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04/07/2023 | FRANCE | N°21/00375

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 04 juillet 2023, 21/00375


04/07/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/00375 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N56H

JCG / FM



Décision déférée du 11 Décembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CASTRES ( 20/00103)

Mme SEVILLA

















[C] M. [W]





C/



S.A.S.U. AGEC CANTIER

















































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Monsieur [C] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne laure SARKISSIAN de la SCP ...

04/07/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/00375 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N56H

JCG / FM

Décision déférée du 11 Décembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CASTRES ( 20/00103)

Mme SEVILLA

[C] M. [W]

C/

S.A.S.U. AGEC CANTIER

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [C] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne laure SARKISSIAN de la SCP SCP VEZINET SARKISSIAN-MICHENEAU, avocat au barreau de CASTRES

INTIMEE

S.A.S.U. AGEC CANTIER (AUDIT GESTION EXPERTISE COMPTABLE CANTIER) Agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Saïda BERKOUK de la SAS CABINET BERKOUK, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant J.C. GARRIGUES, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

La Sarl PH7 a conclu un contrat de prestations de services de comptabilité avec la Sasu Agec Cantier, selon lettre de mission du 1er février 2010.

La Sasu Agec Cantier a édité une facture de régularisation le 30 septembre 2011, partiellement contestée par la société PH7.

Selon ordonnance portant injonction de payer, le Président du tribunal de commerce de Perpignan a ordonné le 24 juin 2015 à la société PH7 de payer à la société Agec Cantier les sommes dues au titre de ladite facture à hauteur de :

- 8 732,78 euros en principal,

- 40 euros de frais accessoires,

- 905 euros de majorations de retard

La société PH7 a formé opposition contre cette ordonnance devant le tribunal de commerce de Perpignan qui, par jugement du 11 octobre 2016, a fait droit à ses demandes et a débouté la Sasu Agec Cantier de l'intégralité de ses prétentions dirigées à son encontre.

Par acte du 21 décembre 2016, la Sasu Agec Cantier a interjeté appel de ce jugement.

A cet effet, elle a mandaté la Scp Berkouk, avocat au barreau de Toulouse, pour la représenter.

La Scp Berkouk a sollicité Maître [W], avocat au barreau de Béziers, afin qu'il se constitue devant la cour d'appel de Montpellier dans l'intérêt de la Sasu Agec Cantier, sur l'appel interjeté par celle-ci contre le jugement rendu le 11 octobre 2016 par le tribunal de commerce de Perpignan.

Maître Raynaud-Bardon a été sollicité par courrier en date du 8 février 2017 et a accepté d'intervenir en qualité d'avocat postulant devant la cour d'appel de Montpellier pour un honoraire de postulation de 600 € TTC.

Il a adressé sa facture datée du 16 février 2017 à la Sasu Agec Cantier, facture qui a été réglée par cette dernière.

Le délai imparti à l'appelante pour signifier ses conclusions d'appelant expirait le 21 mars 2017.

Le cabinet Berkouk a communiqué ses écritures et pièces à Maître [W] le 17 mars 2017 afin qu'elles soient communiquées avant le 21 mars 2017.

Maître Raynaud-Bardon ne les a pas déposées dans le délai qui lui était imparti, de sorte que par ordonnance en date du 30 mars 2017, la cour d'appel de Montpellier a prononcé la caducité de la déclaration d'appel en application de l'article 908 du code de procédure civile.

Par décision du 5 février 2018, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Montpellier a relevé que Me [W] n'avait jamais déféré aux sollicitations de la Scp Berkouk et du bâtonnier, et l'a enjoint de rembourser les honoraires de postulation versés.

Le 4 juillet 2018, la Scp Berkouk a mis vainement en demeure Me [W] de déclarer le sinistre auprès de sa compagnie d'assurances et de procéder au remboursement de ses honoraires de postulation.

Par acte d'huissier en date du 3 mai 2019, la Sasu Agec Cantier a fait assigner Maître [W] devant le tribunal judiciaire de Castres afin d'engager sa responsabilité et d'obtenir la réparation du préjudice subi.

Par jugement contradictoire en date du 11 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Castres :

- s'est déclaré compétent pour statuer sur le présent litige,

- a condamné Maître [X] [W] à payer à la Sasu Agec Cantier :

* la somme de 1200 euros en remboursement des sommes versées au titre des honoraires de postulation,

* la somme de 6 088 euros au titre de l'indemnisation de la perte de chance évaluée à 50%, d'obtenir une décision favorable devant la cour d'appel,

* 2000 euros pour résistance abusive,

- a débouté Maître [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- a condamné Maître [W] à verser à la Sasu Agec Cantier la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné Maître [W] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Berkouk en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 20 janvier 2021, Me [W] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- condamné Maître [X] [W] à payer à la Sasu Agec Cantier :

* la somme de 1200 euros en remboursement des sommes versées au titre des honoraires de postulation,

* la somme de 6 088 euros au titre de l'indemnisation de la perte de chance évaluée à 50%, d'obtenir une décision favorable devant la cour d'appel,

* 2000 euros pour résistance abusive,

- débouté Maître [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné Maître [W] à verser à la Sasu Agec Cantier la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Maître [W] aux entiers dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 23 août 2022, Maître Michel-Pierre Raynaud-Bardon, appelant, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Et, statuant à nouveau :

- débouter la Sas Agec Cantier de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

- condamner la Sas Agec Cantier à la somme de 3.500,00 € pour procédure abusive.

- condamner la Sas Agec Canter à la somme de 2.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner la Sas Agec Cantier aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Scp Raynaud-Bardon -Bance, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur les honoraires de postulation, Maître [W] fait observer que la Sasu Agec Cantier sollicite le remboursement des honoraires de postulation perçus dans le cadre, non seulement de l'affaire ayant conduit à une ordonnance de caducité, mais également d'une autre affaire, sans justifier de ses manquements dans cette seconde affaire. Il estime que le premier juge n'a pas mis en lumière des manquements ou erreurs dans la postulation qui pourraient conduire à un remboursement des honoraires, et que la justification de ces manquements persistant en appel, les demandes formées à hauteur de 1200 € devront être rejetées.

Sur l'indemnisation de la perte de chance, il rappelle que pour qu'une situation de perte de chance puisse donner lieu à indemnisation, il faut que, par la faute de l'auteur du dommage, la victime ait perdu une éventualité favorable dotée d'une certaine probabilité.

Il soutient que le tribunal judiciaire de Castres s'est borné à affirmer sans en démontrer la véracité, le caractère sérieux des arguments de défense de la Sasu Agec Cantier, alors que les termes du jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 11 octobre 2016 l'ayant déboutée de ses demandes pécuniaires à l'encontre de la société PH7 ne laissaient nullement envisager une éventualité favorable de réformation dudit jugement et qu'en conséquence la probabilité qu'un événement positif pour la victime se réalise était fort peu probable. Il conclut en conséquence au rejet de cette demande et à titre subsidiaire à sa réduction de manière drastique.

Enfin, il conteste le caractère abusif de sa résistance et conclut en conséquence à l'infirmation de la condamnation prononcée à ce titre.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 juillet 2021, la Sasu Agec Cantier, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1991 et suivants, 1240, 1231-1 et suivants du code civil, et de l'article 411 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* condamné Me [W] à lui payer la somme de 1 200 euros en remboursement des sommes versées au titre des honoraires de postulation demandés

* jugé Me [W] fautif dans l'exécution de sa mission confiée par la société Agec Cantier,

* jugé que la perte d'une chance consécutive aux manquements de Me [W] était constituée

* jugé que Me [W] a fait la preuve d'une résistance abusive

* débouté Me [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions

* condamné Me [W] à verser à la société Agec Cantier la somme de 2.500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance dont distraction au profit de la Sas Cabinet Berkouk en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, réformer la décision de première instance et :

- condamner Me [W] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de la perte de chance évaluée à 82.5 % d'obtenir une décision favorable devant la cour d'appel de Montpellier,

- condamner Me [W] à lui verser la somme de 5 000 euros pour résistance abusive,

En toute hypothèse,

- condamner Me [W] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la société Cabinet Berkouk en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Sasu Agec Cantier expose que Maître [W] a été mandaté afin d'assurer la postulation devant la cour d'appel de Montpellier et a accepté d'intervenir dans deux affaires, un premier dossier l'opposant à la Sarl PH7, et un second dossier l'opposant à la société Canatec qui lui a été retiré du fait des manquements commis dans le premier dossier.

Elle rappelle que par décision d'arbitrage en date du 5 février 2018, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Montpellier a enjoint Maître [W] de rembourser la somme totale de 1200 € correspondant aux provisions versées dans ces deux dossiers. Elle précise, s'agissant de la seconde affaire, qu'en dépit du versement de la provision, Maître [W] n'a jamais assuré la postulation qui a été confiée à un autre postulant. Elle sollicite en conséquence la confirmation de la condamnation au remboursement de la somme de 1200 € .

S'agissant de l'indemnisation de la perte de chance subie du fait de la négligence et des manquements de Maître [W], elle soutient que les chances de succès de la procédure devant la cour d'appel étaient réelles et demande que le quantum de cette perte de chance soit fixé à 82,5 % de la somme de 12.177,78 € , soit un préjudice arrondi à 10.000 € .

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, elle fait valoir que Maître [W] a toujours refusé de lui rembourser les sommes versées en paiement de ses honoraires de postulation pour des missions qu'il n'a pas accomplies, qu'il est toujours resté taisant face aux demandes répétées de remboursement et à la décision rendue par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Montpellier, et qu'elle sollicite le remboursement de ces provisions depuis le mois de mai 2017. Dans ces conditions, elle élève sa demande à la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts.

MOTIFS

L'article 1991 du code civil dispose que : 'Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexécution'.

L'article 1992 du même code dispose que : 'Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire'.

Aux termes de l'article 411 du code de procédure civile, 'Le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure'.

Dans le dossier Sasu Agec Cantier / Sarl PH7, il appartenait à Maître [W] d'assurer la postulation devant la cour d'appel de Montpellier, c'est à dire d'assurer la représentation obligatoire de la Sasu Agec Cantier devant la cour d'appel et d'accomplir l'ensemble des actes de procédure.

Maître [W] ne pouvait ignorer la date limite de dépôt des conclusions et pièces de l'appelante, étant précisé qu'il est constant que ces éléments lui avaient été adressés avant la date limite pour lui permettre de les signifier en temps et en heure (pièces n° 3 et 5 de la Sasu Agec Cantier ).

L'ordonnance de caducité du 30 mars 2017 a été rendue aux motifs suivants :

'Vu l'appel interjeté par la Sas Audit Gestion Expertise Comptable Cantier le 21 décembre 2016;

Vu l'avis de caducité de la déclaration d'appel adressé à Me Michel-Pierre Raynaud-Bardon, conseil de la Sas Audit Gestion Expertise Comptable Cantier, le 22 mars 2017 ;

Attendu que Me Raynaud-Bardon, conseil de la Sas Audit Gestion Expertise Comptable Cantier, n'a pas répondu à cet avis, mais a fait parvenir ses conclusions par message électronique du 27 mars 2017 ;

Qu'il convient donc de constater la caducité de la déclaration d'appel en application de l'article 908 du code de procédure civile'.

Il est établi que Maître [W] n'a pas fait signifier les conclusions et pièces avant l'expiration du délai accordé à l'appelant pour le faire, qu'il n'a pas avisé la Sas Cabinet Berkouk de son défaut de diligence, qu'il a été destinataire de l'avis de caducité de la cour d'appel de Montpellier le 22 mars 2017 et n'en a pas informé la Sas Cabinet Berkouk, ni répondu à l'avis de caducité.

Le fait pour un avocat de ne pas régulariser des conclusions d'appelant dans le délai requis constitue un manquement à son devoir de diligence de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle pour la perte du recours contre la décision attaquée.

Les fautes reprochées à Maître [W] sont établies et au demeurant non contestées par l'intéressé qui ne fournit aucune explication sur ce point.

Sur la demande de remboursement des honoraires de postulation réglés par la Sasu Agec Cantier

Maître [W] a été mandaté afin d'assurer la postulation devant la cour d'appel de Montpellier et accepté d'intervenir dans deux affaires, un premier dossier opposant la Sasu Agec Cantier à la Sarl PH7, et un second dossier l'opposant à la société Canatec.

Il a perçu des honoraires de postulation de 600 € dans chacun de ces dossiers (pièces n° 2 et 11 de la Sasu Agec Cantier).

Dans une décision d'arbitrage en date du 5 février 2018, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Montpellier a rappelé les faits constants du dossier, estimé qu'il était constant que les honoraires avaient été versés sans qu'en retour la prestation sollicitée soit effectuée et a enjoint Maître [W] de rembourser le montant total de 1200 € TTC correspondant au montant des honoraires de postulation dont il a obtenu le versement pour assurer une postulation qui s'est avérée défaillante.

Concernant la provision de 600 € versée au titre du dossier Sasu Agec Cantier / société PH7, le premier juge a justement condamné Maître [W] au remboursement au motif qu'il avait bien été défaillant dans la mesure où il n'avait ni signifié les conclusions et pièces avant l'expiration du délai accordé à l'appelant, ni répondu à l'avis de caducité ni transmis l'ordonnance de caducité à la Sas Cabinet Berkouk.

Au vu des ses conclusions d'appel, même s'il conclut au rejet de l'intégralité des demandes de la Sasu Agec Cantier, Maître [W] ne conteste en réalité la demande de remboursement que dans le second dossier.

Il apparaît que le dossier Sasu Agec Cantier / société Canatec a été retiré à Maître [W] en raison de ses manquements dans le dossier Sarl PH7, que le dossier a été confié à un autre postulant, Maître [O] qui s'est constitué en ses lieu et place devant la cour d'appel de Montpellier et a effectivement assuré la postulation (pièces n° 12 et 13 de la Sasu Agec Cantier) et que Maître [W] ne justifie pas avoir effectué dans ce dossier la moindre diligence justifiant qu'il conserve tout ou partie des honoraires versés.

Dans ces conditions, en l'absence de requête aux fins de voir conférer le caractère exécutoire à la décision du bâtonnier et compte tenu du fait que la demande de restitution des honoaires est fondée sur la responsabilité de l'avocat, il convient en conséquence de confirmer le jugement dont appel en ce que Maître [W] a été condamné à payer à la Sasu Agec Cantier la somme de 1200 € en remboursement des sommes versées au titre des honoraires de postulation.

Sur la demande d'indemnisation pour la perte de chance subie par la Sasu Agec Cantier du fait des manquements de Maître Raynaud-Bardon

L'article 1231-1 du code civil dispose que 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.

Aux termes de l'article 1231-2 du même code, 'Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé (...) '.

En l'espèce, en raison du défaut de diligences de Maître [W] en sa qualité d'avocat postulant devant la cour d'appel de Montpellier, la Sasu Agec Cantier n'a pas pu faire valoir ses arguments pour contester le jugement du tribunal de commerce de Perpignan dans l'instance l'opposant à la société PH7 et a ainsi perdu une chance d'obtenir la réformation de cette décision et une décision favorable devant la cour.

Elle demandait à la cour d'appel de condamner la société PH7 à lui payer les sommes suivantes :

- 8732,78 € en principal, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure

- 40 € de frais accessoires

- 905 € de majorations de retard

- 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- les dépens d'appel et de première instance,

soit un total en principal de 12.177,78 € .

Il convient de rechercher quelles étaient les chances de succès de son action.

Le litige opposait la société PH7 dont M. [K] était le gérant et dont l'activité était la plomberie, à la Sasu Agec Cantier, cabinet d'expertise comptable.

Une lettre de mission avait été régularisée entre les parties, portant sur une mission comptable pour 3000 € HT par exercice et une mission sociale pour l'établissement des bulletins de paie pour 10 salariés, pour 250 € HT par mois.

La Sasu Agec Cantier a établi des factures périodiques, puis émis le 30 septembre 2011 une facture de régularisation n° 11/3730 de 12.493 € HT (14.941,63 € TTC), au titre de l'exercice clos le 30 juin 2011.

Elle a été déboutée de sa demande en paiement de la somme de 8732,78 € en principal au motif que la facture de régularisation du 30 septembre 2011 n'était pas conforme aux dispositions de la lettre de mission, qu'en effet cette lettre de mission prévoyait que les interventions supplémentaires donneraient lieu à une information préalable, qu'en cas d'accroissement significatif des travaux lié notamment au développement de l'activité du client, les honoraires seraient susceptibles d'être revus, qu'il était précisé qu'au cas où ce réajustement excéderait 30 % des honoraires acceptés, un avenant serait établi, que toute prestation complémentaire devrait faire l'objet d'une information préalable du client afin que celui-ci soit en mesure de manifester son accord et que la Sasu Agec Cantier n'avait pas informé son client préalablement à leur exécution, du tarif des prestations complémentaires qui auraient été réalisées et ne lui avait pas proposé d'avenant.

Les conclusions d'appelant versées au débat et non notifiées par Maître [W] mentionnent comme moyens d'appel que pour la débouter de ses demandes, le tribunal de commerce avait fait une lecture tronquée de la lettre de mission et ne s'était pas référé à l'ensemble de la lettre de mission, qu'en effet la période de facturation litigieuse correspondait à une période de 17 mois et non de 12 mois, ce dont le tribunal n'a pas tenu compte, que la facture ne correspondait pas à un complément d'honoraires sur les travaux entrant dans la mission de base mais à la facturation de diligences effectuées à la demande de la société PH7 et bien prévues dans la lettre de mission, à savoir des interventions supplémentaires aux missions comptables, fiscales et sociales (gestion administrative d'événements occasionnels courants, évaluation de l'entreprise de M. [K] [M] pour l'apport du fonds de commerce à l'Eurl PH7, entretiens et déplacements rendez-vous avocat, échanges, rescrit fiscal ...), qu'aucune contestation des honoraires du cabinet comptable n'avait été émise par M. [K] durant leurs sept années de relations alors qu'elle avait toujours émis des factures supplémentaires, que la facture complémentaire litigieuse avait été enregistrée et incluse dans le bilan de la société en accord avec M. [K], et que la société PH7, qui avait demandé un échéancier de paiement et réglé deux échéances, ne saurait légitimement contester le bien fondé de cette facture.

Au vu de ces moyens particulièrement motivés et des pièces versées au débat, il apparaît que la Sasu Agec Cantier a perdu par la faute de Maître [W] une chance très sérieuse d'obtenir en appel la réformation du jugement et la condamnation de la société PH7 au paiement des sommes réclamées.

Au vu de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, cette perte de chance doit être fixée à 75 % de la somme de 12.177,78 €, soit 9133,33 € .

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, compte tenu notamment du fait que le principal du litige portait sur une perte de chance, préjudice dont le montant était par essence discutable, le caractère abusif de la résistance de Maître [W] ne saurait être retenu.

Il convient d'infirmer sur ce point la décision dont appel et de débouter la Sasu Agec Cantier de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Maître [W] ne saurait être accueilli favorablement au titre de sa demande reconventionnelle en condamnation de la Sasu Agec Cantier pour procédure abusive alors qu'il est fait droit pour l'essentiel aux demandes de cette dernière. Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Maître [W], partie principalement perdante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel, avec application au profit de la Sas Cabinet Berkouk, avocat qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Il ne peut lui-même prétendre à une indemnité sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Castres en date du 11 décembre 2020 sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation accordée à la Sasu Agec Cantier et la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne Maître [W] à payer à la Sasu Agec Cantier la somme de 9133,33 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'obtenir une décision favorable devant la cour d'appel.

Déboute la Sasu Agec Cantier de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Condamne Maître [W] aux dépens d'appel.

Condamne Maître [W] à payer à la Sasu Agec Cantier la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée à ce titre en première instance.

Déboute Maître [W] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Accorde à la Sas Cabinet Berkouk, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

Mme DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00375
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.00375 ?
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