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13/06/2023 | FRANCE | N°21/03130

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 juin 2023, 21/03130


13/06/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/03130

N° Portalis DBVI-V-B7F-OI35

CR/ND



Décision déférée du 11 Juin 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE (19/02108)

Mme GIGAULT

















[B] [M]

[R] [S] épouse [M]





C/



S.A.S. BERNARD TURINI












































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTS



Monsieur [B] [M]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Christian NGUYEN-NGHIEM d...

13/06/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/03130

N° Portalis DBVI-V-B7F-OI35

CR/ND

Décision déférée du 11 Juin 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE (19/02108)

Mme GIGAULT

[B] [M]

[R] [S] épouse [M]

C/

S.A.S. BERNARD TURINI

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Monsieur [B] [M]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Christian NGUYEN-NGHIEM de la SCP GARY, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [R] [S] épouse [M]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Christian NGUYEN-NGHIEM de la SCP GARY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. BERNARD TURINI

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Isabelle PEYCLIT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. ROUGER, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. ROUGER, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier de chambre

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

Propriétaires d'une maison d'habitation à [Adresse 4]), M. [B] [M] et Mme [R] [S] épouse [M], ont commandé des meubles de cuisine réalisés sur mesure auprès de la Sas Bernard Turini moyennant le prix de 4 346,54 euros TTC.

Un acompte de 1 800 euros a été réglé par les époux [M].

La Sas Bernard Turini a également été chargée de la pose des meubles de cuisine. Dès la fin de la première journée d'installation, des désordres ont été dénoncés par les époux [M].

Les parties se sont alors opposées sur la réalité de ces désordres et leurs responsabilités respectives.

Par courrier daté du 17 mai 2017, les époux [M] ont mis en demeure la Sas Bernard Turini de procéder à la mise en conformité de l'installation des meubles.

À défaut d'accord entre les parties, une expertise amiable s'est tenue le 26 juillet 2017, mais n'a pas permis aux parties de trouver une solution à leur litige.

Suivant décision du 14 mars 2018, le juge des référés du tribunal d'instance de Toulouse a ordonné une expertise judiciaire confiée à M.[G] [U].

L'expert a déposé son rapport le 28 janvier 2019.

Les meubles litigieux ont été retirés le 4 juillet 2019.

Par acte d'huissier en date du 17 juin 2019, les époux [M] ont fait assigner la Sas Bernard Turini devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d'indemnisation de leur préjudice.

Par jugement contradictoire en date du 11 juin 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- condamné la Sas Bernard Turini à payer à M. [B] [M] et Mme [R] [S] épouse [M] les intérêts légaux sur la somme de 1 800 euros pour la période courant du 17 juin 2019 au 04 juillet 2019 ;

- condamné la Sas Bernard Turini à payer à M. [B] [M] et Mme [R] [S] épouse [M] la somme de 3 140 euros en réparation de leur préjudice de jouissance;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la Sas Bernard Turini à payer à M. [B] [M] et Mme [R] [S] épouse [M] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la Sas Bernard Turini aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les dépens de l'instance de référé et les frais d'expertise judiciaire ;

-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré, s'agissant du remboursement de l'acompte de 1.800 €, que la mise en demeure du 17 mai 2017 ne portait pas sur une demande de remboursement dudit acompte mais uniquement sur une demande de reprise des malfaçons constatées et ne pouvait donc justifier l'octroi d'un intérêt moratoire à compter de cette date, retenant néanmoins que les intérêts légaux sur la somme de 1.800 € devaient courir à compter de l'assignation du 17 juin 2019 valant mise en demeure.

Concernant l'action en responsabilité, le premier juge a considéré que la Sas Bernard Turini ne contestait pas sa faute, au demeurant caractérisée par le rapport d'expertise, la cuisine conçue et fournie étant inadaptée et l'un des meubles fournis présentant une non conformité impliquant une impropriété à destination. Il a estimé que les époux [M] avaient subi un préjudice de jouissance n'ayant pu disposer d'une cuisine dans des conditions normales justifiant des dommages et intérêts mais qu'il n'était pas justifié d'un préjudice moral, la seule perte de chance de vendre la maison n'étant pas invoquée.

Par déclaration en date du 12 juillet 2022, M. [B] [M] et Mme [R] [S] épouse [M] ont relevé appel de ce jugement en ses dispositions relatives à l'évaluation de leur préjudice de jouissance et au rejet de leur demande d'indemnisation au titre d'un préjudice moral.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 20 septembre 2022, M. [B] [M] et Mme [R] [S] épouse [M], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, les articles 1231 et suivants du code civil, et des articles L. 217-10 et suivants du Code de la consommation, et des articles 700 et suivants du code de procédure civile, de :

- réformant la décision entreprise dans toutes ses dispositions,

- condamner la société Bernard Turini à leur verser les intérêts légaux sur la somme de 1.800 euros pour la période du 17 mai 2017 au 6 août 2019 ;

- condamner la société Bernard Turini à leur verser la somme de 6.538,26 euros au titre de leur préjudice de jouissance, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

- condamner la société Bernard Turini à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de leur préjudice moral assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

- condamner la société Bernard Turini à leur verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile ;

- condamner la société Bernard Turini aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais de l'instance de référé et de l'expertise judiciaire, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Jean-David Bascugnana sur ses affirmations de droit ;

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 4 mai 2022, la Sas Bernard Turini, intimée, appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1231 et suivants du code civil, de :

- réformer partiellement le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux [M] la somme de 3.140 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau,

- débouter les époux [M] de leur demande de dommages et intérêts à valoir sur le préjudice de jouissance prétendument subi,

- confirmer le jugement dont appel pour le surplus,

A titre subsidiaire,

- réduire le montant des dommages et intérêts sollicités par les époux [M] à de plus justes proportions et le cantonner à la somme allouée en première instance,

En toute hypothèse,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2023.

L'affaire a été examinée à l'audience du 21 mars 2023.

SUR CE, LA COUR :

1°/ Sur le remboursement de l'acompte

Il ressort des explications des parties et des pièces produites que l'acompte de 1.800 € versé par les époux [M] à la Sas Bernard Turini à hauteur de 800 € lors de la commande du 15 février 2017 et de 1.000 € lors de la livraison des meubles intervenue le 10 mai 2017 a finalement été remboursé par la Sas Bernard Turini par chèque Carpa adressé au conseil des époux [M] le 6 août 2019, après l'assignation au fond délivrée le 17 juin 2019.

A défaut de toute mise en demeure préalable à l'assignation, en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, la Sas Bernard Turini ayant acquiescé à la mise à néant du contrat par l'enlèvement des meubles de cuisine intervenu le 4 juillet 2019 et à son obligation de remboursement des suites de l'exécution défectueuse de ses prestations, les intérêts au taux légal sur le montant dû au titre du remboursement de l'acompte courent effectivement à compter du 17 juin 2019 et ce, infirmant le jugement entrepris sur ce point, jusqu'au 6 août 2019 date de l'envoi effectif au conseil des époux [M] du chèque Carpa de 1.800 €.

2°/ Sur les préjudices des époux [M]

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la cuisine fournie et installée par la Sas Bernard Turini début mai 2017, restée inachevée en raison de l'arrêt des travaux par les époux [M], puis démontée par la Sas Bernard Turini en juillet 2019, après l'introduction de l'instance au fond, était affectée de vices de conception et de non conformité quant à l'adéquation des équipements avec leur fonction et leur dimensionnement à savoir :

-un équipement mobilier inadapté en raison d'un mauvais calepinage des plans de travail et des meubles rendant visible la partie non carrelée de l'ancienne cuisine et générant un décalage dans l'alignement des meubles

-un meuble habillant la chaudière impropre à sa destination en raison d'un dimensionnement inapproprié, avec un vantail écaillé, mais surtout une absence de démontage et d'accessibilité pourtant obligatoire des parois de la chaudière pour son entretien annuel, le technicien gaz ayant établi un certificat de refus de la maintenance obligatoire de cette chaudière

-une absence de ventilation basse réglementaire,

l'expert concluant que la cuisine est inachevée et inutilisable en l'état et que la chaudière est sans entretien de sécurité. L'expert précise en page 8 de son rapport que depuis le 10/05/2017 les époux [M] n'ont disposé que d'une cuisine d'appoint de type « camping » (photo 8 annexée au rapport révélant une petite gazinière portative posée sur une table roulante alimentée par une bouteille de gaz), à ce titre incomplète pour une jouissance normale. Cette situation, à elle seule, pour une famille de 4 personnes est nécessairement génératrice d'un préjudice de jouissance dont la Sas Bernard Turini, laquelle ne conteste pas ses manquements professionnels, doit réparation aux époux [M].

L'expert précise néanmoins en page 11 qu'une cuisine fut-elle de qualité « camping » n'empêche pas sa fonction qui est de réaliser des repas. A aucun moment il n'est indiqué que la cuisine inachevée serait privée de point d'eau.

Il ne peut par ailleurs être imputé à faute aux époux [M] d'avoir interrompu le chantier des suites des travaux inadaptés et non conformes réalisés par la Sas Bernard Turini ni de ne pas avoir accepté les propositions de reprises de la Sas Bernard Turini alors que par ailleurs elle exigeait sur nouveau devis, un solde à verser par les époux [M] de 2.564,59 € (page 9 du rapport d'expertise).

Le coût d'une réfection de la cuisine par une autre entreprise ressortait au moment de l'expertise judiciaire à 8.475,98 € Ttc qu'il ne peut être reproché aux époux [M] de ne pas avoir été en mesure d'avancer, leur acompte de 1.800 € n'ayant au surplus été remboursé que le 6/08/2019.

Les époux [M] ont donc subi un préjudice de jouissance imputable à la Sas Bernard Turini faute d'avoir pu jouir pleinement de leur cuisine pendant plus de deux ans, que ce soit pour les repas quotidiens, les fêtes de famille ou les moments de convivialité entre amis, de sorte que la somme réclamée en cause d'appel à hauteur de 6.538,36 €, qui représente une indemnité mensuelle moyenne de l'ordre de 272 € sur 24 mois pour une famille de 4 personnes est raisonnable et adaptée à l'importance du préjudice subi. Il convient en conséquence, infirmant le jugement entrepris sur ce point, de condamner la Sas Bernard Turini à leur payer ladite somme à titre de dommages et intérêts.

Cette indemnité étant de nature à couvrir tous les désagréments subis du fait de l'atteinte à la jouissance normale de la cuisine dont la rénovation avait été confiée à la Sas Bernard Turini, y compris l'atteinte à la vie familiale et sociale, il ne peut y avoir double indemnisation au titre d'un préjudice moral recouvrant les mêmes dommages.

Pour le surplus, s'il est justifié par les époux [M] qu'ils avaient donné un mandat de vente de leur maison en novembre 2017, il ne peut qu'être relevé que ce mandat de vente avait été donné alors que la cuisine était inachevée depuis mai 2017, de sorte qu'ils ne peuvent utilement soutenir qu'ils ont dû se résoudre à retirer l'immeuble de la vente en mars 2019 faute de cuisine en fonctionnement dans l'attente de la résolution du différend. Les conséquences psychologiques liées à ce projet de vente telles qu'invoquées par ailleurs ne sont nullement établies et ne peuvent se présumer. Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce que le premier juge a débouté les époux [M] de leur demande d'indemnisation au titre du préjudice moral.

3°/ Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Partie principalement succombante la Sas Bernard Turini supportera les dépens de première instance en ce compris les dépens de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel. Elle se trouve redevable d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance, telle que justement appréciée par le premier juge, qu'au titre de la procédure d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt .

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce que le premier juge a dit que les intérêts légaux sur la somme de 1.800 € courraient jusqu'au 4 juillet 2019 et quant à l'indemnité allouée au titre du préjudice de jouissance

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que les intérêts légaux sur la somme de 1.800 € courront du 17 juin 2019 au 6 août 2019

Condamne la Sas Bernard Turini à payer à M.[B] [M] et Mme [R] [S] épouse [M] pris ensemble la somme de 6.538,26 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance

Condamne la Sas Bernard Turini aux dépens d'appel avec autorisation de recouvrement direct au profit de M.Jean-David Bascugnana, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Condamne la Sas Bernard Turini à payer à M.[B] [M] et Mme [R] [S] épouse [M] pris ensemble une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Le Greffier Le Président

R. CHRISTINE C. ROUGER

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/03130
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;21.03130 ?
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