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21/03/2024 | FRANCE | N°22/03779

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 21 mars 2024, 22/03779


21/03/2024



ARRÊT N° 100/24



N° RG 22/03779 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCAD

NA/RL



Décision déférée du 17 Octobre 2022 - Pole social du TJ d'ALBI (21/00047)

C. LOQUIN























Caisse CPAM DU TARN





C/





[G] [K]



































































CONFIRMATION



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***





APPELANTE



CPAM DU TARN

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par M. [B] [Y] (membre de l'organisme) substituée p...

21/03/2024

ARRÊT N° 100/24

N° RG 22/03779 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCAD

NA/RL

Décision déférée du 17 Octobre 2022 - Pole social du TJ d'ALBI (21/00047)

C. LOQUIN

Caisse CPAM DU TARN

C/

[G] [K]

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

CPAM DU TARN

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par M. [B] [Y] (membre de l'organisme) substituée par Mme [A] [D] (CPAM Haute-Garonne) en vertu d'un pouvoir

INTIMEE

Madame [G] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Michael FONTES-ALEXANDRE de l'AARPI AURACLE AVOCATS, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, devant Mme N. ASSELAIN,conseillère chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente

M. DARIES, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffière : lors des débats M.POZZOBON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente, et par M.POZZOBON, greffière

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [K] est employée par la clinique [5], en qualité d'infirmière, depuis le 1er janvier 1997.

Elle a sollicité auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Tarn la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'un accident survenu le 29 novembre 2019.

La déclaration d'accident du travail souscrite par Mme [K] le 29 mai 2020 mentionne un accident survenu le 29 novembre 2019 à 12H, en ces termes: 'convocation au bureau du directeur. Il m'annonce brutalement des accusations à mon encontre passibles d'un licenciement. La violence de l'annonce se trouve dans la nature des propos, me mettant au pilori, sans preuves et sans ménagements. Très affectée, j'étais en état de choc. L'entretien a duré 2H30". Les lésions décrites consistent en un 'trouble anxio-dépressif réactionnel. Etat de stress post-traumatique'. La déclaration mentionne le docteur [H] comme témoin.

Le certificat médical initial d'accident du travail, établi par le docteur [P] [O], est daté du 29 mai 2020 et mentionne un 'syndrome anxio-dépressif d'apparition brutale suite évènement sur le lieu de travail. Actuellement en arrêt maladie. Requalification en accident du travail compte tenu de l'imputabilité de la pathologie à l'évènement sur le lieu professionnel en date du 29 novembre 2019". Le docteur [P] [O] avait prélablement prescrit à Mme [K], depuis le 3 décembre 2019, un arrêt de travail au titre de la maladie.

La clinique [5] a adressé à la caisse un courrier de réserves daté du 18 juin 2020.

Après enquête, la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle a été refusée par la CPAM du Tarn par décision du 31 août 2020.

Mme [K] a contesté ce refus de prise en charge devant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours par décision du 22 avril 2021.

Par requêtes des 22 février 2021 et 19 mai 2021, Mme [K] a saisi le tribunal judiciaire d'Albi.

Par jugement du 17 octobre 2022, le tribunal judiciaire d'Albi a déclaré le recours de Mme [K] bien fondé, dit que les lésion présentées par Mme [K] doivent être prises en charge par la CPAM du Tarn au titre de la législation professionnelle, et condamné la CPAM du Tarn à payer à Mme [K] une indemnité de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

La CPAM du Tarn a relevé appel de ce jugement par déclaration du 24 octobre 2022.

La CPAM du Tarn demande à la cour d'infirmer le jugement et de 'reconnaître le bien fondé du refus de reconnaissance du caractère professionnel du choc psychologique de la CPAM du Tarn'. Elle fait valoir qu'il n'y a pas de preuve que M.[T], directeur de la clinique, ait tenu des propos menaçants et virulents envers Mme [K] au moment où il l'avisait, le 29 novembre 2019, de l'existence d'une plainte déposée par une salariée de la clinique à son encontre. Elle soutient qu'il n'y a pas non plus de faisceau de présomptions en cette faveur, et qu' 'ainsi le choc psychologique né de la seule révélation de l'existence d'une plainte ne caractérise pas l'accident du travail dans la mesure où l'information livrée s'inscrit dans une relation normale de travail, l'employeur n'ayant nullement outrepassé son pouvoir de direction et de contrôle'. Elle conclut ainsi que la preuve de la matérialité de l'accident n'est pas rapportée.

Mme [K] demande confirmation du jugement, et paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles. Elle dénonce la violence des propos de son supérieur, qui l'a incitée à accepter une rupture conventionnelle en évoquant à défaut son licenciement pour faute grave, sans pour autant l'informer du contenu de la plainte déposée contre elle. Elle indique avoir développé un syndrome anxio dépressif réactionnel sévère ayant nécessité un suivi psychologique spécialisé, ainsi qu'un traitement médicamenteux fort, ce qui caractérise la brutale altération de ses facultés. Elle se prévaut des constatations médicales de son médecin traitant, et des psychologue et psychiatre qui la suivent, et produit notamment les attestations de collègues infirmières et d'un chirurgien.

MOTIFS

L'article L 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu' 'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée'.

C'est à l'assuré qu'incombe la charge de prouver que l'accident est bien survenu pendant le travail, en apportant tous éléments utiles pour corroborer ses dires.

L'accident est traditionnellement défini comme un évènement soudain d'où est résulté une lésion.

Mais la jurisprudence considère de façon plus large que dès lors qu'elle apparaît de manière soudaine, toute lésion caractérise un accident au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. Un accident est ainsi caractérisé par une lésion soudaine même s'il n'est pas possible de déterminer un fait accidentel à l'origine de celle-ci ou si la cause de la lésion demeure inconnue.

Le critère de distinction entre l'accident et la maladie, caractérisée quant à elle par une lésion à évolution lente, demeure le caractère soudain ou progressif de l'apparition de la lésion.

Ainsi, concernant les lésions psychiques, un syndrome dépressif réactionnel présenté par un salarié est un accident du travail lorsqu'il résulte d'un fait accidentel soudain. Mais des lésions psychiques peuvent également être prises en charge en tant qu'accident du travail du seul fait d'une affection soudaine, le symptôme de la maladie apparaissant brusquement au point que puisse lui être donnée une date certaine.

 En l'espèce les pièces versées aux débats permettent de caractériser tant un évènement soudain survenu pendant le temps et sur le lieu du travail, que la lésion soudaine qui en est résultée.

Il est établi en premier lieu que Mme [K] a subi le vendredi 29 novembre 2019 un choc psychologique caractérisé. Mme [K] produit en ce sens le témoignage circonstancié de deux collègues infirmières qui l'ont rencontrée dans l'après-midi du 29 novembre 2019, et qui relatent toutes deux l'état anormal dans lequel elle se trouvait, alors qu'elles la connaissaient comme une personne solide et joviale: Mme [M] indique que Mme [K] avait beaucoup de mal à s'exprimer, qu'elle s'est mise à sangloter, paraissait boulversée et abasourdie, et que ses phrases n'avaient pas de sens; Mme [M] précise n'avoir jamais vu Mme [K] dans un tel état, 'comme si elle venait de subir un choc violent'; Mme [S] indique que Mme [K] tenait à peine debout, avait du mal à trouver sa respiration et à s'exprimer normalement; elle précise qu'elle la sentait dévastée, qu'elle ne la reconnaissait pas et que son état était très inquiétant. Tant Mme [M] que Mme [S] attestent que Mme [K] leur a indiqué sortir du bureau de la direction, où on venait de lui annoncer son futur licenciement. Le docteur [H], chirurgien, indique que le 2 décembre 2019, Mme [K] 'était manifestement en état de stress intense', de sorte qu'il lui a conseillé de rentrer chez elle; ce médecin indique également que Mme [K] lui a fait part des accusations graves dont elle était l'objet, et de la rupture conventionnelle qui lui avait été proposée pour éviter un licenciement pour faute grave.

Le docteur [O], médecin traitant de Mme [K] depuis 2013, lui a prescrit un arrêt de travail à compter du 3 décembre 2019 pour une 'dépression réactionnelle en rapport avec un trouble relationnel à son travail', et confirme dans son certificat médical initial d'accident du travail du 29 mai 2020 avoir constaté un 'syndrome anxio-dépressif d'apparition brutale suite évènement sur le lieu de travail'.

Il résulte par ailleurs des attestations produites par Mme [K] que cette altération brutale de sa santé est directement consécutive à l'entretien qu'elle a eu avec le directeur de la clinique le 29 novembre 2019. Aucun témoin direct n'a entendu les propos tenus lors de cet entretien, mais les collègues à qui Mme [K] s'est confiée immédiatement après cet entretien rendent compte de façon similaire des dires de Mme [K], pour expliquer son boulversement: 'on lui avait annoncé qu'il fallait qu'elle envisage un futur licenciement'. Mme [K] produit également l'attestation de Mme [W], infirmière, qui témoigne que le directeur de la clinique lui a dit avoir convoqué Mme [K] et lui avoir proposé une rupture conventionnelle, qu'elle a refusée.

La qualification d'accident du travail peut en toute hypothèse être retenue même si l'employeur n'a pas outrepassé son pouvoir de direction et de contrôle, ni tenu de propos violents: un entretien avec un supérieur hiérarchique peut être en soi suffisamment intimidant pour provoquer un choc psychologique, même si le ton employé par le supérieur du salarié au cours de l'entretien n'est pas agressif et même si l'entretien se déroule dans le cadre de l'exercice régulier des pouvoirs de l'employeur.

En l'espèce il est établi que l'entretien du 29 novembre 2019 est à l'origine d'un 'syndrome anxio-dépressif d'apparition brutale'.

Cet évènement soudain d'où est résulté une lésion est survenu pendant le temps et sur le lieu du travail, de sorte que la présomption posée par l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale doit s'appliquer, peu important à cet égard que l'arrêt de travail initial ait été prescrit au titre du risque maladie. Mme [K] justifie au demeurant que son médecin traitant, le docteur [O], a dès l'origine rattaché l'état de dépression réactionnelle constaté à un accident professionnel, puisqu'il a alerté le médecin du travail dès le 3 décembre 2019.

La CPAM du Tarn ne soutient pas enfin que la lésion ait une cause totalement étrangère au travail.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a retenu la qualification d'accident du travail, et dit que la CPAM du Tarn devait payer à Mme [K] une indemnité de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

La CPAM du Tarn devra également payer à Mme [K] une indemnité de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Les dépens d'appel sont à la charge de la CPAM du Tarn.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 17 octobre 2022 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que la CPAM du Tarn doit payer à Mme [K] une indemnité de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel;

Dit que la CPAM du Tarn doit supporter les dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par M. POZZOBON, greffière

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

M. POZZOBON N. ASSELAIN .


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 22/03779
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.03779 ?
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