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19/03/2024 | FRANCE | N°18/03824

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 19 mars 2024, 18/03824


19/03/2024



ARRÊT N°



N° RG 18/03824

N° Portalis DBVI-V-B7C-MPYH

MD/ EJ/ ND



Décision déférée du 13 Juillet 2018

Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 17/01528

Mme [O]

















[F] [M]





C/



Société GRANDE PAROISSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE




































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REJET







Grosse délivrée



le



à



Me NELIDOFF

Me MALET

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [F] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Maroussi...

19/03/2024

ARRÊT N°

N° RG 18/03824

N° Portalis DBVI-V-B7C-MPYH

MD/ EJ/ ND

Décision déférée du 13 Juillet 2018

Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 17/01528

Mme [O]

[F] [M]

C/

Société GRANDE PAROISSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE

REJET

Grosse délivrée

le

à

Me NELIDOFF

Me MALET

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [F] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Maroussia NELIDOFF, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2018.021084 du 24/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMES

Société GRANDE PAROISSE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Elisabeth MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE

[Adresse 5]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- Réputé contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- Signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 21 septembre 2001, l'usine AZF, propriété de la société Grande Paroisse, a explosé à [Localité 7].

Par convention du 30 octobre 2001, complétée par huit avenants, a été mise en place une procédure d'indemnisation des victimes de l'explosion.

Alors qu'il se trouvait au moment de cette explosion au restaurant universitaire du Mirail où il travaillait, M. [F] [M] a été projeté contre une table sur le côté droit. Une fracture de l'arc antérieur de la 5ème côte droite a été diagnostiquée le 24 septembre 2001 et un premier audiogramme réalisé par le docteur [S] le 29 janvier 2002 a mis en évidence une surdité transmissionnelle labyrinthique de -83 dB au niveau de l'oreille droite et de -16,5 dB du côté de l'oreille gauche. Il a été mis en arrêt de travail du 30 septembre 2001 au 31 mars 2002.

Il avait déjà dans le passé subi une perforation tympanique des suites d'une explosion survenue à Beyrouth en 1981 alors qu'il était à l'époque militaire légionnaire à l'ambassade de France et développé un syndrome dépressif post-traumatique.

' Dans le cadre de la convention nationale d'indemnisation des victimes de l'explosion de l'usine Grande Paroisse / Groupe Total Fina Elf du 30 octobre 2001, complétée par huit avenants, plusieurs protocoles d'accord sont intervenus entre la Sa Grande Paroisse et M. [F] [M], aux fins d'expertises médicales et diverses provisions ont été versées à M. [M] à valoir sur son préjudice et frais et honoraires de gestion de dossier et de conseil.

Le Docteur [X], désigné dans ce cadre amiable, a examiné M. [M] les 21 mars 2002 et 13 juin 2003 et, dans un rapport du 13 juin 2003, a conclu de la manière suivante :

- il existe une imputabilité directe entre l'accident du 21 septembre 2001 et l'état psychique, bien qu'il existe un état antérieur, la fracture de la 5ème côte droite, les troubles auditifs, bien qu'il existe un état antérieur,

- il n'existe pas de relation directe et certaine entre les douleurs de l'épaule droite et l'explosion du 21 septembre 2001, aucun traumatisme des épaules n'étant mentionné sur le certificat initial, M. [M] ne s'étant jamais plaint de son épaule droite lors des opérations d'expertise des 21 mars et 10 octobre 2002, et le premier certificat médical faisant état de douleurs de l'épaule droite, délivré par le docteur [J] le 16 décembre 2002 mentionnant depuis une agression du 7 novembre 2002 des douleurs à l'épaule droite avec signe de conflit positif et man'uvre de Jobe positive,

- l'incapacité temporaire totale a duré du 21 septembre 2001 au 26 avril 2003 inclus,

- la date de consolidation est fixée au 27 avril 2003,

- le déficit fonctionnel physiologique global est fixé à 9%, dont 5 % pour l'aggravation des troubles psychiques et 4 % pour l'aggravation du déficit auditif et la présence d'acouphènes

- le pretium doloris est évalué à 4/7,

- il n'existe ni préjudice esthétique ni préjudice d'agrément

- il n'y a pas de nécessité de recours à une tierce personne,

- M. [M] est considéré comme apte à la reprise d'une activité professionnelle, à l'exclusion d'un travail présentant une ambiance sonore importante.

Par protocole d'accord en date du 16 octobre 2003, la société Grande Paroisse a versé une provision complémentaire de 20 000 euros à M. [M].

' Invoquant l'aggravation de son état de santé, M. [M] a sollicité la mise en place d'une nouvelle expertise et par protocole d'accord en date du 15 octobre 2004, le professeur [K], ORL, a été désigné aux fins d'expertiser M. [M].

Le Professeur [K] a examiné M. [M] le 4 février 2005 et déposé un rapport avec les conclusions suivantes :

- pas de modification ou d'aggravation sur le plan ORL,

- la symptomatologie présentée par M. [M] est une pathologie de la coiffe des rotateurs affectant l'épaule droite,

- la symptomatologie actuelle n'est pas imputable à l'explosion de l'usine AZF,

- en conséquence il n'existe pas d'aggravation ni sur le plan ORL ni sur le plan traumatologique,

- les conclusions de l'expertise du docteur [X] en date du 13 juin 2003 devront être reconduites et notamment :

* IPP 9%,

* souffrances endurées : 4/7.

Dans le cadre d'un protocole d'accord en date du 24 janvier 2006, la société Grande Paroisse a versé à M. [M] une nouvelle provision de 2 500 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice, portant ainsi le montant total des provisions versées au titre de l'indemnisation du préjudice corporel à 25 000 euros outre 717,60 euros au titre des frais et honoraires de gestion de dossier et de conseil.

' Contestant les conclusions du professeur [K], M. [M] a, par actes du 2 juin 2006, saisi le juge des référés de Toulouse aux fins de voir organiser une nouvelle mesure d'expertise.

Par ordonnance de référé du 24 juillet 2006, le Docteur [T] a été désigné en qualité d'expert judiciaire. M.[M] ne s'étant pas présenté aux convocations adressées par cet expert, le docteur [T] a déposé un rapport de carence le 22 janvier 2007.

' Finalement, selon protocole transactionnel du 2 juillet 2008, la Sa Grande Paroisse pour le compte de qui il appartiendra et M. [M] sont parvenus à un accord, aux termes duquel, sur la base des dernières conclusions du Professeur [K], M. [M] a accepté une indemnisation globale, forfaitaire et définitive de ses préjudices à hauteur de 25.972,81 euros, un solde de 972,81 euros lui ayant été versé à ce titre, outre 717,60 euros au titre des frais et honoraires de gestion et de conseil etla Sa Grande Paroisse ayant versé d'ores et déjà à la Cpam de Bayonne en règlement de sa créance définitive la somme de 31 880,34 euros dont 780 euros au titre des frais de gestion.

-:-:-:-:-

' Par actes d'huissier en date des 3 et 6 juin 2016, M. [M] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse la Sa Grande Paroisse et la Caisse primaire d'assurance maladie de Bayonne aux fins d'obtenir le versement d'une provision de 317 521 euros et la mise en 'uvre d'une expertise médicale, avec adjonction d'un sapiteur psychiatre.

Par ordonnance en date du 29 juin 2016, le juge des référés a dit n'y avoir lieu ni à référé expertise ni à référé provision.

' Par actes d'huissier en date des 3 et 12 avril 2017 puis par actes rectificatifs des

23 et 26 juin 2017 joints à la procédure, M. [M] a fait assigner la Sa Grande Paroisse et la Caisse primaire d'assurance maladie de Bayonne devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de voir:

- constater l'aggravation de son état de santé en lien avec l'explosion de l'usine AZF en date du 21 septembre 2001,

- avant dire droit, désigner tel expert qu'il plaira sur le ressort du tribunal de grande instance de Toulouse avec mission d'usage en la matière et notamment mission de déterminer avec précision les différentes aggravations des séquelles directement imputables à l'explosion AZF du 21 septembre 2001,

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- débouté M. [F] [M] de ses demandes à l'encontre de la SA Grande Paroisse ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [F] [M] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré que sur la demande d'expertise en aggravation, le demandeur ne rapporte pas véritablement la preuve d'une aggravation de ses troubles tant auditifs que psychologiques spécialement en produisant pas les rapports d'expertise de 2003 et 2004 afin de déterminer ce qui avait été retenu au titre des troubles existants. Par ailleurs, la prescription en 2014 d'un appareil auditif ne suffit pas à démontrer l'aggravation dès lors qu'une telle prescription avait déjà été préconisée en 2003. M. [M] a été débouté de sa demande d'expertise en raison de l'absence de preuve de l'aggravation.

Pour débouter M. [M] de sa demande de provision à valoir sur la réparation de son préjudice économique exceptionnel et au coût de l'appareillage, le tribunal a retenu que le coût de l'appareil était partiellement pris en charge par la Cpam et que ce poste avait été pris en compte par le docteur [K] dans son expertise et, ainsi, dans l'indemnisation. Il a été par ailleurs jugé que les autres postes de préjudices invoqués ont également déjà été pris en compte dans la transaction du 2 juillet 2008.

' Par déclaration en date du 3 septembre 2018, M. [F] [M] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- rejeté sa demande d'expertise,

- rejeté sa demande de provision de 317 521 euros à son profit,

- rejeté la condamnation de la Sa Grande Paroisse au paiement des dommages et intérêts évalués après expertise au titre de l'aggravation de ses préjudices,

- rejeté la condamnation de la Sa Grande Paroisse au paiement des dommages et intérêts au titre du préjudice économique et du préjudice exceptionnel qui sera déterminé en contemplation du nouveau rapport d'expertise,

- rejeté la condamnation de la Sa Grande Paroisse au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

' La Cour d'Appel de Toulouse a, par un arrêt du 27 juillet 2020, confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M.[F] [M] de sa demande d'expertise au titre de l'aggravation des troubles auditifs au niveau de l'oreille gauche et en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a, avant dire droit sur cette demande, ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur [R].

Le rapport a été déposé le 18 novembre 2020 et l'expert y conclut que l'aggravation de l'atteinte auditive gauche n'est pas imputable au trouble sonore du 21 septembre 2001 et qu'il n'y a pas de modification à apporter aux conclusions de l'expertise du professeur [Z] du

4 février 2005.

' Suivant ordonnance rendue le 18 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la réouverture des opérations d'expertise judiciaire confiée au docteur [D] [R] en lui demandant de répondre à la question valant dire de M. [F] [M] et ainsi formulée dans ses conclusions du 26 mai 2021 en invitant l'expert de se prononcer sur « l'influence d'un traumatisme passé sur le phénomène naturel de dégénérescence des cellules auditives et de l'audition, et précisément [en indiquant] si l'incident AZF a pu accélérer le vieillissement des cellules auditives et la fonction auditive de M. [M] ».

Le rapport complémentaire de l'expert a été déposé le 8 juin 2022.

L'expert précise dans ce rapport qu'« il n'y a pas de preuve que l'incident d'AZF a pu accélérer le vieillissement des cellules auditives et la fonction auditive de Monsieur [M] ».

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 novembre 2022, M. [F] [M], au visa des articles 1384 et suivants du code civil, 482 et suivants et 263 et suivants du code de procédure civile, demande à la cour de :

- ordonner une contre-expertise médicale et commettre à cet effet tels experts ORL et neurologue afin de décrire l'évolution de la situation de santé de M. [F] [M] depuis l'accident AZF,

- dire s'il y a une aggravation de son état de santé et l'imputer éventuellement au sinistre AZF,

- décrire selon la nomenclature Dintilhac l'éventuelle aggravation et la valoriser,

- réserver l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de cette demande, l'appelant relève que l'expert judiciaire précise dans le corps de son travail au chapitre 'discussion -perte auditive' que les différentes audiogrammes réalisés montrent des fluctuations de l'audition du coté gauche diffcilement explicables et qu'au jour de l'examen, si on tient compte de l'aggravation physiologique de l'audition liée à l'âge, la perte auditive estimée devrait être de 48,5 décibels alors que la perte auditive de M. [M] au jour de l'examen est évaluée à 63 décibels.

L'appelant considère que cette constatation est en contradiction avec ses conclusions tendant à l'absence d'imputabilité de l'aggravation de la perte auditive de l'oreille gauche au traumatisme sonore du 21 septembre 2001 au motif que toute atteinte auditive secondaire à un traumalisme sonore n'est plus évolutive après un an en citant un rapport de la société francaise d'ORL qul n'est pas annexé à son rapport et en excluant même tout effet sur l'hypoacousie. Il reproche à l'expert de n'avoir pas envisagé que la dégradation inexpliquée des capacités auditives puissent être reliées de maniére générale par les conséquences du traumatisme crânien alors que l'appelant invoque la littérature relative aux troubles cognitifs et traumatismes crâniens qui rapporte malgré le peu d'études conduites en la matière que celles menées ont mis en évidence une déterioration des capacités cognitives pour 56% des participants aux études.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 23 septembre 2022, La société Grande Paroisse, intimée, au visa des articles 1242-1 et suivants du code civil, demande à la cour de :

- rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous cas mal fondées,

- débouter M. [F] [M] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [M] au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ces derniers pouvant être recouvrés directement par la Scp Malet sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société intimée s'est opposée à cette nouvelle demande d'expertise en considérant que docteur [R] a bien eu connaissance de toutes les doléances de M. [M], de tout son dossier médical actualisé et des arguments présentés par ce dernier au soutien de ses demandes. Elle souligne le fait qu'en réponse aux interrogations de ce dernier, l'expert en page n°2 de son rapport complémentaire explique les raisons pour lesquelles le lien de causalité ne

peut être retenu et que ce rapport est complet et circonstancié.

Elle a considéré que l'appelant a été rempli de l'intégralité de ses droits dans le cadre de l'indemnisation de son préjudice corporel.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Bayonne n'a pas constituée avocat, la déclaration d'appel lui ayant été signifiée par acte d'huissier du 12 novembre 2018 selon les modalités prévues par les articles 656 et 658 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 septembre 2023. L'affaire a été examinée à l'audience du 18 septembre 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Il sera rappelé à titre liminaire que la cour n'est plus saisie, après l'arrêt mixte rendu le 27 juillet 2020, que de la question de l'aggravation des troubles auditifs au niveau de l'oreille gauche alléguée par M. [M] et que l'affaire revient après l'exécution de la mesure d'instruction ordonnée par la cour pour en vérifier l'existence, l'importance et l'imputabilité à l'accident du 21 septembre 2001.

La cour avait relevé qu'à la date de la consolidation du 27 avril 2003, le déficit auditif de

M.[M] était de -66 dB à droite et -16 dB à gauche, l'expert [X] concluant à un déficit fonctionnel physiologique de 4 % pour la seule aggravation imputable à l'explosion de l'usine AZF par rapport à l'état antérieur du déficit auditif et la présence d'acouphènes.

Le 10 février 2012, M.[M] étant alors âgé de près de 54 ans, le docteur [H], ORL, a réalisé un nouvel audiogramme révélant une perte moyenne à droite de 67 dB et une hypoacousie gauche de perception avec une perte moyenne de 48 dB. Il était ainsi constaté que durant les presque dix ans écoulés depuis la date de consolidation M.[M] avait subi une perte de 1dB surl'oreille droite où une prothèse avait été réalisée en 2003, perte qui n'excèdait pas la presbyacousie due à l'âge, et une perte de 32 dB à gauche, perte excédant la presbyacousie due à l'âge, signe d'une aggravation.

Il était ajouté dans l'arrêt précité que dans le cadre de la procédure de révision du taux d'incapacité permanente engagée par la Cpam de Bayonne en 2014, le docteur [U] a réalisé un nouveau bilan audiologique le 27 mai 2014, révélant une perte auditive tonale de 53,5 pour l'oreille gauche et de 67,5 pour l'oreille droite. Il s'en suivait que compte tenu du temps écoulé depuis l'audiogramme réalisé en 2012 deux ans plus tôt, la perte auditive relevée sur l'oreille droite n'excèdait pas la presbyacousie due à l'âge mais qu'en revanche, en 11 ans, M.[M] avait perdu sur l'oreille gauche 37,5 dB (53,5-16), perte excédant la presbyacousie due à l'âge.

2. Dans son rapport déposé le 18 novembre 2020, le docteur [R] désignée par la cour a constaté au jour de l'expertise une perte auditive gauche évaluée à 63 dB en considérant que 'l'aggravation plus importante que ne laisserait présager le processus physiologique lié à l'âge de l'atteinte auditive ne peut être imputable à l'explosion de l'usine AZF du 21/09/2001. En effet, toute atteinte auditive secondaire à un traumatisme sonore n'est plus évolutive après un an'.

Il est précisé que M. [M] n'a pas supporté l'appareillage mis en place en 2003 et ne l'a plus porté à partir de 2005.

En réponse au dire du conseil de M. [M] et pour lequel, le docteur [R] a été saisie à nouveau, cette dernière a rappelé qu'elle fonde ses conclusions sur un rapport de la Société française d'ORL et chirurgie de la Face et du cou : 'l'expertise en ORL et chirurgie Cervico-faciale : [A], [C], [V] : 2003" qu'elle n'annexe pas à son rapport. Elle réitère son analyse en précisant qu'il n'y a pas de preuve que l'incident AZF ait pu accélérer le vieillissement des cellules auditives et la fonction auditive de M. [M].

L'unique critique apportée à ce rapport réside dans le fait que l'expert n'envisage pas que la dégradation inexpliquée des capacités auditives de M. [M] puisse s'expliquer de manière générale par les conséquences du traumatisme crânien et il est indiqué à cet égard en page 6 des dernières conclusions de l'appelant : 'il ressort de la littérature relative aux troubles cognitifs et traumatisme crânien que très peu d'étude ont été conduites. Toutefois, de celles menées il a été mis en évidence une détérioration des capacités cognitives pour 56 % des participants aux études'.

3. La cour relève tout d'abord qu'il ne résulte pas des rapports d'expertise déposés par le docteur [X] du 13 juin 2003 (pièce n° 6 du dossier de l'appelant) et du docteur [K] du 8 juillet 2003 (pièce n° 9 du dossier de l'appelant) que M. [M] a été victime d'un traumatisme crânien du fait du souffle de l'explosion de l'usine AZF qui l'a projeté sur une table, la victime ayant souffert d'une fracture de l'arc antérieur de la 5ème côte droite et de troubles auditifs avec une dépression réactionnelle.

La seule pièce déposée par l'appelant à l'appui de sa demande de nouvelle expertise consiste en un dossier documentaire sur la thématique du vieillissement des personnes vivant avec un traumatisme crânien ne peut donc avoir de portée sur l'imputabilité de l'aggravation constatée à l'accident de 2001.

Il sera d'ailleurs constaté, à la lecture de ce document, que les études concernent le lien entre les traumatismes crâniens et les fonctions cognitives n'évoquent pas les fonctions de la perception, notions distinctes, étant précisé que le traumatisme sonore implique la destruction de cellules sensorielles logées dans l'oreille interne, pour partie ou en totalité, qui ne peuvent être régénérées, renforçant ainsi la conclusion du docteur [R] sur la stabilisation rapide d'une telle atteinte. Un vieillissement accéléré des cellules lié à un traumatisme crânien n'est nullement démontré.

Il convient donc de rejeter la demande de nouvelle expertise et celle présentée aux fins de constat d'une aggravation de son état imputable à l'accident du 21 septembre 2001.

4. M. [M], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu aux dépens de l'instance de première instance et d'appel.

5. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la Sa Grande Paroisse les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer à l'occasion de la procédure de première instance et d'appel. Elle sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 27 juillet 2020 ayant confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse du 13 juillet 2018 à l'exception des dispositions ayant débouté M. [F] [M] de sa demande d'expertise au titre de l'aggravation des troubles auditifs au niveau de l'oreille gauche et celles relatives aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les rapports du docteur [R] des 18 novembre 2020 et 8 juin 2022 ;

Rejette la demande de nouvelle expertise et celle relative au constat de l'aggravation des troubles auditifs imputables à l'accident du 21 septembre 2001.

Y ajoutant,

Condamne M. [F] [M] aux dépens de première instance et d'appel.

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

la Scp Malet, avocats, à recouvrer directement contre M. [F] [M], ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Déboute la Sa Grande Paroisse de sa demande présentée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 18/03824
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;18.03824 ?
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