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26/03/2024 | FRANCE | N°21/01610

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 26 mars 2024, 21/01610


26/034/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/01610

N° Portalis DBVI-V-B7F-OC2W

MD/JM/ND



Décision déférée du 15 Mars 2021

TJ de TOULOUSE

(19/02202)

Monsieur [A]



















S.A. CNA INSURANCE COMPANY





C/



[V] [G]

[R] [N]

S.A.R.L. SYNERGIE FINANCE CONSULTANTS

























AVANT DIRE DROIT






r>Grosse délivrée



le



à

Me Alexandra BOULOC

Me Sandrine NEFF

Me Philippe DUPUY















REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



CNA INSURANCE COMPANY

prise en la personne...

26/034/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/01610

N° Portalis DBVI-V-B7F-OC2W

MD/JM/ND

Décision déférée du 15 Mars 2021

TJ de TOULOUSE

(19/02202)

Monsieur [A]

S.A. CNA INSURANCE COMPANY

C/

[V] [G]

[R] [N]

S.A.R.L. SYNERGIE FINANCE CONSULTANTS

AVANT DIRE DROIT

Grosse délivrée

le

à

Me Alexandra BOULOC

Me Sandrine NEFF

Me Philippe DUPUY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

CNA INSURANCE COMPANY

prise en la personne de son représentant légal en France domiciliée en cette qualité audit siège.

Venant aux droits de la société CNA INSURANCE COMPANY LIMITED

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Alexandra BOULOC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [V] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandrine NEFF, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [R] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandrine NEFF, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. SYNERGIE FINANCE CONSULTANTS

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe DUPUY de la SELARL DUPUY-PEENE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

À la fin des années 2000, la Sas Aristophil a proposé à un réseau de courtiers en assurance et de conseillers en gestion de patrimoine de commercialiser un produit permettant l'acquisition en indivision de diverses collections de lettres et manuscrits anciens.

La distribution de ces produits était principalement assurée par la société Art courtage, laquelle a souscrit plusieurs partenariats afin d'organiser la commercialisation de ce produit, mission qu'elle a notamment confiée à la Sarl Synergie finance consultant dont M. [B] était l'associé.

Les 15 juin 2012 et 19 octobre 2012, M. [V] [G] et M. [R] [N] ont respectivement conclu un contrat de mandat de recherche de produits d'arts et de collections avec la Sarl Synergie finance consultant.

Les 20 juillet 2012 et 19 octobre 2012, ils ont respectivement :

- acheté auprès de la Sas Aristophil, représentée par la Sarl Synergie finance consultants, pour le premier 4 parts de 25 000 euros de l'indivision 'La trilogie des arts et des lettres' d'un montant total de 100 000 euros, et pour le second 5 parts de 15 000 euros, soit un total de 75 000 euros, au sein de l'indivision « De l'impressionnisme au surréalisme »,

- conclu un contrat de garde et de conservation des collections avec la Sas Aristophil, pour une durée d'un an reconductible pendant cinq ans.

Dans un procès-verbal clos le 6 février 2014, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a retenu à l'égard de la Sas Aristophil et M. [P] [L], son président, l'existence d'une infraction de pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications, ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les qualités substantielles d'un bien ou d'un service outre l'infraction de factures non conformes.

Le 24 février 2014, la Dgccrf a transmis la procédure au Procureur de la République qui a ouvert une enquête préliminaire sur des faits d'escroquerie en bande organisée susceptibles d'avoir été commis depuis 2008 dans le cadre de la Sas Aristophil.

Une information judiciaire a été ouverte après des garde à vue, par un réquisitoire introductif du 5 mars 2015 pour plusieurs chefs dont l'escroquerie en bande organisée et les pratiques commerciales trompeuses, avec mise en examen, pour certains chefs, notamment de M. [L], de l'expert-comptable, d'un libraire et de la responsable des achats, du directeur général de la société Art courtage ainsi que de Maître [D], notaire, et M. [J].

Le 16 février 2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Sas Aristophil, suivie de sa liquidation judiciaire, le 5 août 2015.

Par courrier du 24 mars 2015 s'agissant de M. [G] et du 25 mars 2015 s'agissant de M. [N], l'administrateur judiciaire de la Sas Aristophil les a informés de l'ouverture à son encontre d'une procédure de redressement judiciaire, de ce qu'il allait être procédé à l'identification des biens appartenant au débiteur et de ceux qu'il détient en nature et qui sont susceptibles d'être revendiqués par des tiers, et que « toute opération d'achat ou de rachat des lettres et manuscrits est suspendue ».

Par courriers recommandés avec avis de réception, des 19 novembre 2018 et 22 février 2019, M. [G] et M. [N], ont sollicité de la société Synergie finance consultant, sur le fondement d'un manquement par cette dernière à son obligation d'information et de conseil, la présentation d'une proposition indemnitaire dans un délai de quinze jours à compter de la réception, outre la déclaration du sinistre auprès de son assureur de responsabilité civile professionnelle et de la Sa Cna insurance company.

-:-:-:-

Par acte d'huissier du 20 juin 2019, M. [G] et M. [N] ont fait assigner la société Synergie finance consultants et la Sarl Synergie finance courtage (toutes deux issues d'une scission de la société Synergie finance consultant) et par acte d'huissier du 24 juin 2019, la société de droit britannique Cna insurance company limited, devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins notamment de voir condamner la société Synergie finance consultants à réparer leurs préjudices financier moral, et condamner la Sa Cna insurance company à garantir l'ensemble des condamnations prononcées.

-:-:-:-

Par un jugement du 15 mars 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- mis hors de cause la société Synergie finance courtage,

- condamné M. [G] et M. [N] aux dépens dont distraction au profit de M. [S],

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis hors de cause la société Cna insurance company limited,

- laissé les dépens à sa charge,

- donné acte à la société Cna insurance company (Europe) de son intervention volontaire,

- dit recevable car non prescrit le grief relatif à l'absence d'information quant au caractère ambigu du contrat sur l'option d'achat au terme de la société Aristophil, de même que le grief relatif au caractère hasardeux du placement,

- dit irrecevables car prescrits les griefs complémentaires,

- dit que le grief relatif au caractère hasardeux du placement n'est pas établi,

- dit que la société Synergie finance consultants a manqué à son obligation d'information quant au mécanisme de rachat des parts au terme,

- condamné la société Synergie finance consultants à payer à M. [G] la somme de 60.000 euros et à M. [N] celle de 45.000 euros et celle de 800 euros chacun avec les intérêts au taux légal à compter du jugement dont capitalisation quand ils seront dus pour une année entière,

- condamné la société Synergie finance consultants aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros à chacun des demandeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- « dit et jugé » que la garantie de la société Cna insurance company (Europe) est due dans les termes de la police FN 1925,

- dit que les sinistres ne relèvent pas de la catégorie des sinistres sériels,

- « dit et jugé » que le plafond de garantie de 2.000.000 euros s'applique aux indemnités effectivement versées par épuisement,

- « dit et jugé » que la preuve de ce que le plafond est atteint n'est pas rapportée quelle que soit la période à considérer,

- en conséquence condamné la Société Cna insurance company (Europe) à garantir la société Synergie finance consultants de l'ensemble des condamnations prononcées,

- l'a condamné in solidum avec la société Synergie finance consultants à verser la totalité des sommes susdites et les dépens,

- dit que la résiliation du contrat d'assurance à effet du 31 décembre 2014 selon l'avenant du 6 février 2015 n'est pas opposable,

- dit que les indemnités versées s'imputent pour M. [G] sur l'année 2018 et pour M. [N] sur l'année 2019,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

Le tribunal a considéré que la consistance et la portée de la clause contenant une promesse de vente à la société Aristophil nécessitaient des explications de la part du conseiller pour comprendre que la société Aristophil disposait d'un droit d'option applicable non pas au prix mais à la décision de rachat. Il appartenait au conseiller de lever les ambiguïtés du contrat et d'expliquer aux investisseurs les différents scénarios possibles en cas de cession des parts. Le contrat étant conclu pour une durée d'un an renouvelable tacitement pendant cinq ans, et le rachat s'effectuant à un prix garanti uniquement à l'expiration du délai de cinq ans, c'est à l'issue de ce délai que la prescription a commencé à courir, de sorte que le tribunal en a conclu que l'action fondée sur ce grief n'était pas prescrite.

Il a en revanche retenu que le grief relatif au défaut d'information sur les caractéristiques du placement résultait de la lecture de l'acte, que le grief relatif à la surévaluation reposait sur le défaut de vérification de la valeur des collections au jour de conclusion du contrat, le grief relatif au risque du placement, à son opportunité, son caractère rémunérateur, sûr et l'obligation de loyauté du conseiller se prescrivaient à compter du jour de conclusion du contrat, l'action fondée sur ces griefs étant donc irrecevable.

Il a considéré que le grief relatif au caractère hasardeux du placement n'était pas prescrit dès lors que les investisseurs ne pouvaient, en leur qualité de profane, découvrir les tromperies alléguées et les mises en garde de l'AMF.

Au fond, il a considéré que le conseiller n'engageait pas sa responsabilité pour le caractère hasardeux du placement puisqu'il n'avait ni l'obligation ni les moyens de procéder à des investigations complexes pour rechercher si le placement était en réalité hasardeux.

Il a en revanche retenu la faute de la Sarl Synergie finance consultants pour manquement à son devoir d'information sur le fonctionnement réel de l'investissement et plus précisément eu égard à l'absence de promesse de rachat par la société Aristophil.

À ce titre, il a considéré que le conseiller ne pouvait réparer la perte de valeur des parts indivises en ce qu'il est étranger à la déconfiture du vendeur, et à la perte de valeur des collections, qu'en revanche, il avait conduit les acquéreurs à s'engager dans un investissement dans lequel les modalités de sortie étaient un élément important et en l'espèce moins aisé que présenté et ainsi fait perdre aux acquéreurs une chance de 60% de renoncer à l'investissement et fait subir un préjudice moral lié aux tracas de la procédure.

-:-:-:-

Par déclaration du 9 avril 2021, la société Cna insurance compagny (Europe) a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit recevable car non prescrit le grief relatif à l'absence d'information quant au caractère ambigu du contrat sur l'option d'achat au terme de la société Aristophil, de même que le grief relatif au caractère hasardeux du placement,

- dit que la société Synergie finance consultants a manqué à son obligation d'information quant au mécanisme de rachat des parts au terme,

- condamné la société Synergie finance consultants à payer à M. [G] la somme de 60.000 euros et à M. [N] celle de 45.000 euros et celle de 800 euros chacun avec les intérêts au taux légal à compter du jugement dont capitalisation quand ils seront dus pour une année entière,

- condamné la société Synergie finance consultants aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros à chacun des demandeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- « dit et jugé » que la garantie de la société Cna insurance company (Europe) est due dans les termes de la police FN 1925,

- dit que les sinistres ne relèvent pas de la catégorie des sinistres sériels,

- « dit et jugé » que le plafond de garantie de 2.000.000 euros s'applique aux indemnités effectivement versées par épuisement,

- « dit et jugé » que la preuve de ce que le plafond est atteint n'est pas rapportée quelle que soit la période à considérer,

- condamné la société Cna insurance company (Europe) à garantir la société Synergie finance consultants de l'ensemble des condamnations prononcées,

- condamné la société Cna insurance company (Europe) in solidum avec la société Synergie finance consultants à verser la totalité des sommes susdites et les dépens,

- dit que la résiliation du contrat d'assurance à effet du 31 décembre 2014 selon l'avenant du 6 février 2015 n'est pas opposable,

- dit que les indemnités versées s'imputent pour M. [G] sur l'année 2018 et pour M. [N] sur l'année 2019.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mai 2023, la société Cna insurance compagny, appelante, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* jugé prescrit :

- le grief relatif au défaut d'information sur les caractéristiques du placement,

- le grief de surévaluation,

- le grief relatif au risque de placement,

- le grief relatif à l'opportunité du placement,

- le grief relatif au caractère hasardeux du placement,

- le grief relatif à l'obligation de loyauté,

* jugé que le plafond de garantie de 2.000.000 euros s'applique,

-réformer le jugement entrepris en ce que le tribunal a :

* dit recevable car non prescrit le grief relatif à l'absence d'information quant au caractère ambigu du contrat sur l'option d'achat au terme de la société Aristophil, de même que le grief relatif au caractère hasardeux du placement,

* dit que la société Synergie finance consultants a manqué à son obligation d'information quant au mécanisme de rachat des parts au terme,

* condamné la société Synergie finance consultants à payer à M. [G] la somme de 60.000 euros et à M. [N] celle de 45.000 euros et celle de 800 euros chacun avec les intérêts au taux légal à compter du jugement dont capitalisation quand ils seront dus pour une année entière,

* condamne la société Synergie finance consultants aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros à chacun des demandeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* dit et jugé que la garantie de la société Cna insurance company (Europe) est due dans les termes de la police FN 1925,

* dit que les sinistres ne relèvent pas de la catégorie des sinistres sériels,

* dit et jugé que le plafond de garantie de 2.000.000 euros s'applique aux indemnités

effectivement versées par épuisement,

* dit et jugé que la preuve de ce que le plafond est atteint n'est pas rapportée quelle que soit la période à considérer,

* condamné la société Cna insurance company (Europe) à garantir la société Synergie finance consultants de l'ensemble des condamnations prononcées,

* condamné la société Cna insurance company (Europe) in solidum avec la société Synergie finance consultants à verser la totalité des sommes susdites et les dépens,

* dit que la résiliation du contrat d'assurance à effet du 31 décembre 2014 selon l'avenant du 6 février 2015 n'est pas opposable,

* dit que les indemnités versées s'imputent pour M. [G] sur l'année 2018 et pour M. [N] sur l'année 2019,

En conséquence,

À titre principal :

- juger l'action de MM. [G] et [N] prescrite,

- débouter les intimés de leurs prétentions à son encontre,

À titre subsidiaire :

- juger que la société Synergie finance consultants a pleinement exécuté ses obligations d'information et de conseil de moyens,

- débouter M. [G] et M. [N] de toutes leurs prétentions,

À titre subsidiaire :

- juger que M. [G] et M. [N] échouent à démontrer subir un préjudice réparable,

- débouter M. [G] et M. [N] de toutes leurs prétentions,

À titre infiniment subsidiaire,

- juger qu'elle ne saurait être tenue à garantir Synergie finance consultants au-delà des termes de la police n° FN 1925 souscrite auprès d'elle,

- juger que l'ensemble des réclamations formées par les personnes ayant investi dans des collections constituées par la société Aristophil par l'intermédiaire de la société Art courtage ou de ses mandataires, assurés par la police n° FN 1925, constituent un seul et même sinistre, soumis au plafond de garantie par sinistre prévu à la police n° FN 1925 de 2.000.000 euros et applicable au 6 février 2015,

- si la qualification de sinistre sériel est écartée, juger que la condamnation à garantir Synergie finance consultants qui viendrait à être prononcée à l'encontre de la société Cna insurance company (Europe) ne pourra excéder le plafond de garantie de 2.000.000 euros par période d'assurance prévu par la police n° FN 1925,

- juger que la première réclamation de M. [G] est en date du 19 novembre 2018 et celle de M. [N] du 22 février 2019 et relèvent donc, soit de la période d'assurance subséquente (s'il est jugé que la résiliation de la police n° FN 1925 est jugée régulière ou encore que la police n° FN 1925 n'a pas été renouvelée à sa date anniversaire, le 31 décembre 2015), soit de la période d'assurance 2018 s'agissant de la réclamation de M. [G] et de la période 2019 s'agissant de la réclamation de M. [N],

- en conséquence, la condamner à garantir Synergie finance consultants des conséquences des condamnations prononcées à son encontre dans la limite du plafond de garantie de 2.000.000 euros après déduction des condamnations que la société Cna insurance company (Europe) aura déjà versées au titre des autres réclamations formulées soit pendant la période subséquente, soit pendant les périodes d'assurance écoulées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018 et entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019, et après application d'une franchise contractuelle de 3.000 euros par demandeur,

ou

- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les réclamations formées à l'encontre des assurés au titre de la police n° FN 1925 se rattachant à la même période d'assurance, en l'occurrence la période d'assurance subséquente (s'il est jugé que la résiliation de la police est régulière ou encore que la police n° FN 1925 n'a pas été renouvelée à sa date anniversaire, le 31 décembre 2015) ou, à défaut, les périodes d'assurance 2018 et 2019 et procéder à une répartition au marc l'euro des fonds séquestrés,

En tout état de cause,

- condamner M. [G] et [N] à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Maître Bouloc en application de l'article 699 du code de procédure civile.

À l'appui de ses prétentions, l'appelante soutient que :

Sur la prescription,

- en cas d'action fondée sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil, le dommage consistant en une perte de chance de ne pas contracter se réalise à la date de la conclusion du contrat litigieux,

- les investisseurs avaient en l'espèce parfaitement connaissance de l'absence de garantie attachée aux investissements et donc de la perte de chance de souscrire des investissements sécurisés,

- la charge de la preuve de ce que la victime n'aurait pas pu avoir connaissance à la date de conclusion du contrat du préjudice pèse sur elle,

- les documents contractuels ne recelaient aucune ambiguïté de sorte que les intimés étaient en mesure de comprendre le mécanisme des investissements litigieux dès la conclusion des contrats,

- la société Aristophil ne s'est pas engagée à racheter la collection à l'issue du contrat de garde et de conservation,

- la garantie des biens acquis par la société Lloyd's ne peut être interprétée comme une promesse de la société Aristophil de lever l'option à l'issue de la période de garde,

- les intimés reconnaissent eux-mêmes dans leurs conclusions avoir eu pleinement conscience du risque intrinsèque aux investissements litigieux avant de les souscrire,

- les intimés se prévalent de la surévaluation des 'uvres acquises dont ils ne pouvaient se rendre compte lors de la conclusion des contrats dès lors qu'à cette date ils n'en étaient pas possesseurs et que l'intérêt lucratif de l'opération reposait sur une exploitation des 'uvres pendant au moins cinq ans, or la durée de cinq ans est seulement la durée préconisée pour bénéficier de l'éventuelle option de rachat par la société Aristophil et les contrats étaient conclus pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction,

- la société Synergie finance consultants n'est pas responsable de la surévaluation invoquée, les biens étaient évalués par des experts indépendants, et le commercialisateur n'a jamais prétendu avoir procédé à la vérification de la valorisation des 'uvres ainsi établies, et cette absence de vérification était connue des investisseurs dès la souscription des investissements,

- la société Synergie finance consultants n'avait aucune raison de douter de la réalité des expertises, outre que la Dggcrf a confirmé que les avis d'expertises existaient bien, la difficulté étant qu'ils étaient de complaisance,

- la tromperie n'est pas l''uvre de la société Synergie finance consultants mais le fait de la seule société Aristophil,

- le préjudice de perte de chance de ne pas contracter est indépendant de la surévaluation puisque si le rachat avait été garanti ainsi que le soutiennent les intimés, la surévaluation aurait été indifférente,

- on ignore toujours à ce jour les fruits des ventes à intervenir et donc la valeur vénale des biens restant à céder,

- les prétendues revendications de l'Etat en 2017 ne sont pas étayées par des pièces,

- s'agissant de l'obligation de loyauté du conseiller, il ressort que les investisseurs étaient informés de ce que la société Synergie finance consultants était rémunérée par Aristophil dès la souscription des contrats, tel que cela ressort des fiches de connaissances signées par les intimés,

- ce grief est sans lien et sans incidence quant à la décision de souscrire les investissements litigieux,

Au fond,

- la société Synergie finance consultants est intervenue en qualité de conseiller en gestion de patrimoine et les intimés ne prétendent pas que la société Synergie finance consultants serait intervenue en qualité de conseiller en investissement financier,

- la société Synergie finance consultants était donc soumise à un simple devoir d'information et de conseil sur le fondement de l'article 1147 du code civil, qui n'est qu'une obligation de moyens, de sorte qu'elle ne peut être tenu responsable des aléas inhérents aux investissements et de l'absence de rentabilité escomptée,

- l'obligation d'information et de conseil ne peut s'apprécier qu'au regard de l'état des connaissances lors de son intervention,

- le mécanisme frauduleux mis en place par la société Aristophil ne pouvait être décelé à la date de conclusion des contrats, et la société Synergie finance consultants ne devait ni ne pouvait procéder à des investigations pour rechercher si le placement était hasardeux,

- la mise en garde et le communiqué de presse de l'Amf produite par les intimés ne concernent pas la société Aristophil ou n'étaient plus accessibles à la date des investissements,

- en 2012, la société Aristophil jouissait d'une bonne réputation, présentait tous les gages de solidité financière, les collections constituées par la société Aristophil constituaient un vecteur intéressant de diversification patrimoniale et les produits proposés ne faisaient pas l'objet d'alertes par l'Amf,

- la situation des investisseurs résulte de man'uvres frauduleuses dont la société Aristophil est suspectée et qui fait toujours l'objet de mesures d'instructions, révélant la complexité du dossier,

- il n'existait aucune obligation de rachat pour la société Aristophil ni de taux de rendement garanti,

- les demandeurs ont été parfaitement informés par les conventions de garde et de conservation des diverses situations susceptibles de se présenter à la fin de ces conventions,

- les documents étaient clairs et les investisseurs ne pouvaient se méprendre sur la portée des engagements contractés par la société Aristophil et le fonctionnement des investissements,

- les opérations litigieuses ne leur ont pas été présentées comme dépourvues de risque et garantissant, en toutes hypothèses, un rendement,

- les actes notariés démontrent que MM. [G] et [N] avaient eu connaissance de la composition des indivisions au sein desquelles ils ont investi,

- aucun contrat d'assistance n'a été conclu entre la société Synergie finance consultants et les investisseurs,

- aucun des biens composant les collections acquises ne semblent constituer des archives publiques ou fait l'objet de revendication par l'Etat, outre que la société Synergie finance consultants ne peut prédire une possible action en revendication de l'Etat,

- la société Synergie finance consultants ne peut se voir imputer la surévaluation éventuelle des prix de vente par rapport à la valeur réelle des composantes des collections acquises, outre que le prix d'achat du bien par le vendeur ne constitue pas une information essentielle devant être fournie à l'acquéreur en vertu des articles L.111-1 et L.121-1 du code de la consommation,

- il n'existe aucune obligation d'information quant au prix de chaque bien composant la collection,

- la société Synergie finance consultants n'avait pas à vérifier la souscription d'une police d'assurance contre le risque de revente des collections à perte,

- les conseils prodigués par la société Synergie étaient en adéquation avec l'objectif de placement des intimés,

- il n'est pas reproché à la société Synergie finance consultants l'inadéquation du conseil prodigué avec l'objectif poursuivi par les investisseurs mais la non obtention de la valorisation escomptée à la revente, résultat dont la société Synergie n'est pas responsable,

- les intimés ne pouvaient croire que l'intervention de l'intermédiaire était gracieuse et avaient pleinement conscience que la société Synergie était rémunéré par la société Aristophil, elle n'a donc pas manqué à une obligation de loyauté dans l'exécution de la convention,

- les préjudices allégués sont la conséquence de la liquidation de la société Aristophil et des man'uvres commises par son dirigeant, il n'y a donc pas de lien de causalité entre les fautes imputées à la société Synergie et les préjudices dont se prévalent les investisseurs,

- les investisseurs ont engagé une action en responsabilité contre le notaire afin d'obtenir réparation des mêmes préjudices, ce qui entraîne un risque d'enrichissement,

- M. [G] et [N] restent propriétaires des biens acquis, outre que les fruits des ventes à intervenir ne sont pas connus, le préjudice de perte des sommes investies est donc hypothétique,

- le bordereau des ventes réalisées n'a pas été versé aux débats,

- l'évaluation de la perte de chance réalisée par le premier juge est excessive.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 1er juin 2022, M. [V] [G] et M. [R] [N], intimés formant appel incident, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 15 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a:

* mis hors de cause la société Synergie finance courtage,

* dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* mis hors de cause la société Cna insurance company Limited,

* laissé les dépens à sa charge,

* donné acte à la société Cna insurance company (Europe) de son intervention volontaire,

* dit recevable car non prescrit le grief relatif à l'absence d'information quant au caractère ambigu du contrat sur l'option d'achat au terme de la société Aristophil, de même que le grief relatif au caractère hasardeux du placement,

* dit que la société Synergie finance consultants a manqué à son obligation d'information quant au mécanisme de rachat des parts au terme,

* condamné la société Synergie finance consultants à payer à M. [G] la somme de 60.000 euros et à M. [N] celle de 45.000 euros et celle de 800 euros chacun avec les intérêts au taux légal à compter du jugement dont capitalisation quand ils seront dus pour une année entière,

* condamné la société Synergie finance consultants aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros à chacun des demandeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* dit et jugé que la garantie de la société Cna insurance company (Europe) est due dans les termes de la police FN 1925,

* dit que les sinistres ne relèvent pas de la catégorie des sinistres sériels,

* dit et jugé que la preuve de ce que le plafond est atteint n'est pas rapportée quelle que soit la période à considérer,

* en conséquence, condamné la société Cna insurance company (Europe) à garantir la société Synergie finance consultants de l'ensemble des condamnations prononcées,

* condamné la société Cna insurance company (Europe) in solidum avec la société Synergie finance consultants à verser la totalité des sommes susdites et les dépens,

* dit que la résiliation du contrat d'assurance à effet du 31 décembre 2014 selon l'avenant du 6 février 2015 n'est pas opposable,

* dit que les indemnités versées s'imputent pour M. [G] sur l'année 2018 et pour M. [N] sur l'année 2019,

- le réformer sur l'étendue des griefs non prescrits en y incluant en outre le défaut d'information sur les caractéristiques du placement, sur la surévaluation des collections, sur les risques du placement, sur l'opportunité du placement, sur le caractère rémunérateur et sûr du placement ainsi que le manquement à l'obligation de loyauté,

- 'dire et juger' que la société Synergie finance consultants a également commis une faute au titre de ces griefs,

- le réformer sur le plafond de garantie de la police d'assurance FN1925 en retenant que le plafond de garantie de 2.000.000 euros s'applique aux indemnités effectivement versées par épuisement,

- débouter les sociétés Synergie finance consultants et Cna insurance company (Europe) de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les sociétés Synergie finance consultants et Cna insurance company (Europe) à leur verser une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens.

À l'appui de leurs prétentions, les intimés soutiennent que :

Sur la recevabilité de l'action :

- le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de manifestation du dommage et non à celle du manquement du professionnel à ses obligations,

- la présente instance implique un produit d'investissement constitutif d'une pratique commerciale trompeuse voire d'une escroquerie,

- MM. [G] et [N] n'ont pas pu se rendre compte, à la date de conclusion des contrats, du défaut d'information sur le mécanisme juridique complexe du placement litigieux et l'absence de garantie de rachat des parts à terme par la société Aristophil, qui nécessitait une explication par le conseiller en gestion de patrimoine pour lever les ambiguïtés du contrat,

- le professeur [J] qui a rédigé le modèle de contrat ainsi que le notaire ont été mis en examen respectivement pour pratiques commerciales trompeuses et escroquerie en bande organisée,

- la méthode du conseiller en gestion de patrimoine n'était pas exempte d'ambiguïtés, d'inexactitude et d'informations trompeuses,

- dans la clause de rachat, l'option peut sembler porter non sur le rachat lui-même mais sur les modalités de fixation du prix,

- le conseiller en gestion de patrimoine doit délivrer une information éclairée sur les offres d'investissement censées correspondre aux attentes des clients, et les informer sur les chances de succès et les risques de l'opération, or il ne prouve pas avoir informé les acquéreurs sur le rachat des parts à terme par la société Aristophil et le risque de perte en capital ainsi induit,

- c'est à la date de la possibilité d'option que le risque résultant de l'exécution du contrat s'est réalisé et manifesté à l'acquéreur, soit au bout de cinq ans en l'espèce,

- l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société Aristophil a révélé l'existence du risque relatif au défaut de rachat des parts, c'est donc à cette date que les acquéreurs ont pu prendre la mesure réelle de leur engagement,

- l'acquisition d''uvres surévaluées et susceptibles de revendication par l'Etat n'était pas décelable à la date des souscriptions litigieuses, puisqu'ils n'entraient pas en possession des 'uvres, et que le constat concret de la surévaluation des 'uvres et de la revendication d''uvres considérées comme archives publiques date de fin 2017,

- la société Synergie finance consultants ne justifie pas avoir été en possession d'avis de valeur d'experts censés conforter les valeurs attribuées aux biens meubles vendus,

- la valeur du prix d'acquisition apparaissait garantie par la compagnie Lloyd's,

- le risque, l'opportunité et le caractère sûr et rémunérateur du placement n'a pu être apprécié au jour de la conclusion des contrats, le conseiller en gestion de patrimoine vantant l'évolution constante et stable du marché des lettres et manuscrites,

- le conseiller en gestion de patrimoine agissait en double qualité de mandataire de la société Aristophil et MM. [G] et [N], ce qui est particulièrement déloyal, or ils n'ont pas su lors de la conclusion des contrats selon quelles modalités de calcul la commission était versée par la société Aristophil à la société Synergie finance consultants,

Sur la responsabilité de la société Synergie finance consultants,

- le conseiller en gestion de patrimoine doit informer et conseiller ses clients sur les choix de placement, les caractéristiques et spécificités des placements et les éclairer sur les conséquences juridiques, fiscales et les risques encourus,

- en vertu de l'article L.111-1 du code de la consommation, le professionnel doit informer le consommateur des caractéristiques essentielles du bien, en le présentant de manière objective et exhaustive,

- le montage contractuel a été présenté de manière simple alors qu'il était complexe,

- les termes de la convention de garde et de conservation sont trompeurs car le principal propriétaire des parts est la société Aristophil,

- contrairement au discours du conseiller en gestion de patrimoine, la société Aristophil ne s'est pas engagée au rachat des parts, or, ce discours a convaincu MM. [G] et [N] de signer les contrats,

- le montage mis en place par la société Aristophil s'apparentait à un système de « Ponzi » consistant à rémunérer les investisseurs initiaux par les fonds apportés par les nouveaux entrants outre que la valeur alléguée des collections était fantaisiste car surévaluées,

- la preuve du respect de l'obligation d'information incombe au conseiller en gestion de patrimoine, or il ne prouve pas avoir attiré l'attention des clients sur le mécanisme de la promesse unilatérale de vente et l'option d'achat de la société Aristophil,

- la terminologie utilisée dans la clause relative à la promesse de vente contribuait à entretenir la confusion dans l'esprit des clients et des notions juridiques solides étaient nécessaires pour appréhender l'investissement et ses termes, et notamment distinguer promesse unilatérale et promesse synallagmatique de vente,

- la société Synergie finance consultants n'a pas éclairé les clients sur l'hypothèse de non-rachat des parts à l'issue des cinq années, ni sur l'ensemble des situations susceptibles de se réaliser au terme de la convention d'indivision,

- à défaut d'une obligation de rachat par la société Aristophil, les clients n'auraient pas souscrit à ce placement, puisqu'ils n'avaient aucun intérêt à acquérir des 'uvres sans en être collectionneurs et possesseurs, outre que l'hypothèse de vente des parts à un tiers relève de la pure fiction car il faudrait un accord de tous les indivisaires sur l'acquéreur et le prix,

- l'objectif du produit Aristophil était bien un investissement,

- la société Synergie finance consultants n'a pas diffusé les mises en garde de l'AMF en matière de placements atypiques tels que les lettres et manuscrits visés dans des communiqués de presse dès 2003, qui auraient dû l'inciter à être vigilante et alerter les clients,

- le conseiller en gestion de patrimoine doit s'assurer de la pertinence et du caractère sûr des solutions de placement proposés à ses clients,

- il importait peu que la société Synergie ne dispose pas d'informations sur la situation de la société Aristophil lors des placements, seuls le mécanisme équivoque de l'opération, le caractère incomplet des documents fournis, les taux de rendement annoncés et le taux de commissionnement exorbitant auraient dû provoquer la suspicion de l'intermédiaire,

- la société Synergie finance consultant n'aurait pas dû commercialiser un produit dont les propriétés fortement lucratives alléguées masquaient en réalité un placement hasardeux et peu fiable,

- elle n'a pas remis aux clients un document descriptif du produit Aristophil avant les souscriptions, et a seulement indiqué le nom des collections et leur valeur totale,

- elle aurait dû remettre le détail des biens indivis, tel que cela est d'ailleurs indiqué dans la clause « Désignation » des contrats de vente,

- or, il appartenait au conseiller en gestion de patrimoine de se renseigner préalablement sur le descriptif, la valeur et le contenu des collections proposées à la vente afin de permettre à ses clients de déterminer avec précision la composition et la nature exacte des produits complexes qu'il leur était proposé d'acquérir,

- le conseiller en gestion de patrimoine ne semble avoir eu aucune idée des spécificités intrinsèques du produit qu'il commercialisait,

- il n'y a pas eu de mise en garde contre le niveau de risque lié au placement Aristophil, seule une valorisation des 'uvres étant présentée, outre que la valeur du prix d'acquisition semblait garantie par la compagnie Lloyd's et le rachat à terme semblait promis par la société Aristophil,

- la société Synergie finance consultants ne s'est pas enquis des besoins et objectifs des clients de façon personnalisée,

- elle n'a pas vérifié l'adéquation entre le poids de l'investissement et le patrimoine des clients alors qu'une telle obligation lui incombait,

- en vertu du principe de loyauté, le conseiller en gestion de patrimoine doit vérifier la fiabilité du placement qu'il propose à ses clients, or, son comportement en l'espèce traduit un manque flagrant d'indépendance et l'absence de travail de vérification sérieux,

- l'intervention de la société Synergie en double qualité de mandataire de la société Aristophil et MM. [G] et [N] est particulièrement déloyale,

- s'ils avaient eu connaissance des caractéristiques intrinsèques du produit Aristophil, MM. [G] et [N] n'auraient pas donné suite à l'offre de placement proposée,

- leur décision de souscrire au placement ne s'explique que par la délivrance d'informations tronquées et déguisées par la société Synergie finance consultants,

- les clients ont subi un préjudice de perte de chance d'investir leurs capitaux dans un autre placement plus avantageux,

- ils ont en l'espèce perdu une chance de 60% de ne pas souscrire les contrats litigieux.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 janvier 2022, la Sarl Synergie finance consultants, intimée formant appel incident, demande à la cour, au visa des articles L.111-1 et L.124-1 anciens du code de la consommation, 1147 ancien et 2224 du code civil, L.124-1-1 du code des assurances, 455 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* dit recevable car non prescrit le grief relatif à l'absence d'information quant au caractère ambigu du contrat sur l'option d'achat au terme de la société Aristophil, de même que le grief relatif au caractère hasardeux du placement,

* dit que la société Synergie finance consultants a manqué à son obligation d'information quant au mécanisme de rachat des parts au terme,

* condamné la société Synergie finance consultants à payer à M. [G] la somme de 60.000 euros et à M. [N] celle de 45.000 euros et celle de 800 euros chacun avec les intérêts au taux légal à compter du jugement dont capitalisation quand ils seront dus pour une année entière,

- condamné la société Synergie finance consultants aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros à chacun des demandeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- 'dire et juger' que l'action de MM. [G] et [N] est prescrite,

À titre subsidiaire,

- 'dire et juger' qu'elle n'a commis aucune faute dans le cadre de son activité de mandataire,

- 'dire et juger' que les préjudices dont les intimés sollicitent la réparation ne sont pas directs, certains et indemnisables,

- 'dire et juger' qu'il n'y a pas de lien de causalité entre une faute lui étant imputable et un préjudice subi par les intimés,

- rejeter les demandes tenant à la voir condamner à réparer le préjudice subi par les intimés,

À titre infiniment subsidiaire,

- 'dire et juger' que la compagnie Cna insurance company (Europe) ne pourra pas opposer un plafond de garantie unique à l'ensemble de ses assurés,

- 'dire et juger' que la compagnie Cna insurance company (Europe) ne justifie pas que son plafond de garantie est atteint,

- rejeter les modalités de répartition du plafond de garantie au marc le franc ou au prix de la course,

- condamner la compagnie Cna insurance company (Europe), venant aux droits de la société Cna insurance company limited, à relever et garantir la Sarl Synergie finance consultants de toute condamnation,

- « dire et juger qu'il n'y aura pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision »,

En tout état de cause,

- rejeter les demandes adverses comme injustes et mal fondées,

- condamner MM. [G] et [N] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

À l'appui de ses prétentions, l'intimée soutient que :

Sur la recevabilité,

- en matière de perte de chance de ne pas contracter trouvant son origine dans un manquement à une obligation d'information, de conseil ou de mise en garde, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de la conclusion du contrat concerné,

- la durée des conventions de garde et de conservation est d'un an renouvelable tacitement pendant cinq ans, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au plus tard un an après la conclusion du contrat, date à laquelle ils pouvaient vendre leur collection,

- il n'est pas démontré qu'elle aurait réalisé une présentation ambiguë, voire volontairement trompeuse, des produits Aristophil,

- le grief tenant à l'information sur les caractéristiques du placement résulte de la clause « Désignation », parfaitement claire, donc l'action sur ce fondement est prescrite,

- le rapport de la Dgccrf sur le sujet de la surévaluation a été établi le 6 février 2014, il ne peut donc être reproché à la société Synergie finance consultants de ne pas en avoir tenu compte en 2012,

- la prescription de l'action fondée sur le grief tenant au risque, à l'opportunité et au caractère rémunérateur du placement a commencé à courir à la date de conclusion des contrats,

- les agissements frauduleux de la société Aristophil échappent à la responsabilité de la société Synergie finance consultants et leur découverte ne peut avoir pour effet de reporter le point de départ de l'action en responsabilité initiée à son encontre,

- la durée d'exploitation des 'uvres pendant cinq ans était préconisée mais nullement obligatoire,

- les acquéreurs évoquent un discours commercial sans le justifier,

- l'assurance souscrite auprès de la compagnie Lloyd's ne couvre pas la valeur des parts mais la survenance de sinistres,

Sur le fond,

- la société Synergie finance consultants est intervenue en qualité de mandataire de la société Art courtage France,

- la profession de mandataire n'est pas une profession réglementée et aucun texte n'impose de diligences propres à cette fonction,

- les règles relatives aux conseillers en investissement financier sont inapplicables au cas d'espèce,

- les contrats contenaient des informations précises sur les produits (valeur totale des 'uvres comprises dans l'indivision, nombre de parts dans l'indivision et valeur unitaire des parts, nombre de parts acquises, prix de vente) outre que les acquéreurs n'ont pas sollicité d'informations supplémentaires sur les 'uvres concernées,

- la société Synergie finance consultant n'avait pas à communiquer la valeur de chaque bien composant l'indivision ni leur prix d'acquisition,

- elle s'est fiée à la documentation produite par la société Aristophil qui affirmait la fixation de la valeur par des experts indépendants,

- M. [G] et [N] n'ont pas démontré la nature d'archive publique des 'uvres composant l'indivision ou une revendication par l'Etat,

- elle n'a agi qu'en qualité de mandataire, sans contrat d'assistance,

- le fonctionnement des produits choisis est clair et les modalités de rémunération figurent sans tromperie dans les contrats signés,

- les possibilités au terme de la convention de garde et de conservation sont clairement indiquées,

- le rachat par Aristophil était une simple option,

- aucun rendement précis n'a été garanti par la société Synergie finance consultant,

- il n'y avait pas à informer les acquéreurs du risque de revendication de l'Etat alors qu'aucun bien de l'indivision ne constitue une archive publique incessible,

- elle s'est assurée de l'opportunité du placement au regard des profils des acquéreurs et a contrôlé le poids des investissements par rapport à leur patrimoine global, et les a informés des conséquences financières et fiscales de l'opération, 

- le contrat de mandat indique que les acquéreurs ont choisi eux-mêmes les caractéristiques de l'investissement et certifient avoir reçu du conseiller les informations nécessaires à la compréhension du contrat,

- la santé financière et la réputation de la société Aristophil ne faisaient aucun doute et aucune publication de l'Amf n'était de nature à interpeller la société Synergie finance consultants,

- elle n'a jamais caché aux acquéreurs sa double intervention en qualité de mandataire du vendeur et des acquéreurs, les contrats de vente indiquant à ce titre sa qualité de « mandataire autorisé » d'Aristophil, outre que les mandats indiquent que sa rémunération sera comprise dans les montants versés,

- au moment de la souscription des contrats, aucun élément ne permettait de conclure au caractère hasardeux des placements,

- s'agissant du préjudice, les ventes aux enchères des 'uvres d'art comprises dans les indivisions litigieuses sont à ce jour toujours en cours, de sorte que le préjudice financier de MM. [G] et [N] n'est qu'hypothétique,

- il n'est pas possible, pour apprécier la valeur des biens inclus dans les indivisions litigieuses, de se référer aux ventes d'autres biens et à des articles de presse,

- la lettre de Maître [U] n'est pas utilisable dès lors qu'elle ne mentionne pas les biens vendus ni la proportion dans l'indivision et la valorisation initiale des 'uvres concernées,

- MM. [G] et [N] s'étaient rapprochés de la société Synergie finance consultant pour investir dans un produit financier, or de tels investissements comportent nécessairement un aléa, de sorte que la perte de chance des intimés ne peut être évaluée à 60% du montant de leur souscription,

- il n'est pas démontré que MM. [N] et [G] aient subi un préjudice moral,

- les préjudices allégués sont sans lien avec les fautes reprochées à la Sarl Synergie finance consultants mais sont imputables aux man'uvres frauduleuses du président de la société Aristophil ayant conduit à sa liquidation judiciaire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2023. L'affaire a été examinée à l'audience du 11 septembre 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

- Sur la recevabilité de l'action en responsabilité dirigée contre la Sarl Synergie finance consultants :

1. MM. [G] et [N] se prévalent à l'encontre de la Sarl Synergie finance consultants de plusieurs manquements commis en sa qualité de conseiller en gestion de patrimoine. Ils lui reprochent d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil relative à l'absence de garantie de rachat des parts à terme par la société Aristophil, aux situations susceptibles de se réaliser au terme de la convention d'indivision, à la surévaluation des 'uvres et le risque de revendication par l'Etat, le risque, l'opportunité et le caractère sûr et rémunérateur du placement, la composition, la nature exacte et la valeur des produits acquis et la double qualité de mandataire de la Sarl Synergie finance consultants.

Ils lui reprochent également d'avoir manqué à son obligation de loyauté alors qu'elle était également mandataire de la société Aristophil ainsi qu'en raison de l'absence de vérification du sérieux de l'investissement.

Selon eux, ces fautes leur ont causé un préjudice s'analysant en une perte de chance de ne pas contracter et d'investir leurs capitaux dans un autre placement plus avantageux, outre un préjudice moral tels que retenus par le juge de première instance.

2. Ils se prévalent de plusieurs manquements afférents à un même contrat, et ayant causé un même préjudice financier. Néanmoins, ce n'est pas la date de réalisation des manquements ou leur découverte qui tient lieu de point de départ du délai de prescription, mais celle de la découverte du préjudice dont ils se prévalent, dans son principe, même si son étendue est incertaine.

En effet, selon l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

À ce titre, le délai de prescription de l'action en responsabilité civile court à compter du jour où la victime a eu connaissance effective du dommage ou du jour où elle aurait dû en avoir connaissance en cas d'ignorance blâmable des faits pertinents.

La date de réalisation du dommage marque la naissance du droit de la victime mais elle n'est pas nécessairement constitutive du point de départ du délai de prescription puisque le juge doit tenir compte, pour le déterminer, du jour où la victime a effectivement pris ou aurait dû prendre connaissance du dommage.

La charge de la preuve du point de départ d'un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir.

Il convient de déterminer à quel moment, telles que le prétendent la société Cna insurance company et la Sarl Synergie finance consultants, MM. [G] et [N] se sont rendus compte ou auraient dû se rendre compte de ce que la rentabilité de l'investissement pouvait être moindre qu'espérée ou du risque qu'il présentait, et ce, sans, à ce stade de la motivation, se prononcer sur l'existence d'une ou plusieurs fautes imputables à la Sarl Synergie finance consultants, cela relevant de l'étude du bien-fondé des demandes. Il convient dès lors de déterminer à quelle date ils ont eu connaissance des informations dont la non-communication est avancée et de leur incidence sur le préjudice allégué.

2.1. S'agissant de l'absence de garantie de rachat des parts à terme par la société Aristophil, il résulte des conventions de garde et de conservation que, d'une part, les acquéreurs n'agissaient pas en qualité de collectionneurs d''uvres d'art et d'écrits puisqu'ils n'entraient pas en possession des 'uvres, et se portaient acquéreurs, selon les contrats de vente « une quote-part indéterminée de propriété sur un bien indivis composé d'un ensemble de lettres, manuscrits et livres (') » avec un grand nombre d'autres acquéreurs. Il s'agissait donc, tel que cela est stipulé dans les contrats de mandat de recherche conclus avec la Sarl Synergie finance consultants, « d'acquérir un produit d'investissement ».

À ce titre, tel que l'indiquent les contrats de mandat, « les produits d'art ne distribuent pas de revenus en cours de contrat ». Et ni les contrats de vente ni ceux de garde et de conservation conclus avec la Sas Aristophil ne prévoient de rémunération des acquéreurs en cours de contrat. Afin de remplir l'objectif d'investissement visé par les contrats de mandat, les possibilités de sortie de l'investissement ou possibilités offertes au terme des contrats de garde et de conservation sont donc capitales.

Il ressort des conventions de garde et de conservation que les acquéreurs, propriétaires de parts indivises de collections possédées par la Sas Aristophil, ont conclu à son profit une promesse de vente au terme des cinq ans des dites conventions. Il est ainsi précisément stipulé dans la clause intitulée « promesse de vente » que : « le propriétaire promet unilatéralement de vendre à la société la collection dont il est propriétaire au terme des 5 ans du contrat de garde et de conservation. Cette promesse a une durée de trois mois qui court à compter du terme de la convention de dépôt. Cette promesse de vente s'effectuera :

- à un prix d'achat qui figure en annexe 1, ou si ce prix n'est pas fixé,

- à un prix déterminé par expertise.

Ce prix ne pourra en aucun cas être inférieur au prix d'achat majoré de 8,65% par an de la valeur déclarée au départ. L'expertise sera diligentée à la requête des parties par un expert dûment habilité. Durant ces trois mois, la société aura l'option d'acheter la collection, au prix convenu ou à un prix d'expertise. Ce prix sera au minimum supérieur de : 8,65% par an au prix d'acquisition tel qu'il figure à l'annexe 1 pour une période de garde et de conservation de  5 années pleines et entières ».

La stipulation d'une option d'achat au profit de la société Aristophil est particulièrement ambiguë en raison de la ponctuation employée, puisqu'à première lecture, il semble que la société Aristophil ne dispose pas d'une option d'acheter ou de ne pas acheter les parts mais qu'elle dispose d'une option relative à la seule modalité de fixation du prix, à savoir « au prix convenu ou à un prix d'expertise ».

À cela s'ajoute le fait qu'il est indiqué que « la promesse de vente s'effectuera : - à un prix d'achat qui figure en annexe 1, ou si ce prix n'est pas fixé, - à un prix déterminé par expertise », sans que figure de manière évidente le fait que la vente à la société est conditionnée à son acceptation ou sa levée d'option.

En outre, il s'agit d'acquéreurs dont il n'est pas démontré qu'ils disposent de connaissances juridiques leur permettant de comprendre le sens réel de cette stipulation qui octroie en réalité une option d'achat à la Sas Aristophil, tel que cela résulte de sa combinaison avec d'autres stipulations du contrat et notamment, le fait qu'il soit écrit « le propriétaire promet unilatéralement de vendre », de sorte que la promesse n'est pas synallagmatique.

M. [G] et M. [N] ne pouvaient donc prendre conscience dès la conclusion des contrats de garde et de conservation de ce qu'ils ne bénéficiaient pas d'une promesse d'achat de leurs parts indivises par la Sas Aristophil.

Ils ne devaient s'en rendre compte qu'à l'issue de la période de cinq ans, soit en 2017, dès lors que les parts indivises sont augmentées de 8,65% par an, à la condition sine qua non de conservation pendant cinq années, ainsi que cela résulte de la stipulation suivante : « ce prix sera au minimum supérieur de : 8,65% par an au prix d'acquisition tel qu'il figure à l'annexe 1 pour une période de garde et de conservation de 5 années pleines et entières ». La faculté de résiliation annuelle octroyée par ailleurs ainsi que la stipulation d'une durée du contrat d'un an renouvelable par tacite reconduction et pendant cinq ans » importaient peu.

Néanmoins, en l'espèce, par courrier du 24 mars 2015 s'agissant de M. [G] et du 25 mars 2015 s'agissant de M. [N], la Sas Aristophil les a, en effet, informés de l'ouverture à son encontre d'une procédure de redressement judiciaire et indiqué que « toute opération d'achat ou de rachat des lettres et manuscrits est suspendue ».

Il y a donc lieu de considérer qu'à ces dates, M. [G] et M. [N] ont pu prendre conscience de ce que ce la société Aristophil pourrait ne pas racheter leurs parts au sein des indivisions respectives : « La trilogie des arts et des lettres » et « De l'impressionnisme au surréalisme » dans les conditions contractuellement convenues.

2.2. MM. [G] et [N] se prévalent en deuxième lieu d'une obligation d'information relative aux situations susceptibles de se réaliser au terme de la convention de garde.

Les contrats de garde et de conservation conclus avec la Sas Aristophil et Mme [M] en sa qualité de gestionnaire de l'indivision contiennent la clause suivante : -« terme de la convention : le propriétaire de la collection peut, chaque année ou au terme de la conservation par la société, mettre fin au contrat. Au terme de la convention, le propriétaire reprend la possession de sa collection. Il peut :

- conserver la collection,

- vendre la collection sur le marché national ou international des 'uvres d'art, de gré à gré, en vente publique, en vente sur offre, ou à un musée,

- appliquer la promesse de vente et revendre la collection à la société aux conditions stipulées à l'article VI ».

C'est donc à compter de la conclusion des contrats de vente que MM. [G] et [N] ont eu connaissance des situations susceptibles de se réaliser au terme de la convention d'indivision et auraient pu, à ce titre, conclure ou non les contrats de vente litigieux.

Pour autant, la connaissance des situations susceptibles de se réaliser au terme de la convention de garde et conservation ne participe pas du préjudice de perte de chance de contracter. Ce dernier tient, en effet, à la rentabilité de l'opération qui, s'agissant des situations de sortie de l'investissement, se cristallise autour de l'absence de promesse d'achat à la charge de la Sas Aristophil et de la possibilité de lui revendre les parts d'indivision aux conditions contractuelles avantageuses.

La date de conclusion des contrats de vente ne peut donc servir de point de départ au délai de prescription de l'action en responsabilité dirigée contre la Sarl Synergie finance consultants.

2.3. MM. [G] et [N] se prévalent en troisième lieu d'une obligation d'information relative à la surévaluation des 'uvres et au risque d'être exposé à des actions en revendication par l'Etat.

S'agissant de l'éventuelle surévaluation des 'uvres, M. [B] a envoyé des courriels à M. [G] le 20 avril 2015 et M. [N] le 21 avril 2015 indiquant :

« Je vous adresse un nouveau formulaire de déclaration de créances visant à couvrir les différents cas de figure et notamment celui qui consiste à anticiper une future créance éventuelle en cas de non-exécution du contrat de garde et conservation initial consécutive à une condamnation du débiteur pour toute tromperie éventuelle », c'est donc à cette date, seule certaine, qu'ils ont pu être alarmés d'un risque de tromperie, tromperie qui pouvait inclure une surévaluation des 'uvres.

S'agissant des actions en revendication réalisées par l'État, il n'est pas établi que de telles actions aient pu concerner les 'uvres dont ils ont acquis des parts indivises. Il a, en revanche, été dévoilé dans la presse la réalisation d'actions en revendication par l'État à l'égard de certaines 'uvres détenues par la Sas Aristophil.

Ainsi, dans un article paru le 18 décembre 2017 sur le site internet d'Europe 1, produit par les parties, il est indiqué que des manuscrits acquis par la société Aristophil ont été classés trésors nationaux : le manuscrit des 120 journées de Sodome du Marquis de Sade et les Manifestes du surréalisme d'[Z] [K]. Ce classement interdirait leur sortie du territoire et le ministère de la culture proposerait une négociation de gré à gré pour l'acquisition des 'uvres au prix du marché international.

Dans un article produit aux débats et paru le même jour, le journal Le Figaro indique que le manuscrit du marquis de Sade serait racheté 8 millions d'euros par l'État alors qu'il avait été acquis par M. [L] 7 millions. Il indique « la perte est terrible pour les Manifestes d'[Z] [K] : l'État débourserait 5 millions d'euros pour un ensemble que les investisseurs d'Aristophil ont acheté 22 millions d'euros ».

Il y a donc lieu de retenir que c'est à compter de cette date que M. [G] et M. [N] ont eu connaissance du risque de revendication des 'uvres par l'État.

2.4. MM. [G] et [N] se prévalent en quatrième lieu d'une obligation d'information relative au risque, à l'opportunité et au caractère sûr et rémunérateur du placement, par rapport aux mises en garde de l'AMF, au mécanisme de l'opération, et à la garantie ou non de la valeur du prix d'acquisition par la compagnie Lloyd's.

Sur la question de la garantie de valeur du prix d'acquisition par la compagnie Lloyd's, les contrats ne se réfèrent nullement à une garantie de valeur au sens entendu par les acquéreurs, à savoir celui d'une garantie de remboursement en cas de perte de valeur (p.20).

Les contrats de garde et de conservation stipulent en effet que « la collection sera (') assurée contre tous les risques auprès des Lloyd's de Londres ». ' « Pour indemniser le propriétaire en cas de perte partielle ou totale de la collection du fait d'un tiers, cas fortuit ou force majeure, la société s'engage à contracter une assurance tous risques sur lesdits biens ». Ils avaient donc, nécessairement conscience à la date de conclusion des contrats que le prix d'acquisition n'était pas garanti par l'assureur en cas de souhait de revente mais seulement en cas de perte des biens par la Sas Aristophil. De sorte que cette information n'a aucune incidence sur le préjudice de perte de chance de ne pas contracter dont ils se prévalent et ne peut servir à déterminer le point de départ du délai de prescription.

Il n'est pas démontré que des informations relatives aux risques et caractère rémunérateur et sûr des investissements auraient été délivrées au jour de conclusion des mandats de recherche, le contrat ne comportant que l'indication suivante : « les produits d'art ne distribuent pas de revenus en cours de contrat », outre la coche de la case « oui » à propos des « informations données au mandant sur les conséquences fiscales et/ou financières de l'opération ». Cependant, une telle mention ne peut valoir preuve, à défaut d'éléments corroborant cette mention, de la délivrance des informations relatives aux conséquences de l'investissement y compris ses risques de sorte que le point de départ du délai de prescription ne peut être fixé à cette date.

MM. [G] et [N] soutiennent que le placement n'est pas adapté à leurs besoins dès lors qu'ils recherchaient un placement « sûr » et rémunérateur, ce qui n'est, selon eux, pas le cas. Or, le caractère rémunérateur du placement était mis en avant dans les contrats de garde et de conservation, puisque les parts, conservés pendant 5 ans, semblaient devoir être rachetées par la Sas Aristophil pour une valeur de +43,25% par rapport à leur prix d'acquisition.

Il convient donc de considérer que MM. [G] et M. [N] n'ont pris connaissance des risques et de l'opportunité de l'opération, ainsi que du danger particulier de leur investissement que lorsqu'ils ont été, avec certitude, informés du fait que la Sas Aristophil pourrait ne pas racheter les parts indivises en raison de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son encontre, soit les 24 et 24 mars 2015.

2.5. MM. [G] et [N] se prévalent en cinquième lieu d'une obligation d'information relative à la description détaillée des biens indivis et la valeur de chacun.

Les contrats de mandat de recherche de produits d'art et de collection conclus avec la Sarl Synergie finance consultants ne détaillent ni ne décrivent les biens dont l'acquisition est projetée, qu'il s'agisse de l'acquisition de parts au sein d'une indivision, ou des 'uvres contenues dans la masse indivise.

En préambule du contrat de vente de M. [N] il est indiqué que : « La valeur du bien indivis est de 18 000 000 euros divisé en 1200 parts de 15 000 euros », « indivision portant sur un ensemble de lettres, manuscrits, dessin et objets » réglementée par une convention d'indivision ; et du contrat de M. [G] que : « la valeur du bien indivis est de 30 000 000 euros divisée en 1200 parts de 25 000 euros ».

Les contrats de vente décrivent ainsi les biens acquis : il s'agit d'« une quote-part indéterminée de propriété sur un bien indivis composé d'un ensemble de lettres, manuscrits et livres, dont la liste est la suivante : dont le détail est annexé aux présentes » au sein des indivisions « De l'impressionnisme au surréalisme » pour M. [N] et « La trilogie des arts et des lettres », pour M. [G].

Néanmoins, aucune annexe n'est produite par M. [N] et M. [G].

De même, la Sarl Synergie finance consultants qui produit aux débats les contrats de vente qu'elle a signés en qualité de mandataire de la Sas Aristophil, ne fournit pas non plus l'annexe visée et devant comporter la liste des 'uvres indivises. Et alors que la charge de la preuve de la bonne remise de ce document lui incombe, elle n'établit nullement cette remise.

L'acquéreur, investissant plusieurs dizaines de milliers d'euros dans un but de valorisation patrimoniale, manifeste en général une certaine vigilance, et ne s'engage pas normalement dans un contrat portant sur un objet vague. Or, M. [N] et M. [G] qui n'ont pas été informés de la consistance des biens dont des parts indivises ont été acquises, ont tout de même conclus les contrats projetés, de sorte que l'absence de cette information n'a eu aucune incidence sur leur consentement et donc sur le préjudice de perte de chance dont ils se prévalent. La prise en compte de l'absence d'information sur la consistance des biens ne peut donc être prise en compte pour déterminer le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité dirigée contre la Sarl Synergie finance consultants.

2.6. MM. [G] et [N] se prévalent en sixième lieu d'une obligation d'information et de loyauté relative à la double qualité de mandataire ainsi qu'à l'absence de vérification du sérieux de l'investissement de la Sarl Synergie finance consultants.

Dans les contrats de mandat conclu entre MM. [G] et [N] et la Sarl Synergie finance consultants, il est stipulé que « en cas de réalisation, la rémunération du mandataire sera comprise dans le(s) montant(s) versé(s) », ce qui n'est pas suffisamment explicite pour déduire, pour un profane, que le conseiller en gestion de patrimoine est mandataire de la Sas Aristophil.

Dans les contrats de vente, il est seulement indiqué la mention « vendeur ou son mandataire autorisé » au-dessus de la signature et du tampon de la Sarl Synergie finance consultants, ce qui ne correspond pas à une information claire sur la qualité de mandataire rémunéré par la Sas Aristophil et le risque de conflit inhérent au double mandat dont elle bénéficiait.

Il ne peut donc être considéré que MM. [G] et [N] avaient connaissance de la double qualité de mandataire et des implications de cette qualité lors de la conclusion des contrats. C'est la réalisation du risque engendré par cette double qualité ou la connaissance de sa réalisation qui doit être retenu comme point de départ du délai de prescription de l'action relativement à cette information.

Or, lorsque le conseiller en gestion de patrimoine est mandaté moyennant rémunération pour proposer un investissement à des particuliers, il peut ne pas avoir vérifié la régularité de l'investissement proposé. C'est donc le jour où MM. [G] et [N] ont pris conscience de ce que le placement réalisé était plus risqué qu'annoncé, soit le jour où M. [B] a évoqué une « tromperie éventuelle » de la Sas Aristophil (par courriels des 20 et 21 avril 2015), qu'ils ont pu s'interroger sur le sérieux du conseil en gestion de patrimoine dont ils ont bénéficié, de sa rentabilité et ses risques.

3. Il résulte de tout ce qui précède que MM. [G] et [N] ont ou auraient dû, au plus tôt, prendre conscience de leur éventuel préjudice de perte de chance de ne pas contracter en considération de la rentabilité possiblement erronée de l'investissement, par les courriers du 24 et 25 mars 2015, par lesquels la Sas Aristophil les a informés de l'ouverture à son encontre d'une procédure de redressement judiciaire et de la suspension de toute opération d'achat ou de rachat des lettres et manuscrits.

Leurs actions se prescrivaient donc au 24 et 25 mars 2020. Ayant fait assigner la Sarl Synergie finance consultants par acte d'huissier du 20 juin 2019, elles ne sont donc pas prescrites, et, partant, sont recevables.

Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement rendu le 15 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a seulement dit recevable l'action fondée sur le grief relatif à l'absence d'information quant au caractère ambigu du contrat sur l'option d'achat au terme de la société Aristophil, de même que sur le grief relatif au caractère hasardeux du placement, et dit irrecevable car prescrite l'action fondée sur les griefs complémentaires.

4. En vertu de l'article 568 du code de procédure civile, lorsque la cour d'appel infirme un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.

Dans leurs conclusions d'appel, les parties ont discuté de la réalité et l'imputabilité de ces griefs à la Sarl Synergie finance consultants.

Il est donc de bonne administration de la justice d'évoquer l'affaire au fond en ce qui concerne ces griefs.

- Sur l'action en responsabilité civile dirigée à l'encontre de la Sarl Synergie finance consultants :

5. MM. [G] et [N] soutiennent que la Sarl Synergie finance consultants a commis plusieurs manquements relativement à des obligations d'information et de conseil ainsi qu'à un devoir de loyauté.

Le conseiller en gestion de patrimoine doit recommander un investissement adapté aux besoins de son client, et l'informer, de façon d'autant plus claire et didactique que le placement est complexe, sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qu'il lui propose ainsi que sur les risques qui lui sont associés, et peuvent être le corollaire des avantages annoncés. Il doit ainsi recueillir auprès de la personne qu'il conseille l'ensemble des éléments lui permettant d'assurer l'adéquation du projet à sa situation (3e Civ., 8 juin 2023, pourvoi n° 22-12.302).

Son obligation est une obligation de moyens et il n'est pas garant du résultat de l'opération projetée.

6. MM. [G] et [N] reprochent à la Sarl Synergie finance consultants d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil relative à l'absence de garantie de rachat des parts à terme par la société Aristophil, aux situations susceptibles de se réaliser au terme de la convention d'indivision, à la surévaluation des 'uvres et l'exposition à des actions en revendication par l'Etat, au risque, à l'opportunité et au caractère sûr et rémunérateur du placement, à la composition, et la valeur des produits acquis, ainsi que la double qualité de mandataire de la Sarl Synergie finance consultants et du sérieux du placement.

6.1. S'agissant de l'absence de garantie de rachat des parts à terme par la société Aristophil, il a été retenu (paragraphe 2.1) que la stipulation, dans les contrats de garde et de conservation, d'une option d'achat au profit de la société Aristophil était particulièrement ambiguë et que les acquéreurs pouvaient légitimement croire que celle-ci s'engageait à racheter les biens, au bout de 5 ans s'ils décidaient de les vendre. Ils ne pouvaient comprendre à la seule lecture des stipulations contractuelles que le rachat des parts indivises par la Sas Aristophil n'était, en fait, qu'hypothétique.

Or, tenue de mettre en garde ses clients contre les risques des investissements projetés, il incombait à la Sarl Synergie finance consultants d'attirer particulièrement l'attention de M. [G] et M. [N] sur l'absence d'engagement de la Sas Aristophil à racheter leurs parts indivises pour un prix augmenté de +43% par rapport au prix d'acquisition.

Il incombe au débiteur d'une obligation d'information de prouver qu'il l'a correctement exécutée. En l'espèce la Sarl Synergie finance consultants n'établit pas avoir spécialement informés ses clients sur l'absence d'obligation de rachat par la Sas Aristophil au terme des conventions de garde et de conservation.

Le fait que dans le contrat de mandat de recherche conclu entre les acquéreurs et la Sarl Synergie finance consultant, la case « oui » ait été cochée à propos des « informations données au mandant sur les conséquences fiscales et/ou financières de l'opération », ne peut valoir preuve, à défaut d'éléments corroborant cette mention, de la délivrance d'une telle information.

De même, le fait que soit remplie la mention « je confirme avoir choisi moi-même les caractéristiques de mon investissement » sur le contrat de M. [N], ne dispense pas le conseiller en gestion de patrimoine de ses obligations contractuelles, et notamment de son obligation principale, à savoir présenter à son mandant les placements adaptés à ses besoins et l'obligation accessoire qui l'accompagne de le mettre en garde contre les risques qui leur sont inhérents.

À ce titre, le même raisonnement doit être adoptée en ce qui concerne, plus globalement les informations relatives aux risques et au caractère rémunérateur et sûr des investissements et notamment le risque de perte de valeur des biens au terme de la convention. Il n'est, en effet, pas démontré que ces informations, alors qu'elles étaient dues par le conseiller en gestion de patrimoine au titre de son obligation principale de conseil en placement patrimonial, auraient été délivrées, le contrat ne comportant que l'insuffisante indication suivante : « les produits d'art ne distribuent pas de revenus en cours de contrat ».

En outre, si le coût des investissements était adapté aux capacités financières de MM. [G] et [N] telles que déclarées dans la fiche de connaissance client, la Sarl Synergie finance consultants n'établit pas les avoir informés, en tant qu'investisseurs non-avertis, que la promesse de vente figurant au contrat ne pouvait être effective qu'à la condition que la société Aristophil décide de lever l'option d'achat qui lui était donnée, et qu'à défaut, ils pouvaient demeurer propriétaire d'une part indivise d'une collection de manuscrits pour laquelle il n'était prévu aucune garantie de valeur.

La Sarl Synergie finance consultants s'est abstenue de conseiller MM. [G] et [N] sur les risques de perte du capital lié à ce type d'investissement.

L'objection de la Sarl Synergie finance consultants disant qu'en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine, elle est tenue que d'une seule obligation de moyen et ne peut être garante de la rentabilité du produit conseillé et de la stratégie patrimoniale adoptée, ne saurait faire échec à son obligation de conseil à l'égard de MM. [G] et [N] au moment de la souscription du contrat d'acquisition des parts indivises.

La Sarl Synergie finance consultants a donc manqué à son obligation de mettre en garde MM. [G] et [N] contre les risques des investissements proposés, à savoir :

- le risque de non rachat des parts par la Sas Aristophil,

- les risques, la fiabilité du placement y compris le risque de perte de valeur des biens au terme de la convention.

En revanche, en ce qui concerne les situations possibles au terme des contrats, compte tenu de la clarté - hormis en ce qui concerne la promesse de vente et plus précisément la simple faculté de rachat des parts par la Sas Aristophil précédemment traitée - de la clause relative au « terme de la convention » figurant dans les contrats de garde et de conservation, la Sarl Synergie finance consultant n'était pas tenue d'informer davantage les acquéreurs à ce titre.

6.2. M. [G] et M. [N] se prévalent également, à l'encontre de la Sarl Synergie finance consultants, de l'inexécution d'une obligation d'information relative la surévaluation des 'uvres, ainsi qu'un manquement à son obligation de loyauté en sa qualité de double mandataire et de l'absence de vérification du sérieux de l'investissement.

La Sarl Synergie finance consultants a été mandatée par MM. [G] et [N] pour rechercher un produit d'investissement afin, pour le premier, de réaliser une diversification patrimoniale et valoriser un capital ; pour le second, en plus de ces deux objectifs, de trouver un produit non soumis à l'impôt sur la fortune.

Dans le cadre du mandat qui lui est donné par son client de rechercher des produits conformes à son projet d'investissement, le conseiller en gestion de patrimoine a l'obligation de s'enquérir du sérieux et de la fiabilité du placement proposé.

La Sarl Synergie finance consultants ne pouvait se contenter, à ce titre, des informations délivrées par la Sas Aristophil sur son site internet, et celles communiquées par les journaux et qui, à l'époque de la conclusion des contrats en juillet et octobre 2012, étaient élogieux sur la Sas Aristophil et M. [L].

La bonne réputation de la Sas Aristophil au cours de l'année 2012 dans son secteur d'activité, ne dispensait pas la société Synergie finance consultants de son devoir de conseil quant au caractère aléatoire de la valorisation du capital placé par MM. [G] et [N], eu égard à la typologie très particulière de ce placement.

La Sarl Synergie finance consultants ne pouvait tenir compte du communiqué de presse de l'Amf du 12 décembre 2012 qui met en garde « le public sur les placements atypiques proposés aux épargnants dans des secteurs aussi divers que les lettres et manuscrits, les 'uvres d'art, ('). L'Amf rappelle aux épargnants que ces secteurs ne sont pas soumis à la réglementation protectrice des instruments financiers », et qui était postérieur à la conclusion des contrats de mandat et de vente.

Il n'est pas établi que la Sarl Synergie finance consultant ait eu connaissance des mises en garde réalisées par l'Association Ufc que choisir contre la Sas Aristophil sur son site internet le 31 mars 2011, celle du 6 décembre 2012, parue après la conclusion des contrats de mandat et de vente ne pouvant être en tout état de cause retenue compte tenu de sa tardiveté.

Le communiqué de presse du 24 décembre 2003 rédigé par l'Amf attirait toutefois l'attention du public sur l'offre de parts de collections d''uvres d'art au sein d'indivisions, signalait que ces propositions d'investissement n'ont pas été soumises à son autorisation, et recommandait la plus grande prudence des investisseurs sollicités.

Le communiqué de presse du 29 octobre 2007 rédigé par l'Amf attirait également l'attention du public sur ce genre de placement et indiquait que la société Aristophil n'était pas autorisée à fournir des conseils en investissements ou faire du démarchage en France, en recommandant la plus grande prudence aux investisseurs sollicités.

S'il est soutenu par la Sarl Synergie finance consultants et la société Cna insurance company (Europe) que ces communiqués ont été retirés par l'Amf, elles se contentent toutefois pour prouver ce fait de produire la page d'un ouvrage qui affirme ce fait, ce qui est insuffisant.

En tout état de cause, si la Sarl Synergie finance consultants ne pouvait connaître l'ampleur des risques, exorbitants en l'espèce, qui n'ont été révélés que dans le cadre de l'enquête réalisée par la Dgccrf et l'enquête pénale, en sa qualité de conseiller en gestion de patrimoine, indépendant et soucieux du seul intérêt de son client personne physique, elle devait néanmoins rechercher comment était réalisée la valorisation du produit proposé, fixé le prix, et fonctionnait le mécanisme mis en place par le vendeur.

Ce qu'elle ne démontre pas avoir fait. Or, si elle s'était renseignée auprès de la Sas Aristophil sur le contenu des indivisions litigieuses, les prix d'acquisition et les méthodes de valorisation, sans se contenter d'une affirmation du vendeur dans son dossier d'information indiquant que leurs valeurs sont fixées par des experts indépendants, elle aurait pu prendre conscience que l'investissement qu'elle s'apprêtait à proposer à ses clients était douteux, ce qui aurait dû la conduire soit à ne pas le leur proposer, soit à les mettre en garde contre les incertitudes entourant les produits d'investissement proposés par la Sas Aristophil.

En outre, le mandataire doit clairement informer son mandant de sa double qualité de mandataire, dès lors que celle-ci le conduit à représenter deux personnes aux intérêts opposés, générant ainsi un risque de conflit d'intérêt auquel chaque mandant doit se savoir exposé avant de conclure le contrat de mandat.

Les stipulations des contrats de mandat et de vente étaient insuffisantes et ne correspond pas à une information claire sur la qualité de mandataire rémunéré par la Sas Aristophil et le risque de conflit inhérent au double mandat dont elle bénéficiait.

L'information délivrée par la Sarl Synergie finance consultants est donc, à ce titre, également insuffisante.

Il découle de ce qui précède que la Sarl Synergie finance consultants a manqué à son obligation d'information, de diligence professionnelle et de loyauté en :

- ne se renseignant pas sur le sérieux des produits d'investissement proposés par la Sas Aristophil, et en ne mettant pas en garde les acquéreurs contre les incertitudes entourant les produits d'investissement proposés par ladite société,

- n'informant pas clairement MM. [G] et [N] de ce qu'elle agissait également en qualité de mandataire de la Sas Aristophil et de ce qu'elle était financièrement intéressée à la souscription des parts d'indivision.

En ce qui concerne les risques de revendication des 'uvres d'art par l'État, le conseiller en gestion de patrimoine qui n'est pas un juriste n'est pas nécessairement informé de ce risque et n'a pas, en conséquence, à mettre en garde les acquéreurs contre lui.

6.3. En n'informant pas loyalement MM. [G] et [N] du risque de non rachat des parts par la Sas Aristophil au terme de la convention de garde et de conservation, des risques et notamment du risque de perte de valeur des biens au terme de la convention, du sérieux ou des doutes sur les investissements, de sa qualité de double mandataire, la Sarl Synergie finance consultants a commis des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité civile à leur égard.

7. Sur le préjudice subi. MM. [G] et [N] soutiennent que s'ils avaient eu connaissance des caractéristiques intrinsèques du produit Aristophil, ils n'auraient pas donné suite à l'offre de placement proposée, et que leur décision de souscrire au placement ne s'explique que par la délivrance d'informations tronquées et déguisées par la société Synergie finance consultants. Ils estiment avoir subi un préjudice de perte de chance de 60% de ne pas souscrire les contrats litigieux et d'investir leurs capitaux dans un autre placement plus avantageux.

La réparation du préjudice occasionné par la faute contractuelle d'un conseiller de gestion en patrimoine s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses. Ce préjudice doit être mesuré à la chance perdue et ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Seule ouvre droit à réparation la perte certaine, réelle et sérieuse d'une chance.

Il doit être retenu que si MM. [G] et [N] avaient été informés de l'absence d'obligation de la Sas Aristophil à racheter les parts indivises, et donc du risque de ne pas pouvoir revendre les biens avec une valorisation de +43%, du risque de perte de valeur des biens ; outre des doutes sur le sérieux des investissements et du double mandat Sarl Synergie finance consultants risquant de la faire valoriser l'intérêt de la Sas Aristophil à leur détriment, ils n'auraient pas souscrits aux produits litigieux.

Le fait que les préjudices puissent résulter de man'uvres frauduleuses de la société Aristophil ne supprime pas le lien de causalité qui existe entre les fautes commises par la Sarl Synergie finance consultants et les préjudices allégués.

Ils n'auraient pas investi pour M. [G] la somme de 100 000 euros et M. [N] la somme de 75 000 euros. Néanmoins, pour déterminer s'ils ont effectivement subi un préjudice financier, il convient de déterminer les pertes et gains manqués qui ont résulté de leur investissement, et notamment de savoir s'ils ont pu récupérer ces sommes dans le cadre des ventes aux enchères, voire même en tirer des bénéfices.

7.1. À ce titre, en pièce 1-22, MM. [G] et [N] produisent un courrier de M. [U], administrateur judiciaire, qui évoque des ventes aux enchères publiques réalisées en 2017 et 2018 dans le cadre de l'indivision « La trilogie des arts et des lettres » totalisant 1 265 749,50 euros.

En pièce 1-31a, ils produisent un autre courrier de M. [U] qui évoque des ventes aux enchères réalisées en 2019 dans le cadre de l'indivision « La trilogie des arts et des lettres » totalisant 1 216 833,40, euros.

En pièce 1-31b, ils produisent un autre courrier de M. [U] qui évoque des ventes aux enchères réalisées en 2017, 2018 et 2019 dans le cadre de l'indivision « De l'impressionnisme au surréalisme » totalisant 2 208 034,87 euros.

Sur aucun de ces courriers, il n'est indiqué le pourcentage de l'indivision totale que ces ventes représentent, de sorte que la cour n'est pas en mesure de déterminer si MM. [G] et [N] ont perdu, et dans quelle proportion, les fonds investis.

Il n'est pas non plus établi que tous les biens des indivisions litigieuses aient été vendus et donc que MM. [G] et [N] ne puissent pas récupérer la somme qu'ils ont investie auprès de la Sas Aristophil voire, la valorisation qu'ils croyaient certaine à la sortie du contrat de garde et de conservation.

En revanche, plusieurs pièces produites aux débats démontrent l'existence d'un risque important de perte de valeur des 'uvres et donc, subséquemment, d'absence de gain patrimonial et même le non-remboursement, dans leur totalité, des sommes investies.

En effet, dans le procès-verbal clos le 6 février 2014, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a retenu que le montant des indivisions était largement supérieur aux prix d'achat des manuscrits qui la composent et que pour fixer le prix d'une indivision, Aristophil avait augmenté en moyenne de 147% le prix d'achat total des manuscrits qui la composent.

Dans la « Lettre aux parties civiles » éditée par le vice-président chargé de l'instruction du TGI de [Localité 8], il est fait référence à l'arrêt du 17 décembre 2018 rendu par la chambre de l'instruction qui évoque une escroquerie sous forme d'une pyramide de Ponzi, se caractérisant par un montage frauduleux consistant à rémunérer les investissements des clients, appâtés par la promesse de gains très importants et sans corrélation avec la valeur réelle des biens concernés, essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Il est également indiqué que la hausse du marché de 9% par an alléguée par la société Aristophil était démentie par les acteurs du marché.

Il y est aussi indiqué que le 18 décembre 2014, le parquet avait requis deux personnes qualifiées pour procéder à une estimation générale du nombre des biens, de leur authenticité et de leur valeur. Il en ressortait que :

- les prix des pièces achetées auprès de libraires de renommée internationale étaient hors de la réalité du marché,

- pour les manuscrits examinés, il semblait que lors de la vente ils avaient été estimés systématiquement à l'aune du manuscrit vendu le plus cher, pour un même auteur ou pour une même période,

- les prix de vente d'Aristophil atteignant parfois jusqu'à sept fois leur prix d'achat étaient totalement déconnectés de la réalité du marché, ainsi le pourcentage de 8% annuel et donc 40% sur cinq ans apparaissait en complète discordance avec le contenu des collections et le marché réel si elles venaient à être vendues.

Enfin, la lettre aux parties civiles évoque une étude réalisée le 7 mars 2016 par des commissaires-priseurs chargés d'inventorier et estimer la valeur vénale de toutes les pièces qui retient que pour une liste valorisée comptablement à 63 770 000 euros, la valeur de réalisation des 'uvres était en réalité de 5 262 739 euros, soit 8% de la valeur comptable.

7.2. Si en vertu de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, le juge ayant retenu le principe de la faute imputable à une partie peut d'office ordonner la production de pièces permettant d'établir avec certitude les préjudices subis dont l'existence est vraisemblable.

Il sera en conséquence ordonné à MM. [G] et M. [N] de :

- produire des documents officiels émanant des organes de la procédure collective ouverte à l'encontre de la Sas Aristophil afin de déterminer où en est cette procédure et si des sommes ont été perçues à la suite de la déclaration de leurs créances,

- produire des documents officiels émanant des organes chargés des ventes aux enchères pour déterminer dans quelles proportions les collections dans lesquelles MM. [G] et M. [N] détiennent des parts indivises ont été vendues, le montant des sommes qui leur ont été distribuées et le pourcentage que cela représente par rapport à leurs parts indivises,

- produire des documents officiels émanant des organes de la procédure pénale ouverte, notamment, à l'encontre de M. [L], M. [J], le notaire et indiquant si des dommages et intérêts ont été perçus par MM. [G] et [N].

8. L'ensemble des demandes présentées au fond, les dépens et les frais irrépétibles seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 15 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ses dispositions relatives à l'irrecevabilité partielle des actions engagées par M. [V] [G] et M. [R] [N].

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Reçoit en leur intégralité les actions engagées par M. [V] [G] et M. [R] [N].

Évoque au fond les demandes concernées par la déclaration de recevabilité intégrale desdites actions.

Dit que la Sarl Synergie finance consultants a commis des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité civile à l'égard de M. [V] [G] et M. [R] [N].

Avant dire droit sur l'ensemble des demandes d'indemnisation et la garantie de l'assureur,

Ordonne à M. [V] [G] et M. [R] [N] de produire avant le 1er juin 2024 tous documents :

- émanant des organes de la procédure collective ouverte à l'encontre de la Sas Aristophil afin de déterminer l'état actuel d'avancement de cette procédure et si des sommes ont été perçues à la suite de la déclaration de leurs créances,

- émanant des organes chargés des ventes aux enchères permettant de déterminer dans quelles proportions les collections dans lesquelles ils détiennent des parts indivises ont été vendues, le montant des sommes qui leur ont été distribuées et le pourcentage qu'elles représentent par rapport à leurs parts indivises,

- permettant de déterminer l'état d'avancement de la procédure pénale ouverte, notamment, à l'encontre de M. [L], M. [J], le notaire et si MM. [G] et [N] ont perçu des dommages et intérêts dans le cadre de cette procédure.

Réserve les dépens et frais irrépétibles.

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état dématérialisée du 13 juin 2024 à 9 heures.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/01610
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;21.01610 ?
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