faute, en procédant sans autorisation et au mépris des dispositions légales et réglementaires à un retrait des terres sur la parcelle de M. [T] jusqu'au ras de la clôture de ce dernier, avec affouillement des fondations de ladite clôture provoquant son inclinaison vers le fossé.

Il estime que son préjudice s'établit au moins à 17.000 euros car il fait valoir que compte tenu de l'état de l'ouvrage, les travaux s'élèvent aujourd'hui en réalité à 33.603 euros (pour défrichage de la haie, enlèvement clôture, apport de terre pour remblai du fossé, implantation de la limite de propriété, terrassement du fossé à l'axe de la mitoyenneté, clôture à réaliser sur toute la longueur, et bornage de la propriété entre les parcelles B [Cadastre 2] et [Cadastre 1]). Très subsidiairement il estime son préjudice à 5.350,95 euros qui est le coût de reprise de la seule clôture selon devis produit par M. [I].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2023.

L'affaire a été examinée à l'audience du 16 janvier 2024.

Motifs de la décision

Sur la saisine de la cour :

Selon l'article 562 du code de procédure civile 'l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.'

Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs du jugement.

Selon l'article 901 du code de procédure civile la déclaration d'appel est faite par un acte comportant le cas échéant une annexe contenant, outre les mentions prescrites par le 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité : 4°les chefs du jugement expressément critiqués, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet de l'appel est indivisible.

L'article 54 2° du même code prévoit qu'à peine de nullité, la demande initiale mentionne l'objet de la demande.

Les conclusions d'appel, selon l'article 954 du code de procédure civile, doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

La mention selon laquelle l'appel tend à l'infirmation ou à l'annulation de la décision déférée est exigée dans le dispositif des conclusions, car il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, l'effet dévolutif n'opère pas, en l'absence de définition de l'objet de l'appel et la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

En l'espèce, la déclaration d'appel énonce les chefs de jugement critiqués : l'appel critique le jugement en ce qu'il a :

- condamné M. [U] [I] à verser à M. [K] [T] la somme de 17.000 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice subi,

- condamné M. [U] [I] à verser à M. [K] [T] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] [I] aux dépens, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire.

La déclaration d'appel du 3 septembre 2021 précisait qu'il s'agissait d'un appel nullité. L'expression 'appel nullité' est réservée à la voie de recours ouverte à l'encontre d'une décision entachée d'un excès de pouvoir lorsque la voie de l'appel est normalement fermée. C'est une création prétorienne qui ne peut tendre qu'à l'annulation du jugement déféré et non à sa réformation. En l'espèce, le recours était en réalité un appel de droit commun, qui renvoie à l'article 542 du code de procédure civile qui dispose que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. Il apparaît que c'est par erreur que l'objet de l'appel a été mentionné comme étant un appel nullité.

Dans ses premières conclusions d'appelant du 2 décembre 2021, dans le délai de trois mois de l'article 908 du code de procédure civile, M. [I] a demandé à la cour dans le dispositif de ses conclusions:

'Infirmer le jugement du 21 juin 2021 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

A titre principal :

- Juger que le trouble anormal du voisinage n'est pas caractérisé, faute de lien de causalité établi entre les travaux réalisés et le trouble évoqué,

- Débouter Monsieur [K] [T] de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner Monsieur [K] [T] à régler la somme de 2500 € à Monsieur [I] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [K] [T] aux entier dépens.

A titre subsidiaire :

- Condamner Monsieur [U] [I] à verser à Monsieur [K] [T] une indemnisation en réparation du préjudice subi réduite à la somme de 5350,95 € conformément au devis qu'il communique,

- Condamner Monsieur [K] [T] à régler la somme de 2500 € à Monsieur [I] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [K] [T] aux entiers dépens.'

Il a donc conclu à l'infirmation du jugement, précisant ainsi l'objet de l'appel.

Le dispositif des dernières conclusions d'appelant demande à nouveau l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile ont été respectées, dès lors que dans la déclaration d'appel, M. [I] a indiqué sans équivoque les points sur lesquels portait son appel, même s'il a mentionné à tort appel-nullité au lieu d'infirmation, la mention de l'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou l'annulation n'étant pas exigée pour que l'effet dévolutif opère.

M. [T] n'a par ailleurs pas formé avant toute demande au fond une demande tendant à la nullité de la déclaration d'appel au motif que l'objet de l'appel était indiqué comme étant un appel nullité alors que la voie de l'appel était ouverte contre la décision de première instance.

M. [T] sera débouté de sa demande tendant à voir dire que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande.

La Cour doit statuer sur la demande d'infirmation de tous les chefs du jugement figurant dans le dispositif des dernières conclusions d'appelant.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [T] :

M. [I] a entrepris en novembre 2014 des travaux de terrassement et de busage du fossé séparant son fonds de celui de M. [T].

Un rapport d'information administratif n° 28/2014 du 28 novembre 2014 de l'agent de police municipale relate des constatations effectuées le 25 novembre 2014 : Le fossé a été gratté à l'aide d'un engin de type tractopelle depuis la propriété de M. [I]. Ces travaux ont causé la destruction de la rive de la parcelle B [Cadastre 2], appartenant à M. [K] [T], propriétaire jusqu'à la moitié dudit fossé. Cette rive était d'une largeur d'environ 1,50 m depuis le bord du fossé jusqu'à la clôture implantée par son propriétaire. Ces dégradations s'étendent sur une longueur de 25 m environ et sur toute la largeur du fossé. Du fait de ces travaux et en l'état actuel du fossé, la terre retirée se trouve entassée le long de la rive de la parcelle de M. [I], modifiant par la même occasion son axe d'écoulement, qui s'en trouve dévié. L'agent a constaté également la présence de nombreux tuyaux sur la propriété de M. [I], ceux-ci étant en matière PVC et d'un diamètre de 50 cm, laissant supposer que c'est en vue du busage de celui-ci.

Cet ouvrage se trouve maintenant dénué de toute végétation sur l'ensemble de la partie travaillée.

C'est un fossé dit 'mère' servant à recueillir les eaux du bassin versant de la commune. Sur le plan cadastral ce fossé n'apparaît pas. Au niveau de la carte IGN celui-ci apparaît en tant que cours d'eau.

'Au jour de la constatation et au vu des travaux, il en résulte que ce fossé n'a plus de rive côté parcelle de M. [K] [T], ainsi que la destruction de toute la végétation existante. Mais aussi la modification du lit de ce fossé, due à la présence de terre ramenée le long de la propriété de M. [U] [I].'

Le fossé est selon ce rapport d'information administratif un fossé mère servant au recueil des eaux du bassin versant de la commune.

L'agent de police municipale précise qu'au niveau de la carte IGN celui-ci apparaît en tant que cours d'eau.

Dans son courrier du 1er décembre 2014, le maire de [Localité 4] s'est plaint que M. [I] avait entrepris des travaux sur le fossé sans autorisation et l'a sommé de cesser toutes actions sur ce fossé.

M. [I] qualifie ce fossé de fossé communal.

M. [T] le qualifie tantôt de fossé mitoyen et tantôt de fossé communal.

L'expert judiciaire le qualifie tantôt de fossé communal (p 12 du rapport), tantôt de fossé mitoyen (p 14 du rapport).

L'expert judiciaire a effectué les constatations suivantes :

- présence de végétation dans le fossé ;

- terrassements effectués sur environ 50 ml depuis la route de la Côte rouge ;

- terrassements effectués par M. [I] jusqu'en pied de la clôture grillagée de M. [T] ;

- affouillement des fondations provoquant l'inclinaison de la clôture vers le fossé sur environ

50 ml.

Il estime que si aucuns travaux ne sont effectués sur le fossé, les désordres vont s'aggraver, le risque de basculement dans le fossé de la clôture séparative, sur environ 50 ml, côté parcelle de M. [T] n'est pas à exclure, le caractère évolutif de ces désordres étant avéré.

Il estime que la responsabilité de M. [I] est engagée dans les désordres constatés sur environ 50 ml de la clôture séparative, côté parcelle de M. [T]. En effet, lors des travaux de terrassement effectués par M. [I], les fondations des poteaux de la clôture de

M. [T] se trouvaient mises à nu, l'affouillement des fondations provoquant l'inclinaison de la clôture vers le fossé sur environ 50 ml.

Il préconise les travaux de reprise suivants à effectuer sur le fossé mitoyen aux deux parcelles :

- travaux préparatoires, y compris protection des existants ;

- reprofilage du fossé sur 50 ml dans son état existant avant les travaux de busage ;

- reprise sur 50 ml de la clôture séparative côté parcelle de M. [T], y compris reprise des plots béton de fondation des piquets de la clôture ;

- nettoyage et remise en état des abords.

Il les chiffre à 17.000 euros TTC, leur durée étant estimée à 1 mois.

Se pose la question de la qualification du fossé.

Soit il s'agit d'un fossé communal, soit il s'agit d'un fossé mitoyen.

S'il s'agit d'un fossé mitoyen au sens de l'article 666 du code civil, c'est un fossé qui sépare des propriétés voisines et qui appartient en commun aux deux propriétaires. La limite de leurs propriétés est alors l'axe de ce fossé.

S'il s'agit d'un fossé communal, alors ce fossé propriété de la commune est un ouvrage public. Dans ce cas, le bornage dont M. [T] demande la prise en charge financière par M. [I] à titre de dommages et intérêts ne peut avoir lieu, car les propriétés de M. [I] et M. [T] ne sont pas contiguës. Or, selon l'article 646 du code de procédure civile, on ne peut borner que des propriétés contiguës . Ce fossé, qui selon la carte IGN abrite un cours d'eau, offrant le caractère d'eaux publiques et courantes selon l'article 643 du code civil, forme alors limite naturelle entre le fonds de M. [I] et celui de M. [T].

En l'absence en la cause de la commune de [Localité 4], la nature communale ou non du fossé ne peut être déterminée. Il ne peut dès lors être envisagé comme le demande M. [T] de condamner M. [I] à lui payer à titre de dommages et intérêts le coût du remblayage et du terrassement de ce fossé qui peut constituer un ouvrage public

Les demandes de dommages et intérêts de M. [T] portant sur la condamnation de

M. [I] à lui payer le coût du remblayage et du terrassement de ce fossé et le coût du bornage des propriétés, ne sont donc pas justifiées en l'absence en la cause de la commune de [Localité 4] permettant de déterminer la nature communale ou non du fossé.

Reste la demande de dommages et intérêts de M. [T] pour la dégradation de sa clôture.

Selon le rapport de l'agent de police municipale, il apparaît que le fossé a été gratté à l'aide d'un engin de type tractopelle depuis la propriété de M. [I] jusqu'aux poteaux de la clôture de M. [T].

Suivant procès-verbal de constat du 16 décembre 2014, l'huissier a constaté que le fossé situé entre les deux fonds avait été creusé. L'excavation a été faite au ras du grillage de la clôture de M. [T]. La pente est quasi verticale en amont et les fondations des poteaux de clôture ont été pour parties découvertes. L'huissier a noté que les poteaux étaient branlants.

Dans un courrier du 20 mars 2019, l'adjointe au maire de [Localité 4] indique que rien n'est stipulé dans le PLU en ce qui concerne l'implantation d'une clôture par rapport à la berge d'un fossé. Les propriétaires mitoyens du fossé sont tenus de le nettoyer. Les agents et les élus indiquent aux administrés que la parcelle délimitée à l'axe du fossé nécessite une implantation de la clôture à 3 m de manière à faire passer un engin de nettoyage. Il est donc logique pour effectuer ce nettoyage de construire une clôture en retrait de la berge.

Pour apprécier le préjudice de M. [T] du fait que M. [I] a découvert pour partie les fondations des poteaux de sa clôture, l'intimé doit établir que ces poteaux étaient bien implantés sur la propriété de M. [T], et non sur la propriété communale, et qu'ils étaient implantés à une distance permettant l'entretien du fossé.

Or, il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la clôture de M. [T] se trouve en retrait de 2,50 m de l'axe du fossé, et non pas de 3 m comme préconisé par la mairie, ce qui pouvait nécessiter de devoir la déplacer pour pouvoir entretenir le fossé.

Par ailleurs, il ressort du rapport d'expertise judiciaire qu'en février 2019, près de 5 ans après les travaux effectués par M. [I], la clôture de M. [T], certes inclinée vers le fossé, n'avait toujours pas basculé vers celui-ci. Même si l'expert judiciaire a dit que les désordres étaient évolutifs, et que si aucuns travaux n'étaient effectués sur le fossé, les désordres allaient s'aggraver, le risque de basculement dans le fossé de la clôture séparative n'étant pas à exclure, il apparaît qu'à ce jour, près de 10 ans après l'exécution des travaux de terrassement, il n'est toujours pas justifié d'un basculement de la clôture dans le fossé.

Par ailleurs M. [T] produit un courriel du 27 juillet 2022 de la société Cubilo qui indique que vu l'état de la clôture il faudrait la changer sur toute la longueur de la mitoyenneté, pas seulement sur 50 ml, ce qui montre qu'en 2022, la clôture était vétuste sur toute sa longueur.

Dès lors, il n'est pas démontré la nécessité à ce jour de remplacer la clôture de M. [T] en conséquence des terrassements effectués par M. [I].

Infirmant le jugement dont appel, M. [T] sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel.

Compte tenu de l'équité, les parties seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel et non compris dans les dépens.

Par ces motifs

La Cour,

Déboute M. [K] [T] de sa demande tendant à voir dire que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande ;

Dit que la Cour doit statuer sur la demande d'infirmation de tous les chefs du jugement dont appel figurant dans le dispositif des dernières conclusions d'appelant ;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 21 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Déboute M. [K] [T] de ses demandes de dommages et intérêts ;

Le condamne aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel ;

Déboute M. [K] [T] et M. [U] [I] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel et non compris dans les dépens.

Le Greffier Le Président

A. RAVEANE M.DEFIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/03815
Date de la décision : 23/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-23;21.03815 ?
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