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09/04/2024 | FRANCE | N°21/05062

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 09 avril 2024, 21/05062


09/04/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/05062

N° Portalis DBVI-V-B7F-OQ7E

JCG/DG/ND



Décision déférée du 06 Décembre 2021

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE

( 20/01944)

M. GUICHARD

















[I] [Z]





C/



[G] [F]

S.E.L.A.R.L. [F] & ASSOCIES



















































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à



Me IGLESIS

Me LARRAT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représenté par Me Jean IGLESIS, avocat ...

09/04/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/05062

N° Portalis DBVI-V-B7F-OQ7E

JCG/DG/ND

Décision déférée du 06 Décembre 2021

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE

( 20/01944)

M. GUICHARD

[I] [Z]

C/

[G] [F]

S.E.L.A.R.L. [F] & ASSOCIES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me IGLESIS

Me LARRAT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Maître [G] [F]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

S.E.L.A.R.L. [F] & ASSOCIES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social de la société.

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant J.C. GARRIGUES, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par J.C. GARRIGUES, en remplacement du président empêché, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE ET PROCÉDURE

Suivant compromis de vente rédigé par Maître [G] [F] le 30 mars 2016 alors qu'elle était associée au sein de la société notariale [F] et associés, M. [J] [S], âgé de 78 ans, a vendu en viager à Mme [K] [R]-[W] une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 5], sous les conditions suspensives d'usage.

Aux termes de cet acte, les parties avaient convenu que si la vente devait se réaliser, elle aurait lieu par le versement d'un bouquet payable comptant lors de la signature de l'acte réitératif, soit la somme de 76.000 €, et par l'obligation pour l'acquéreur de servir une rente annuelle et viagère révisable d'un montant de base de 9600 € , payable d'avance en 12 termes égaux d'un montant de 800 € .

M. [S] s'était par ailleurs réservé un droit d'usage et d'habitation sa vie durant, les parties contractantes convenant en outre que le transfert de propriété aurait lieu au moment de la signature de l'acte authentique devant intervenir le 15 juin 2016, cette date n'étant pas extinctive mais constitutive d'un point de départ à partir duquel chaque partie pourrait obliger l'autre à s'exécuter.

M. [J] [S] est décédé à son domicile le 1er juin 2016.

En vertu d'un testament olographe en date du 5 juin 2012, le défunt avait institué pour légataire universel de ses biens mobiliers et immobiliers Monsieur [I] [Z].

Ce testament olographe a fait l'objet d'un dépôt au rang des minutes de l'office notarial le 29 juin 2016.

Par voie de requête établie par son conseil, M. [Z] a demandé au Président du tribunal de grande instance de Toulouse de l'envoyer en possession du legs universel, ce qui a été fait par ordonnance en date du 16 août 2016.

A la suite de l'envoi en possession, Maître [G] [F] a été requise par M. [Z] afin de recevoir l'attestation immobilière, ce qui a été fait le 30 août 2016, aux termes de laquelle il était indiqué que la maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 5] s'était trouvée transmise à M. [Z] en sa qualité de légataire universel.

Maître [F] a ensuite rédigé un projet de déclaration de succession en l'état duquel la maison était portée à l'actif successoral pour une valeur de 230.000 € .

Les droits de succession dus par M. [Z] avaient par ailleurs été chiffrés, sur la totalité de l'actif net successoral, à la somme de 154.787 € .

Le 21 octobre 2016, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Maître [F], le conseil de Mme [R]-[W] a fait savoir que sa cliente entendait se prévaloir de l'acquisition faisant l'objet du compromis sous conditions suspensives, soutenant alors que la vente était parfaite dès l'accord des parties sur la chose et sur le prix.

Le 26 octobre 2016, Maître [F] a communiqué cette lettre à M. [Z] en l'interrogeant sur ses intentions.

Par courrier en date du 4 novembre 2016, le premier conseil de M. [Z] a indiqué à

Maître [F] avoir répondu au conseil de Mme [R]-[W] que son client considérait qu'en application des dispositions de l'article 1974 du code civil , le prédécès de M. [S] était venu 'annuler légalement à tout le moins de fait le compromis de vente pour défaut d'aléa...'.

Par acte d'huissier en date du 16 février 2017, Mme [R]-[W] a saisi le tribunal de grande instance de Toulouse afin de voir déclarer la vente parfaite et afin qu'il soit enjoint à M.[Z] de signer l'acte authentique de vente au prix de 76.000 € correspondant au montant du bouquet initialement fixé.

Par jugement en date du 28 mars 2017, Mme [R]-[W] a été déboutée de ses demandes.

Mme [R]-[W] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 10 février 2020, la cour d'appel de Toulouse a :

- infirmé le jugement du 28 mars 2017 ;

statuant à nouveau,

- dit que la promesse synallagmatique de vente conclue le 30 mars 2016 avec

Mme [R]-[W] est valable et n'encourt aucune caducité ;

- dit que cet acte sous seing privé vaut vente ;

- ordonné à M. [Z] de réitérer la vente en la forme authentique dans les termes de cet acte dans le délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt ;

- rappelé que le décès a mis fin au service de la rente viagère et que la signature de l'acte authentique rend immédiatement exigible le paiement de la partie du prix payable comptant soit 76.000 € ;

- dit que passé ce délai, la décision vaudra vente de cet ensemble immobilier ;

- débouté M. [Z] de ses demandes indemnitaires en remboursement de frais ;

- débouté Mme [R]-[W] de sa demande en dommages et intérêts ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;

- condamné M. [Z] aux entiers dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par acte d'huissier en date du 22 juin 2020, M. [Z] a fait assigner Mme [G] [F] et la Selarl [F] et associés devant le tribunal judiciaire de Toulouse sur le fondement de l'article 1240 du code civil afin d'entendre :

- juger que Maître [F] a gravement manqué à son obligation de conseil, d'information et de prudence ;

- juger que ce fait dommageable est à l'origine du préjudice subi par M. [Z] ;

- condamner en conséquence Maître [F] et l'Office notarial in solidum au paiement de la somme de 212.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- ordonner à l'Office notarial, sous astreinte, demeurant sa fonction d'intérêt général et dans le respect des injonctions de la cour d'appel de Toulouse de réitérer la vente en la forme authentique dans les termes du compromis du 30 mars 2016 dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner Maître [F] et l'Office notarial in solidum aux dépens et au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a débouté M. [Z] de ses demandes et l'a condamné aux dépens et à payer à Me [F] et à la Selarl [F] & associés la somme de 1500 euros chacune.

Par déclaration en date du 23 décembre 2021, M. [I] [Z] a relevé appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 20 octobre 2023,

M. [Z] [I], appelant, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :

- réformer le jugement entrepris en son entièreté ;

- juger que Maître [F] a manifestement manqué à ses obligations de conseil, d'information et de négligence (sic) ;

- juger que cette faute lui cause un préjudice ;

- condamner Maître [G] [F] et la Selarl [F], in solidum, au paiement de la somme de 77.153,06€ en réparation du préjudice matériel ;

Vu la procédure engagée par Madame [R] aux fins de remise en état de l'immeuble,

- condamner in solidum Madame [G] [F] et la Selarl [F] au paiement de la somme de 45.000€ représentant le préjudice qu'il a subi du fait des réclamations formulées par Madame [R], devant le tribunal judiciaire ;

- condamner Maître [G] [F] et la Selarl [F], in solidum, au paiement de la somme de 40.000€ en réparation du préjudice moral ;

- condamner Maître [G] [F] et la Selarl [F], in solidum, au paiement de la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

M. [Z] reproche à Maître [F] un manquement à l'obligation d'information sur l'existence du compromis de vente du 30 mars 2016 dont elle était le rédacteur et qui était susceptible de modifier substantiellement l'actif de la succession. Il fait valoir qu'il n'existe aucun document permettant de démontrer qu'il connaissait l'existence de ce compromis avant la réception du courrier de Maître [F] daté du 26 octobre 2016, et qu'en tout état de cause Maître [F] ne lui a donné aucune appréciation sur la valeur juridique de l'acte qu'elle a rédigé et sur le caractère quasi-parfait de la vente.

Il reproche également à Maître [F] d'avoir délivré des informations juridiques erronées. Il soutient qu'elle aurait dû lui conseiller de retenir dans la déclaration de succession la valeur du prix qu'il allait recevoir, soit 76.000 € , et non celle de 230.000 € , ce qui a eu des répercussions considérables puisqu'il a dû payer les droits de succession sur 230.000 € et souscrire à cet effet un emprunt auprès de la Caisse d'épargne. Il soutient en outre qu'en qualifiant le compromis de projet de vente alors que ce projet était concrétisé dans un acte et que la cour d'appel a jugé que la vente était parfaite, Maître [F] a commis une erreur juridique grave qui l'a induit en erreur. Enfin, il reproche à Maître [F] de ne pas avoir suivi ses instructions concernant la préparation de la déclaration de succession uniquement sur la partie non-litigieuse, hors biens immobiliers, et de l'avoir contraint à signer l'acte authentique de prêt.

S'agissant du préjudice, il soutient que si Maître [F] n'avait pas commis les multiples fautes évoquées ci-dessus, il aurait réglé les droits de succession calculés sur la base de 76.000 € , il n'aurait pas emprunté, il n'aurait pas réglé les frais de procédure et d'actes exorbitants auxquels il a été exposé, et il ne se serait pas engagé dans des travaux de réfection partielle de l'immeuble.

Il réclame en réparation de son préjudice matériel la somme de 77.153,06 € se décomposant comme suit :

- 16.234,50 € au titre des frais de procédures diverses, notamment contre la Caisse d'épargne pour obtenir la mainlevée de l'hypothèque ;

- 2491,74 € pour l'entretien d'un immeuble qui ne lui appartient pas et qui ne lui a jamais appartenu ;

- 5763 € au titre des taxes foncières, d'habitation et de logement vacant de 2019 à 2020 ;

- 26.458,82 € correspondant aux intérêts, aux frais de dossier, à l'assurance obligatoire et aux frais de rachat par anticipation de l'emprunt souscrit pour un montant bien supérieur à celui qu'il aurait été contraint d'emprunter si le bien litigieux n'avait pas fait partie de la succession ;

- 3985 € en réparation de la nécessité d'engager des frais en prise d'hypothèque et en mainlevée;

- 12.220 € en réparation du préjudice lié à la nécessité pour lui d'augmenter le niveau des prélèvements sur le revenu de son conjoint pour faire face, notamment, aux frais de procédure;

- 10.000 € au titre des sommes versées pour la condamnation du 7 décembre 2020 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'une part des frais de succession.

Il réclame en outre la somme de 45.000 € représentant le préjudice subi du fait des réclamations formulées par Mme [R] devant le tribunal judiciaire au titre des travaux de remise en état de la maison, du préjudice de jouissance qu'elle prétend avoir subi du 14 février 2021 au 30 novembre 2022, et de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 27 octobre 2023, la Selarl [F] & associés et Me [F] [G], intimées, demandent à la cour, au visa des articles 1240 du code civil et de l'article 564 du code de procédure civile, de:

- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande présentée par M. [I] [Z] en cause d'appel et tendant à obtenir leur condamnation in solidum, provisionnellement, au paiement de la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

- à titre subsidiaire, rejeter cette demande ;

- confirmer pour le surplus le jugement déféré,

- condamner M. [Z] à payer à chacune d'elles la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [I] [Z] aux entiers dépens d'appel.

Maître [F] rappelle qu'aux termes de son assignation introductive d'instance du 22 juin 2020, M. [Z] a reconnu avoir été avisé de l'existence du compromis de vente avant le dépôt de la requête aux fins d'envoi en possession intervenu le 12 août 2016, ce qui vient corroborer ses propos tenus dans un courrier adressé à l'ancien conseil de M. [Z] le 9 novembre 2016. Elle considère que M. [Z] n'établit pas ne pas avoir été informé en temps utile de l'existence du compromis de vente consenti par le défunt au profit de Mme [R] et qu'elle apporte la preuve du contraire.

Elle explique que postérieurement au 15 juin 2016, date à laquelle le compromis de vente n'avait pu être réitéré en raison du décès de M. [S], elle ne pouvait faire autrement que de préparer une déclaration de succession qui devait être déposée dans le délai fiscal de six mois et faire reconnaître judiciairement la qualité de légataire universel de M. [Z] qui ne saurait s'en plaindre. Elle estime que c'est de mauvaise foi que M. [Z] lui reproche de 'l'avoir conduit sur le terrain de l'acceptation pure et simple de la rédaction d'une déclaration de succession', alors qu'en l'état du dossier , il n'existait pas d'autre alternative et qu'il ne saurait pas plus lui être reproché d'avoir avisé M. [Z] le 26 octobre 2016 en lui demandant de prendre position sur la revendication de propriété émise par Mme [R].

Sur la délivrance d'informations juridiques erronées et le défaut de limitation dans la déclaration de succession de la valeur du bien à celle du bouquet de 76.000 €, elle fait valoir que c'est l'ancien conseil de M. [Z] qui a fait connaître la position de son client en opposant que 'le décès du vendeur survenu le 1er juin 2016 aurait légalement annulé le compromis de vente pour défaut d'aléa' et qu'elle ne s'est pas positionnée sur ce point, conseillant à M. [Z] dans la perspective d'un éventuel contentieux de solliciter un sursis au paiement des droits de mutation à titre gratuit jusqu'à la décision judiciaire à intervenir, qu'elle n'a jamais contraint M. [Z] à souscrire un emprunt, ni même conseillé de le faire, que c'est en pleine connaissance de cause que M. [Z] a signé le 7 décembre 2016 à la fois l'acte authentique de prêt de la somme de 154.787 € et la déclaration définitive de succession retenant le bien litigieux pour son entière valeur de 230.000 € avant de s'acquitter quelques jours plus tard de la totalité des droits de succession.

MOTIFS

Sur le fond ;

Le notaire est tenu d'informer et éclairer les parties sur la portée et les effets des actes qu'il établit. Il doit s'assurer que les parties ont bien connaissance de l'ensemble des tenants et aboutissants des actes qu'elles signent.

Lorsqu'elle est recherchée sur le fondement du manquement au devoir de conseil, la responsabilité civile du notaire suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice qui doit être né, actuel et certain, et d'un lien de causalité entre ces deux premiers éléments.

M. [Z] reproche en premier lieu à Maître [F], qui était le rédacteur du compromis de vente du 30 mars 2016, de ne pas l'avoir informé immédiatement de l'existence de ce compromis qui était susceptible de modifier substantiellement l'actif de la succession et le montant des droits de succession. Il soutient ne pas avoir eu connaissance de l'existence du compromis avant la réception du courrier de Maître [F] daté du 26 octobre 2016.

Mais il apparaît qu'il est indiqué dans l'assignation introductive d'instance du 17 juin 2020 rédigée par le précédent conseil de M. [Z] , page 4 : 'Mais avant que l'exposant ne soit invité par Me [F] de solliciter son envoi en possession (requête du 12 août 2016), il lui était indiqué par cette dernière que de son vivant, M. [S], auteur de l'exposant, s'était engagé en date du 30 mars 2016 dans les liens d'un compromis de vente 'aléatoire' du bien immobilier sus identifié et dépendant de l'actif successoral, sous conditions suspensives, moyennant un 'bouquet' de Eur 76000 payable comptant à la signataire d'un acte réitératif et complété par le versement d'une rente viagère de EUR 9600 servie mensuellement et pour la première fois au jour du dit acte réitératif'.

M. [Z] soutient aujourd'hui que c'est par erreur qu'il a été indiqué dans cette assignation qu'il avait été informé de l'existence du compromis de vente, mais il se déduit du courrier qui lui a été adressé par Maître [F] le26 octobre 2016 qu'il disposait déjà de cette information : 'Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint le courrier recommandé que je viens de recevoir de l'avocat de Madame [R] qui vous demande la réitération en la forme authentique du compromis de vente de la maison de [Localité 5] signé par Monsieur [S] le 30 mars 2016. Vous voudrez bien me faire connaître la suite que vous comptez donner à cette mise en demeure'. Un tel courrier, dénué de toute explication et non accompagné d'une copie du compromis de vente, ne se conçoit en effet que dans la mesure où M. [Z] était déjà en possession de ces informations.

En tout état de cause, à supposer que l'information n'ait été donnée que le 26 octobre 2016, le manquement du notaire n'aurait aucun lien de causalité avec les dommages dont M. [Z] sollicite la réparation. En effet, la succession de M. [S] étant bénéficiaire, M. [Z] n'avait aucune raison de renoncer au legs qui incluait sinon la valeur réelle de la maison à tout le moins le 'bouquet' de 76.000 € , et l'information aurait été donnée à une date antérieure de plus d'un mois à la date limite pour déposer la déclaration de succession, six mois après le décès.

M. [Z] soutient ensuite que Maître [F] aurait dû lui conseiller de retenir dans la déclaration de succession la valeur du prix qu'il allait recevoir, soit 76.000 € , et non celle de 230.000 € , ce qui a eu des répercussions considérables puisqu'il a dû payer les droits de succession sur 230.000 € et souscrire à cet effet un emprunt auprès de la Caisse d'épargne. Il soutient en outre qu'en qualifiant le compromis de projet de vente alors que ce projet était concrétisé dans un acte et que la cour d'appel a jugé que la vente était parfaite, Maître [F] a commis une erreur juridique grave qui l'a induit en erreur. Enfin, il reproche à Maître [F] de ne pas avoir suivi ses instructions concernant la préparation de la déclaration de succession uniquement sur la partie non-litigieuse, hors biens immobiliers, et de l'avoir contraint à signer l'acte authentique de prêt.

Le conseil de M. [Z] a adressé à Maître [F] le courrier suivant daté du 4 novembre 2016:

' Monsieur [I] [Z], légataire universel de Monsieur [S] et mis en possession par ordonnance du 16 août 2016, me répercute votre correspondance du 26 octobre à laquelle était annexée celle de mon confrère du 21 à qui je viens de répondre en ces termes :

'... le prédécès en date du 1er juin 2016 du vendeur/testateur est venu annuler légalement (article 1974 civ.), à tout le moins de fait le compromis de vente pour défaut d'aléa, et ce peu important l'effet rétroactif ... situation dans laquelle Mme [R] n'aura pas à exécuter son obligation du fait du décès actuel du sieur [S] sur la tête duquel la rente était constituée, qu'elle n'encourt aucun risque de perte, le sieur [S] quant à lui n'ayant jamais pu bénéficier d'aucune chance de gain'.

J'ai fixé à mon confrère un délai de 8 jours pour me répondre sachant en effet qu'au-delà de toutes les conséquences attachées à ce dossier, il en existe une des plus contemporaines et liée à l'aspect fiscal tiré de la consistance de l'actif successoral.

M. [Z] m'indique que le calcul que vous auriez fait inclut la valeur de l'immeuble (intégration qui confirmerait alors mon analyse sur le caractère non fondé de la revendication de la dame [R]) et que l'emprunt souscrit à ce titre l'a été en considération des droits pleins et entiers recueillis sur cette maison. Si mon analyse était erronée, les droits devaient être reconsidérés par soustraction de ce bien. Merci de me fixer sur ce point.

Enfin, Monsieur [Z] m'indique que l'inventaire de l'actif successoral que vous lui avez fait intégrait bien cet immeuble sans réserve d'aucune sorte et notamment celle tirée de ce compromis litigieux. Quelles explications avez vous à me donner à ce titre, sauf ici encore à considérer que vous partagez mon analyse sur la nullité de ce compromis.

Par ailleurs, il m'a été confié que Monsieur [S] était gravement malade.

Demeurant les incidences de tous ordres ( notamment fiscales) je vous sais gré de me fixer par retour et au plus tard sous 8 jours (...) '

Maître [F] lui a répondu par courrier du 9 novembre 2016 :

' En réponse à votre courrier du 4 courant, je vous précise que la valeur retenue pour l'immeuble sis à [Localité 5], dont Monsieur [Z] a été institué légataire, dans la succession de Monsieur [S] est la même que celle qui a été fixée par l'agence immobilière Omega à Cugnaux lors de la négociation de la vente de ce bien entre Monsieur [S] et Madame [R], soit 230.000 euros, et ce en accord avec Monsieur [Z].

Lors du règlement de la succession de Monsieur [S], je vous confirme ainsi que je vous le disais au téléphone, avoir constamment tenu informé Monsieur [Z] de l'existence du projet de vente en rente viagère initié par Monsieur [S], de sa maison à la dite dame [R] ; il ne saurait raisonnablement prétendre maintenant le contraire.

Nous avons en effet suffisamment évoqué ensemble l'obligation pour lui de payer des droits de succession élevés (à 60 % compte tenu de l'absence de lien de parenté avec le défunt) dans les 6 mois du décès, et par voie de conséquence de la nécessité : soit de vendre le bien, soit de recourir à un prêt pour en assurer le paiement . Je lui avais suggéré de prendre contact avec Madame [R], acquéreur potentiel, ce qui a d'ailleurs été fait directement par cette dernière à deux reprises auprès de lui, comme elle m'en a tenue informée, mais Monsieur [Z] n'y a pas donné suite.

Bien que vous rejoignant sur l'application au cas d'espèce de l'article 1974 du code civil, vous comprendrez que je ne puisse me faire juge en l'état de la demande en réitération forcée de la vente de cet immeuble, revendiqué par Madame [R] assistée de son avocat, à laquelle s'oppose aujourd'hui Monsieur [Z].

Eu égard à une éventuelle procédure judiciaire, Monsieur [Z] aurait la possibilité, s'il le souhaite, de demander de différer le paiement de ses droits de mutation à titre gratuit jusqu'à la décision de justice (...)'.

Il ressort de ces courriers échangés trois semaines avant le premier décembre 2016, date limite pour déposer la déclaration de succession, que Monsieur [Z] était parfaitement informé tant par le notaire que par son avocat des conséquences fiscales de la consistance de l'actif de la succession et de la possibilité de différer le paiement des droits de mutation à titre gratuit jusqu'à la solution du litige l'opposant à Mme [R]. Par ailleurs, M. [Z] ne saurait utilement reprocher à Maître [F] de l'avoir induit en erreur sur le caractère parfait de la vente consentie par M. [S] à Mme [R] alors que son conseil avait fermement pris position sur ce point en écrivant à cette dernière avant même de consulter le notaire et que Maître [F] avait prudemment indiqué qu'elle ne pouvait se faire juge du bien fondé de la demande en réitération forcée, attitude qui ne saurait lui être reprochée au regard de la difficulté juridique confirmée par le déroulement de la procédure engagée par Mme [R], le jugement du tribunal judiciaire rejetant les prétentions de cette dernière ayant ensuite été infirmé par la cour d'appel. Il ne saurait pas plus reprocher à Maître [F] de lui avoir conseillé de retenir une valeur de bien de 230.000 € plutôt que de 76.000 € dans le cadre de la déclaration de succession dès lors que c'est dûment conseillé par son avocat que M. [Z] a fait le choix de considérer que la vente [S] / [R] était nulle, ce qui impliquait de déclarer la valeur réelle du bien, plutôt que de demander à différer le paiement des droits comme le lui avait suggéré Maître [F].

M. [Z] évoque également un courriel qui lui a été adressé par Maître [F] le 5 décembre 2016 : 'La Caisse d'épargne qui vous a consenti un prêt de 154.787 euros, demande en garantie une inscription hypothécaire sur le bien de la place du Fort dont vous avez hérité. Je suis donc obligée de vous faire signer un acte authentique de prêt pour pouvoir inscrire la garantie demandée par la banque auprès du service de publicité foncière. Lorsque vous revendrez le bien ainsi donné en garantie, il faudra rembourser le solde du prêt consenti par cette banque et faire la mainlevée de l'inscription d'hypothèque ainsi prise parce que vous devez effectivement céder le bien libre de toute inscription.

Cette mainlevée engendrera des frais de l'ordre de 550 euros environ. Vous pouvez donc signer cet acte de prêt pour pouvoir avoir les fonds nécessaires au règlement des droits de succession, et dans la mesure où le montant du prêt est inférieur au prix de la vente éventuelle à intervenir, vous ne prenez aucun risque (...)'.

Ce courriel doit être replacé dans l'exacte chronologie des faits. Contrairement à ce que soutient M. [Z], Maître [F] ne l'a pas contraint à emprunter la somme de 154.587 € et à consentir une hypothèque sur le bien. C'est en réalité parce que Maître [F] avait reçu de la banque l'offre de prêt personnel accordé à M. [Z] et accepté par lui seul sans intervention du notaire, qu'elle a été tenue de dresser un acte authentique conforme à l'offre de prêt émise par la banque.

En définitive, à la lueur de ces divers échanges et de la chronologie des faits, il apparaît que c'est en pleine connaissance de cause que le 7 décembre 2016, M. [Z] a signé à la fois l'acte authentique de prêt de la somme de 154.787 € et la déclaration définitive de succession qui retenait le bien litigieux pour son entière valeur de 230.000 € avant de s'acquitter quelques jours plus tard de la totalité des droits de succession correspondants au moyen du prêt hypothécaire consenti par la Caisse d'épargne.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a considéré qu'aucun des reproches formulés à l'encontre du notaire n'était établi et a débouté Monsieur [Z] de ses demandes en paiement des sommes de 77.153,06 € en réparation du préjudice matériel et de 40.000 € en réparation du préjudice moral.

En cause d'appel, M. [Z] sollicite en outre la condamnation de Maître [F] au paiement de la somme de 45.000 € représentant le préjudice subi du fait des réclamations formulées par Mme [R] devant le tribunal judiciaire au titre des travaux de remise en état de la maison, du préjudice de jouissance qu'elle prétend avoir subi du 14 février 2021 au 30 novembre 2022, et de l'article 700 du code de procédure civile.

Il s'agit là de nouvelles prétentions au sens de l'article 564 du code de procédure civile qui doivent être déclarées irrecevables dans la mesure où, aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

M.[Z], partie perdante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

Il se trouve redevable à l'égard de Maître [F] et de la Selarl [F] et associés d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Il ne peut lui-même prétendre à une indemnité sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 06 décembre 2021.

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de condamnation in solidum de Madame [G] [F] et de la Selarl [F] et associés au paiement de la somme de 45.000 € au titre du préjudice subi par M. [Z] du fait des réclamations formulées par Mme [R] devant le tribunal judiciaire.

Condamne M. [Z] aux dépens d'appel.

Condamne M. [Z] à payer à Maître [F] et à la Selarl [F] et associés la somme de 2000 € chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [Z] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier P / Le Président

N.DIABY J.C. GARRIGUES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/05062
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;21.05062 ?
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