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13/06/2023 | FRANCE | N°21/02993

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 juin 2023, 21/02993


13/06/2023



ARRÊT N°2023/



N° RG 21/02993

N° Portalis DBVI-V-B7F-OINF

SL/LT



Décision déférée du 01 Juin 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Montauban - 19/00461

A. RIBEYRON

















S.A. MUTEX





C/



[D] [E] [U]

















































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée

le 13 juin 2023

à Me BENOIT-DAIEF, Me SUCAU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



S.A. MUTEX venant aux droits de la Mutuelle CHORUM

agissant poursuites e...

13/06/2023

ARRÊT N°2023/

N° RG 21/02993

N° Portalis DBVI-V-B7F-OINF

SL/LT

Décision déférée du 01 Juin 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Montauban - 19/00461

A. RIBEYRON

S.A. MUTEX

C/

[D] [E] [U]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 13 juin 2023

à Me BENOIT-DAIEF, Me SUCAU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A. MUTEX venant aux droits de la Mutuelle CHORUM

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

Madame [D] [E] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry SUCAU de la SELARL SPBS AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffière de chambre.

EXPOS'' DES FAITS ET DE LA PROC''DURE :

Selon contrat signé le 21 mai 2014, l'association départementale d'amis et de parents de personnes handicapées mentales d'Aveyron et de Tarn-et-Garonne (ci-après l'ADAPEI) a engagé Mme [D] [E] [U] en qualité d'agent de service intérieur, en contrat à durée déterminée pour une durée de 3 ans (contrat en emploi d'avenir), prenant fin le 20 mai 2017.

Le contrat prévoyait qu'elle bénéficierait des avantages de retraite et de prévoyance accordés aux salariés de l'association, et serait affiliée, à titre obligatoire au groupe Vauban.

Mme [E] [U] a été placée en arrêt de travail du 30 août 2015 au 27 novembre 2015.

A effet du 1er janvier 2016, l'ADAPEI de l'Aveyron et du Tarn-et-Garonne a conclu un contrat d'assurance collective à adhésion obligatoire pour ses salariés auprès de la société mutualiste Chorum, immatriculée sous le Siren 784 621 419.

Du 21 mars 2016 au 29 juin 2016, Mme [D] [E] [U] a connu un arrêt de travail. Elle a ensuite été placée en mi-temps thérapeutique du 2 juillet au 10 août 2016 puis du 6 septembre au 10 octobre 2016. A compter du 10 octobre 2016, elle a été de nouveau placée en arrêt de travail.

Le 20 avril 2017, Mme [D] [E] [U] a été reconnue comme relevant de l'invalidité deuxième catégorie par la caisse primaire d'assurance maladie de Tarn-et-Garonne (état d'invalidité réduisant des deux tiers au moins la capacité de travail ou de gain) avec un point de départ de la pension au 1er juin 2017.

Son contrat de travail a pris fin le 20 mai 2017 au terme prévu. Le certificat de travail prévoit qu'en application de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale, Mme [E] [U] bénéficie de la garantie prévoyance pendant sa période de prise en charge par l'assurance chômage et au maximum pendant 12 mois.

Le 11 juillet 2017, Mme [D] [E] [U] a sollicité de la mutuelle Chorum la mobilisation de sa garantie invalidité deuxième catégorie à effet du 1er juin 2017.

Par acte d'huissier de justice du 24 mai 2019, Mme [D] [E] [U] a fait assigner la mutuelle Chorum devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins de paiement de sa prestation d'invalidité.

Par conclusions enregistrées le 16 octobre 2019, la Sa à conseil d'administration Mutex a déclaré intervenir volontairement à la procédure, indiquant venir aux droits de la mutuelle Chorum.

Par ordonnance du 10 décembre 2019, le juge de la mise en état a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [I] [V].

Ce dernier a rendu son rapport le 22 septembre 2020.

Par jugement du 1er juin 2021, le tribunal judiciaire de Montauban a :

- déclaré la société Mutex recevable en son intervention volontaire,

- mis hors cause la mutuelle Chorum,

- dit que la société Mutex doit sa garantie invalidité à Mme [D] [E] [U] à compter du 1er juin 2017,

- condamné la société Mutex à payer à Mme [D] [E] [U] la somme de 22 148 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de la garantie invalidité, à compter de l'assignation du 24 mai 2019,

- débouté Mme [D] [E] [U] de sa demande indemnitaire au titre de la résistance abusive,

- condamné la société Mutex à payer à Mme [D] [E] [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700,1° du code de procédure civile,

- condamné la société Mutex aux dépens en application des disposition de l'article 696 du code de procédure civile et accordé à Me Laure Serny, qui en a fait la demande, le droit de recouvrer directement les dépens en application de l'article 699 du même code,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré qu'il résultait du rapport d'expertise que le fait générateur de l'invalidité préexistait à la date d'entrée en vigueur du contrat de prévoyance de la société Mutex et qu'il était à l'origine des arrêts maladie ; qu'en conséquence, la société Mutex ne devait pas sa garantie à Mme [E] [U] au titre des dispositions des articles 2 et 7 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 qui prévoient qu'une cas de succession d'organismes assureurs, l'organisme assureur résilié est tenu de prendre en charge un sinistre survenu après la résiliation au titre des 'prestations différées', lorsqu'il est démontré que ce sinistre résulte du même fait générateur qu'un sinistre survenu pendant l'exécution du contrat.

Il a estimé que cependant, dès lors que les conditions générales du contrat ne prévoyaient aucune condition quant à la date d'apparition de la pathologie à l'origine de l'invalidité dont l'assurée demandait l'indemnisation ni quant à l'absence d'antériorité de la maladie à l'origine de l'invalidité, la compagnie Mutex devait à Mme [D] [E] [U] sa garantie invalidité selon les conditions d'acquisition prévues contractuellement.

Il a dit que compte tenu des modes de calcul prévus contractuellement, et conformément à la demande de Mme [E] [U], la somme due par la société Mutex au titre de la garantie invalidité devait être limitée à la somme de 22.148 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 24 mai 2019.

Par déclaration du 5 juillet 2021, la Sa Mutex a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que la société Mutex doit sa garantie invalidité à Mme [D] [E] [U] à compter du 1er juin 2017,

- condamné la société Mutex à payer à Mme [D] [E] [U] la somme de 22 148 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de la garantie invalidité, à compter de l'assignation du 24 mai 2019,

- condamné la société Mutex à payer à Mme [D] [E] [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700,1° du code de procédure civile,

- condamné la société Mutex aux dépens en application des disposition de l'article 696 du code de procédure civile et accorde à Me Laure Serny, qui en a fait la demande, le droit de recouvrer directement les dépens en application de l'article 699 du même code,

- ordonné l'exécution provisoire.

PR''TENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 21 février 2022, la Sa Mutex, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1565 à 1567 du code de procédure civile et des articles 2 et 7 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 dite loi Evin, de :

- la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

* dit que la société Mutex doit sa garantie invalidité à [D] [E] [U] à compter du 1er juin 2017,

* condamné la société Mutex à payer à Madame [D] [E] [U] la somme de 22.148 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de la garantie invalidité, à compter de l'assignation du 24 mai 2019,

* condamné la société Mutex à payer à Madame [D] [E] [U] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700, 1° du code de procédure civile,

* condamné la société Mutex aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et accorde à Maître Laure Serny qui en a fait la demande le droit de recouvrer directement les dépens en application de l'article 699 du même code,

* ordonné l'exécution provisoire,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [E] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [E] [U] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [E] [U] aux entiers dépens.

Elle soutient que selon les dispositions d'ordre public de la loi Evin, notamment l'article 7, la résiliation de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution ; qu'il convient en cas de succession d'assureurs de rechercher le fait générateur des prestations différées sollicitées pour déterminer quel organisme d'assurance doit mobiliser sa garantie ; que la pathologie de Mme [E] [U] est bien une pathologie différée au sens de l'article 7 de cette loi, découlant d'un état pathologique antérieur constaté et pris en charge sous l'empire du contrat Vauban Humanis ; que dès lors, elle ne doit pas sa garantie.

Elle fait valoir que les articles 8 à 9 des conditions générales règlent le cas des sinistres en cours tels que déclarés par l'employeur ; que ces articles ont vocation à reprendre les principes issus de la loi Evin. Enfin, elle estime que l'article 51 relatif à la garantie invalidité prévoit quant à lui les conditions classiques d'ouverture du droit à prise en charge, lesquels ont vocation à s'appliquer sous réserves des dispositions législatives impératives et des limitations et exclusions prévues par le contrat.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 22 novembre 2021, Mme [D] [E] [U], intimée, demande à la cour, au visa de l'article L 932 ' 6 du code de sécurité sociale, de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* jugé que la société Mutex doit sa garantie invalidité complémentaire à [D] [E] [U] à compter du 1er juin 2017,

* condamné la société Mutex à verser [D] [E] [U] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la première instance,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Mutex à lui payer la somme de 22 148 euros au titre de la garantie invalidité, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 24 mai 2019,

Et statuant à nouveau, condamner la société Mutex à lui verser la somme de 29 530,06 euros, calculée pour mémoire au titre de la période courant du 1er juin 2017 au 30 novembre 2021, et assortir la somme à actualiser à la date du prononcé de son arrêt, des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 24 mai 2019,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire au titre de la résistance abusive,

Et statuant à nouveau, condamner la Société Mutex au paiement de la somme de 2000 euros de dommages et intérêts à son profit,

- condamner la société Mutex à lui payer la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles afférents à la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle soutient que son cas exclut la notion de prestation différée. Elle fait valoir que le fait générateur de son état d'invalidité a pour origine un trouble spécifique de la personnalité évoluant depuis la petite enfance, et qui n'est donc né ni pendant la période de couverture du contrat Vauban Humanis, ni pendant la période de couverture du contrat Chorum, et qui se caractérise par son évolution, dont les dernières manifestations sont survenues sous l'empire du contrat de prévoyance Chorum et ont donné lieu à une prise en charge au titre de sa garantie ordinaire, avant de conduire au prononcé de son invalidité. Elle estime que ce n'est qu'en 2016 que sa pathologie a évolué pour la priver de sa capacité de travail ; qu'ainsi la perte de sa capacité de travail est née sous l'empire du contrat Chorum. Elle ajoute que la mutuelle Chorum lui a accordé sa garantie ordinaire pour plusieurs arrêts de travail dès le 21 mars 2016, sans invoquer la garantie Humanis, et qu'ainsi elle ne peut plus contester devoir sa garantie pour l'invalidité.

Elle renvoie à l'application du seul article 2 de la loi Evin, faute de dispositions contractuelles spécifiques.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2023.

L'affaire a été examinée à l'audience du 20 mars 2023.

MOTIFS DE LA D''CISION :

Sur les données de l'expertise judiciaire :

Mme [E] [U] est née le 26 janvier 1989.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire du docteur [I] [V] que le fait générateur de l'invalidité est un trouble spécifique de la personnalité évoluant depuis la petite enfance donc antérieur au 1er janvier 2016.

La consolidation est fixée au 1er juin 2017. Le taux d'incapacité permanente est de :

- 15% selon le barème du concours médical pour un trouble de la personnalité avec troubles obsessionnels compulsifs ;

- 30% selon le barème des accidents du travail ;

- 66% selon le barème sécurité sociale.

Sur la garantie due par la société Mutex :

Les garanties de prévoyance ont pour objet de compléter les prestations servies par les régimes sociaux obligatoires. Elles sont essentiellement constituées par le remboursement total ou partiel de frais médicaux, la compensation d'une perte de revenus en cas d'incapacité temporaire totale, l'attribution d'une pension en cas d'invalidité et l'allocation d'un capital ou d'une pension en cas de décès.

La loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 dite loi Evin est intervenue pour créer un régime de base applicable aux salariés dans cette matière.

L'article 10 dispose que les dispositions des articles 2, 4, 7 et 9 sont des dispositions d'ordre public et s'appliquent quelle que soit la loi régissant le contrat.

L'article 2 dans sa version modifiée par la loi du 14 juin 2013 dispose que lorsque des salariés sont garantis collectivement, soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, soit à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par décision unilatérale de l'employeur, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion à ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration.

Elle prévoit à l'article 7 dans sa version modifiée par la loi du 10 août 1994 que lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre ces risques, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution.

Ainsi, l'article 2 instaure une couverture obligatoire des états pathologiques antérieurs, interdisant ainsi à l'assureur d'opérer une sélection médicale en refusant d'assurer une personne du groupe ou de prendre en charge des risques dont la réalisation trouvait son origine dans l'état de santé antérieur de l'assuré. Il n'a vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'assureur antérieur. Il concerne la souscription des premiers contrats collectifs obligatoires d'assurance prévoyance, et non ceux qui les suivent.

L'article 7 concerne le maintien des prestations en dépit de l'extinction du contrat, permettant ainsi la prise en charge de prestations différées. Il règle la question de la prestation différée, c'est-à-dire de la prestation née durant l'exécution du contrat de prévoyance, ou du maintien des prestations en dépit de la résiliation du contrat. Ainsi, en cas de succession d'organismes assureurs comme en l'espèce, il appartient à l'organisme dont le contrat était en cours à la date où s'est produit l'événement ouvrant droit aux prestations, de verser celles-ci, qu'elles soient immédiates ou différées. Celui d'entre eux qui assurera le risque invalidité sera en principe celui qui couvrait la maladie ou l'accident à l'origine de l'arrêt de travail lui-même à l'origine de l'invalidité et ayant ouvert droit aux premières prestations.

Sur l'absence de sinistre en cours :

L'article 3 des conditions particulières du contrat d'assurance collective prévoit l'organisation de la prise en charge des sinistres en cours, c'est-à-dire notamment des salariés dont les droits aux prestations périodiques prévues par le précédent contrat de prévoyance sont nés antérieurement au 1er janvier 2016. Il dit qu'Humanis, au titre du contrat résilié le 31 décembre 2015, leur garantit pendant toute la durée de leur indemnisation le service des prestations périodiques, y compris leurs revalorisations futures.

Les articles 8 à 9 des conditions générales du contrat collectif de prévoyance à adhésion obligatoire prévoient la prise en charge des sinistres en cours, c'est-à-dire selon l'article 5 des personnes se trouvant en incapacité temporaire de travail, en temps partiel thérapeutique, en invalidité ou en incapacité permanente professionnelle, ou percevant les prestations incapacité temporaire de travail, pensions d'invalidité ou rentes d'incapacité permanente professionnelle au titre d'un contrat de prévoyance collective souscrit antérieurement à la date d'effet du contrat.

S'agissant de Mme [E] [U], il n'y avait pas de sinistre en cours lors de la souscription du contrat avec la société Mutex. Notamment, elle n'était pas alors en arrêt de travail. D'ailleurs, lors de la souscription du contrat, l'ADAPEI n'a déclaré aucun salarié en arrêt de travail, mi-temps thérapeutique, invalidité ou incapacité permanente indemnisés par la sécurité sociale à la date d'effet du contrat.

En conséquence, les articles 8 à 9 des conditions générales ne s'appliquent pas à Mme [E] [U].

Sur le fait générateur de l'invalidité :

C'est à l'assuré qui demande une pension d'établir que l'événement à l'origine de l'état d'invalidité invoqué est survenu pendant la période de validité du contrat qui le liait à l'assureur.

Mme [E] [U] a eu des arrêts de travail dès 2015 sous l'empire du contrat Vauban Humanis. Ils ont été indemnisés par cet assureur.

La société Mutex a accepté d'indemniser les arrêts de travail à partir de 2016. Elle soutient qu'elle n'avait pas alors connaissance des précédents arrêts de travail de 2015.

Ce n'est qu'au moment où Mme [E] [U] lui a réclamé une pension d'invalidité, qu'elle a demandé des justificatifs quant à la date du fait générateur.

Or, le certificat du médecin traitant de Mme [E] [U] indique comme date des premiers symptômes octobre 2014, et une date de première consultation le 8 décembre 2014. Il mentionne des troubles anxiodépressifs aggravés suite à un problématique au sein de son activité professionnelle.

Le rapport d'expertise judiciaire montre que le fait générateur de l'invalidité est un trouble spécifique de la personnalité évoluant depuis la petite enfance, donc antérieur au 1er janvier 2016.

Parmi les antécédents médicaux figurent :

- Vers l'âge de 7 ans, elle a commencé à développer des troubles du comportement alimentaires à la suite d'attouchements qu'elle aurait subis par un oncle qui par la suite l'aurait menacée de mort par empoisonnement , elle et sa famille, si elle rapportait les faits ;

- A l'âge de 10 ans, elle débute un suivi psychiatrique avec l'aide de l'ASE ;

- A 12 ans et demi, elle fera une dépression sévère avec mise sous antidépresseur et neuroleptique ; elle sera hospitalisée au centre psychiatrique d'[Localité 6] puis elle sera transférée vers le secteur adolescent de l'hôpital [8] de [Localité 10] puis à l'hôpital de [7] où elle restera 12 mois puis à la clinique thérapeutique d'[Localité 5] où elle sera hospitalisée jusqu'à l'âge de 16 ans et demi. Elle dit avoir eu des état délirants et des troubles obsessionnels compulsifs ayant nécessité des injections de neuroleptiques ;

- A 17 ans elle fera une tentative de suicide pour laquelle elle sera à nouveau hospitalisée à l'hôpital de [Localité 9], secteur adolescent, pour une durée de 45 jours.

Par la suite elle aura un suivi jusqu'à l'âge de 20 ans avec un traitement antidépresseur.

- En janvier 2013 elle refera une nouvelle dépression traitée par antidépresseur de type Zoloft suite au décès de son père ;

- Le 21 mai 2014 elle signera un contrat d'insertion avec l'ADAPEI 82

- Le 31 août 2015 en raison d'un motif d'épuisement physique et psychique; elle sera mise en arrêt de travail jusqu'au 27 novembre 2015 par son psychiatre ;

- Le 21 mars 2016 elle récidive d'un tableau dépressif en raison d'une surcharge de travail et de conflit avec sa direction. Elle sera traitée par une association de neuroleptiques ;

- Le 2 juillet 2016 elle reprend son travail à mi-temps thérapeutique ;

- Le 10 octobre 2016 elle est à nouveau arrêtée pour le même motif ;

- Le 1er juin 2017 elle est mise en invalidité par la sécurité sociale.

- A partir de septembre 2017 elle débute une grossesse pour laquelle elle arrêtera tout traitement et prolongera simplement un suivi psychologique avec le psychiatre. Ce suivi est en cours.

L'expert décrit l'état de santé actuel :

'Actuellement Mme [E] [U] a un suivi par un psychologue deux fois par mois et par le psychiatre une fois par mois. Elle ne consomme plus aucun traitement.

Sa journée type est occupée par des troubles obsessionnels compulsifs le jour et la nuit (vérification, surveillance) et cela l'occupe pratiquement 3 heures par jour.

Elle consigne sur un cahier l'activité de sa fille tout au long de la journée.

Elle vit en concubinage avec son enfant.

Elle prépare les repas, s'occupe du ménage et de faire les courses.

Elle pratique la conduite automobile uniquement sur les routes connues.'

Il ressort de ces éléments que la situation d'invalidité de Mme [E] [U] reconnue le 1er juin 2017 est consécutive à la maladie dont elle est atteinte depuis l'enfance, qui avait déjà entraîné des traitements médicaux importants, et plusieurs hospitalisations, de l'âge de 12 ans et demi à 16 ans et demi puis à l'âge de 17 ans.

Dès lors, le fait générateur de l'invalidité ne s'est pas produit durant le contrat de prévoyance Chorum. C'est à tort que Mme [E] [U] soutient que ce n'est qu'en 2016 que sa pathologie a évolué pour la priver de sa capacité de travail, et qu'ainsi la perte de sa capacité de travail est née sous l'empire du contrat Chorum. Elle avait d'ailleurs déjà connu un arrêt de travail du 30 août au 27 novembre 2015. En raison de cette maladie, elle avait perçu des indemnités journalières au titre du contrat de prévoyance Vauban Humanis.

En réalité, le fait générateur est antérieur même au contrat de prévoyance Vauban Humanis.

Compte tenu de l'existence d'un contrat de prévoyance antérieur à celui de la société Mutex, Mme [E] [U] ne peut pas se prévaloir de l'article 2 de la loi Evin pour réclamer la prise en charge de l'invalidité par la société Mutex. Ainsi, il y a lieu d'écarter l'application à l'encontre de la société Mutex de l'article 2 de la loi Evin invoqué par Mme [E] [U], dans la mesure où il existait un contrat de prévoyance antérieur et où le fait générateur est antérieur.

A l'article 51 des conditions générales 'garantie invalidité', il est prévu que cette garantie a pour objet de faire bénéficier les assurés, dès la reconnaissance par la sécurité sociale de leur état d'invalidité au titre d'une maladie ou d'un accident de la vie courante, d'une prestation complémentaire à celle versée le cas échéant par la sécurité sociale.

Même si l'article 51 du contrat et les conditions générales du contrat ne prévoient pas de conditions quant à la date d'apparition de la pathologie à l'origine de l'invalidité dont l'assurée demande l'indemnisation, ceci ne peut mettre à néant les dispositions d'ordre public des articles 2 et 7 de la loi Evin.

Le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a dit que la société Mutex doit sa garantie invalidité à Mme [E] [U] à compter du 1er juin 2017, et en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] [U] la somme de 22.148 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 24 mai 2019 au titre de la garantie invalidité.

La société Mutex ne doit pas sa garantie à Mme [E] [U].

Mme [E] [U] sera déboutée de sa demande au titre de la garantie invalidité.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [E] [U], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance, le jugement dont appel étant infirmé sur ce point, et aux dépens d'appel.

Infirmant le jugement dont appel, Mme [E] [U] sera condamnée à payer à la société Mutex la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 1er juin 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [D] [E] [U] de sa demande indemnitaire au titre de la résistance abusive ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que la société Mutex ne doit pas sa garantie à Mme [E] [U] ;

Déboute Mme [E] [U] de sa demande au titre de la garantie invalidité ;

Condamne Mme [E] [U] aux dépens de première instance et d'appel ;

La condamne à payer à la société Mutex la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande sur le même fondement.

Le présent arrêt a été signé par M.DEFIX, président et N.DIABY, greffière.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT

N.DIABY M.DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/02993
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;21.02993 ?
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