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21/03/2024 | FRANCE | N°22/02027

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 21 mars 2024, 22/02027


21/03/2024



ARRÊT N° 89/24



N° RG 22/02027 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OZ7L

NA/RL



Décision déférée du 09 Mai 2022 - Pole social du TJ d'AGEN (19/00329)

G. [R]























CPAM DES LANDES





C/





ALVEA




















































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INFIRMATION



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***





APPELANTE



CPAM DES LANDES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Mme [O] [M] [J] (membre de l'organisme) substituée par Mme [V] [L] ...

21/03/2024

ARRÊT N° 89/24

N° RG 22/02027 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OZ7L

NA/RL

Décision déférée du 09 Mai 2022 - Pole social du TJ d'AGEN (19/00329)

G. [R]

CPAM DES LANDES

C/

ALVEA

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

CPAM DES LANDES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [O] [M] [J] (membre de l'organisme) substituée par Mme [V] [L] (CPAM Haute-Garonne) en vertu d'un pouvoir

INTIMEE

ALVEA

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée à l'audience par Me Jérôme FEUFEU du cabinet substituant Me Albane ROZIERE-BERNARD de la SELAS FIDAL, avocate au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, devant Mme N. ASSELAIN,conseillère chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente

M. DARIES, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffière : lors des débats M.POZZOBON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente, et par M.POZZOBON, greffière

EXPOSE DU LITIGE

M.[D] [U], engagé par la société [5] en qualité de chauffeur livreur, a adressé à la CPAM des Landes une déclaration de maladie professionnelle datée du 24 septembre 2018, mentionnant une tendinopathie de la coiffe des rotateurs droite avec rupture du sus épineux droit, en joignant un certificat médical du 31 août 2018.

La société [5] a été informée par lettre du 7 novembre 2018 de la CPAM des Landes de l'ouverture d'une instruction.

Par lettres du 15 février 2019, la CPAM des Landes a informé M.[U] et son employeur la société [5] de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier, avant la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie devant intervenir le 7 mars 2019.

Par lettres du 7 mars 2019, la CPAM des Landes a informé M.[U] et son employeur de la prise en charge de la maladie, soit une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite inscrite au tableau 57, au titre de la législation sur les risques professionnels.

La société [5] a saisi la commission de recours amiable pour contester l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie.

En l'absence de réponse de la commission, la société [5] a porté sa contestation devant le tribunal judiciaire d'Agen, par requête du 15 juillet 2019.

Par jugement du 9 mai 2022, le tribunal judiciaire a fait droit à la demande de l'employeur, et déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle dont est atteint M.[U] inopposable à la société [7], venant aux droits de la société [5].

La CPAM des Landes a relevé appel de ce jugement par déclaration du 24 mai 2022.

La CPAM des Landes conclut à l'infirmation du jugement et à l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M.[U]. Elle soutient avoir respecté le principe du contradictoire, en expliquant qu'à aucun moment le colloque médico-administratif incomplet qu'elle a par erreur versé aux débats en première instance, constitutif d'un simple document de travail, n'a été communiqué à l'employeur dans le cadre de l'instruction, et notamment lors de la consultation du dossier. Elle soutient qu'en toute hypothèse ce document incomplet répond aux exigences jurisprudentielles, peu important que cette fiche de liaison ne soit ni motivée ni signée par le médecin conseil. Sur le fond, elle rappelle qu'il appartient au médecin conseil de qualifier la pathologie, ce qu'il a fait au regard de l'IRM du 30 juin 2018. Elle soutient par ailleurs qu'il ressort de l'enquête administrative et des tâches dévolues à un chauffeur livreur que la condition relative à la liste des travaux est remplie.

La société [7], venant aux droits de la société [5], conclut à la confirmation du jugement. Elle conteste en premier lieu le caractère professionnel de la maladie. Elle soutient que la caisse ne rapporte pas la preuve que le salarié souffrait d'une affection désignée au tableau 57, ce diagnostic ne correspondant pas à celui du médecin traitant mentionné par le certificat médical initial et ne résultant pas des pièces initialement produites par la caisse. Elle soutient également que la caisse ne démontre pas que M.[U] ait été exposé aux gestes professionnels visés par le tableau 57, les déclarations du salarié sur ce point étant imprécises et les investigations de l'enquêteur ne permettant pas de le vérifier. Elle soutient également que la caisse n'a pas respecté à son égard le principe du contradictoire, alors que le dossier d'instruction qu'elle a constitué ne contenait pas de colloque médico-administratif conforme, et que la fiche produite par la caisse devant la cour ne contient pas non plus l'avis du médecin conseil quant au fait que la pathologie de M.[U] satisfait à l'ensemble des conditions posées par le tableau. Elle reproche d'autre part à la caisse de ne pas démontrer que le dossier d'instruction comportait l'ensemble des certificats médicaux, et notamment les certificats médicaux de prolongation.

MOTIFS

* Sur l'origine professionnelle de la maladie

L'article L 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

La prise en charge d'une maladie au titre de la législation sur les risques professionnels suppose la réunion des conditions suivantes:

- l'affection dont il est demandé réparation doit figurer dans un tableau de maladies professionnelles;

- le salarié doit avoir été selon le cas,

- soit exposé à l'action d'un des agents nocifs mentionnés par les tableaux de maladies professionnelles qui donnent, à titre indicatif, la liste des principaux travaux comportant la manipulation ou l'emploi de ces agents,

- soit occupé à des travaux limitativement énumérés;

- le délai de prise en charge de la maladie prévu par le tableau ne doit pas être expiré, et la durée d'exposition au risque, lorsqu'elle est prévue, doit être respectée.

A l'égard de l'employeur, il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau dont elle invoque l'application sont remplies.

La société [5] soutient en l'espèce que la caisse ne rapporte pas la preuve que le salarié souffrait d'une affection désignée au tableau 57, ce diagnostic ne correspondant pas à celui du médecin traitant mentionné par le certificat médical initial et ne résultant pas des pièces initialement produites par la caisse.

La CPAM des Landes rappelle cependant que c'est au médecin conseil de la caisse qu'il appartient de qualifier l'affection dont souffre le salarié. Elle explique que le document incomplet versé aux débats par erreur en première instance était un document de travail, et produit le colloque médico-administratif souscrit par son médecin conseil, le docteur [Z], le 7 février 2019.

Le diagnostic du docteur [Z], selon ce document, est celui d'une tendinopathie non rompue non calcifiante des la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, objectivée par IRM. Le seul fait que le certificat médical initial du 31 août 2018 mentionne une ' tendinopathie de la coiffe des rotateurs droite avec rupture du sus épineux droit' ne permet pas de remettre en cause le diagnostic du médecin conseil, alors que celui-ci a expressément fondé son diagnostic sur l'IRM réalisée le 30 juin 2018 par le docteur [S], et précisé, en cochant la case correspondante, que les conditions médicales réglementaires du tableau étaient remplies.

La société [5] soutient d'autre part que la caisse ne démontre pas que M.[U] ait été exposé aux gestes professionnels visés par le tableau 57, les déclarations du salarié sur ce point étant imprécises et les investigations de l'enquêteur ne permettant pas de le vérifier.

Il résulte cependant des pièces versées aux débats, et notamment du procès-verbal de constatation de l'agent assermenté de la caisse du 22 janvier 2019, que:

- M.[U], embauché le 5 avril 1988 comme chauffeur livreur de produits pétroliers, travaille 35 heures par semaine annualisées, avec de fortes livaisons d'octobre à mars en général correspondant aux mois de chauffe ;

- il conduit un camion citerne de 26 tonnes, est assis 30 à 50% de son temps au volant de son camion, et se trouve debout les temps de remplissages en 'source' au dépôt et de livraisons chez 11 clients par jour en moyenne ayant des cuves à hauteur de tête la plupart du temps;

- il dispose comme outillage d'un pied de biche pour lever une plaque en béton recouvrant une cuve enterrée par exemple, d'un flexible motorisé enroulé sur un tambour d'une longueur maximale de 60 mètres avec un pistolet au bout d'un poids d'environ 7 à 8 kg pour les livraisons de produits pétroliers;

- il effectue deux remplissages par jour en 'source' au dépôt de [Localité 6], opérations réalisées depuis le sol sur le côté droit de la citerne au moyen d'un bras de chargement à une hauteur située entre 0,90m et l m;

- pour effectuer la livraison, M.[U] doit saisir le pistolet avec ses deux mains à une hauteur située entre 1,45m et 1,50m et le tirer vers le haut pour le sortir de son socle; il doit ensuite tracter le flexible en marchant sur une distance moyenne de 15 à 20 mètres, l'effort de traction pouvant être estimé entre 7 et 8 kg sur cette même distance;

- après la livraison, M.[U] doit tracter un minimum du flexible jusqu'au camion, de façon à repositionner le pistolet dans son logement.

Le rapport de l'employeur transmis à la caisse, contenant notamment un rapport d'analyse d'efforts daté du 28 mai 2014, ne comporte aucun élément permettant de remettre en cause ces constatations.

Les constatations précises de l'enquêteur démontrent que M.[U] exécute dans le cadre de sa profession des travaux de manutention entraînant une sollicitation des épaules, tant lors du chargement du camion que lors des livraisons, comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé.

Si M.[U] a indiqué, dans le questionnaire que la caisse lui a adressé, que la durée des mouvements ou du maintien de l'épaule en abduction était 'difficile à déterminer', il n'en a pas moins coché la case 'entre 2H et 3H30".

La réunion des conditions tenant à la durée d'exposition au risque (6 mois) et au délai de prise en charge (6 mois) ne sont ni contestables ni contestées, M.[U] exerçant sa profession auprès du même employeur depuis 2002 et n'ayant cessé le travail que le 15 mai 2018.

Les conditions de prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels sont donc réunies.

* Sur la régularité de la procédure

La société [7] soutient que la caisse n'a pas respecté à son égard le principe du contradictoire, alors que le dossier d'instruction qu'elle a constitué ne contenait pas de colloque médico-administratif conforme, et que la fiche produite par la caisse devant la cour ne contient pas non plus l'avis du médecin conseil quant au fait que la pathologie de M.[U] satisfait à l'ensemble des conditions posées par le tableau. Elle reproche d'autre part à la caisse de ne pas démontrer que le dossier d'instruction comportait l'ensemble des certificats médicaux, et notamment les certificats médicaux de prolongation.

La caisse justifie avoir mis le dossier d'instruction qu'elle a constitué à disposition de l'employeur, dans les délais légaux. Il incombe à la société [7] de rapporter la preuve de la violation du principe du contradictoire qu'elle invoque.

Or la société [7], qui n'a pas exercé son droit de consulter le dossier mis à sa disposition, ne démontre pas qu'il était incomplet, pour ne pas comporter le colloque médico-administratif renseigné par le médecin conseil, ou le certificat médical initial. La caisse explique que le colloque médico-administratif incomplet, non daté et ne comportant pas le nom du médecin, qu'elle a par erreur versé aux débats en première instance, est constitutif d'un simple document de travail, et n'a à aucun moment été communiqué à l'employeur dans le cadre de l'instruction, et notamment lors de la consultation du dossier. Elle rappelle par ailleurs à juste titre que le dossier qui doit être mis à disposition de l'employeur n'a pas à comprendre les éléments qui ne fondent pas la décision de la CPAM de prendre en charge l'accident ou la maladie au titre de la législation professionnelle, tels les certificats médicaux de prolongation.

C'est enfin à tort que la société [7] soutient que la fiche produite par la caisse devant la cour ne contient pas l'avis du médecin conseil quant au fait que la pathologie de M.[U] satisfait à l'ensemble des conditions posées par le tableau: le docteur [Z] a en effet précisé, en cochant la case correspondante, que les conditions médicales réglementaires du tableau étaient remplies. Et il ne lui appartient pas de se prononcer sur les conditions administratives de prise en charge. Les services administratifs de la caisse, en admettant au terme de la fiche du colloque médico-administratif que la maladie devait être prise en charge au titre de l'article L 461-1 alinéa 2, ont nécessairement admis que les conditions administratives de la prise en charge étaient réunis, peu important que les cases correspondantes n'aient pas été cochées.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle inopposable à l'employeur.

La cour, statuant à nouveau, dit que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle dont est atteint M.[U] est opposable à la société [7], venant aux droits de la société [5].

La société [7] doint supporter les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 9 mai 2022 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la décision du 7 mars 2019 de prise en charge de la maladie professionnelle dont est atteint M.[U] est opposable à la société [7], venant aux droits de la société [5];

Dit que la société [7] doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par M. POZZOBON, greffière

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

M. POZZOBON N. ASSELAIN .


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 22/02027
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.02027 ?
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