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26/03/2024 | FRANCE | N°23/00321

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 26 mars 2024, 23/00321


26/03/2024



ARRÊT N°



N° RG 23/00321

N° Portalis DBVI-V-B7H-PHD6

SL/ EJ/ ND



Décision déférée du 22 Novembre 2022

Juge de la mise en état de TOULOUSE (22/00643)

Mme GIGAULT

















[E] [L]





C/



S.A.R.L. MIDI CONSTRUCTION



































INFIRMATION







Grosse délivr

ée



le



à



Me VILLARD



Me SPINAZZE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [E] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté par Me Cécile VILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE

...

26/03/2024

ARRÊT N°

N° RG 23/00321

N° Portalis DBVI-V-B7H-PHD6

SL/ EJ/ ND

Décision déférée du 22 Novembre 2022

Juge de la mise en état de TOULOUSE (22/00643)

Mme GIGAULT

[E] [L]

C/

S.A.R.L. MIDI CONSTRUCTION

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me VILLARD

Me SPINAZZE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [E] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Cécile VILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.R.L. MIDI CONSTRUCTION

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Mathieu SPINAZZE de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant

S. LECLERCQ, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

J.C. GARRIGUES, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- Signé par J.C. GARRIGUES, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

Exposé des faits et de la procédure :

Le 29 septembre 2010, M. [E] [L] a conclu avec la société civile de construction vente Sci SMP Bellefontaine, immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 509 437 299, représentée par la Sas Serge Mas promotion, sa gérante, immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 428 170 583, un contrat de réservation préliminaire portant sur un appartement type T2 de 44,50m² avec parking, dans un ensemble immobilier dénommé 'Les mûriers de Marestan', situé [Adresse 1] à [Localité 5], au prix de 146.000 euros, dans le cadre du dispositif de défiscalisation soumise au régime de la loi De Robien.

Par acte authentique du 24 décembre 2010, la Sci SMP Bellefontaine, représentée par la Sas Serge Mas promotion, sa gérante, a vendu à M. [E] [L] en état futur d'achèvement, les lots n° 7042 consistant en appartement type T2 identifié D 406 sur le plan et n° 7001 consistant en un parking couvert identifié R 94 sur le plan, au prix de 146.000 euros, TVA incluse.

La Sarl Midi Construction est la nouvelle dénomination de la Sas Serge Mas promotion.

Le 12 octobre 2012, M. [L] a revendu ce bien pour un prix de 92.000 euros net vendeur.

Par acte du 3 février 2022, M. [E] [L] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse la Sarl Midi construction, anciennement dénommée Serge Mas promotion, immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 428 170 583, afin notamment de la voir condamnée, en qualité de promoteur-vendeur et instigatrice du projet immobilier, à des dommages et intérêts pour dol ainsi qu'au titre de sa responsabilité délictuelle pré-contractuelle pour manquement à son devoir d'information et de conseil.

Par conclusions d'incident du 18 juin 2022, la Sarl Midi construction a soulevé l'irrecevabilité des demandes formulées par M. [E] [L], pour cause de prescription.

Par ordonnance du 22 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- déclaré irrecevable car prescrite l'action introduite par [E] [L] à l'encontre de la Sarl Midi construction,

- rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles,

- condamné [E] [L] aux entiers dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le premier juge a déclaré prescrite l'action se fondant sur des manoeuvres dolosives, au motif que le contrat de vente datait du 24 décembre 2010, soit près de 10 ans avant l'introduction de l'instance.

Il a estimé que M. [L] disposait des informations lui permettant de se rendre compte de l'absence d'information et de conseil alléguée dès la signature du contrat préliminaire de réservation ; que toutefois, considérant qu'au moment de cette signature, il était soumis à la puissance et la pression d'un discours insistant, il pouvait être admis qu'il n'ait pas été en mesure de prendre conscience des manquements allégués même s'il disposait des informations pouvant aller en ce sens ; qu'en revanche, il avait bénéficié d'un délai de 3 mois entre le contrat de réservation et l'acte de vente définitif, au cours desquels, eu égard à l'importance des sommes en jeu, il devait faire le point, cette fois dans le contexte plus serein de l'intimité, sur les informations reçues ; que c'était au plus tard à l'issue de ce délai de 3 mois, c'est-à-dire au moment de la signature de l'acte de vente définitif, qu'il aurait dû se rendre compte des manquements allégués ; que dans ces conditions, l'action fondée sur d'éventuels manquements à l'obligation d'information et au devoir de conseil se prescrivait le

24 décembre 2015 compte tenu de la date de signature de l'acte authentique ; que l'assignation datant de 2022, l'action était prescrite.

-:-:-:-

Par déclaration du 27 janvier 2023, M. [E] [L] a relevé appel de cette ordonnance, en ce qu'elle a déclaré irrecevable car prescrite l'action qu'il a introduite à l'encontre de la Sarl Midi construction et l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,

L'affaire a été fixée à bref délai.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 avril 2023,

M. [E] [L], appelant, demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du 22 novembre 2022 en ce qu'elle a déclaré irrecevable car prescrite l'action qu'il a introduite à l'encontre de la Sarl Midi construction et l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,

En statuant à nouveau :

- le recevoir en ses demandes et les dire bien fondées.

- débouter la société Midi construction de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juger que son action n'est pas prescrite,

- renvoyer l'affaire devant la formation de jugement pour statuer sur le fond du dossier,

En tout état de cause,

- condamner la société Midi construction à lui payer la somme de 6.000,00 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il soutient que le prix d'acquisition du bien immobilier était très surévalué. Il dit que s'il avait été correctement informé et conseillé, il n'aurait jamais contracté un tel investissement.

Il soutient que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de l'estimation immobilière du bien support de l'investissement, soit le 9 août 2021, car c'est uniquement lorsqu'il s'est rendu compte que son bien était surévalué qu'il a pris conscience des manquements de la Sarl Midi construction à son obligation d'information et de conseil et du dommage en résultant.

S'agissant du rôle de la société Midi construction, il la présente comme le promoteur-vendeur et l'instigatrice de ce projet immobilier : selon lui, cette société est le promoteur du projet immobilier ainsi que le vendeur de cette opération de défiscalisation. Il estime que c'est elle qui a décidé de construire à faible coût et en dépit du bon sens un ensemble immobilier constitué d'un grand nombre de logements, alors qu'elle savait pertinemment qu'il serait difficile de les vendre au regard de la faiblesse du marché immobilier et du potentiel locatif de la ville. Il soutient que ce sont pour ces agissements que la société Midi construction doit répondre de ces obligations délictuelles envers lui. Il dit qu'elle s'est rendue coupable à son encontre de manoeuvres dolosives et a manqué à son obligation d'information et de conseil.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 mars 2023,

la Sarl Midi construction, intimée, demande à la cour, au visa des articles 122 et suivants et l'article 789 du code de procédure civile, des articles 1137, 1240 et 2224 du code civil, ainsi qu'au visa des anciens articles 1116 et 1382 du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 22 novembre 2022 en ce qu'elle a déclaré les demandes formulées par M. [L] irrecevables pour cause de prescription,

- condamner M. [L] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [L] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Mathieu Spinazze, avocat, sur son affirmation de droit

Elle fait valoir que la Sci SMP Bellefontaine a entrepris la réalisation d'une résidence dénommée 'Les mûriers de Marestan'. Elle soutient que le point de départ de la prescription prévue à l'article 2224 du code civil applicable à l'action de M. [L] qui conteste le prix de vente du bien immobilier se situe au jour de la signature de l'acte authentique de vente, soit le 24 décembre 2010.

L'affaire a été examinée à l'audience du 14 novembre 2023.

Motifs de la décision :

Sur la prescription :

Selon l'article 122 code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Pour analyser la prescription, il faut apprécier la nature exacte de l'action susceptible d'être invoquée.

En l'espèce, la cour constate qu'elle est saisie d'une action en responsabilité formée contre la société Midi construction sur le fondement de l'article 1116 ancien du code civile relatif au dol et sur le fondement de l'obligation précontractuelle d'information.

La société Midi construction est présentée par M. [L] comme le promoteur-vendeur.

La vente a eu lieu par acte authentique du 24 décembre 2010.

L'article 2224 du code civil dispose : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Le point de départ de la prescription en matière d'action en responsabilité est en principe le jour où la victime a eu connaissance du dommage. Par exception, c'est le jour de réalisation du dommage si l'ignorance du dommage n'était pas légitime.

Le dommage invoqué par M. [L] est relatif à la surévaluation du bien lors de la vente. Il invoque la perte de chance de ne pas contracter. Il se prévaut d'une estimation de l'appartement avec parking du 9 août 2021 réalisée par l'agence immobilière Era Saint Cyprien exerçant à l'enseigne Era immobilier, au prix de 79.714 à 95.625 euros.

Il a finalement revendu son bien au prix de 92.000 euros net vendeur le 12 octobre 2022.

S'agissant d'un investissement immobilier locatif avec défiscalisation, la revente du bien ne peut s'opérer avant l'expiration d'un délai de plusieurs années sous peine de perdre l'avantage fiscal, donc il n'est pas justifié de reprocher à l'acquéreur de ne pas avoir mené d'investigations sur la valeur du bien avant d'avoir été en mesure de le revendre. La manifestation du dommage pour l'acquéreur ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat. Or, c'est au moment où il est en mesure de revendre le bien qu'il est à même d'apprécier la valeur réelle du bien et la rentabilité de l'opération dans son ensemble, c'est-à-dire au terme du délai de location obligatoire.

En l'espèce, la durée de location était de 9 ans minimum, mais pouvait aller jusqu'à 15 ans, selon la simulation faite par la société Fidelium. M. [L] a entrepris en 2021des démarches en vue de la mise en vente de son appartement. Le délai de prescription de cinq ans n'a donc commencé à courir qu'à compter du 9 août 2021, date de l'estimation de son bien faite par l'agence immobilière Era Saint Cyprien. En effet, ce n'est qu'à cette date que M. [L] a eu connaissance des faits lui permettant d'agir.

En conséquence, M. [L] qui a assigné la société Midi construction par acte du

3 février 2022, n'est pas prescrit en son action.

L'ordonnance du juge de la mise en état dont appel sera infirmée en ce qu'elle a déclaré

M. [L] irrecevable en ses demandes.

M. [L] sera déclaré recevable en ses demandes.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La société Midi construction, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de l'incident de première instance et d'appel.

L'ordonnance rendue le 22 novembre 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse sera en conséquence infirmée à ce titre.

Si la déclaration d'appel visait le chef de jugement relatif aux frais irrépétibles, la cour constate que ledit chef n'est pas repris dans le dispositif des conclusions des appelants. La cour n'en est donc pas saisie.

La demande de la société Midi constructions fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée, et elle sera condamnée à payer à M. [L] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés lors de l'instance d'appel.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant dans la limite de sa saisine,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse du 22 novembre 2022 ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Déclare M. [E] [L] recevable en ses demandes ;

Condamne la Sarl Midi construction aux dépens de l'incident de première instance et d'appel ;

La condamne à payer à M. [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés lors de l'instance d'appel ;

La déboute de sa demande sur le même fondement.

Le Greffier Le Président

N. DIABY J.C. GARRIGUES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 23/00321
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;23.00321 ?
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