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19/03/2024 | FRANCE | N°20/03119

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 19 mars 2024, 20/03119


19/03/2024



ARRÊT N°



N° RG 20/03119

N° Portalis DBVI-V-B7E-NZ5V



MD/ND



Décision déférée du 14 Octobre 2020

TJ de TOULOUSE

(18/00731)



Mme TAVERNIER

















[S] [J]

[K] [Y] épouse [J]





C/



S.A. ALLIANZ IARD

































INFIRMATION







Grosse d

élivrée



le



à

- Me WICHERT

- Me CABALET

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [S] [J]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Sarah WICHERT, avocat au barreau de TOULOUSE

...

19/03/2024

ARRÊT N°

N° RG 20/03119

N° Portalis DBVI-V-B7E-NZ5V

MD/ND

Décision déférée du 14 Octobre 2020

TJ de TOULOUSE

(18/00731)

Mme TAVERNIER

[S] [J]

[K] [Y] épouse [J]

C/

S.A. ALLIANZ IARD

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

- Me WICHERT

- Me CABALET

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [S] [J]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Sarah WICHERT, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [K] [Y] épouse [J]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Sarah WICHERT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Corine CABALET de la SELARL SELARL TERRACOL-CABALET AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

En 2004, M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] ont acquis auprès de la société Bouygues immobilier un appartement en l'état futur d'achèvement au sein de l'immeuble « [Adresse 3] à [Localité 4] (31).

Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la Sa Allianz iard par la société Bouygues immobilier.

Le 26 juin 2006, le procès-verbal de livraison a été signé entre M. et Mme [J] et la société Bouygues immobilier.

Entre le promoteur, le maître d''uvre et les entrepreneurs, une réception partielle des ouvrages est intervenue par procès-verbal du 24 mars 2006, faisant mention de réserves devant être levées sous 30 jours, soit le 23 avril 2006.

Le 26 juin 2015, lors de l'assemblée générale des copropriétaires, le cabinet Luc expert a été mandaté par le syndic Foncia atlas afin d'établir un diagnostic des parties communes et de certains appartements récapitulant les désordres affectant la résidence.

Le cabinet Luc expert a adressé son rapport au syndic le 24 février 2016. Ledit rapport mentionne que la visite des lieux s'est produite le 4 janvier 2016.

Le 28 mai 2016, M. et Mme [J] ont effectué une déclaration de sinistre auprès de la Sas Gras Savoye, courtier en assurance et réassurance, consécutivement à l'aggravation de fissures affectant le carrelage de leur bien dans le séjour et la cuisine.

Par courrier du 2 juin 2016, la Sa Allianz iard a indiqué à M. et Mme [J] que leur déclaration ayant été effectuée à l'expiration du délai décennal, la garantie dommages-ouvrage ne pouvait être sollicitée.

Par courrier du 23 juin 2016, les époux [J] ont contesté auprès de la Sa Allianz iard au motif que l'assuré dispose d'un délai de deux ans pour mettre en 'uvre la garantie dommages-ouvrage pour les désordres apparus dans le délai décennal.

Le 28 novembre 2016, M. et Mme [J] ont fait constater par voie d'huissier de justice les désordres dont ils se prévalent.

Par acte d'huissier du 21 décembre 2016, ils ont fait assigner la Sa Allianz iard devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse afin de voir désigner un expert judiciaire, ayant notamment pour mission de se prononcer quant à l'origine, la nature et l'étendue des désordres.

Par ordonnance du 2 février 2017, le juge des référés a désigné M. [C] en qualité d'expert judiciaire.

Le 22 septembre 2017, l'expert judiciaire a déposé son rapport.

Il a relevé, dans l'appartement de M. et Mme [J] l'existence de fissures affectant le carrelage du séjour et de la cuisine, dont certaines sont tranchantes et susceptibles de blesser une personne qui marcherait pieds nus. Il a considéré les désordres comme évolutifs.

-:-:-:-

Par acte d'huissier du 28 février 2018, M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] ont fait assigner la Sa Allianz iard devant le tribunal de grande instance de Toulouse en indemnisation des préjudices subis.

-:-:-:-

Par un jugement contradictoire du 14 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- dit que la Sa Allianz iard est bien fondée à opposer un refus de garantie à M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] au titre de sa police de dommages-ouvrages numéro 211.720.000 - avenant d'application numéro 211.720.813 du 10 février 2006,

- débouté en conséquence M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] de l'intégralité de leurs prétentions,

- condamné M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] à verser une indemnité de 1 000 euros à la Sa Allianz Iard au titre des dispositions de I'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Le premier juge a considéré que M. et Mme [J] avaient eu connaissance du sinistre à l'occasion du dépôt du rapport du cabinet Luc expert le 24 février 2016 et étaient bien fondés à effectuer la déclaration de sinistre auprès de la Sa Allianz iard par courrier du 28 mai 2016, quand bien même le délai décennal était expiré, dès lors qu'ils disposaient de deux ans pour solliciter la garantie à compter de la découverte du sinistre.

Il a toutefois estimé que la déclaration de sinistre, effectuée après expiration du délai décennal, interdisait à l'assureur d'exercer un recours contre les constructeurs, et a retenu que la déclaration faite à l'assureur plus de trois mois après la connaissance du sinistre était tardive, ce qui constituait un fait de l'assuré susceptible de décharger l'assureur de tout ou partie de sa garantie aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 121-12 du code des assurances .

Il a donc considéré que les époux [J] n'avaient pas respecté leur obligation de diligence dans la déclaration de leur sinistre, et que l'assureur était en droit de leur opposer un refus de garantie.

-:-:-:-

Par déclaration du 13 novembre 2020, M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que la Sa Allianz iard est bien fondée à opposer un refus de garantie à M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] au titre de sa police de dommages-ouvrages numéro 211.720.000 - avenant d'application numéro 211.720.813 du 10 février 2006,

- débouté en conséquence M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] de l'intégralité de leurs prétentions,

- condamné M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] à verser une indemnité de 1 000 euros à la Sa Allianz Iard au titre des dispositions de I'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] aux entiers dépens.

EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 22 juillet 2021, M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, L. 114-1 et L. 242-1 du code des assurances, de :

- rejetant toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées,

- reformer le jugement du 14 octobre 2020,

- juger que les désordres de nature décennale sont apparus dans le délai décennal et ont été déclarés dans les délais accordés par l'article L. 114-1 du code des assurances par LR+AR du 23 mai 2016,

- juger que la compagnie Allianz doit sa garantie,

En conséquence,

- condamner la compagnie Allianz à régler les sommes suivantes :

* 14 631,40 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise (page 17 du rapport) actualisé sur l'indice BT01 depuis la date du dépôt du rapport,

* 1 260 euros toutes taxes comprises au titre des frais de garde meuble (page 18 du rapport),

* 3 500 euros au titre des frais de relogement de la famille (page 18 du rapport),

* 2 000 euros au titre 'du préjudice lié au double déménagement, réorganisation du bureau de M. [J] (page 18 et 19 du rapport)',

- juger que l'indemnité sera majorée de plein droit des intérêts prévus par l'article L.242-1 du code des assurances, soit d'un intérêt égal au double du taux d'intérêt légal, à compter du 2 juin 2016, date du refus d'indemniser par la compagnie Allianz,

- débouter la compagnie Allianz de ses demandes,

- condamner la compagnie Allianz à régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les entiers frais et dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire et de constat d'huissier avec 'distraction' au profit de Maître Sarah Wichert en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

À l'appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que :

- ils ont adressé leur déclaration de sinistre dès qu'ils ont eu connaissance de l'absence de procédure engagée collectivement par le syndic, et n'ont pas été destinataires du rapport, incomplet du cabinet Lux expert mandaté par le syndic au titre d'une éventuelle action collective des copropriétaires,

- ils ne peuvent donc se voir opposer l'application de l'article L.121-12 du code des assurances qui permet la décharge de l'assureur lorsque la subrogation ne peut plus, du fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur,

- la nature décennale des désordres, apparus dans le délai décennal, n'est pas contestée par Allianz,

- l'assuré dispose d'un délai de deux ans à compter de la connaissance des désordres survenus dans les dix ans après réception des travaux, pour réclamer l'exécution des garanties souscrites, or, M. et Mme [J] ont adressé à l'assureur une lettre recommandée avec accusé de réception le 28 mai 2016, soit avant l'expiration du délai d'action,

- le procès-verbal de livraison de leur logement date du 26 juin 2006 et ils n'étaient pas en possession des procès-verbaux de réception signés entre le promoteur et les constructeurs.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 juillet 2023, la Sa Allianz iard, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L.121-12 alinéa 2 du code des assurances, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous les cas mal fondés,

À titre principal :

- confirmer le jugement dont appel, en toutes ses dispositions

En conséquence :

- débouter M. et Mme [J] de leurs demandes, fins et conclusions, en tant que dirigées à l'encontre de la Sa Allianz iard,

À titre subsidiaire,

- débouter les consorts [J] de leurs demandes, tant au titre des préjudices immatériels qu'au titre du doublement des intérêts au taux légal et de l'article 700 et des dépens,

En toute hypothèse,

- ramener l'ensemble de ces sommes à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

- condamner M. et Mme [J] à payer la somme complémentaire de 2 000 euros à la Sa Allianz iard, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens d'appel.

À l'appui de ses prétentions, l'intimée soutient que :

- M. et Mme [J] avaient connaissance du sinistre depuis le jour du dépôt du rapport du cabinet Luc expert le 24 février 2016, voire au plus tôt depuis la visite du cabinet Luc expert le 4 janvier 2016, voire encore plus tôt, lors de la décision, prise par l'assemblée générale des copropriétaires du 26 juin 2015 à laquelle ils ont participé, de réaliser un audit des parties communes et privatives, voire encore dès l'envoi effectué par eux de courriels adressés au syndic Foncia atlas et relatifs auxdits désordres,

- l'appartement visité par le cabinet Luc expert était, en effet, celui de M. et Mme [J], ils avaient donc nécessairement connaissance des désordres au jour de la visite,

- dans son rapport le cabinet Luc expert indique que les déclarations de sinistre devaient être réalisées au plus tard le 23 avril 2016 pour les parties privatives du bâtiment A, les propriétaires connaissaient donc parfaitement les dates,

- M. et Mme [J] ont versé aux débats le rapport du cabinet Luc expert et en avaient donc été destinataires,

- il n'a pas été décidé d'habiliter le syndic à déclarer les sinistres lors de l'assemblée générale du 26 juin 2015, de sorte qu'il appartenait à M. et Mme [J] d'agir,

- la déclaration tardive a nécessairement causé un préjudice à la compagnie Allianz, privée de recours contre les responsables du dommage,

- si la garantie de la Sa Allianz iard devait être retenue, la dépose et repose soignée d'un nouveau carrelage au titre des travaux de reprise n'entraînera pas la nécessité de reprendre les peintures murales, chiffrées à 1 298,70 euros toutes taxes comprises.

- si la garantie de la Sa Allianz iard devait être retenue, les frais de relogement des époux [J] doivent être évalués en fonction des prix pratiqués dans le même quartier que celui où se situe leur appartement de la [Adresse 3],

- l'assurance dommages-ouvrage n'a pas vocation à réparer le préjudice de jouissance subi par les propriétaires.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

- Sur la déclararation tardive de sinistre effectuée par les époux [J] et le manquement à l'obligation de diligence

1. M. et Mme [J] se plaignent de fissures dans le carrelage de leur immeuble et qui relèvent des dommages couverts par la garantie dommages-ouvrage souscrite par la société Bouygues Immobilier auprès de la Sa Allianz Iard, ce qui n'est pas contesté par les parties.

1.1 En vertu de l'alinéa premier de l'article L. 121-10 du code des assurances, en cas d'aliénation de la chose assurée, 'l'assurance continue de plein droit au profit [...] de l'acquéreur, à charge par celui-ci d'exécuter toutes les obligations dont l'assuré était tenu vis-à-vis de l'assureur en vertu du contrat'. M. et Mme [J] ont acquis un appartement en l'état futur d'achèvement qui constitue l'objet du contrat d'assurance souscrit par la société Bouygues Immobilier. Ils sont donc de plein droit devenus les bénéficiaires du contrat d'assurance initialement soucrit par la société Bouygues Immobilier auprès de la Sa Allianz Iard, ce qui n'est pas contesté par les parties.

1.2 M. et Mme [J] ont effectué auprès de la Sas Gras Savoye, courtier en assurance et réassurance, une déclaration de sinistre en date du 28 mai 2016. En vertu de l'article 1792-4-1 du Code civil, l'assureur dommages-ouvrage est déchargé de sa responsabilité à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux.

Selon les termes non contestés des conclusions de l'expert judiciaire, 'la réception des parties privatives du bâtiment A a été prononcée le 24.04.2006 à effet au 24 mars 2006".

La déclaration de sinistre formalisée par M. et Mme [J], permettant à l'assureur d'avoir connaissance de l'existence de dommages couverts par l'assurance dommages-ouvrage et de se retourner, le cas échéant, contre l'entrepreneur responsable de ces désordres, est intervenue un mois et cinq jours après l'expiration du délai prévu pour la mise en 'uvre de l'assurance dommages-ouvrage. Il n'est pas contesté par les parties que la Sa Allianz iard s'est ainsi trouvée privée d'un recours contre les responsables des désordres affectant le carrelage de la cuisine et du séjour de l'appartement de M. et Mme [J].

2. Aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances, 'toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance'.

Les époux [J] bénéficiaient donc d'un délai de deux ans, à partir de leur prise de connaissance de l'existence de désordres couverts par l'assurance dommages-ouvrage, pour agir contre la Sa Allianz Iard, ce qui n'est pas contesté par les parties.

3. En vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, 'l'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur'. Le 'fait de l'assuré' ne saurait résider dans la seule constatation que l'assureur est privé de son recours contre le responsable du dommage

3.1 Il revient à l'assureur qui oppose l'exception de subrogation de prouver l'existence d'une faute du bénéficiaire.

3.2 Le seul fait que les époux [J] aient versé aux débats, dans la présente procédure, le rapport du cabinet Luc expert ne suffit pas à considérer qu'ils en ont été les destinataires au jour de la communication, le 24 février 2016, dudit rapport au syndic Foncia atlas qui avait mandaté ledit cabinet. Par conséquent, leur connaissance des désordres et de leur nature décennale n'est pas établie au jour de la communication du rapport au syndic de copropriété. En outre, si l'expert a mentionné dans son rapport le fait qu'il a rencontré M. [J] le jour de la visite de l'appartement, strictement rien n'indique que les propriétaires de ce lot privatif aient eu la connaissance de l'avis de l'expert sur le caractère décennal de certains des désordres relevés à cette date ni des données relatives à l'expiration de la garantie.

Ensuite, la présence des époux à l'assemblée générale des copropriétaires du 26 juin 2015, au cours de laquelle il a été décidé de réaliser un audit des parties communes en vue de mettre en 'uvre la garantie décennale de l'assureur, ne suffisait pas à leur donner connaissance de la nature décennale des désordres, l'objectif de la visite du cabinet Luc expert étant précisément de déterminer cet élément étant relevé que le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 26 juin 2015 ne mentionnant que la 'fin de la garantie décennale' et fournissant pas à cet égard des informations suffisantes pour que les époux [J] prennent alors connaissance de la date d'expiration exacte du délai décennal.

Enfin, cette visite ayant pour but de déterminer la nature des désordres, il n'est encore pas possible de déduire du fait que les époux [J] ont adressé, préalablement à ladite intervention, au Syndic Foncia atlas des courriels relatifs aux dommages affectant le carrelage de leur appartement leur connaissance de la nature exacte desdits dommages.

3.3 Par ailleurs, M. et Mme [J], acquéreurs d'un appartement au sein de l'immeuble « [Adresse 3] à [Localité 4], ont eu connaissance du jour de livraison de l'ouvrage, ainsi qu'en atteste le procès-verbal de livraison intervenu entre eux et la société Bouygues immobilier le 26 juin 2006. En revanche, le procès-verbal de réception des ouvrages en date du 24 mars 2006 n'est intervenu qu'entre le promoteur, les entrepreneurs et le maître d''uvre. Il n'est pas démontré que les époux [J] avaient connaissance de la date exacte de réception des ouvrages ni qu'ils avaient conscience de la nécessité de célérité dans la mise en 'uvre de la responsabilité de l'assureur.

Dans ces circonstances, l'assureur n'apporte pas de preuve suffisante que la déclaration de sinistre intervenue le 28 mai 2016, soit trois mois et quatre jours après la communication du rapport Luc expert au seul syndic Foncia Atlas et un mois et cinq jours après l'expiration du délai décennal relève d'un manquement à l'obligation de diligence qui pesait sur M. et Mme [J], peu important à cet égard que le syndic de copropriété Foncia Atlas n'ait pas été habilité à déclarer à l'assureur les sinistres affectant les parties privatives de l'ouvrage couvert par l'assurance dommages-ouvrage.

Il convient donc de retenir que la Sa Allianz n'était pas fondée à nier sa garantie au titre du contrat d'assurance dommages-ouvrage souscrite auprès d'elle par la société Bouygues Immobilier et dont sont bénéficiaires les époux [J]. Le jugement entrepris sera donc intégralement infirmé.

- Sur les coûts des travaux de reprise et la majoration de l'indemnité versée par l'assureur

4. M. et Mme [J] sollicitent, sur la base du rapport d'expertise judiciaire, la somme de 14 631,40 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise du carrelage fissuré. La Sa Allianz iard fait valoir que la dépose et la repose soignées d'un nouveau carrelage, au titre des travaux de reprise, n'entraînera aucunement la nécessité de reprendre les peintures murales, chiffrées à 1 298,70 euros toutes taxes comprises.

4.1 La Sa Allianz iard a fait connaître cette observation par le biais d'un dire communiqué à l'expert le 21 septembre 2017, précisant que 'les travaux de réfection du carrelage ne nécessitent pas de remise en peinture des murs'. L'expert judiciaire a répondu à ce dire de la Sa Allianz iard, page 21 de son rapport. Il a précisé que la démolition d'un carrelage scellé et des plinthes, tels qu'ils existent dans les pièces affectées par les désordres, à savoir le séjour et la cuisine de l'appartement des époux [J], ne peut s'effectuer 'sans faire de dégât'. Il convient donc de condamner la Sa Allianz iard à verser aux époux [J] la somme de 14 631,40 euros au titre du coût des travaux de reprise, comprenant la reprise des peintures.

4.2 M. et Mme [J] sollicitent, sur le fondement de l'article L. 242-1 du code des assurances, la majoration de l'indemnité due par l'assureur égale au double du taux de l'intérêt légal à compter du 2 juin 2016, date du refus d'indemniser par la compagnie Allianz.

L'article L. 242-1 du code des assurances dispose que cette majoration a lieu 'lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante' et que l'assuré a, 'après l'avoir notifié à l'assureur, engagé les dépenses nécessaires à la réparation des dommages'.

La Sa Allianz ayant dénié sa garantie, elle a proposé une offre d'indemnisation insuffisante. M. et Mme [J] n'étaient pas tenus d'engager les dépenses afférentes à la réparation du carrelage fissuré apparaissant dans le séjour et la cuisine de leur appartement pour bénéficier de cette majoration

L'indemnité de 14 631,40 euros au titre du coût des travaux de reprise, comprenant la reprise des peintures, doit donc être majorée au double du taux de l'intérêt légal à compter du 2 juin 2016, date du refus de garantie et indexée selon l'indice BT 01 entre la date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire et la date du présent arrêt.

- Sur le coût du garde-meuble pendant la réalisation desdits travaux

5. M. et Mme [J] sollicitent, sur la base du rapport d'expertise judiciaire, la somme de 1 260 euros toutes taxes comprises au titre du garde-meuble nécessaire pour le stockage de leurs biens meubles pendant la réalisation des travaux.

Cette somme n'est pas contestée par la Sa Allianz iard.

La cour considère que M. et Mme [J] sont bien fondés à réclamer la condamnation de la Sa Allianz iard la somme de 1 260 euros au titre du garde-meuble majorée au double du taux de l'intérêt légal pour les mêmes motifs que précédemment retenus pour l'indemnité due au titre des travaux de reprise.

- Sur les frais de relogement

6. M. et Mme [J] sollicitent, sur la base du rapport d'expertise judiciaire, la somme de 3 500 euros toutes taxes comprises au titre des frais de relogement nécessaires pendant la durée de réalisation des travaux. La Sa Allianz Iard fait valoir que les locations d'appartements proches de la localisation du logement actuel de M. et Mme [J], présentent un coût se situant entre 2 100 euros et 3 200 euros toutes taxes comprises, et que les frais de relogement de M. et Mme [J] seront plus justement évalués à la somme de 2 100 euros toutes taxes comprises. La durée des travaux, évaluée à cinq semaines par l'expert judiciaire, n'est pas contestée par les parties.

Il convient d'évaluer la somme nécessaire au relogement de M. et Mme [J] sur la base du prix des logements qui est pratiqué dans le même quartier que celui de leur logement actuel, situé [Adresse 3], à [Localité 4].

Il convient donc de condamner la Sa Allianz iard à verser à M. et Mme [J] la somme de 3 200 euros au titre des frais de relogement majorée au double du taux de l'intérêt légal pour les mêmes motifs que précédemment retenus pour l'indemnité due au titre des travaux de reprise.

- Sur le préjudice moral :

7. M. et Mme [J] sollicitent le versement de la somme de 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral en indiquant dans le dispositif de leurs dernières conclusions qui seul saisit la cour que cette demande est présentée au titre 'du préjudice lié au double déménagement, réorganisation du bureau de M. [J] (page 18 et 19 du rapport)' alors que dans la motivation de ces mêmes conclusions ils indiquent que cette demande est fondée sur le refus de garantie de l'assureur. La Sa Allianz iard fait valoir que l'assurance dommages-ouvrage n'a pas vocation à indemniser un tel préjudice de jouissance.

7.1 La cour relève que s'il n'est pas contestable que le déménagement devant être subi par M. et Mme [J] a vocation à créer un trouble dans le quotidien de leur famille ainsi que dans l'activité professionnelle de M. [J], distinct du préjudice matériel résidant dans les frais de relogement qu'ils devront engager, force est de constater que ce préjudice n'entre pas dans la définition des 'dommages immatériels consécutifs' précisées aux conditions générales du contrat d'assurance dommages-ouvrage et consistant 'en tout préjudice pécuniaire qui résulte de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service rendu ou de la perte d'un bénéfice et qui est la conséquence directe de dommages matériels garantis'.

7.2 D'ailleurs dans le dernier état des écritures de M. et Mme [J], la réparation de leur préjudice moral n'est finalement motivée que par le refus fautif de l'assureur de garantir le dommage décennal et ce par des considérations exprimées en des termes généraux qui ne sont pas de nature à caractériser sur ce point l'existence d'un préjudice distinct du retard sanctionné par le cours des intérêts et de la majoration de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnisation au titre des réparations des préjudices garantis.

7.3 M. et Mme [J] seront déboutés de cette demande.

Sur les dépens et frais irrépétibles :

8. La Sa Allianz iard, partie principalement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, dont ne fait pas partie le constat d'huissier de justice dressé au soutien des prétentions des parties demanderesses à l'action, ces frais entrant dans les prévisions de l'article 700 du code de procédure civile. Conformément à l'article 699 du code de procédure civile, Maître Sarah Wichert sera autorisée à recouvrer contre la partie condamnée aux dépens, la Sa Allianz iard, les dépens dont elle a fait l'avance.

9. M. et Mme [J] sont en droit de réclamer l'indemnisation de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sa Allianz iard à payer à M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] la somme de 14 631,40 euros au titre des travaux de reprise, indexée selon l'indice BT 01 entre la date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire et la date du présent arrêt et majorée au double du taux de l'intérêt légal à compter du 2 juin 2016.

Condamne la Sa Allianz iard à payer à M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] la somme de 1 260 euros au titre du coût du garde-meuble nécessaire le temps de la réalisation des travaux majorée au double du taux de l'intérêt légal à compter du 2 juin 2016.

Condamne la Sa Allianz iard à verser aux époux [J] la somme de 3 200 euros au titre des frais de relogement majorée au double du taux de l'intérêt légal à compter du 2 juin 2016.

Déboute M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] de leur demande de réparation du préjudice moral.

Condamne la Sa Allianz iard aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Autorise Maître Sarah Wichert, avocate, en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, à recouvrer contre la Sa Allianz iard les dépens dont elle a fait l'avance

Condamne la Sa Allianz iard à payer à M. [S] [J] et Mme [K] [Y] épouse [J] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/03119
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;20.03119 ?
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