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21/03/2024 | FRANCE | N°22/01983

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 21 mars 2024, 22/01983


21/03/2024



ARRÊT N° 75/24



N° RG 22/01983 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OZ2B

MS/RL



Décision déférée du 13 Avril 2022 - Pole social du TJ de TOULOUSE (21/00760)

C. [R]





















CIPAV





C/





[S] [Z]






















































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CONFIRMATION PARTIELLE







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***





APPELANTE



CIPAV

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée à l'audience par Me Lucie GILLARD de la SCP CAMILLE, avocate au barreau de Toulouse...

21/03/2024

ARRÊT N° 75/24

N° RG 22/01983 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OZ2B

MS/RL

Décision déférée du 13 Avril 2022 - Pole social du TJ de TOULOUSE (21/00760)

C. [R]

CIPAV

C/

[S] [Z]

CONFIRMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

CIPAV

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée à l'audience par Me Lucie GILLARD de la SCP CAMILLE, avocate au barreau de Toulouse substituant Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [S] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée à par l'audience Me Camille GAGNE, avocate au barreau d'Agen subsituant Me Sandrine NEFF, avocate au barreau de TOULOUSE substituant Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2024, en audience publique, devant Mme M. SEVILLA,conseillère chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente

M. DARIES, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffière : lors des débats M.POZZOBON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente, et par M.POZZOBON, greffière

EXPOSE DU LITIGE

Mme [S] [Z] a été affiliée à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) sous le statut d'auto entrepreneur du fait de son activité de traducteur interprète depuis le 1er octobre 2009.

Elle s'est vu notifier le 22 avril 2020 la liquidation de sa pension de retraite de base pour 23,37 euros par mois et la liquidation de sa pension de retraite complémentaire par versement forfaitaire unique de 2.438,48 euros.

En désaccord avec l'évaluation de ses droits elle saisissait la commission de recours amiable de la CIPAV puis le tribunal judiciaire.

Par jugement rendu le 13 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- Déclaré Mme [S] [Z] recevable en son recours ;

- Ordonné à la CIPAV de rectifier le nombre de points acquis par Mme [S] [Z] au

titre de la retraite de base comme suit : 140,8 points 2010, 254,6 points pour 2011, 96,3, points pour 2012, 26,2 points pour 2013, 91,7 points pour 2014, 31,2 points pour 2015, 52,6 points pour 2016, 46,6 points pour 2017, 24,8 points pour 2018, 14 points pour 2019, 47,4 points pour 2020;

- Ordonné à la CIPAV de rectifier le nombre de points acquis par Mme [S] [Z] au

titre de la retraite complémentaire comme suit : 40 points pour les années 2010 à 2012, 36

points pour les années de 2013 à 2020;

- Ordonné à la CIPAV de communiquer à Mme [S] [Z] un relevé de situation qui soit

conforme à ces rectifications;

- Rejeté la demande de condamnation sous astreinte de Madame [S] [Z] ;

- Rejeté la demande de dommages-intérêts de Madame [S] [Z];

- Rejeté la demande de la CIPAV fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la CIPAV à payer à Mme [S] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la CIPAV aux dépens.

La CIPAV a interjeté appel du jugement le 25 mai 2022.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, elle demande d'infirmer le jugement et de dire:

-irrecevable le recours formé par Mme [S] [Z]

A titre subisidiaire;

- Juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de

Mme [S] [Z].

- Attribuer à Mme [S] [Z] les points de retraite de base suivants :

-92,9 points de retraite de base en 2010

-168,01 points de retraite de base en 2011

-63,5 points de retraite de base en 2012

-17,3 points de retraite de base en 2013

-60,5 points de retraite de base en 2014

-20,6 points de retraite de base en 2015

-36,6 points de retraite de base en 2016

-31,8 points de retraite de base en 2017

-16,5 points de retraite de base en 2018

-9,4 points de retraite de base en 2019

-14, 2 points de retraite de base en 2020

- Attribuer à Mme [S] [Z] les points de retraite complémentaire suivants :

-10 points de retraite complémentaire en 2010

-10 points de retraite complémentaire en 2011

-10 points de retraite complémentaire en 2012

-2 points de retraite complémentaire en 2013

-9 points de retraite complémentaire en 2014

-5 points de retraite complémentaire en 2015

-5 points de retraite complémentaire en 2016

-4 points de retraite complémentaire en 2017

-2 points de retraite complémentaire en 2018

-1 point de retraite complémentaire en 2019

-2 points de retraite complémentaire en 2020

- Débouter Mme [S] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner Mme [S] [Z] à verser à la CIPAV la somme de 600 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager,

La CIPAV soutient que le recours de Mme [Z] doit être déclaré irrecevable en l'absence de décision de la caisse, préalablement à la saisine de la commission de recours amiable.

A titre subsidiaire, sur le fond, elle rappelle le principe de proportionnalité des droits aux cotisations versées. Elle soutient que pour la période antérieure à 2016, l'assiette de calcul des points est le bénéfice non commercial, et non le chiffre d'affaires, et que le bénéfice de l'auto-entrepreneur est calculé sur le chiffre d'affaires après abattement de 34%, correspondant au bénéfice imposable dans la catégorie des BNC pour une activité libérale, par application des articles L 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts. A compter de l'année 2016, elle calcule le nombre de points de retraite de base en déterminant le montant global des cotisations payées au titre du forfait social (22,9% du chiffre d'affaires), et la part de ces cotisations affectée à l'assurance vieilles de base (25% des cotisations payées au titre du forfait social). Concernant le régime de retraite complémentaire, elle distingue la période de 2009 à 2015, de la période postérieure au 1er janvier 2016. Elle expose qu'avant 2016, les articles L 131-7 et R 133-30-10 du code de la sécurité sociale prévoyaient le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale, assurant une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont les adhérents pouvaient être redevables en fonction de leur activité. Elle détermine ainsi le nombre de points dû au titre du régime complémentaire par référence à la plus faible cotisation non nulle visée par ses statuts. Pour la période postérieure au 1er janvier 2016, date à laquelle la compensation de l'Etat a pris fin, elle indique avoir fait une stricte application du principe de proportionnalité du nombre de points aux cotisations effectivement réglées, par application de l'article 3.12 bis des statuts.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, Mme [Z] demande:

-De confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse du 13 avril 2022, sauf en ce qu'il a débouté Mme [S] [Z] de sa demande en réparation du préjudice moral ;

Statuant à nouveau,

-De condamner la CIPAV à verser à Mme [S] [Z] la somme de 3.000 € en réparation du préjudice moral,

Y ajoutant,

-De condamner la CIPAV à verser à Mme [S] [Z] la somme de 5.000 € en réparation de

l'appel abusif,

-De condamner la CIPAV à verser à Mme [S] [Z] la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Mme [Z] se prévaut de l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la Cour de cassation, qui a posé pour principe que l'article 2 du décret du 21 mars 1979, qui vise un octroi de points forfaitaire et non proportionnel, est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement à l'auto-entrepreneur inscrit à la CIPAV, et indique que selon ce texte et la cour de cassation, « ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité ». Elle soutient qu'est donc inévitable la censure de la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe, à savoir moins de 40 points en « classe 1 » entre 2009 et 2012 et moins de 36 points depuis 2013 en « classe A ». Elle précise que l'assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable de l'auto-entrepreneur est celle du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette spécifique des cotisations selon l'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, et indique que cet article garantit aux auto-entrepreneurs l'acquisition de droits identiques à ceux des professionnels libéraux « classiques » par référence à un niveau de contribution réputé équivalent. Elle soutient que la même assiette, soit le chiffre d'affaires sans l'abattement injustifié de 34%, doit s'appliquer au calcul des points de retraite de base.

Elle invoque le préjudice qu'elle subit du fait de la minoration de ses droits à la retraite, et du fait de l'appel abusif.

L'audience s'est déroulée le 1er février 2024.

MOTIFS

* Sur la recevabilité du recours

La CIPAV soutient que le recours de Mme [Z] doit être déclaré irrecevable en l'absence de décision émanant de la CIPAV, préalablement à la saisine de la commission de recours amiable.

Selon les dispositions combinées des articles L. 161-17, R.161-11 et D.161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent aux assurés, périodiquement ou à leur demande, comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension. Il en résulte qu'un tel relevé de situation individuelle constitue une décision au sens de l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale, et que l'assuré est recevable, s'il les estime erronés, à contester devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurite sociale le report des durées d'affiIiation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé.

En l'espèce, Mme [Z] a obtenu outre un relevé de situation, une décision de liquidation de ses droits à retraite le 22 avril 2020.

Son recours devant la commission de recours amiable tendant à contester l'évaluation de ses droits est donc recevable de 2010 à 2020.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a admis, pour le tout, la recevabilité du recours de Mme [Z].

* Sur le nombre de points de retraite, concernant les années 2010 à 2020

- points de retraite complémentaire concernant les années 2010 à 2015

La CIPAV soutient que pour la période antérieure à 2016, l'assiette de calcul des points est le bénéfice non commercial, et non le chiffre d'affaires, et que le bénéfice de l'auto-entrepreneur est calculé sur le chiffres d'affaires après abattement de 34%, correspondant au bénéfice imposable dans la catégorie des BNC pour une activité libérale, par application des articles L 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts. Elle expose qu'avant 2016, les articles L 131-7 et R 133-30-10 du code de la sécurité sociale prévoyaient le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale, assurant une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont les adhérents pouvaient être redevables en fonction de leur activité. Elle détermine ainsi le nombre de points dû au titre du régime complémentaire par référence à la plus faible cotisation non nulle visée par ses statuts.

Le décret du 21 mars 1979 institue le régime de retraite complémentaire de la CIPAV. L'article 2 de ce décret prévoit que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire comporte plusieurs classes de cotisations, à chacune desquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite, qui procède directement de la classe de cotisation de l'intéressé. Le nombre de points de retraite complémentaire est fixé pour la première de ces classes à 40 points jusqu'à l'année 2012, puis à 36 points à compter de 2013. Il résulte de ce même article 2 que la classe de cotisation de chaque assujetti est déterminée en considération de son revenu d'activité, constitutif de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

Si l'article L 131-6 du code de la sécurité sociale définit l'assiette de cotisations des professionnels libéraux classiques comme le revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, il résulte cependant des dispositions de l'article L. 133-6-8 du même code, dans ses rédactions applicables avant le 1er janvier 2018, que les cotisations et les contributions de sécurite sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants bénéficiant du statut de l'auto-entreprise sont calculées en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret. Le revenu d'activité, assiette des cotisations de sécurité sociale, à retenir pour déterminer la classe de cotisation dont relève l'auto-entrepreneur est donc son chiffre d'affaires, et non son bénéfice comme le soutient la CIPAV. Ce n'est que dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2016, applicable aux travailleurs indépendants créant leur activité à compter du 1er janvier 2018, que cet article prévoit le calcul des prestations sur la base du chiffre d'affaires après abattement d'un taux de 34%.

La cour de cassation a par ailleurs retenu dans un arrêt du 23 janvier 2020, concernant le nombre de points de retraite complémentaire attribué par la CIPAV à un auto-entrepreneur au titre de la période de 2010 à 2014, que les dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 modifié sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, et que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité.

Ni le principe selon lequel le montant des pensions de retraite est proportionnel aux cotisations versées, ni le principe d'égalité devant la loi, n'excluent l'instauration législative d'un statut incitatif dérogatoire. Depuis la création du régime des auto-entrepreneurs en 2009 jusqu'au 1er janvier 2016, les personnes affiliées à ce régime ont bénéficié de droits au titre de l'assurance vieillesse complémentaire, en contrepartie du paiement de leurs cotisations auxquelles venaient s'ajouter un différentiel versé par l'Etat. L'absence de compensation appropriée, par l'Etat, au profit de la CIPAV, de la différence entre la cotisation versée en application du statut de l'auto-entreprise et la cotisation dont le professionnel aurait été redevable s'il n'avait pas opté pour ce statut, ne peut en elle-même être opposée à l'auto-entrepreneur, qui bénéficie du statut incitatif instauré par les textes et des dispositions réglementaires applicables. L'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2016, précise expressément que les cotisations dues par les auto-entrepreneurs sont calculées 'de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants'.

La CIPAV ne démontre pas en quoi ses statuts feraient en l'espèce, pour la période antérieure au 1er janvier 2016, obstacle à l'application des dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 au profit de Mme [Z]. En particulier, le seul fait pour Mme [Z] d'avoir bénéficié du statut des auto-entrepreneurs n'équivaut pas à une demande de réduction de la cotisation pour insuffisance de revenus au sens de l'article 3.12 des statuts, entraînant une réduction proportionnelle du nombre de points: dans son rapport annuel 2017 (p 427), la cour des comptes dénonce le fait que la CIPAV ait 'appliqué systématiquement et automatiquement, sans leur consentement, une disposition de ses statuts permettant aux professionnels libéraux de droit commun de demander expressément, s'ils le souhaitent, en cas de faibles revenus, un abattement sur leurs cotisations se traduisant par une réduction de leurs droits'. Il n'est pas contesté en l'espèce que la partie intimée ait régulièrement acquitté l'ensemble des cotisations dont elle était redevable. L'article 3.12 bis des statuts, qui stipule que 'Le nombre de points attribués au bénéficiaire du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui est exclu de la compensation de l'Etat prévue à l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale est proportionnel aux cotisations effectivement réglées', n'est d'autre part pas applicable en l'espèce à la période antérieure au 1er janvier 2016, date à laquelle la compensation de l'Etat a pris fin.

En considération de ces éléments, le tribunal a justement déterminé le nombre de points de retraite complémentaire auquel Mme [Z] pouvait prétendre, par application de l'article 2 du décret du 21 mars 1979, au regard de son revenu d'activité, pour les années 2010 à 2015, soit 40 en 2010, 40 en 2011, 40 en 2012, 36 en 2013, 36 en 2014, et 36 en 2015.

points de retraite complémentaire concernant les années 2016 à 2020

A compter du 1er janvier 2016, la compensation de l'Etat a pris fin.

L'article 3.12 bis des statuts de la CIPAV prévoit que 'Le nombre de points attribués au bénéficiaire du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui est exclu de la compensation de l'Etat prévue à l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale est proportionnel aux cotisations effectivement réglées'.

Les statuts de la CIPAV, approuvés et modifiés par arrêtés ministériels, sont opposables aux cotisants.

Mais l'article 3.12 bis des statuts ne peut déroger à des dispositions ayant une valeur normative supérieure.

Or l'article 2 du décret du 21 mars 1979 prévoit l'attribution d'un nombre forfaitaire de points en fonction de la classe de revenus, et non un nombre de points strictement proportionnel aux cotisations versées.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que Mme [Z] pouvait prétendre, au regard de son revenu d'activité, pour les années 2016 à 2020, à 36 points par année conformément à sa demande.

- points de retraite de base concernant les années 2010 à 2015:

Concernant cette période, les parties s'accordent sur la formule de calcul des points de retraite de base, et notamment sur la valeur d'achat d'un point de retraite de base, mais divergent en ce qui concerne l'assiette des revenus retenue.

Mme [Z] conteste en effet l'abattement de 34% appliqué par la CIPAV sur son chiffres d'affaires pour déterminer ses revenus d'activité.

Pour les motifs exposés plus haut, il ressort de l'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale dans ses différentes versions en vigueur pendant la période considérée que les cotisations des auto-entrepreneurs sont calculées sur la base du chiffre d'affaires, et non sur le revenu utilisé pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Ce n'est que dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2016, applicable aux travailleurs indépendants créant leur activité à compter du 1er janvier 2018, que l'article L 133-6-8 prévoit le calcul des prestations sur la base du chiffre d'affaires après abattement d'un taux de 34%.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a fixé le nombre de points de retraite de Mme [Z] au titre du régime d'assurance vieillesse de base géré par la CIPAV proportionnellement à son chiffre d'affaires, sans pratiquer d'abattement de 34%. Les points acquis par Mme [Z], s'établissent à:

- 140,8 points pour 2010 pour un chiffre d'affaires de 9.207 euros,

- 254,64 points pour 2011 pour un chiffre d'affaires de 17.002 euros,

- 96,27 points pour 2012 pour un chiffre d'affaires de 6.614 euros,

- 26,20 points pour 2013 pour un chiffre d'affaires de 1.833 euros,

- 91,65 points pour 2014 pour un chiffre d'affaires de 6.500 euros,

- 31,22 points pour 2015 pour un chiffre d'affaires de 2.241 euros.

points de retraite de base concernant les années 2016 à 2020:

Concernant cette période, les parties divergent sur les modalités de calcul des points de retraite de base, et notamment sur la valeur d'achat d'un point.

Mme [Z] invoque à juste titre l'article D 643-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux prestations de base.

Cet article, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2015,

dispose que:

'Le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de revenu fixé au 1° de l'article D. 642-3 ouvre droit à l'attribution de 525 points de retraite.

Le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de la tranche des revenus définie au 2° de l'article D. 642-3 ouvre droit à l'attribution de 25 points de retraite.

Le nombre de points acquis est calculé au prorata des cotisations acquittées sur chacune des tranches de revenus définies à l'article D. 642-3, arrondi à la décimale la plus proche'.

Il en résulte que le nombre de points de retraite de base est strictement proportionnel aux cotisations effectivement acquittées.

Ce principe est conforme à l'article 3.12 bis des statuts de la CIPAV, qui prévoit que 'Le nombre de points attribués au bénéficiaire du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui est exclu de la compensation de l'Etat prévue à l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale est proportionnel aux cotisations effectivement réglées'.

La CIPAV fait dès lors une juste application de l'article D 643-1 du code de la sécurité sociale en déterminant le montant global des cotisations payées au titre du forfait social (22,9% du chiffre d'affaires en 2016, 22,5% en 2017 et 22% depuis 2018), et la part de ces cotisations affectée à l'assurance vieilles de base (25% des cotisations payées au titre du forfait social en tranche 1, et 5% en tranche 2).

La valeur d'achat du point de retraite de base retenue par Mme [Z] est par ailleurs erronée, en ce qu'elle la détermine par référence au 'plafond de revenu fixé au 1° de l'article D. 642-3", et non par rapport à la cotisation annuelle correspondant à ce plafond, soit 8,23 % de ce plafond pour la tranche 1 et 1,87% pour la tranche 2, en application de l'article D. 642-3.

Le nombre de points de retraite de base acquis par Mme [Z], conformément au calcul effectué par la CIPAV, s'établit donc à:

- 36,6 points pour 2016, pour un chiffre d'affaires de 3.831 euros,

- 31,8 points pour 2017, pour un chiffre d'affaires de 3.448 euros,

- 16,5 points pour 2018, pour un chiffre d'affaires de 1.859 euros,

- 9,4 points pour 2019, pour un chiffre d'affaires de 1.074 euros retenu par la CIPAV,

- 14,2 points pour 2020, pour un chiffre d'affaires de 3.682 euros.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a fixé le nombre de points de retraite de base acquis par Mme [Z] à 52,6 points pour 2016, 46,6 points pour 2017, 24,8 points pour 2018, 14 points pour 2019, 47,4 points pour 2020.

* Sur les demandes de dommages et intérêts

Mme [Z] demande paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la minoration de ses droits à retraite et en réparation du préjudice causé par l'appel abusif.

La CIPAV n'a pas respecté les recommandations de la cour des comptes. Dans ses rapports des années 2014 et 2017, produits par Mme [Z], la cour des comptes dénonce la minoration injustifiée des points de retraite complémentaire alloués aux auto-entrepreneurs, et 'une absence anormale de rétablissement des auto-entrepreneurs dans leurs droits'. Cette faute est à l'origine des tracas subis par Mme [Z] dans le cadre du présent litige.

En revanche, l'exercice d'un recours est un droit dont la CIPAV n'a pas abusé.

En considération de ces éléments, le jugement est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [Z]. Le préjudice qu'elle a subi du fait des manquements de la CIPAV doit être compensé par une indemnité globale de 2.000 euros.

Les dépens d'appel sont à la charge de la CIPAV.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 13 avril 2022, sauf :

- en ce qu'il a fixé les points de retraite de base acquis par Mme [Z] pour les années 2016 à 2019,à 52,6 points pour 2016, 46,6 points pour 2017, 24,8 points pour 2018, 14 points pour 2019, 47,4 points pour 2020.

- et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [Z];

Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés et y ajoutant,

Fixe le nombre de points de retraite de base devant être attribué 0 Mme [Z] au titre des années 2016 à 2019 à:

- 36,6 points pour 2016, pour un chiffre d'affaires de 3.831 euros,

- 31,8 points pour 2017, pour un chiffre d'affaires de 3.448 euros,

- 16,5 points pour 2018, pour un chiffre d'affaires de 1.859 euros,

- 9,4 points pour 2019, pour un chiffre d'affaires de 1.074 euros ,

- 14,2 points pour 2020, pour un chiffre d'affaires de 3.682 euros.

Dit que la CIPAV doit payer à Mme [Z] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Dit que la CIPAV doit supporter les dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par M. POZZOBON, greffière

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

M. POZZOBON N. ASSELAIN .


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 22/01983
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.01983 ?
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