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12/03/2024 | FRANCE | N°22/03784

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 12 mars 2024, 22/03784


12/03/2024



ARRÊT N° /2024



N° RG 22/03784

N° Portalis DBVI-V-B7G-PCBT



CR/AR/ND



Décision déférée du 11 Avril 2022

Président du TJ de TOULOUSE



( 21/04807)



MME [D]

















[A] [W]





C/



[B] [T]
















































>CONFIRMATION PARTIELLE











Grosse délivrée



le

à



Me Jean-paul COTTIN

Me Céline OUSTALET-CORTES



1ccc / AJ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [A] [W]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représenté par Me Jean-paul...

12/03/2024

ARRÊT N° /2024

N° RG 22/03784

N° Portalis DBVI-V-B7G-PCBT

CR/AR/ND

Décision déférée du 11 Avril 2022

Président du TJ de TOULOUSE

( 21/04807)

MME [D]

[A] [W]

C/

[B] [T]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

Me Jean-paul COTTIN

Me Céline OUSTALET-CORTES

1ccc / AJ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [A] [W]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-paul COTTIN de la SCP D'AVOCATS COTTIN - SIMEON, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2022/018814 du 31/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEE

Madame [B] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Céline OUSTALET-CORTES, avocate au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. ROUGER, présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. ROUGER, présidente

A.M. ROBERT, conseillère

S. LECLERCQ, conseillère

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, présidente, et par N.DIABY, greffière de chambre

EXPOSE DES FAITS ET PROCÉDURE

M. [A] [W] est propriétaire d'un appartement sis au rez-de-chaussée au [Adresse 4] à [Localité 5] qu'il a acquis le 22 décembre 2008.

Mme [B] [T] a acquis, le 16 juillet 2010, deux lots n°13 et 14 situés au R+1 de cet immeuble, soit au-dessus de l'appartement de M. [W]. A la fin de l'année 2010 et durant l'année 2011, Mme [T] a fait réaliser des travaux et a réuni ses deux lots pour faire un seul appartement traversant.

Selon contrat du 25 juin 2014, Mme [T] a donné à bail l'appartement de la [Adresse 4] à M. [I] et Mme [K]. Depuis 2016, à la suite de la séparation de ce couple, Mr [I] occupe seul l'appartement et y vit avec son fils une semaine sur deux.

M. [W] se plaint de nuisances sonores depuis plusieurs années. En 2014, Mme [B] [T] a fait poser dans la chambre parentale, située au-dessus de l'appartement de M. [A] [W], une moquette sur sous couche résiliante.

Le 19 mars 2018 un constat d'échec de conciliation a été dressé par M. [Y], conciliateur de justice, saisi par M. [A] [W].

Par acte d'huissier du 14 mai 2018, M. [W] a assigné Mme [T] afin d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire. Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal d'instance de Toulouse a débouté M. [A] [W] de sa demande d'expertise judiciaire.

Saisi par M. [A] [W], le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse a, par ordonnance du 7 janvier 2021, ordonné une mesure d'expertise judiciaire et commis pour y procéder Mme [V] [E], laquelle a déposé son rapport le 23 juin 2021.

Par acte du 12 octobre 2021, M. [A] [W] a fait assigner Mme [B] [T] devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins, notamment, de voir ordonner un complément d'expertise compte tenu selon lui d'insuffisances du rapport d'expertise .

Par jugement réputé contradictoire en date du 11 avril 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- débouté M. [A] [W] de sa demande d'expertise complémentaire,

- débouté M. [A] [W] de ses demandes aux fins de cessation des troubles et de réparation de son préjudice,

- débouté M. [A] [W] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens resteront à la charge de l'Etat.

Pour statuer ainsi, le juge de première instance a notamment considéré que M.[A] [W] ne justifiait pas d'un intérêt légitime à voir ordonner une expertise complémentaire, l'expert n'ayant constaté aucun défaut de mise en oeuvre du 'nouveau' parquet collé directement sur l'ancien, ce mode de pose n'étant pas contraire aux règles de l'art et n'ayant aucune incidence sur I'isolation acoustique. Il a retenu que l'attestation de M. [U] produite par M. [W] ne permettait pas de contester les conclusions de l'expert et de justifier de procéder à une mesure par un appareil acoustique. Sur le fond,il a retenu que l'expert n'avait pas constaté de grincement lors des déplacements dans la chambre parentale située au-dessus de l'appartement de M. [A] [W] et que l'existence du trouble de voisinage allégué n'était pas caractérisée déboutant M.[W] de ses demandes.

Par déclaration en date du 27 octobre 2022, M. [A] [W] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'expertise et de ses demandes aux fins de cessation des troubles de voisinage qu'il subit et de réparation de son préjudice.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 janvier 2023, M. [A] [W], appelant, demande à la cour de :

- rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées

- débouter Mme [T] de I'intégralité de ses demandes

- infirmer le jugement allégué en ce qu'iI a :

* débouté M. [W] de sa demande d'expertise complémentaire,

* débouté M. [W] de ses demandes aux fins de cessation des troubles et de réparation de son préjudice,

* débouté M. [W] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

Avant dire droit,

- 'entendre.juger' que, compte tenu des insuffisances du rapport d'expertise, il y a lieu d'ordonner un complément d'expertise

- en conséquence, entendre commettre tel expert judiciaire qu'il plaira à l'effet de procéder aux opérations suivantes :

* visiter les lieux

* vérifier le cadre administratif, réglementaire et contractuel dans le cadre duquel la pose du plancher litigieux est intervenue, en recherchant notamment l'identité de l'entreprise en se faisant communiquer les factures d'intervention ainsi que ses conditions d'assurance

* dire si le plancher de l'appartement de Mme [T], installé lors de sa rénovation, a été réalisé dans les règles de l'art et respecte les normes d'isolation applicables en précisant leur nature et les critères à prendre en considération :

* déterminer si les nuisances sonores évoquées par M. [W] existent par l'usage d'instruments de mesure acoustique, et ce dans le cadre d'une mise en situation dans des conditions de vie réelle (toute la famille dans l'appartement, enfant courant et jouant, chute d'objet)

* dire si ces troubles excédent les inconvénients normaux du voisinage ;

* après avoir investigué relativement à l'existence des nuisances et les circonstances dans lesquelles est intervenue la pose du plancher, dire si celui-ci joue un rôle causal dans la survenance des troubles du voisinage subis par M. [W] ;

* décrire et chiffrer, s'il y a lieu, les solutions permettant d'y remédier.

- 'entendre dire' que de ses opérations, l'expert judiciaire établira un rapport qu'il déposera au greffe du tribunal judiciaire de Toulouse,

Au fond,

- condamner, à la suite du dépôt du rapport d'expertise, Mme [T] et faire cesser les troubles du voisinage qui seront retenus par l'expert, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard

- la condamner à la somme de 1.000 euros en réparation des troubles subis

- la condamner aux entiers dépens et à la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 6 mars 2023, Mme [B] [T], intimée, au visa des articles 7240 et 7355 du code civil et 480,722,744 et 746 du code de procédure civile, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Par conséquent,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes ;

Reconventionnellement,

- condamner M. [W] à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts de par la procédure abusive initiée par lui à l'encontre de cette dernière qui en subi un préjudice ;

- condamner M. [W] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 août 2023.

L'affaire a été examinée à l'audience du 12 septembre 2023.

SUR CE, LA COUR :

1°/ Sur les demandes de M.[W] [A]

M. [W] se plaint depuis que Mme [T] a rénové son appartement, sis en partie au-dessus du sien, et y a posé un nouveau parquet, de troubles anormaux du voisinage résultant de nuisances sonores qu'il impute à un défaut d'isolation du plancher de l'appartement de Mme [T].

Débouté de sa première demande d'expertise judiciaire aux fins de décrire le défaut d'isolation dudit plancher et de chiffrer les travaux permettant d'y remédier par jugement du tribunal d'instance de Toulouse du 13 novembre 2018, il a obtenu , en référé, par ordonnance du 7 janvier 2021, l'organisation d'une mesure d'expertise confiée à Mme [V] [E] aux fins notamment de vérifier si le plancher de l'appartement de Mme [T] présente les désordres et malfaçons invoqués dans l'assignation ou tout document de renvoi à l'exclusion de tous autres non définis, dans l'affirmative, en indiquer la nature et l'étendue en précisant s'ils peuvent jouer un rôle causal dans la survenance des troubles du voisinage sonores invoqués par M.[W], dire si ces troubles excèdent les inconvénients normaux du voisinage, indiquer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres malfaçons ou non conformités génératrices du trouble de voisinage, en apprécier le coût et la durée d'exécution, préciser si après l'exécution des travaux de remise en état les locaux seront affectés d'une moins-value et la quantifier dans l'affirmative, indiquer les préjudices éventuellement subis.

Mme [V] [E] a déposé son rapport le 23 juin 2021, concluant que :

-l'appartement de M.[W] est situé au-dessous (et non au-dessus comme mentionné par erreur matérielle rectifiée dans le corps du rapport) de la chambre parentale de l'appartement de Mme [T],

-les travaux réalisés dans cette chambre au niveau des séparatifs horizontaux sont : pose d'un parquet collé sur parquet existant + pose d'une sous-couche acoustique + pose d'une épaisse moquette,

-dans la chambre enfant, le sol n'a fait l'objet d'aucun travaux, étant revêtu du parquet bois existant,

-dans les autres pièces principales a été mis en 'uvre un parquet collé sur le parquet existant,

-le revêtement de sol existant avant travaux (parquet ancien) n'a pas été déposé ni modifié et les travaux réalisés dans l'appartement de Mme [T] n'ont procédé à aucune modification du plancher séparatif tant dans ses éléments structurels que dans ses dispositions constructives,

-aucun défaut de mise en 'uvre de ce parquet ni aucune non-conformité aux dispositions de la norme NF DTU 51.2 « Pose des parquets à coller » n'ont été constatés,

-aucun grincement du parquet lors du déplacement dans la chambre parentale située au-dessus de l'appartement de M.[W] n'a été constaté,

-aucun désordre ni malfaçon imputable aux travaux réalisés dans l'appartement de Mme [T] en rapport avec les nuisances alléguées n''ont été constatés,

-aucun trouble sonore imputable au plancher bois mis en 'uvre par Mme [T] n'a été constaté.

L'expert n'a consécutivement pas préconisé de travaux de réfection, ni de moins-value, ni identifié de préjudice compte tenu de ses conclusions sur l'absence de désordres, non-conformités et/ou troubles inhérents aux travaux réalisés par Mme [T].

M.[W], se plaignant d'insuffisances de l'expertise judiciaire, sollicite une nouvelle expertise dans les conditions définies au dispositif de ses dernières écritures ci-dessus rappelé. Il ne formule de demandes tendant à la cessation des troubles du voisinage sous astreinte et à l'indemnisation des troubles subis qu'après que soit intervenu le dépôt d'un nouveau rapport d'expertise.

Selon les dispositions de l'article 544 du code civil la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Par ailleurs, le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Enfin, selon les dispositions des articles 238, 246 et 283 du code de procédure civile, le technicien commis doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis. Il ne peut répondre à d'autres questions sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique. Le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien. S'il ne trouve pas dans le rapport les éclaircissements suffisants, il peut entendre l'expert, les parties présentes ou appelées.

En l'espèce, l'expert judiciaire a répondu aux missions qui lui avaient été confiées par l'ordonnance de référé du 13 novembre 2018.

Il a notamment procédé à un historique de la situation au vu des pièces produites par les parties, relevant que :

-M.[W] [A] a acquis par acte du 22 décembre 2008 le lot n°8 d'une superficie de 22,43 m2 situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 5], lot antérieurement utilisé à usage professionnel par un podologue, et courant 2009 a fait réaliser des travaux avant d'habiter le bien acquis, ayant consisté en l'aménagement d'une cuisine équipée avec création d'un faux plafond, de placards, d'une salle d'eau,

-Mme [T] a quant à elle fait l'acquisition le 16 juillet 2010 de deux lots 13 et 14 d'une superficie totale de 88 m2 situés au 1er étage du bâtiment A de l'immeuble en copropriété, l'un des lots ayant été auparavant occupé, selon M.[W], par un couple sans enfant, l'autre semblant inoccupé,

- de fin 2010 à fin 2011 Mme [T] a fait réaliser des travaux de rénovation et réuni les deux lots pour en faire un seul appartement traversant, les plans masse ayant été produits à l'expert, travaux comprenant la pose d'un plancher bois directement collé sur l'ancien plancher existant et sur toute la surface de l'appartement à l'exception de la chambre d'enfant qui correspondait à l'ancienne salle à manger du lot n°13, aucune modification du plancher existant n'étant intervenue, la facture d'achat du plancher bois du 18/03/2011 ayant été produite à l'expert et annexée au rapport d'expertise,

-Mme [T] et son compagnon ont habité ce logement de fin 2011 à septembre 2013, ce logement ayant ensuite été mis en location,

-en 2014, suite aux plaintes de M.[W], Mme [T] a fait poser dans la chambre parentale, pièce située au-dessus de l'appartement de M.[W], une épaisse moquette sur sous couche résiliante, la facture de prestation de fourniture et pose de la société Saint Maclou du 2/07/2014 ayant été produite à l'expert et annexée au rapport d'expertise, produite de nouveau, plus lisible, en pièce 3 de l'intimée.

L'expert a aussi répondu à la mission principale confiée, laquelle était de vérifier si le plancher de l'appartement de Mme [T] présentait les désordres et malfaçons invoqués dans l'assignation ou tout document de renvoi à l'exclusion de tous autres non définis.

Ayant conclu à l'absence de désordre ou malfaçon imputable aux travaux réalisés dans l'appartement de Mme [T] en rapport avec les nuisances alléguées et à l'absence de trouble sonore imputable au plancher bois mis en 'uvre par Mme [T], l'expert n'avait pas à procéder à des mesures d'émergences sonores.

En réponse au dire de l'avocat de M.[W], l'expert a justement précisé que sa mission portait sur l'incidence des travaux réalisés par Mme [T] et non sur les performances acoustiques initiales du plancher séparatif, laissé en place, indiquant que dans les logements anciens, notamment antérieurs à 1969, il était courant de constater de faibles performances d'isolement acoustique, tant aux bruits aériens qu'aux bruits solidiens, les dispositions constructives des anciens planchers séparatifs et l'absence de toute règlementation acoustique pour lesdits logements de l'époque participant à cette situation.

Or il est acquis qu'en l'espèce, Mme [T] n'a pas modifié le plancher en bois existant d'origine sur toute la superficie de l'appartement acquis en 2010 tant dans ses éléments structurels que dans ses dispositions constructives.

L'expert a précisé que le séjour/chambre de M.[W] était situé au-dessous de la chambre d'enfant de l'appartement de Mme [T] et que le revêtement de cette chambre n'avait fait l'objet d'aucune modification, le sol étant constitué de l'ancien plancher bois ; que la cuisine de M.[W] était située au-dessous de la chambre parentale, dans laquelle le revêtement de sol était constitué de l'ancien plancher bois, sur lequel avait été collé le nouveau plancher bois puis ajoutée une sous-couche acoustique recouverte d'une épaisse moquette. Il a indiqué n'avoir constaté aucun défaut de mise en 'uvre de ces nouveaux revêtements, aucune non-conformité au Dtu « Pose des parquets collés », et estimé, sans être utilement démenti, que la mise en 'uvre des nouveaux revêtements n'avaient pas dégradé les performances acoustiques initiales du séparatif, ne pouvant avoir aucune incidence sur les performances initiales d'isolation acoustique aux bruits aériens entre les deux logements, retenant au contraire que la sous-couche acoustique et la moquette posées dans la chambre parentale située au-dessus de la cuisine de M.[W] amélioraient l'isolation aux bruits d'impact entre les deux logements.

Il apparaît qu'effectivement le parquet collé installé dans l'appartement de Mme [T], s'il a bien été fourni quant au matériau par Leroy-Merlin, n'a pas été posé par un artisan déclaré, du moins ce n'est pas établi en l'absence de facturation d'une prestation de pose. Cela étant, en soi, la pose de matériaux par un non professionnel ou un artisan non déclaré ne peut faire présumer une pose défectueuse ou non conforme aux Dtu. La réalisation de tels travaux relève en effet de la responsabilité du maître de l'ouvrage, en l'espèce la propriétaire, laquelle ne peut être engagée qu'à la condition qu'il en résulte un dommage.

En l'espèce, l'expert judiciaire, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel dans les rubriques acoustique, bruits, vibrations ainsi qu'architecture, ingénierie, maîtrise d''uvre, a indiqué n'avoir constaté aucun désordre ni malfaçon dans la mise en 'uvre de ce parquet collé ni aucune non-conformité aux dispositions de la norme NF DTU 51.2 « Pose des parquets à coller ».

Contrairement à ce que soutient M.[W], l'expert, dont les compétences techniques ne peuvent utilement être remises en cause et qui ne pouvait recourir à un sapiteur que dans l'hypothèse d'investigations nécessaires relevant d'une spécialité autre que la sienne ce qui n'était pas le cas en l'espèce, a bien fait référence au DTU 51.2. Il n'avait pas à faire référence aux DTU concernant les parquets flottants et les parquets cloués, étrangers aux travaux objets de l'expertise.

M.[W] verse au débat le DTU 51.2 de mai 2020 (postérieur en conséquence aux travaux réalisés en 2011) « Parquets collés ». Le domaine d'application de ce DTU est défini à l'article 1 comme proposant des clauses types de spécifications de mise en 'uvre pour les travaux d'exécution d'ouvrage de parquets à coller, sur support avec ou sans interposition de sous-couche. Cet article 1 précise que le document s'applique aux travaux neufs ainsi qu'aux travaux de rénovation sur supports lorsque le revêtement de sol précédent a été déposé, mais qu'il ne vise pas la mise en 'uvre sur revêtement de sol existant, ce qui a d'ores et déjà été confirmé à M.[W] par un spécialiste selon mèl du 27 octobre 2022 produit en pièce 14 par l'appelant. Or précisément en l'espèce, le parquet collé installé par Mme [T] a été mis en 'uvre sur un parquet existant. M.[W] n'établit pas en conséquence en quoi la production de cette pièce numérotée 11 serait de nature à contredire techniquement l'avis de l'expert judiciaire sur l'absence de malfaçon ou non-conformité aux règles de l'art de la pose de parquet collé sur le parquet existant telle que réalisée dans l'appartement de Mme [T].

M.[W] n'établit pas davantage en quoi les travaux de rénovation réalisés par Mme [T] entre fin 2010 et fin 2011 auraient été réalisés en contravention avec le règlement de copropriété. En effet, s'agissant du mode d'occupation, le règlement de copropriété datant de 1976, modifié en 1988, énonce en page 18 que chacun des copropriétaires aura, en ce qui concerne les locaux lui appartenant personnellement, leurs annexes et accessoires, le droit d'en jouir et d'en disposer comme des choses lui appartenant en toute propriété à la condition de ne pas nuire au droit des autres copropriétaires et de ne rien faire qui puisse compromettre la solidité de l'immeuble ; qu'il pourra notamment modifier à ses frais, comme bon lui semblera les distributions intérieures des locaux et leurs dépendances, mais qu'en cas de travaux pouvant affecter la solidité de l'immeuble ou plus généralement intéresser toute chose ou partie commune ou encore une partie privée dont il ne serait pas propriétaire, il devra au préalable obtenir l'assentiment du syndic, lequel pourra le cas échéant en référer à l'assemblée des copropriétaires. Or en l'espèce, après son acquisition, Mme [T] a uniquement réuni les deux lots 13 et 14 pour en faire un seul appartement, étant relevé qu'il ressort du même règlement de copropriété que ces deux lots ont fait l'objet à l'origine d'une séparation par une cloison devant être édifiée aux frais exposés de ces deux lots et à parts égales. Il n'est donc nullement justifié que la réunion des deux lots anciennement divisés par une simple cloison opérée par Mme [T] après son acquisition ait été de nature à affecter la solidité de l'immeuble ou à porter atteinte aux parties communes ou à affecter des parties privées dont elle n'aurait pas été propriétaire et à nécessiter l'assentiment préalable du syndic ou de l'assemblée générale ainsi que la surveillance de l'architecte de l'immeuble.

M.[W] n'établit enfin pas en quoi l'expertise judiciaire serait insuffisante quant aux troubles qu'il allègue comme résultant des seuls travaux réalisés par Mme [T], ni en quoi ces travaux auraient pu dégrader les conditions acoustiques préexistantes.

L'expert judiciaire s'est déplacé à deux reprises sur site en présence des parties convoquées et toutes représentées à la deuxième réunion. Lors du premier accédit il a demandé au locataire de l'appartement de Mme [T], M. [I], de se déplacer dans son appartement, de marcher normalement puis de parler à voix normale. Depuis l'appartement de M.[W] il a perçu très faiblement le bruit du déplacement de la personne et indiqué ne pas percevoir les paroles. Lors du second accedit, l'expert s'est déplacé dans l'appartement de Mme [T] avec chaussures. Il a constaté dans le séjour, la cuisine et le couloir, à certains endroits, de faibles grincements du « nouveau » parquet collé. Par contre, dans la chambre d'enfant où le sol n'a fait l'objet d'aucun travaux, revêtu du parquet bois d'origine, il a constaté des bruits de grincements plus importants. Dans la chambre parentale de l'appartement de Mme [T], dont le parquet collé a été recouvert après une sous-couche acoustique, d'une épaisse moquette, il n'a constaté aucun grincement du parquet lors du déplacement dans cette chambre. Dans ces conditions l'expert a pu conclure objectivement que la mise en 'uvre des nouveaux revêtements par Mme [T] n'avait pas dégradé les performances acoustiques initiales du séparatif ; qu'au contraire, la sous-couche acoustique et la moquette posées dans la chambre parentale située au-dessus de la cuisine de M.[W] amélioraient l'isolation aux bruits d'impact entre les deux logements.

L'attestation de M. [U], ami de M.[W], lequel atteste avoir été témoin à plusieurs reprises (non datées) de bruits gênants de pas de personnes qui se déplacent et même d'enfants courant dans l'appartement du dessus, n'est pas de nature à caractériser une aggravation des conditions acoustiques entre les deux appartements depuis la réalisation des travaux de Mme [T], ni des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage dans un immeuble d'habitation anciennement construit, où le fait de marcher dans son appartement voire même pour un enfant en bas âge d'y courir, ne saurait caractériser un trouble anormal du voisinage.

L'attestation de Mme [L] [O], étudiante, qui atteste en mars 2019 occuper un appartement du rez-de-chaussée se situant sous l'appartement occupé par M.[I], et entendre des bruits de pas, parfois insistants, plus ou moins marqués certains jours, ainsi que la résonnance de voix (discussions) ou de la télévision générant un bourdonnement, n'est pas davantage de nature à caractériser une aggravation des conditions acoustiques entre l'appartement appartenant à Mme [T], occupé par M.[I], et celui de M.[W] pouvant résulter des travaux réalisés par Mme [T], ni des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage dans un immeuble ancien à plusieurs niveaux d'habitation. Au demeurant la locataire actuelle de l'appartement anciennement occupé par Mme [L], laquelle l'a quitté à l'été 2019, Mme [M] [C], atteste ne rencontrer aucun problème de nuisances sonores depuis juin 2019 date de son entrée dans les lieux.

En conséquence aucune inexactitude, incohérence, contradiction ou insuffisance technique ou d'investigations n'affectent le rapport d'expertise réalisé par Mme [E] qui serait de nature à justifier une nouvelle expertise. Par ailleurs, aucun trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage n'est caractérisé à l'égard de Mme [T] comme résultant des travaux qu'elle a réalisés entre fin 2010 et fin 2011 puis en 2014 de nature à engager sa responsabilité. Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté M.[W] de l'intégralité de ses demandes.

2°/ Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [T]

En application des dispositions de l'article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur sans qu'il soit nécessaire de caractériser une intention de nuire, mais la faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'une partie d'agir en justice doit quant à elle être suffisamment caractérisée.

En l'espèce, le fait que M.[W] ait obtenu en référé une mesure d'instruction après qu'une telle demande ait été rejetée par un juge du fond, ne caractérise pas en soi une faute dans l'exercice du droit d'agir, la juridiction des référés ayant fait droit à sa demande par ordonnance non frappée de recours. Le fait que M.[W] ait contesté, même de manière infondée, le rapport d'expertise judiciaire de Mme [E] et le fait qu'il soit jugé mal fondé en ses prétentions ne sont pas de nature à caractériser une faute dans l'exercice du droit d'agir en justice. Certes M.[W] a assigné Mme [T] à une mauvaise adresse, au [Adresse 2] à [Localité 5] au lieu du 52, mais cette adresse a été confirmée à l'huissier instrumentaire de l'acte d'assignation du 12 octobre 2021 par le syndic de la copropriété Agestys, et il n'en est résulté pour Mme [T] aucun préjudice, ni au stade du référé expertise puisqu'elle a pu être utilement représentée à la mesure d'instruction, ni au stade de l'instance au fond puisque le premier juge, nonobstant sa non comparution, a débouté M.[W] de ses prétentions. Il doit par ailleurs être relevé que dans le cadre de l'expertise judiciaire, et alors que Mme [T] était représentée par son compagnon M.[G] dès la deuxième réunion, il n'a pas été demandé à l'expert de rectifier dans son rapport l'adresse erronée dont il disposait, de sorte qu'il ne peut davantage être reproché à faute à M.[W], alors que cette adresse avait par ailleurs été confirmée à l'huissier instrumentaire lors de l'assignation au fond après expertise, d'avoir mandaté un huissier pour signifier sa déclaration d'appel à ladite adresse, ledit huissier, après avoir rectifié l'adresse confirmée par une personne présente au domicile, ayant finalement signifié la déclaration d'appel à la personne même de Mme [T] sur son lieu de travail.

Aucune faute n'étant caractérisée à l'égard de M.[W] dans l'exercice de son droit d'agir en justice, la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [T] doit en conséquence être rejetée.

3°/ Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Selon les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les conditions dans lesquelles il peut être mis à la charge d'une partie qui bénéficie de l'aide juridictionnelle tout ou partie des dépens de l'instance sont fixées par les dispositions de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020.

Selon les dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991 lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens ou perd son procès, il supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions de l'article 75. Le juge peut toutefois, même d'office, laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat.

En l'espèce, M.[W], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, succombe en ses prétentions. Il doit donc être condamné aux dépens de première instance, en ceux compris les frais du référé ayant donné lieu à l'ordonnance du 7 janvier 2021 et de l'expertise judiciaire, et les dépens d'appel sans qu'il y ait lieu en l'espèce de laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat.

Succombant et condamné aux dépens, M.[W] se trouve redevable, en application des dispositions des articles 75 de la même loi et 700 du code de procédure civile, d'une indemnité à l'égard de Mme [T] dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt sans pouvoir lui-même prétendre à l'application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit.

PAR CES MOTIFS 

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en sa disposition par laquelle le premier juge a dit que les dépens resteront à la charge de l'Etat

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Déboute Mme [B] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Condamne M.[A] [W] aux dépens de première instance, en ceux compris les frais du référé ayant donné lieu à l'ordonnance du 7 janvier 2021 et ceux de l'expertise judiciaire, ainsi qu'aux dépens d'appel

Dit n'y avoir lieu de laisser en totalité ou partie les dépens à la charge de l'Etat

Condamne M.[A] [W] à payer à Mme [B] [T] une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions des articles 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel

Déboute M. [A] [W] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La greffière La présidente

N.DIABY C. ROUGER

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/03784
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;22.03784 ?
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