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27/06/2023 | FRANCE | N°21/02531

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 27 juin 2023, 21/02531


27/06/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/02531

N° Portalis DBVI-V-B7F-OGVU

CR / RC



Décision déférée du 13 Avril 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI (19/01377)

MME MARCOU

















[H] [N]





C/



[U] [R]

E.A.R.L. [Adresse 12]





























































INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Monsieur [H] [N]

[Adresse 14]

[Localité 15] [Localité 17]

Représenté par Me Emmanuel GIL de la S...

27/06/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/02531

N° Portalis DBVI-V-B7F-OGVU

CR / RC

Décision déférée du 13 Avril 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI (19/01377)

MME MARCOU

[H] [N]

C/

[U] [R]

E.A.R.L. [Adresse 12]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [H] [N]

[Adresse 14]

[Localité 15] [Localité 17]

Représenté par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [U] [R]

[Adresse 12]

[Localité 15] [Localité 16]

Représenté par Me Luc RIMAILLOT de la SELARL ALARY FEMENIA RIMAILLOT, avocat au barreau D'ALBI

E.A.R.L. [Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 15] [Localité 16]

Représentée par Me Luc RIMAILLOT de la SELARL ALARY FEMENIA RIMAILLOT, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

M. [H] [N] est propriétaire de plusieurs parcelles sises sur la commune de [Localité 15] et notamment des parcelles cadastrées F[Cadastre 4] et F[Cadastre 5] lieu-dit '[Localité 13]', acquises par acte notarié du 1er février 2005.

Le 15 décembre 2017, M. [U] [R] et Mme [P] [K] épouse [R] ont acquis de la Safer diverses parcelles de terre à usage agricole sises sur la même commune, dont les parcelles cadastrées F [Cadastre 9] et F [Cadastre 10]. Ils ont confié l'exploitation desdites parcelles à l'Earl [Adresse 12] cogérée par MM. [M] et [U] [R].

Se plaignant de la disparition d'un fossé et de son remplacement pour un drain sous-dimensionné ne permettant plus l'écoulement des eaux pluviales, M. [N] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albi d'une demande d'expertise, ordonnée le 15 juin 2018 et confiée à M. [T], lequel a déposé son rapport le 13 février 2019.

Par acte d'huissier du 10 septembre 2019, M. [H] [N] a fait assigner l'Earl [Adresse 12] et M. [U] [R] devant le tribunal judiciaire d'Albi aux fins de les entendre condamner in solidum à réaliser sous astreinte les travaux préconisés par l'expert.

Par jugement contradictoire en date du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire d'Albi a :

- rejeté toutes conclusions contraires,

- débouté M. [H] [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté M. [U] [R] et l'Earl [Adresse 12] de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné M. [H] [N] aux dépens de l'instance et aux frais d'expertise judiciaire ordonnée en référé.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré au visa de l'article 640 du code civil que si le propriétaire du fonds inférieur soumis à l'écoulement naturel des eaux provenant du fonds supérieur ne pouvait empêcher l'écoulement des eaux pluviales, en revanche il n'avait aucune obligation d'en faciliter l'écoulement sur son fonds, étant uniquement tenu de permettre à son voisin de pénétrer sur le fonds servant si des travaux s'avéraient nécessaires pour un écoulement normal des eaux pluviales, les travaux étant dans cette hypothèse à la charge du bénéficiaire de la servitude ; que par ailleurs si le propriétaire du fonds servant pouvait faire des travaux de nature à réduire les inconvénients de la servitude, ces travaux ne devaient pas nuire à son exercice, tandis que le propriétaire du fonds dominant ne pouvait aggraver la servitude d'écoulement ; qu'en l'espèce, antérieurement à l'acquisition de M.[R], M.[N] avait mis en 'uvre cinq drains se déversant dans un fossé présent sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] ; que si M.[R] avait comblé le fossé se trouvant sur ses parcelles et posé à la place un drain de 200 mm, il n'était pas démontré que M. [R] ou l'Earl [Adresse 12] aurait, par la réalisation de ces travaux sur le fonds servant, empêché ou nui à l'exercice de la servitude d'écoulement des eaux pluviales au préjudice des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] de M. [N].

Par déclaration en date du 7 juin 2021, M. [H] [N] a relevé appel de l'intégralité des dispositions de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 2 mars 2023, M. [H] [N], appelant, demande à la cour, au visa des articles L. 131-1 et suivants du code de procédure civile d'exécution, de l'article 640 du code civil, et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- réformer partiellement le jugement dont appel, en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens de l'instance et aux frais d'expertise,

Statuant à nouveau :

- condamner in solidum l'Earl [Adresse 12] et M. [U] [R] à mettre en place ou faire mettre en place à leur frais exclusifs, dans la continuité hydraulique des 5 drains de ses parcelles, section F n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] situées lieudit [Localité 13] à [Localité 15], une buse d'un diamètre minimal de 500 ml entre le regard et le fossé situé entre les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], soit d'une longueur d'environ 220 ml, ce busage devant être en béton ou annelé avec l'intérieur lisse, et les 5 drains et la buse DN 400 devront arriver et partir de l'intérieur du regard de jonction, l'ensemble conformément aux préconisations de l'expert judiciaire ;

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 32ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

- débouter l'Earl [Adresse 12] et M. [U] [R] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner in solidum l'Earl [Adresse 12] et M. [U] [R] d'avoir à lui régler la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de référé, d'expertise judiciaire et d'appel en ce compris le coût de l'expertise judiciaire réalisée par M. [I] [T].

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 22 mars 2023, l'Earl [Adresse 12] et M. [U] [R], intimés, appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 640 et 642 du code de civil, de :

Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture,

Sur l'appel principal,

- « infirmer » la décision dont appel,

- débouter M. [H] [N] de l'ensemble des demandes, fins et conclusions.

Sur l'appel incident,

- condamner M. [H] [N] à construire un regard sur sa parcelle permettant de raccorder de façon étanche ses 5 drains à une buse en 400 mm laquelle traversera les parcelles propriétés des requis, comme l'y oblige l'article L 152-20 du code rural, pour déboucher dans le ruisseau de Candour à l'intersection des parcelles n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] , pour une longueur de 335m, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 30éme jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

- condamner M. [H] [N] à leur payer la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [H] [N] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

L'ordonnance de clôture, initialement prononcée le 7 mars 2023, a été révoquée d'accord entre les parties avant l'ouverture des débats, le 28 mars 2023, et fixée par la cour au jour de l'audience de plaidoiries.

SUR CE, LA COUR,

1°/ Sur la servitude d'écoulement des eaux et la demande de busage présentée par M.[N]

Selon les dispositions de l'article 640 du code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement. Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

Par ailleurs, selon celles de l'article 641 du même code, tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. Si l'usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d'écoulement établie par l'article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur.

En l'espèce, il est constant que les terres agricoles de M.[N], notamment les parcelles F [Cadastre 4] et [Cadastre 5] se situent en amont des parcelles F [Cadastre 9] et [Cadastre 10] appartenant aux époux [U] [R], exploitées par l'Earl [Adresse 12]. Au vu du plan établi dans la note expertale n°1 de M. [T] du 27 novembre 2018 (pièce 16 de l'appelant), ces terres se trouvent dans le sens du bassin versant, se situant elles-mêmes en aval d'autres parcelles appartenant à des tiers à la procédure, notamment la parcelle [Cadastre 11].

La note à portée hydraulique réalisée par M. [Z] [B] à la requête de M.[N] (pièce 18 de l'appelant) et les photographies aériennes qui y sont intégrées (datant successivement de 1955, 1980, 2003 et 2006) relate, sans être utilement combattue sur ce point, l'évolution agronomique de ce bassin versant , les petites parcelles cultivées ayant commencé à être regroupées à partir des années 50-60 pour arriver progressivement à un système parcellaire simplifié, un fossé principal de drainage figurant sur la carte IGN s'étalant sur une aire d'environ 31 hectares, d'une pente d'environ 1%, permettant le rejet naturel des eaux de ruissellement du bassin versant dans le ruisseau de Candour, les terres de M. [N] se situant dans leur quasi-intégralité dans cette zone d'écoulement. Le système d'écoulement des eaux de surface des fonds [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] appartenant à M.[N] a été modifié entre 2003 et 2006, le fossé existant ayant été progressivement remplacé par un système de drains par canalisations enterrées, permettant la réunification des petites surfaces pour en faire des champs adaptés à l'agriculture mécanisée, les eaux de ruissellement étant canalisées. A la fin de l'année 2008, l'ensemble des conduites enterrées évacuaient les eaux de surface, notamment de la propriété [N], vers le fossé subsistant en aval à ciel ouvert en limite des parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 4] ([N]) et [Cadastre 10] ( [R]) permettant leur évacuation au travers des parcelles F[Cadastre 10], [Cadastre 9] et [Cadastre 7] devenues depuis propriété des époux [R] où il se poursuivait jusqu'au ruisseau de Candour. Cette situation ne caractérisait aucune aggravation de la servitude d'écoulement grevant les fonds [Cadastre 9] et [Cadastre 10] au profit des parcelles situées en amont F [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5]. Ainsi que l'a justement relevé l'expert judiciaire, il n'est pas démontré qu'une difficulté d'écoulement des eaux drainées sur les fonds dominants appartenant à M.[N] préexistait à l'acquisition par les époux [R] le 15 décembre 2017 des parcelles F[Cadastre 10] et [Cadastre 9], fonds servants. Une telle difficulté n'est pas davantage démontrée en cause d'appel avant la réalisation des propres travaux de drainage des terrains des époux [R] situés en contrebas des terres de M.[N].

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire, qu'après leur acquisition, les époux [R] et/ou leur exploitant l'Earl [Adresse 12] ont réalisé entre décembre 2017 et octobre 2018 des travaux de drainage des terres acquises le 15 décembre 2017, comblant le fossé existant à ciel ouvert sur la parcelle F[Cadastre 10] et réalisant sur 200 ml un drainage au moyen d'un unique tuyau en Pvc de diamètre de 200 millimètres raccordé à un regard en bloc à bancher bâti sur la parcelle F[Cadastre 10] en limite d'avec la parcelle F[Cadastre 4] de M.[N].

L'expert judiciaire a relevé que ce regard avait été réalisé sans connexion directe avec les cinq drains existants destinés jusqu'alors à drainer les terres de M.[N] jusqu'au fossé à ciel ouvert, deux drains de 200 mm chacun, et 3 drains de 160 mm chacun soit 396 mm au total, cette absence de connexion constituant à elle seule un frein hydraulique aux écoulements des eaux venant de l'amont. Il précise que l'espace laissé entre le regard et les cinq drains existants se comblera au fil du temps et finira par colmater l'arrivée des drains de la propriété [N].

Il a relevé par ailleurs que si le drain aval de 200 mm de diamètre réalisé sur la propriété [R] était bien connecté à l'intérieur du regard, il n'était en revanche pas d'un diamètre suffisant pour évacuer les eaux provenant des parcelles amont, suffisant uniquement à drainer la parcelle F[Cadastre 10] mais ne pouvant prendre en charge d'autres écoulements, dont ceux provenant des terres [N] situées en amont, la continuité hydraulique imposant tant l'installation d'une buse en béton ou annelée avec l'intérieur lisse d'un diamètre minimal de 400 mm entre le regard sis sur la parcelle F[Cadastre 10] et le fossé à ciel ouvert subsistant en contrebas entre les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], soit sur une longueur d'environ 220 ml, que le raccordement au niveau du regard de jonction des cinq drains de la propriété [N]. Il a précisé que pour assurer la cohérence des écoulements et éviter tout problème futur, le dimensionnement des drains à l'aval devrait tenir compte du dimensionnement du système de drainage amont des parcelles de M.[N] tout autant que des écoulements d'eaux superficielles des fossés communaux et des voiries.

Ce que l'huissier Me [F] qualifie dans son constat du 28 juillet 2021 (pièce 5 des intimés) de « tête de pont » en pierres sèches en limite des parcelles F[Cadastre 4] et [Cadastre 5] n'est autre que la sortie initiale des drains de la propriété [N] au niveau du fossé à l'époque à ciel ouvert sur la parcelle F[Cadastre 10] à l'extrémité de la limite des parcelles F[Cadastre 4] et [Cadastre 5]. Ces pierres sèches apparaissent sur la photo 3 en page 8 du rapport d'expertise (en plus gros plan en page 6 de la note expertale n°1). Sur le constat susvisé apparaît une pierre rajoutée manifestement pour protéger l'espace entre le regard réalisé sur la propriété [R] et la sortie des drains à l'extrémité des parcelles F[Cadastre 4] et [Cadastre 5]. Aucun défaut d'entretien n'est caractérisé à ce titre à l'égard de M.[N] de nature à aggraver la situation de frein à l'écoulement des eaux pluviales générée par les seuls travaux réalisés sur la parcelle F [Cadastre 10] après leur acquisition par les époux [R] et/ou leur exploitant.

L'expert judiciaire a par ailleurs constaté qu'il existait en amont de la parcelle [Cadastre 3] de M.[N] et les parcelles lui appartenant n° 68, 69, [Cadastre 4] et [Cadastre 5] situées en aval de la parcelle [Cadastre 3] un collecteur à ciel ouvert. Il a relevé qu'en cas de colmatage des drains existant en amont de ce bassin, la parcelle [Cadastre 3] de M.[N] aurait été inondée alors que par rapport au constat d'huissier produit et aux pièces des parties, les parcelles présentant de l'eau en surface étaient les parcelles aval [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 10], confortant la situation du frein hydraulique à l'aval du bassin.

Le constat d'huissier du 2 mars 2020 produit en pièce 4 par les intimés, dressé après de fortes pluies, s'il établit que les terres des époux [R] étaient inondées tandis que celles de M. [N] ne l'étaient pas, ne fait que conforter cette situation de frein hydraulique, le drainage réalisé par les époux [R] étant juste suffisant pour drainer la parcelle F[Cadastre 10] mais ne pouvant prendre en charge d'autres écoulements, le surplus d'eau arrivant de l'amont (parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 4] de M.[N]), non drainé, déborde nécessairement au niveau du regard et des drains devenus inefficaces pour se retrouver sur le fonds aval F [Cadastre 10], le flux d'eau, suivant la pente, se déversant avec un débit important en fond de parcelle dans le fossé destiné depuis l'origine à recueillir les eaux pluviales.

Il résulte de ces éléments d'une part, que les travaux de drainage des terres agricoles réalisés par M.[N] avant l'acquisition du fonds F [Cadastre 10] par les époux [R] n'étaient pas de nature à aggraver la servitude d'écoulement due par ce fonds, l'évacuation des eaux ainsi drainées s'effectuant dans le fossé à ciel ouvert menant au ruisseau de Candour sans difficultés ou dommages au fond servant ; d'autre part, que ce sont les propres travaux de drainage réalisés par les époux [R] ou leur exploitant qui, en comblant le fossé existant, en réalisant un regard faisant totalement abstraction des drains visibles servant à la desserte des fonds supérieurs, et en installant un drain insuffisant à desservir les écoulements provenant des fonds supérieurs, ont créé un frein hydraulique à ces écoulements, contrevenant ainsi aux obligations incombant aux propriétaires du fonds servant au sens de l'article 640 susvisé.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il convient, pour permettre la continuité de la desserte des fonds supérieurs, de condamner M.[U] [R], propriétaire des fonds F [Cadastre 9] et [Cadastre 10] et débiteur à ce titre de la servitude légale d'écoulement des eaux pluviales, aucune condamnation ne pouvant être prononcée sur le fondement de l'article 640 du code civil contre l'Earl [Adresse 12] appelée à la procédure uniquement en qualité d'exploitante des époux [U] [R], d'une part, à mettre en place ou faire mettre en place à ses frais exclusifs, dans la continuité hydraulique des cinq drains desservant les parcelles F n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] appartenant à M.[N], une buse en béton ou annelé avec intérieur lisse de type Ecopal d'un diamètre minimal de 400 mm entre le regard en béton sis sur la parcelle F[Cadastre 10] et le fossé existant à ciel ouvert situé entre les parcelles F [Cadastre 7] et [Cadastre 8], soit sur une longueur d'environ 220 ml, d'autre part, de réaliser dans ledit regard en béton le raccordement des cinq drains desservant les fonds supérieurs avec la buse de 400 mm selon le schéma réalisé en page 18 du rapport d'expertise. Le regard en béton ayant été installé sur la parcelle F [Cadastre 10] par les époux [R] et/ou leur exploitant après comblement du fossé à ciel ouvert existant qui assurait sans insuffisance la desserte des écoulements d'eaux des fonds supérieurs, sans tenir compte des drains d'ores et déjà existants en limite des fonds [N], le raccordement desdits drains avec la future buse incombe en effet exclusivement au propriétaire du fonds servant. Ces travaux devront être réalisés dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt. Compte tenu de l'ancienneté du litige, il convient de dire qu'à défaut d'exécution dans le délai imparti, cette condamnation est assortie d'une astreinte provisoire de 250 € par jour de retard, astreinte qui courra pendant un délai maximum de trois mois.

2°/ Sur la demande reconventionnelle de l'Earl [Adresse 12] et de M.[U] [R]

Au visa des articles L 152-20 et L 152-21 du code rural, les intimés, sollicitent la mise en conformité de l'installation de drainage de M.[N], demandant à ce qu'il raccorde de façon étanche ses cinq drains à une buse en 400 mm devant traverser selon eux leurs parcelles F [Cadastre 6], [Cadastre 7] depuis la limite des parcelles F[Cadastre 5] et [Cadastre 4], via une parcelle F[Cadastre 2] située en contrebas de la parcelle [Cadastre 7], jusqu'à l'extrémité sud-est de la parcelle F[Cadastre 1] appartenant à M.[N] pour y rejoindre à ce niveau directement le ruisseau de Candour qui la borde.

L'article L 152-20 prévoit que tout propriétaire qui veut assainir son fonds par le drainage ou un autre mode d'assèchement peut, moyennant une juste et préalable indemnité, en conduire les eaux souterrainement ou à ciel ouvert à travers les propriétés qui séparent ce fonds d'un cours d'eau ou de toute autre voie d'écoulement. L'article L 152-21 dispose quant à lui que les propriétaires des fonds voisins ou traversés ont la faculté de se servir des travaux faits en vertu de l'article L 152-20 pour l'écoulement des eaux et de leurs fonds.

Il ne peut qu'être constaté qu'il n'est nullement établi en l'espèce que le drainage réalisé par M.[N] sur ses propres fonds, notamment le fonds F[Cadastre 3] en limite d'un fonds supérieur [Cadastre 11], serait atteint d'une non conformité dommageable pour les fonds F [Cadastre 9], F [Cadastre 10] où ceux situés en contrebas desdits fonds. L'expert judiciaire n'a relevé aucune anomalie, notamment d'inondation, au niveau de la parcelle amont F[Cadastre 3] où a été installé un collecteur à ciel ouvert qui aurait pu être le signe d'un colmatage des drains en amont de ce bassin. Il a uniquement rappelé qu'un mauvais état ou un mauvais entretien des drains pouvait être de nature à engendrer un frein aux différents écoulements amont et aval, précisant qu'il n'avait pas été missionné pour la vérification du bon entretien et du fonctionnement des systèmes de drainage, mission qui aurait nécessité un passage caméra drain par drain, parcelle par parcelle. Aucune des parties n'a sollicité la réalisation d'une telle opération de vérification par extension de mission. Au demeurant, la cause des inondations constatées sur les parcelles F [Cadastre 4], [Cadastre 5] et F [Cadastre 10] ou des affouillements autour du regard béton construit sur la parcelle F [Cadastre 10] a été clairement identifiée ainsi que retenu ci-dessus par le frein hydraulique imputable aux seuls travaux réalisés sur leurs parcelles par les époux [R] et/ou leur exploitant après leur acquisition et l'absence de raccordement des drains préexistants au regard béton réalisé. M.[N] n'a par ailleurs pas réalisé d'autre drainage que celui aboutissant en 2008 en limite de ses parcelles F [Cadastre 5] et [Cadastre 4] directement dans le fossé à ciel ouvert existant conduisant les eaux de ruissellement dans le ruisseau de Candour, fossé qui a été comblé par les époux [R] et/ou leur exploitant pour réaliser le drainage de leurs propres terres dans les conditions déficientes ci-dessus étudiées, privant le drainage réalisé par M.[N] de son efficacité initiale et constituant un obstacle à l'écoulement des eaux drainées. En conséquence, il ne saurait être imposé à M.[N] de réaliser à ses frais le drainage des propres terres des époux [R] jusqu'au ruisseau. Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce que le premier juge a débouté M.[U] [R] et l'Earl [Adresse 12] de leur demande reconventionnelle.

3°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en leurs prétentions respectives, L'Earl [Adresse 12] et M.[U] [R] supporteront ensemble les dépens de première instance, en ce compris les dépens de référé et les frais d'expertise judiciaire, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, et les dépens d'appel. Ils se trouvent redevables d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance qu'au titre de la procédure d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt et ne peuvent prétendre à l'application de ce texte à leur profit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce que le premier juge a débouté l'Earl [Adresse 12] et M.[U] [R] de leur demande reconventionnelle

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M.[U] [R], dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et sous peine d'astreinte provisoire de 250 € par jour de retard, à :

1°/ mettre en place ou faire mettre en place à ses frais exclusifs, dans la continuité hydraulique des cinq drains desservant les parcelles F n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] appartenant à M.[N], une buse en béton ou annelé avec intérieur lisse de type Ecopal d'un diamètre minimal de 400 mm entre le regard en béton sis sur la parcelle F[Cadastre 10] et le fossé existant à ciel ouvert situé entre les parcelles F [Cadastre 7] et [Cadastre 8], soit sur une longueur d'environ 220 ml

2°/ réaliser dans ledit regard en béton le raccordement des cinq drains desservant les fonds supérieurs avec la buse de 400 mm selon le schéma réalisé en page 18 du rapport d'expertise

Dit que l'astreinte provisoire ci-dessus fixée courra pendant un délai maximum de trois mois

Dit que l'Earl [Adresse 12], mise en cause exclusivement en qualité d'exploitante des fonds appartenant à M.[U] [R] et Mme [P] [K] épouse [R], ne peut être tenue des obligations ci-dessus

Condamne l'Earl [Adresse 12] et M.[U] [R] pris ensemble aux dépens de première instance, en ce compris les dépens de référé et les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'aux dépens d'appel

Condamne l'Earl [Adresse 12] et M.[U] [R] pris ensemble à payer à M. [H] [N] une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel

Déboute l'Earl [Adresse 12] et M.[U] [R] de leur demande d'indemnité sur ce même fondement.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/02531
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.02531 ?
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