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21/03/2024 | FRANCE | N°22/01985

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 21 mars 2024, 22/01985


21/03/2024



ARRÊT N° 87/24



N° RG 22/01985 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OZ2G

NA/RL



Décision déférée du 13 Avril 2022 - Pole social du TJ de TOULOUSE (21/00761)

C. LERMIGNY























CIPAV





C/





[F] [V]



















































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CONFIRMATION PARTIELLE







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***





APPELANTE



CIPAV

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée à l'audience par Me Olivia GOIG-MENDELIA, avocate au barreau de TOULOUSE du...

21/03/2024

ARRÊT N° 87/24

N° RG 22/01985 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OZ2G

NA/RL

Décision déférée du 13 Avril 2022 - Pole social du TJ de TOULOUSE (21/00761)

C. LERMIGNY

CIPAV

C/

[F] [V]

CONFIRMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

CIPAV

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée à l'audience par Me Olivia GOIG-MENDELIA, avocate au barreau de TOULOUSE du cabinet CAMILLE substituant Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [F] [V]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté à l'audience par Me Sandrine NEFF, avocate au barreau de TOULOUSE substituant Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, devant Mme N. ASSELAIN,conseillère chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente

M. DARIES, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffière : lors des débats M.POZZOBON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente, et par M.POZZOBON, greffière

EXPOSE DU LITIGE

M.[F] [V] exerce une activité libérale de traducteur-interprète sous le statut d'auto-entrepreneur.

Le 21 février 2020, il s'est procuré sur le site internet GIP info retraite un relevé de situation individuelle mentionnant les points qu'il avait acquis auprès de la caisse de retraite interprofessionnelle des professions libérales au titre de sa retraite de base et de sa retraite complémentaire, de 2012 à 2015.

Le 29 avril 2020, M.[V] a contesté cette quantification devant la commission de recours amiable de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV), et sollicité la rectification de ses points de retraite de base et complémentaire acquis sous le statut d'auto-entrepreneur.

En l'absence de réponse de la commission de recours amiable de la CIPAV, M.[V] a saisi le tribunal.

Par jugement du 13 avril 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a:

- Déclaré le recours de M.[V] recevable,

- Ordonné à la CIPAV de rectifier le nombre de points acquis par M.[V] au titre de la retraite de base comme suit : 9,5 pour 2012, 20,5 pour 2013,109,2 pour 2014, 83,6 pour 2015, 429,9 pour 2016, 400,1 pour 2017, 460,6 pour 2018 et 419,8 pour 2019;

- Ordonné à la CIPAV de rectifier le nombre de points acquis par M.[V] au titre de la retraite complémentaire comme suit : 40 points pour l'annee 2012, 36 points pour les années de 2013 à 2015 et 72 points pour les années 2016 à 2019 ;

- Ordonné à la CIPAV de communiquer à M.[V] un relevé de situation qui soit conforme à ces rectifications;

- Rejeté la demande de condamnation sous astreinte de M.[V] ;

- Rejeté la demande de dommages-intérêts de M.[V] ;

- Rejeté la demande de la CIPAV fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la CIPAV à payer à M.[V] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la CIPAV aux dépens.

La CIPAV a relevé appel de ce jugement par déclaration du 24 mai 2022.

La CIPAV conclut à l'infirmation du jugement. Elle demande à la cour, outre le paiement de 600 euros au titre des frais irrépétibles, à titre principal de déclarer le recours de M.[V] irrecevable. A titre subsidiaire, elle conclut au rejet des demandes de M.[V] et à l'attribution des points de retraite suivants:

- retraite de base

6,2 points de retraite de base en 2012

13,6 points de retraite de base en 2013

72,1 points de retraite de base en 2014

55,1 points de retraite de base en 2015

298,9 points de retraite de base en 2016

273,1 points de retraite de base en 2017

307,4 points de retraite de base en 2018

413,5 points de retraite de base en 2019

- retaite complémentaire

3 points de retraite complémentaire en 2012

5 points de retraite complémentaire en 2013

9 points de retraite complémentaire en 2014

9 points de retraite complémentaire en 2015

43 points de retraite complémentaire en 2016

38 points de retraite complémentaire en 2017

42 points de retraite complémentaire en 2018

55 points de retraite complémentaire en 2019

La CIPAV soutient que le recours de M.[V] doit être déclaré irrecevable en l'absence de décision de la caisse, préalablement à la saisine de la commission de recours amiable, en indiquant que le relevé de situation individuel produit est purement indicatif et provisoire. A titre subsidiaire, sur le fond, elle rappelle le principe de proportionnalité des droits aux cotisations versées. Elle soutient que pour la période antérieure à 2016, l'assiette de calcul des points est le bénéfice non commercial, et non le chiffre d'affaires, et que le bénéfice de l'auto-entrepreneur est calculé sur le chiffres d'affaires après abattement de 34%, correspondant au bénéfice imposable dans la catégorie des BNC pour une activité libérale, par application des articles L 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts. Concernant le régime de retraite complémentaire, elle distingue la période de 2009 à 2015, de la période postérieure au 1er janvier 2016. Elle expose qu'avant 2016, les articles L 131-7 et R 133-30-10 du code de la sécurité sociale prévoyaient le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale, assurant une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont les adhérents pouvaient être redevables en fonction de leur activité. Elle détermine ainsi le nombre de points dû au titre du régime complémentaire par référence à la plus faible cotisation non nulle visée par ses statuts. Pour la période postérieure au 1er janvier 2016, date à laquelle la compensation de l'Etat a pris fin, elle indique avoir fait une stricte application du principe de proportionnalité du nombre de points aux cotisations effectivement réglées, par application de l'article 3.12 bis des statuts.

M.[V] demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de réparation du préjudice moral, et de condamner la CIPAV à lui verser 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral. Y ajoutant, il demande à la cour de:

- En cas de décision d'irrecevabilité sur les exercices 2016-2019, condamner la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3.000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation légale d'information de la caisse, soit 12.000 euros pour les années 2016 à 2019,

- Condamner la CIPAV à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation de l'appel abusif,

- Condamner la CIPAV à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

M.[V] soutient que son recours est recevable dès lors qu'en téléchargeant son relevé de situation individuelle, il a obtenu une décision individuelle prise par la CIPAV de minoration de points jusqu'en 2015, et d'occultation de droits après, et que cette décision faisant grief pouvait être contestée directement devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal. Il soutient qu'un relevé renseigné, même partiellement, implique une décision émanant de la CIPAV. Il indique qu'elle n'a pas à pâtir d'un manquement à l'obligation d'information légale de la caisse et ne peut être privée d'un accès au juge. Sur le fond, il se prévaut de l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la Cour de cassation, qui a posé pour principe que l'article 2 du décret du 21 mars 1979, qui vise un octroi de points forfaitaire et non proportionnel, est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement à l'auto-entrepreneur inscrit à la CIPAV, et indique que selon ce texte et la cour de cassation, « ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité ». Il soutient qu'est donc inévitable la censure de la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe, à savoir moins de 40 points en « classe 1 » entre 2009 et 2012 et moins de 36 points depuis 2013 en « classe A ». Il précise que l'assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable de l'auto-entrepreneur est celle du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette spécifique des cotisations selon l'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, et indique que cet article garantit aux auto-entrepreneurs l'acquisition de droits identiques à ceux des professionnels libéraux « classiques » par référence à un niveau de contribution réputé équivalent. Il soutient que la même assiette, soit le chiffre d'affaires sans l'abattement injustifié de 34%, doit s'appliquer au calcul des points de retraite de base. Il invoque le préjudice qu'il subit du fait de la minoration de ses droits à la retraite, du fait de l'absence de renseignement du relevé de situation individuelle, la CIPAV ayant manqué à son obligation d'information légale, et du fait de l'appel abusif.

MOTIFS

* Sur la recevabilité du recours

La CIPAV soutient que le recours de M.[V] doit être déclaré irrecevable en l'absence de décision émanant de la CIPAV, préalablement à la saisine de la commission de recours amiable.

Selon les dispositions combinées des articles L. 161-17, R.161-11 et D.161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent aux assurés, périodiquement ou à leur demande, comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension. Il en résulte qu'un tel relevé de situation individuelle constitue une décision au sens de l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale, et que l'assuré est recevable, s'il les estime erronés, à contester devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurite sociale le report des durées d'affiIiation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé.

En l'espèce, M.[V] a obtenu le 21 février 2020 un relevé de situation individuelle mentionnant qu'il avait acquis auprès de la caisse de retraite interprofessionnelle des professions libérales 145,8 points de retraite de base et 19 points de retraite complémentaire entre 2012 et 2015.

Son recours tendant à contester le nombre de points figurant sur ce relevé de situation individuelle, devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal, est recevable en ce qui concerne les années 2012 à 2015, le relevé produit comportant une décision de la CIPAV relative au nombre de points retenu au titre de chacune de ces années.

Il est en revanche irrecevable en ce qui concerne les années postérieures de 2016 à 2019, à défaut de toute décision de la CIPAV relative au nombre de points attribué au titre de ces années: le relevé soumis à la commission de recours amiable ne comporte en effet aucune information concernant les années 2016 à 2019, et cette absence d'information n'équivaut pas à une décision faisant apparaître une absence de droits de M.[V]. Il appartenait donc à M.[V], avant de saisir la commission de recours amiable et le tribunal, de solliciter une réponse effective de la CIPAV concernant ses droits acquis de 2016 à 2019.

Le jugement est donc partiellement infirmé en ce qu'il a admis, pour le tout, la recevabilité du recours de M.[V].

* Sur le nombre de points de retraite, concernant les années 2012 à 2015

- points de retraite de base

L'article L 131-6-2 du code de la sécurité sociale, dans ses versions applicables en la cause, énonce que:

'Les cotisations sont dues annuellement.

Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés.

Lorsque le revenu d'activité est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation'.

La CIPAV soutient que le nombre des points de retraite de base doit être proportionnel aux cotisations effectivement versées, et que le revenu d'activité à prendre en compte, pour les années antérieures à 2016, est celui défini à l'article L 131-6 du code de la sécurité sociale, soit le revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, et qu'il équivaut pour les auto-entrepreneurs au chiffre d'affaires abattu de 34% .

Si l'article L 131-6 du code de la sécurité sociale définit l'assiette de cotisations des professionnels libéraux classiques comme le revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, il résulte cependant des dispositions de l'article L. 133-6-8 du même code que les cotisations et les contributions de sécurite sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants bénéficiant du statut de l'auto-entreprise sont calculées en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret. Le revenu d'activité, assiette des cotisations de sécurité sociale, à retenir pour déterminer la cotisation de retraite de base est donc le chiffre d'affaires de l'auto-entrepreneur, et non son bénéfice comme le soutient la CIPAV.

Ce n'est que dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2016, applicable aux travailleurs indépendants créant leur activité à compter du 1er janvier 2018, que l'article L 133-6-8 prévoit le calcul des prestations sur la base du chiffre d'affaires après abattement d'un taux de 34%.

C'est donc à tort que la CIPAV a calculé le nombre de points de retraite de base acquis par M.[V] de 2012 à 2015 proportionnellement au montant de son bénéfice, en appliquant un abattement de 34% à son chiffre d'affaires.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé le nombre de points de retraite de M.[V] au titre du régime d'assurance vieillesse de base géré par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, proportionnellement à son chiffre d'affaires, à:

- 9,5 points pour 2012

- 20,5 points pour 2013

- 109,2 points pour 2014

- 83,6 points pour 2015.

- points de retraite complémentaire

Concernant le régime de retraite complémentaire, la CIPAV distingue la période antérieure au 1er janvier 2016 de la période postérieure à cette date. Elle expose qu'avant 2016, les articles L 131-7 et R 133-30-10 du code de la sécurité sociale prévoyaient le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale, assurant une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont les adhérents pouvaient être redevables en fonction de leur activité. Elle détermine ainsi le nombre de points dû au titre du régime complémentaire par référence à la plus faible cotisation non nulle visée par ses statuts.

Le décret du 21 mars 1979 institue le régime de retraite complémentaire de la CIPAV. L'article 2 de ce décret prévoit que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire comporte plusieurs classes de cotisations, à chacune desquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite, qui procède directement de la classe de cotisation de l'intéressé. Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret du 28 décembre 2012, applicable aux cotisations dues à compter du ler janvier 2013, et à chacune de ces classes de cotisations correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite, fixé pour la première de ces classes à 40 points jusqu'à l'année 2012, puis à 36 points à compter de 2013. Il résulte de ce même article 2 que la classe de cotisation de chaque assujetti est déterminée en considération de son revenu d'activité, constitutif de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

Le revenu d'activité, constitutif de l'assiette des cotisations de sécurité sociale par application de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, est le même que celui précédemment défini pour déterminer les cotisations de retraite de base. Le revenu d'activité, assiette des cotisations de sécurité sociale, à retenir pour déterminer la classe de cotisation dont relève l'auto-entrepreneur est donc son chiffre d'affaires, et non son bénéfice comme le soutient la CIPAV.

La cour de cassation a par ailleurs retenu dans un arrêt du 23 janvier 2020, concernant le nombre de points de retraite complémentaire attribué par la CIPAV à un auto-entrepreneur au titre de la période de 2010 à 2014, que les dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 modifié sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto~entrepreneurs affiliés à la CIPAV, et que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité.

Ni le principe selon lequel le montant des pensions de retraite est proportionnel aux cotisations versées, ni le principe d'égalité devant la loi, n'excluent l'instauration législative d'un statut incitatif dérogatoire. Depuis la création du régime des auto-entrepreneurs en 2009 jusqu'au 1er janvier 2016, les personnes affiliées à ce régime ont bénéficié de droits au titre de l'assurance vieillesse complémentaire, en contrepartie du paiement de leurs cotisations auxquelles venaient s'ajouter un différentiel versé par l'Etat. L'absence de compensation appropriée, par l'Etat, au profit de la CIPAV, de la différence entre la cotisation versée en application du statut de l'auto-entreprise et la cotisation dont le professionnel aurait été redevable s'il n'avait pas opté pour ce statut, ne peut en elle-même être opposée à l'auto-entrepreneur, qui bénéficie du statut incitatif instauré par les textes et des dispositions réglementaires applicables. L'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause, précise que les cotisations dues par les auto-entrepreneurs sont calculées 'de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants'.

La CIPAV ne démontre pas en quoi ses statuts feraient en l'espèce, pour la période antérieure au 1er janvier 2016, obstacle à l'application des dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 au profit de M.[V]. En particulier, le seul fait pour M.[V] d'avoir bénéficié du statut des auto-entrepreneurs n'équivaut pas à une demande de réduction de la cotisation pour insuffisance de revenus au sens de l'article 3.12 des statuts, entraînant une réduction proportionnelle du nombre de points: dans son rapport annuel 2017 (p 427), la cour des comptes dénonce le fait que la CIPAV ait 'appliqué systématiquement et automatiquement, sans leur consentement, une disposition de ses statuts permettant aux professionnels libéraux de droit commun de demander expressément, s'ils le souhaitent, en cas de faibles revenus, un abattement sur leurs cotisations se traduisant par une réduction de leurs droits'. Il n'est pas contesté en l'espèce que la partie intimée ait régulièrement acquitté l'ensemble des cotisations dont elle était redevable. L'article 3.12 bis des statuts, qui stipule que 'Le nombre de points attribués au bénéficiaire du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui est exclu de la compensation de l'Etat prévue à l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale est proportionnel aux cotisations effectivement réglées', n'est d'autre part pas applicable en l'espèce à la période antérieure au 1er janvier 2016, date à laquelle la compensation de l'Etat a pris fin.

En considération de ces éléments, le tribunal a justement déterminé le nombre de points de retraite complémentaire auquel M.[V] pouvait prétendre, par application de l'article 2 du décret du 21 mars 1979, au regard de son revenu d'activité, pour les années 2012 à 2015, soit 40 points pour l'année 2012, et 36 points par an pour les années 2013 à 2015 inclus.

* Sur les demandes de dommages et intérêts

M.[V] demande paiement de dommages et intérêts:

- en réparation du préjudice causé par le manquement de la caisse à son obligation légale d'information,

- en réparation de son préjudice moral,

- et en réparation du préjudice causé par l'appel abusif.

La CIPAV n'explicite pas en l'espèce les raisons de l'absence de mention, sur le relevé de situation individuelle obtenu par M.[V] le 21 février 2020, des points de retraite acquis de 2016 à 2019.

Ce défaut d'information contraint M.[V] à des démarches complémentaires.

Par ailleurs, la CIPAV n'a pas respecté les recommandations de la cour des comptes. Dans ses rapports des années 2014 et 2017, produits par M.[V], la cour des comptes dénonce la minoration injustifiée des points de retraite complémentaire alloués aux auto-entrepreneurs, et 'une absence anormale de rétablissement des auto-entrepreneurs dans leurs droits'. Le non respect de cette recommandation est à l'origine des tracas subis par M.[V] dans le cadre du présent litige.

En revanche, l'exercice d'un recours est un droit dont la CIPAV n'a pas abusé.

En considération de ces éléments, le préjudice immatériel subi par M.[V] du fait des manquements de la CIPAV doit être compensé par une indemnité globale de 3.000 euros.

En cause d'appel, il n'y a pas lieu à nouvelle indemnité au titre des frais irrépétibles.

Les dépens d'appel sont à la charge de la CIPAV.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 13 avril 2022, sauf:

- en ce qu'il a déclaré recevable le recours de M.[V] quant à la détermination des points de retraite de base et des points de retraite complémentaire acquis pour les années 2016 à 2019,

- en ce qu'il a fixé les points de retraite de base et complémentaire acquis par M.[V] pour les années 2016 à 2019,

- et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M.[V];

Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable le recours de M.[V] en ce qui concerne le nombre de points de retraite de base et complémentaire devant lui être attribué au titre des années 2016 à 2019;

Dit que la CIPAV doit payer à M.[V] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Dit que la CIPAV doit supporter les dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par M. POZZOBON, greffière

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

M. POZZOBON N. ASSELAIN .


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 22/01985
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.01985 ?
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