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19/03/2024 | FRANCE | N°21/05114

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 19 mars 2024, 21/05114


19/03/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/05114

N° Portalis DBVI-V-B7F-ORHI

JCG/ EJ/ ND



Décision déférée du 05 Novembre 2021

TJ de TOULOUSE (19/03060)

Mme GIGAULT

















[J] [Y]

[G] [E] épouse [Y]





C/



S.C.C.V. [Adresse 6]









































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à



Me CLAISSE



Me MONFERRAN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTS



Monsieur [J] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Stanley CLAISSE de la SELAS MORVILLIERS SENT...

19/03/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/05114

N° Portalis DBVI-V-B7F-ORHI

JCG/ EJ/ ND

Décision déférée du 05 Novembre 2021

TJ de TOULOUSE (19/03060)

Mme GIGAULT

[J] [Y]

[G] [E] épouse [Y]

C/

S.C.C.V. [Adresse 6]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me CLAISSE

Me MONFERRAN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTS

Monsieur [J] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Stanley CLAISSE de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [G] [E] épouse [Y]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Stanley CLAISSE de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.C.C.V. [Adresse 6]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuelle MONFERRAN, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant

JC GARRIGUES, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- Signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte du 12 juillet 2018, M. [J] [Y] et Mme [G] [E] épouse [Y] ont acquis en l'état futur d'achèvement une villa située [Adresse 2] à [Localité 1] auprès de la société civile de construction vente (Sccv) [Adresse 6].

La date d'achèvement des travaux a été fixée au 30 mars 2019.

Suivant courrier de leur conseil en date du 13 mai 2019, M. et Mme [Y] ont notifié à la Sccv [Adresse 6] la résolution du contrat de vente à ses torts exclusifs et l'ont mise en demeure de leur rembourser sans délai la totalité des sommes versées, et de leur payer une indemnité égale à 10 % du prix de vente.

Par acte d'huissier en date du 10 septembre 2019, M. [J] [Y] et Mme [G] [E] épouse [Y] ont fait assigner la Sccv [Adresse 6] devant le tribunal judiciaire de Toulouse afin d'entendre :

- juger que le contrat est résolu aux torts exclusifs de la Sccv [Adresse 6] en raison de ses manquements contractuels ;

- condamner la Sccv [Adresse 6] à restituer la totalité des sommes avancées par M et Mme [Y], soit la somme de 199.405 € , sauf à parfaire ;

- condamner la Sccv [Adresse 6] à leur verser une indemnité correspondant aux intérêts et frais d'assurance de l'emprunt souscrit pour l'acquisition du bien, aux frais de remboursement anticipé et aux droits de mutation, pour mémoire ;

- condamner la Sccv [Adresse 6] à leur verser une indemnité de 20.990 € en application de la clause pénale insérée au contrat ;

- condamner la Sccv [Adresse 6] au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- débouté M. [J] [Y] et Mme [G] [E] de leurs demandes en restitution du prix de vente et en dommages et intérêts ;

- rejeté les demandes faites au titre des frais irrépétibles ;

- condamné M. [J] [Y] et Mme [G] [E] aux entiers dépens de l'instance ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes principales et accessoires.

-:-:-:-

Par déclaration en date du 29 décembre 2021, M. [J] [Y] et Mme [G] [E] épouse [Y] ont interjeté appel partiel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2022,

M. [J] [Y] et Mme [G] [E] épouse [Y], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1104, 1231 et suivants et de l'article 1601-1 du code civil, de l'article L 261-1 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L131-2 du code de procédure civile d'exécution, ainsi que de l'article 700 du code de procédure civile, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

- réformer le jugement du 5 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Toulouse, en ce qu'il :

déboute M. [Y] et Mme [E] de leurs demandes en dommages et intérêts;

rejette les demandes de M. [Y] et Mme [E] faites au titre des frais irrépétibles ;

condamne M. [Y] et Mme [E] aux entiers dépens de l'instance ;

déboute M. [Y] et Mme [E] du surplus de leurs demandes principales et accessoires.

Et, statuant à nouveau,

- condamner la Sccv [Adresse 6] à payer à M. [Y] et Mme [E], des dommages et intérêts à hauteur de 22.270 euros au titre de leur manque à gagner des loyers non perçus entre le 1er avril 2019 et le 2 février 2022 ;

- condamner la Sccv [Adresse 6] à payer à M. [Y] et Mme [E] à hauteur de

2.438 euros au titre des taxes foncières de 2019 à 2021 ;

- condamner la Sccv [Adresse 6] à payer à M. [Y] et Mme [E] au titre de leur perte de la réduction d'impôts dans le cadre du dispositif Pinel des dommages et intérêts à hauteur de 45.570 euros ;

- ordonner à la Sccv [Adresse 6] de procéder à la levée des réserves dans un délai de

7 jours à compter de la signification de la décision à intervenir à peine d'une astreinte de

500 euros par jour de retard à compter de l'expiration du dit délai jusqu'à la levée des réserves ;

- condamner la Sccv [Adresse 6] à payer à M. [Y] et Mme [E] au titre de leur préjudice de jouissance des dommages et intérêts de 100 euros par jour à compter du 11 mars 2022 jusqu'à la levée des réserves pour le préjudice de jouissance, évalués à 3.000 euros au jour de la décision à intervenir, somme à parfaire ;

- condamner la Sccv [Adresse 6] à payer à M. [Y] et Mme [E] la somme de

8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M et Mme [Y] exposent qu'ils ont pris livraison du bien le 3 février 2022 pour le mettre en location et couvrir une partie des mensualités qu'ils règlent depuis 2018 pour le remboursement de leur emprunt, qu'ils ont subi des préjudices du fait du retard de livraison et des manquements contractuels de la Sccv [Adresse 6], et que tout en relevant que la Sccv [Adresse 6] avait commis une faute, le tribunal n'en a pas tiré les conséquences indemnitaires qui s'imposaient.

Ils font valoir qu'à la date de l'assignation, près de six mois après la date limite convenue dans le contrat, le bien n'avait toujours pas été livré et aucune date de livraison ne leur avait été indiquée, de sorte que la Sccv [Adresse 6] a manqué à ses obligations contractuelles. Ils estiment que le simple report de livraison du 30 mars au 15 avril 2019 invoqué par la Sccv [Adresse 6] n'est pas justifié, qu'ils n'ont jamais été convoqués dans le respect des formes contractuelles pour prendre livraison de la maison et que la Sccv [Adresse 6] avait tout loisir d'apporter une réponse à la mise en demeure du 13 mai 2019 , ce qu'elle s'est abstenue de faire. Ils ajoutent qu'après le jugement du 5 novembre 2021, il aura fallu plusieurs courriers officiels pour avoir une réponse de la Sccv [Adresse 6] et prendre possession du bien , et ce avec des réserves qui n'ont toujours pas été levées.

Ils expliquent qu'ils ont renoncé à solliciter la résolution de la vente compte tenu de l'urgence à obtenir des revenus locatifs permettant le remboursement du prêt.

Ils fournissent des explications complètes sur les divers préjudices dont ils sollicitent l'indemnisation :

- manque à gagner du 1er avril 2019 au 3 mars 2022, date de location du bien ;

- règlement des taxes foncières de 2019, 2020 et 2022 ;

- perte de l'avantage fiscal ;

- défaut de levée des réserves ;

- préjudice de jouissance du fait des réserves non levées.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 mai 2022, la Sccv [Adresse 6], intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles L261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation et de l'article 1601-1 du code civil,

de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 5 novembre 2021 dans toutes ses dispositions ;

- débouter Mme et M. [Y] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner Mme et M. [Y] au paiement d'une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme et M. [Y] aux entiers dépens.

La Sccv [Adresse 6] expose que la livraison du bien était prévue au 31 mars 2019 et a été décalée au 15 avril 2019 en raison des intempéries, que M et Mme [Y] en ont été informés mais ont refusé sans explication de prendre livraison de la maison, que toutes les maisons du programme immobilier (34 lots dont 12 logements sociaux) ont été livrées, pour les dernières le 15 septembre 2019, seuls M et Mme [Y] n'ayant pas pris livraison de leur bien.

Elle soutient que le retard pris dans la livraison et la mise en location du bien est imputable à M. et Mme [Y] qui ont refusé de prendre livraison du bien qui était achevé. Elle insiste sur les échanges de SMS entre les parties démontrant selon elle que M et Mme [Y] n'étaient pas réellement pressés de prendre livraison du bien et ont fait preuve de mauvaise foi. Elle en conclut que M et Mme [Y] ne peuvent désormais soutenir que leur manque à gagner serait imputable au vendeur.

MOTIFS

Sur les demandes indemnitaires de M et Mme [Y]

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'acte de vente du 12 juillet 2018 stipule que :

'Le vendeur s'oblige à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments d'équipement nécessaires à l'utilisation des biens vendus soient achevés et livrés au plus tard le 31 mars 2019 sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison.

Causes légitimes de suspension du délai de livraison

Pour l'application de cette disposition, sont notamment considérées comme cause légitime de report de délai de livraison, les événements suivants :

- intempéries au sens de la réglementation des travaux (pour la détermination des jours d'intempéries, seules les valeurs météorologiques de la station la plus proche de l'immeuble, éditées et publiées par la fédération française du bâtiment, seront prises en compte sur les chantiers de bâtiment.

(...)

Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leurs répercussions sur l'organisation générale du chantier.

Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'oeuvre.

Le tout sous réserve des dispositions des articles L. 261-11 du code de la construction et de l'habitation et 1184 du code civil'.

L'acte précise également :

'Constatation de l'achèvement - prise de possession - remise des clés

L'exécution de l'obligation d'achever ci-dessus contractée sera constatée dans les conditions ci-dessous.

Le vendeur notifiera à l'acquéreur le certificat attestant l'achèvement au sens ci-dessus défini.

Le vendeur invitera l'acquéreur à constater la réalité de cet achèvement à jour et heures fixes, et prendre livraison des biens.

Défaut de l'acquéreur - procès-verbal établi par le vendeur seul et valant livraison

Au cas où l'acquéreur ne répondrait pas à la première convocation du vendeur, il sera convoqué à nouveau et dans le cas où il ne serait pas présent, ou valablement représenté, à la date fixée par cette seconde convocation, le procès-verbal d'état des lieux serait alors valablement établi par un huissier désigné par le vendeur ; ce constat sera signifié à l'acquéreur auquel il sera opposable. Cette signification vaudra mise à disposition des biens et permettra au vendeur d'exiger le solde du prix de vente.

(...)

Désaccord des parties

Si les parties ne sont pas d'accord pour constater l'achèvement ainsi qu'il a été dit ci-dessus, soit que l'une d'elles soulève une contestation sur la réalité de l'achèvement, ou encore l'absence de toute tentative de constatation amiable de l'achèvement en la forme ci-dessus, et si la partie la plus diligente préfère employer cette modalité, ladite partie fera constater par une personne qualifiée à cet effet par autorité de justice, l'état de l'immeuble vendu, et plus précisément s'il remplit les conditions posées par l'article R.261-1 du code de la construction et de l'habitation, ci-dessus reproduit. La mise en place de cette procédure ne fera pas obstacle à ce qui est prévu ci-dessus au cas où l'acquéreur ne se présente pas à la première convocation de livraison, notamment quant à l'exigibilité du solde du prix et du paiement des charges'.

Il en ressort que le vendeur avait notamment trois obligations :

- livrer le bien au plus tard le 31 mars 2019, sauf à justifier par une lettre du maître d'oeuvre d'une cause légitime de suspension du délai de livraison ;

- notifier à l'acquéreur le certificat d'achèvement des travaux ;

- convoquer l'acquéreur à date et heures fixes pour la livraison du bien.

S'agissant de l'obligation de livraison au plus tard le 31 mars 2019, la Sccv [Adresse 6] produit un relevé quotidien de la pluviométrie et des occurrences d'orages pour la commune de [Localité 1], couvrant la période du 20 mars 2018 au 6 février 2019.

Elle ne produit ni ne fait état d'un courrier du maître d'oeuvre par lequel elle aurait fait notifier aux acquéreurs une suspension du délai de livraison. En l'absence d'un tel courrier, il ne saurait être admis que la suspension du délai de livraison était opposable aux acquéreurs, ni que les jours de pluie au cours des mois de janvier et février 2019 aient effectivement eu une incidence sur le déroulement du chantier. Le relevé de pluviométrie ne peut à lui seul l'établir.

La Sccv [Adresse 6] a donc manqué à son obligation de livrer la maison au plus tard le

31 mars 2019.

S'agissant de l'obligation de notification du certificat d'achèvement des travaux, la Sccv [Adresse 6] produit une copie de la déclaration d'achèvement des travaux qui a été reçue à la mairie le 13 mars 2019, dont il ressort que les travaux ont été achevés le 30 décembre 2018. Aucune preuve de la notification de ce document ou du certificat établi par la suite par la mairie n'a été versée au débat.

S'agissant de l'obligation de convoquer l'acquéreur pour la livraison du bien, la Sccv [Adresse 6] produit des échanges de SMS entre le constructeur et l'acquéreur dont il ressort qu'un rendez-vous a été annulé et que les parties ont envisagé un autre rendez-vous à compter du 10 avril 2019. Le premier juge a justement relevé que ce n'est pas le constructeur mais le vendeur qui avait la charge de la livraison du bien et que la teneur de ces messages ne pouvait en aucun cas confirmer que le rendez-vous en question était un rendez-vous de livraison.

De manière plus générale, il doit être constaté que la Sccv [Adresse 6] n'a jamais convoqué M et Mme [Y] dans les formes prévues au contrat afin de prendre livraison des biens. M. [Y] affirme quant à lui qu'il attendait impatiemment la livraison, mais il ne peut qu'être constaté qu'il ne justifie pas avoir sollicité cette livraison et que l'on ignore totalement quelles ont été les relations entre les parties jusqu'au 13 mai 2019, date à laquelle le conseil de M et Mme [Y] a notifié à la Sccv [Adresse 6] la résolution du contrat à ses torts exclusifs alors qu'aucune mise en demeure de livrer la maison n'avait été adressée préalablement au vendeur.

Il est ainsi établi que la Sccv [Adresse 6] a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de M et Mme [Y].

Par la suite, après la notification de la résolution du contrat en date du 13 mai 2019, laissée sans réponse officielle par la Sccv [Adresse 6], M et Mme [Y] ont fait assigner la société venderesse devant le tribunal de grande instance par acte d'huissier du 10 septembre 2019 afin d'entendre juger que le contrat était résolu aux torts exclusifs de la Sccv [Adresse 6] et d'obtenir la restitution des sommes versées et divers dommages et intérêt.

La demande de résolution du contrat a été rejetée par le tribunal aux motifs notamment que l'acte de vente ne comportait pas de clause résolutoire en cas de non-respect du délai d'achèvement des travaux, que les acquéreurs n'alléguaient même pas l'urgence justifiant l'absence de mise en demeure du vendeur de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable et la notification de la résolution du contrat alors que le délai d'achèvement n'était pas encore dépassé de deux mois, qu'au vu des éléments de preuve versés aux débats il apparaissait que le bien pouvait être livré dans les mois qui ont suivi le délai contractuel d'achèvement, et que l'historique des faits établissait une absence totale de communication de la part de la Sccv [Adresse 6] vis-à-vis de ses cocontractants mais qu'une telle absence de communication n'était pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat sans mise en demeure préalable telle que prévue par l'article 1226 du code civil.

M et Mme [Y] n'ont pas interjeté appel du jugement du 5 novembre 2021 sur ce point et il résulte des conclusions concordantes des parties qu'ils ont en définitive pris livraison du bien le 3 février 2022 dans des circonstances qui ne sont pas précisées par les parties.

En cause d'appel, M et Mme [Y] réclament donc uniquement la réparation des dommages qu'ils ont subis en raison des manquements contractuels de la Sccv [Adresse 6], et plus précisément en raison d'un retard de livraison du 1er avril 2019, date à laquelle le bien aurait contractuellement dû être livré , et le 3 mars 2022, date à laquelle ils ont pu mettre le bien en location à la suite de la livraison du 3 février 2022.

Leurs préjudices ne sauraient être chiffrés sur cette base. En effet, si le retard de livraison imputable à la Sccv [Adresse 6] est effectif à compter du 1er avril 2019, elle n'est pas responsable du retard de livraison postérieur au 13 mai 2019, date à laquelle le conseil de

M. et Mme [Y] a notifié au vendeur la résolution du contrat.

En d'autres termes, il ne saurait être reproché à la Sccv [Adresse 6] de ne pas avoir livré la maison alors que les acquéreurs avaient manifesté leur décision de ne pas donner suite à la vente, et ce à plus forte raison à compter du 10 septembre 2019, date à laquelle ils ont confirmé leur position en assignant le vendeur en résolution de la vente.

Les demandes de M et Mme [Y] ne peuvent en conséquence concerner que la période du 1er avril 2019 au 13 mai 2019.

Le manque à gagner

Du fait du retard de livraison, M et Mme [Y] ont perdu une chance de louer le bien à compter du 1er avril 2019 et de percevoir deux mois de loyers plafonnés à 655 € . Cette perte de chance doit être fixé à 50 % du préjudice total, soit 655 € , compte tenu de la difficulté à louer un bien dès le jour de sa livraison.

Le remboursement des taxes foncières

Déboutés de leur demande de résolution de la vente, M et Mme [Y] doivent également être déboutés de leur demande de remboursement des taxes foncières payées en 2019, 2020 et 2021 en leur qualité de propriétaires de la maison.

La perte de l'avantage fiscal

M et Mme [Y] exposent qu'ils ont acheté le bien dans le cadre d'un investissement locatif 'loi Pinel' qui devait donner lieu à une réduction d'impôts, mais que depuis le 1er janvier 2021, la réduction d'impôt ne concerne plus que les logements situés dans un immeuble collectif et qu'ils n'ont pas pu en bénéficier, alors que cette exclusion ne leur aurait pas été opposable si le bien avait été livré avant le 1er janvier 2021.

Cette demande doit être rejetée dans la mesure où M et Mme [Y] sont les seuls responsables du défaut de livraison de la maison avant le 1er janvier 2021.

Sur la demande de levée des réserves

M et Mme [Y] exposent que le bien a été livré le 3 février 2022, qu'ils ont réglé le solde du prix à la livraison du bien et que cette livraison a été faite avec un certain nombre de réserves mentionnées sur le procès-verbal de livraison.

Ils indiquent que ces réserves n'ont pas été levées malgré l'envoi de courriers officiels de leur conseil le 11 mars 2022 et du gestionnaire du bien le 19 septembre 2022.

Il n'est pas soutenu que ces réserves ont été levées, la Sccv [Adresse 6] restant totalement taisante sur ce point dans ses conclusions du 24 mai 2022.

La Sccv [Adresse 6] doit être condamnée sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant 90 jours à procéder à la levée des réserves mentionnées dans le courrier de mise en demeure adressé par le gestionnaire du bien à la Sccv [Adresse 6] le 19 septembre 2022, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, à savoir :

- salle de bains : électricité

- réfection de la terrasse

- coulissant avant de la baie vitre côté jardin

- pièce principale : spectres + cloques au plafond, tarces noires et vis placo apparentes

- sas : traces sur la porte et peinture du placard

- escaliers : tâches légères au mur

- chambre 1 (à droite) : fissures

- chambre 2 : fissure

- salle de bains : poignée mal fixée

- défaut de fonctionnement de la VMC cuisine

- roulettes du garage cassées.

Sur le préjudice de jouissance

M et Mme [Y] soutiennent que la persistance de ces réserves leur cause un préjudice de jouissance qu'ils chiffrent à 100 € par jour à compter du 11 mars 2022.

M et Mme [Y] ne justifient pas subir le moindre préjudice de jouissance dès lors que le bien a été loué à compter du 3 mars 2022 et qu'il n'est pas démontré ni même allégué qu'une réduction de loyer aurait été accordée au locataire en raison de la persistance des désordres ayant fait l'objet de réserves.

Ils doivent être déboutés de ce chef de demande.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

M et Mme [Y], parties principalement perdantes en première instance, doivent supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge.

La Sccv [Adresse 6], partie principalement perdante en appel, doit supporter les dépens d'appel.

Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Elle ne peut elle-même prétendre à une indemnité sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 5 novembre 2021.

Y ajoutant,

Condamne la Sccv [Adresse 6] à payer à M et Mme [Y] la somme de 655 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice locatif.

Condamne la Sccv [Adresse 6] à procéder à la levée des réserves mentionnées dans le courrier de mise en demeure adressé par le gestionnaire du bien le 19 septembre 2022, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de

100 € par jour de retard pendant 90 jours à l'expiration de ce délai, à savoir :

- salle de bains : électricité

- réfection de la terrasse

- coulissant avant de la baie vitre côté jardin

- pièce principale : spectres + cloques au plafond, tarces noires et vis placo apparentes

- sas : traces sur la porte et peinture du placard

- escaliers : tâches légères au mur

- chambre 1 (à droite) : fissures

- chambre 2 : fissure

- salle de bains : poignée mal fixée

- défaut de fonctionnement de la VMC cuisine

- roulettes du garage cassées.

Déboute M et Mme [Y] de leurs demandes relatives aux taxes foncières et à la perte de l'avantage fiscal.

Déboute M et Mme [Y] de leur demande de réparation du préjudice de jouissance.

Condamne la Sccv [Adresse 6] aux dépens d'appel.

Condamne la Sccv [Adresse 6] à payer à M et Mme [Y] la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Déboute la Sccv [Adresse 6] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/05114
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;21.05114 ?
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