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06/06/2023 | FRANCE | N°21/04998

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 06 juin 2023, 21/04998


06/06/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/04998

N° Portalis DBVI-V-B7F-OQYI

SL / CD



Décision déférée du 04 Octobre 2021

TJ de TOULOUSE - 19/02428

Madame KINOO

















S.A.S. COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISE MODERNE CONSTRUCTION 'CGEM CONSTRUCTION'





C/



SOCIETE CIVILE DECONSTRUCTION VENTE [Adresse 4]





























































INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



S.A.S. COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISE MO...

06/06/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/04998

N° Portalis DBVI-V-B7F-OQYI

SL / CD

Décision déférée du 04 Octobre 2021

TJ de TOULOUSE - 19/02428

Madame KINOO

S.A.S. COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISE MODERNE CONSTRUCTION 'CGEM CONSTRUCTION'

C/

SOCIETE CIVILE DECONSTRUCTION VENTE [Adresse 4]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISE MODERNE CONSTRUCTION 'CGEM CONSTRUCTION'

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas MATHE de la SELARL LCM AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SOCIETE CIVILE DE CONSTRUCTION VENTE [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Muriel ORLIAC-MASSONIE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

J.C GARRIGUES , président

A.M ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par JC. GARRIGUES, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier de chambre.

Exposé des faits et de la procédure :

Suivant devis établi le 15 septembre 2017, la Sas Compagnie générale d'entreprise moderne construction(ci-après Cgem construction) représentée par Mme [T] a proposé à la société KMG promotion la réalisation du lot gros-oeuvre d'une construction de 37 logements situés à [Localité 5] (31) pour un montant 1.184.639,83 euros HT soit 1.421.567,80 euros TTC.

L'ordre de service de démarrage n°1 signé par la société KMG promotion se présentant comme maître d'ouvrage, M. [C] (cabinet Taillandier) maître d'oeuvre et la société Cgem construction prévoyait une date de début des travaux le 15 septembre 2017.

Le 17 octobre 2017, la Sccv [Adresse 4], maître d'ouvrage, représentée par M. [P] [Z] a conclu un acte d'engagement avec la société Cgem construction, ayant pour objet la réalisation par cette dernière du lot gros oeuvre, en contrepartie du paiement d'une somme de 1.184.639,83 euros HT soit 1.421.567,80 euros TTC.

L'acte d'engagement prévoit à l'article C1 que le candidat reconnaît avoir visité les lieux et parfaitement étudié l'ensemble du dossier, avoir évalué avec exactitude la nature des travaux qui lui sont confiés, et s'engager à exécuter les travaux moyennant un prix global, forfaitaire, ferme et non révisable de 1.184.639,83 euros HT soit 1.421.567,80 euros TTC.

Il prévoit à l'article C2 que le délai d'exécution général contractuel tous corps d'état du marché est de 14 mois, période de préparation incluse. Les travaux seront exécutés dans le cadre du planning établi, pendant la période de préparation, conformément au CCAP et sans pouvoir excéder le délai général précisé ci-avant. La date de début du délai contractuel est la date de démarrage des travaux du lot gros-oeuvre sur ordre de service et communiquée à toutes les entreprises avant la période de préparation.

Par courrier daté du 17 avril 2018, la Sas Cgem Construction a fait part à la société KMG promotion, à l'attention de M. [P] [Z], d'une actualisation à la hausse de son devis, eu égard à l'inflation des matières premières et à l'évolution de la grille conventionnelle des ouvriers du bâtiment, portant le total à un montant de 1.529.451,90 euros TTC (1.274.543,25 euros HT), s'engageant à maintenir cette offre pour un démarrage des travaux au plus tard début septembre 2018.

Par courriel du 18 mai 2018, [G] [C], maître d'oeuvre, a écrit à Mme [N] [T] : 'Suite à la réunion de chantier avec le maître d'ouvrage hier, le chantier démarre le 1er juin avec le lot VRD. Il y a un mois de travaux, pendant ce temps de travaux VRD, la période de préparation sera réalisée, pour un démarrage des fondations des bâtiments A et C début juillet, et une fin des dallages des bâtiments A et C fin juillet absolument. Merci de nous confirme que votre plan de charge et que votre planning travaux peuvent tenir ces délais.'

Le même jour, M. [E] directeur de travaux de la société Cgem construction a écrit à Mme [T] : 'Je pense qu'on ne peut pas démarrer nos travaux avant début septembre par rapport à plusieurs points : intervention VRD, recalage des plans (archi + GO), arrêt des corps d'état, disponibilité équipe cdt/cc, négo devis Cgem.'

Par courriel du 22 juin 2018, Mme [N] [T] a écrit à M. [Z] : 'Pour le dossier Résistance, je n'ai toujours pas de nouvelles du maître d'oeuvre. Dans le cas où vous confiriez ces travaux à une autre entreprise, ce que je regretterai, il faut savoir que j'ai engagé des frais, notamment de bureau d'étude, d'installation de chantier et de préparation pour lesquels je serai amenée à vous présenter une facture.'

Par courriel du 26 juin 2018, la société KMG Holding (M. [P] [Z]) a fait part à la Sas Cgem Construction de ce qu'elle avait pris note de son impossibilité de commencer les travaux de la [Adresse 4] au début du mois de juillet ; que le respect du calendrier des travaux était essentiel ; que de plus, elle ne pouvait s'acquitter des coûts supplémentaires sollicités par la Sas Cgem Construction. Elle a indiqué : 'Je vous confirme notre accord de faire réaliser les travaux de gros-oeuvre par une autre entreprise qui va commencer sa préparation dès semaine prochaine'.

Le 9 juillet 2018, la société Cgem construction a écrit à la société KMG promotion, M. [P] [Z] pour s'étonner de la lettre du 26 juin 2018 dans laquelle il était écrit : 'Je vous confirme notre accord pour faire réaliser les travaux de gros-oeuvre par une autre entreprise qui va commencer sa préparation dès semaine prochaine.' Elle a fait valoir que le démarrage n'avait pas pu se faire car aucun autre lot n'était arrêté, que le géomètre avait dû refaire son bornage, et qu'elle avait déjà commencé les travaux en exécutant les tâches suivantes :

- amenée, installation et location des clôtures de chantier (toujours en place) ;

- mobilisation de la direction des travaux et d'un conducteur de travaux pour la préparation.

Elle a ajouté que pour préparer puis commencer les travaux, elle avait besoin de la synthèse tous corps d'état comprenant entre autres les réservations des autres corps d'état. Elle a dit que lors de la réunion du 15 mai 2018 le maître d'oeuvre l'avait informée qu'il enverrait les nouveaux plans de structure lui permettant d'affiner son offre, plans qu'il n'avait toujours pas.

Elle a indiqué que depuis l'été 2017 elle avait intégré ce chantier dans ses plannings de travaux et financiers et que la non exécution entraînerait des frais financiers importants dont elle demanderait dédommagement.

Par courrier daté du 7 août 2018, la Sccv [Adresse 4] a proposé à titre d'arrangement à l'amiable à la Sas Cgem Construction de lui verser une somme de 35 000 euros.

Par procès-verbal de constat de Me Sabate du 9 août 2018, la Sas Cgem construction a fait constater la présence de barrières de chantier, de ferraillages sur le chantier ainsi que la réalisation de fondations par une autre entreprise.

Par acte d'huissier du 19 juillet 2019, la Sas compagnie générale d'entreprise moderne construction (Cgem Construction) a fait assigner la Sccv [Adresse 4] devant le tribunal de grande instance de Toulouse, aux fins notamment de la voir condamner à lui verser une somme de 212 000 euros avec intérêts de droit, en indemnisation du préjudice subi du fait de la non-exécution du contrat.

Par jugement contradictoire du 4 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- condamné la Sccv [Adresse 4] à payer à la Sas Cgem Construction une somme de 1 181,62 euros,

- débouté la Sas Cgem Construction du surplus de ses prétentions indemnitaires et de sa demande visant à voir nommer un expert judiciaire,

- débouté la Sccv [Adresse 4] de sa demande indemnitaire au titre d'une procédure abusive,

- condamné la Sas Cgem Construction à verser à la Sccv [Adresse 4] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné la Sas Cgem Construction aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu qu'un marché à forfait avait été convenu entre les parties, afférent à la construction d'un bâtiment ; qu'en conséquence, ceci interdisait à l'entrepreneur toute demande en supplément de prix en considération du cours des matières premières ou de l'évolution du coût de la main d'oeuvre.

Il a relevé qu'un ordre de service de démarrage n°1 avait été émis le 15 septembre 2017 à l'attention de la société Cgem construction pour un démarrage à la même date des travaux de gros-oeuvre ; que le démarrage des travaux avait été retardé ; qu'il devait débuter au premier juin 2018, par le lot VRD. Il a estimé que la société Cgem construction ne démontrait pas que des circonstances du chantier, extérieures à sa volonté, l'aient empêchée d'exécuter ses prestations à compter de juin 2018, notamment les travaux de préparation ; que la société Cgem construction devait exécuter les travaux dans un délai raisonnable une fois sollicitée à cette fin.

Il a estimé que la manquement de la société Cgem construction à ses obligations d'exécuter ses prestations, dans un délai raisonnable à compter de l'ordre de sa cocontractante, était suffisamment grave, et que l'urgence dispensait le maître de l'ouvrage d'une mise en demeure ; que dès lors, aucun comportement fautif de la Sccv [Adresse 4] dans la rupture des relations contractuelles n'était caractérisé.

Il a jugé que compte tenu de la résolution du contrat, la Sccv [Adresse 4] devait rembourser le coût des clôtures de chantier à la société Cgem construction. Il a estimé en revanche que la société Cgem construction ne démontrait pas la mobilisation horaire sur le chantier de son conducteur et de son directeur de travaux, ni même de son directeur de pôle.

Il a dit que la désignation d'un expert judiciaire n'avait pas vocation à suppléer sa carence dans l'administration de la preuve.

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Par déclaration du 20 décembre 2021, la Sas Cgem Construction a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- débouté la Sas Cgem Construction du surplus de ses prétentions indemnitaires et de sa demande visant à voir nommer un expert judiciaire,

- condamné la Sas Cgem Construction à verser à la Sccv [Adresse 4] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sas Cgem Construction aux entiers dépens.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 28 septembre 2022, la Sas Compagnie générale d'entreprise moderne construction (Cgem Construction), appelante, demande à la cour, au visa des articles 1226, 1103 et 1231-1 du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel, en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires et de sa demande à voir nommer un expert judiciaire, ainsi en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

En conséquence, statuant à nouveau,

A titre principal,

- condamner la société Sccv [Adresse 4] au paiement de la somme de 212 000 euros avec intérêts de droit,

' A titre subsidiaire: nommer tel expert ayant pour mission de fixer les préjudices subis par elle,

- condamner la société Sccv [Adresse 4] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Sccv [Adresse 4] au paiement de la somme de 35 000 euros,

- condamner la société Sccv [Adresse 4] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que la société [Adresse 4] a résilié de façon fautive le contrat conclu avec la société Cgem construction en la remplaçant par une autre entreprise alors que rien ne lui était reproché. Elle conteste avoir donné son accord pour la résiliation du contrat. Elle estime que le fait de proposer un devis réactualisé en fonction de l'augmentation des coûts n'est pas une faute, ; que le maître d'ouvrage n'a pas accepté l'augmentation de coût, ce qui ne remet pas en cause le marché initial. Elle estime que le retard de chantier est à imputer à la société [Adresse 4]. Elle dit qu'elle s'est tenue prête à démarrer le chantier à de nombreuses reprises avant juillet 2018, sans avoir obtenu les éléments sollicités. Elle estime que l'impossibilité de commencer les travaux en juillet 2018 a pour cause le comportement du maître de l'ouvrage, car il manquait des éléments techniques qu'elle avait sollicités conditionnant la faisabilité du chantier ; que dès juin 2018, la société [Adresse 4] a fait un nouvel appel d'offres.

Sur le préjudice, elle soutient qu'il se compose des frais généraux non amortis du fait de la perte de chiffre d'affaires, et des travaux réalisés dans le cadre du contrat et non payés. Elle estime que le montant des frais généraux non amortis est de 158.436 euros, soit 16,48% du montant du marché de 1.180.000 euros HT. Concernant le temps passé à la préparation du chantier entre le mois de septembre 2017 et le mois de mai 2018, elle chiffre les heures de travail perdues outre le coût des clôtures de chantier à 46.676 euros. Enfin, elle sollicite la somme forfaitaire de 7.000 euros correspondant à la perte de chance de réaliser un gain, somme qu'elle estime raisonnable sur un marché de 1.180.000 euros HT.

Si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, elle demande que soit ordonnée une expertise judiciaire afin d'évaluer le préjudice.

A titre subsidiaire, elle sollicite la somme de 35.000 euros correspondant à la proposition d'indemnisation de la Sccv [Adresse 4].

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 6 décembre 2022, la Sccv [Adresse 4], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1195, 1217, 1219, 1226, 1793 du code civil, 9 et 146 du code de procédure civile, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- 'dire et juger' que la Sas Cgem Construction a failli à ses obligations contractuelles,

- constater l'urgence à résoudre le marché de travaux de gros oeuvre de l'entreprise Cgem,

- 'dire et juger' qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle à l'égard de la Sas Cgem Construction,

Subsidiairement,

- 'dire et juger' que la Sas Cgem Construction ne rapporte pas la preuve d'un préjudice qui lui serait imputable,

- 'dire et juger' que l'action engagée par la Sas Cgem Construction à son encontre est infondée,

- débouter la Sas Cgem Construction de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions au-delà de la somme de 1 181,62 euros HT qu'elle accepte de supporter sans reconnaissance de responsabilité,

- dire que si une mesure d'expertise devait être ordonnée, l'expert devrait avoir pour mission d'évaluer le préjudice qu'elle a subi du fait de la défaillance de la société Cgem,

En toute hypothèse,

- condamner la Sas Cgem Construction au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sas Cgem Construction aux entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que la société Cgem construction a commis une inexécution fautive du marché de travaux en tentant d'imposer une augmentation du prix du marché en violation des clauses du contrat, modification refusée par le maître de l'ouvrage, et en refusant d'exécuter les travaux de fondation prévus au mois de juillet 2018 en raison notamment de l'indisponibilité de ses équipes jusqu'au mois de septembre 2018. Elle soutient qu'elle s'est vue contrainte de prendre acte du refus d'exécuter les termes du marché par la société Cgem construction et de mettre un terme à ce contrat. Elle soutient que les parties se sont entendues amiablement sur la rupture du marché de gros-oeuvre, et qu'elle a fait une offre d'indemnisation de 35.000 euros qui a été refusée.

S'agissant du préjudice, elle soutient que la société Cgem construction procède par affirmations et se contente de produire des tableaux établis par elle-même ; que les équipes étant occupées sur d'autres chantiers, l'entreprise n'était pas dépourvue d'activité ; qu'au mois de juin 2018, seules les clôtures de chantier avaient été installées ; qu'elle n'avait pas exposé de frais de bureau d'études ; que la société a participé à quelques réunions préparatoires notamment pour établir ses devis, pour lesquelles elle ne peut être rémunérée, et n'a participé qu'à une réunion de chantier le 30 novembre 2017. Elle conteste le lien de causalité entre la faute et les préjudices invoqués.

Elle accepte de payer les frais d'installation de clôtures de chantier pour 1.182,652 euros HT.

Elle estime que la mesure d'expertise ne peut être ordonnée pour suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2023 et l'affaire a été examinée à l'audience du 14 février 2023.

Motifs de la décision :

Sur la saisine de la cour :

La cour n'est pas saisie d'un appel du chef du jugement ayant débouté la Sccv [Adresse 4] de sa demande indemnitaire au titre de la procédure abusive, ni du chef du jugement ayant débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

Sur la résiliation du contrat :

En vertu de l'article 1226 du code civil,

'Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.'

En vertu de l'article 1793 du code civil, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

En l'espèce, la société [Adresse 4] a résilié unilatéralement le contrat conclu avec la société CGEM construction, sans mise en demeure préalable.

L'acte d'engagement prévoit à l'article C1 que le prix était forfaitaire, non révisable.

Le CCAP prévoit à l'article 3.1 que le prix global et forfaitaire est réputé tenir compte de toutes les circonstances de l'implantation, des particularités du projet et de la durée des travaux telles qu'elles sont appréciées par l'entrepreneur sous sa seule responsabilité.

Il prévoit que l'entrepreneur ne saurait prétendre, postérieurement à la signature du marché, à un quelconque supplément.

A l'article 3.1.2 il prévoit que les prix sont fermes et non révisables.

C'est donc à juste titre que le maître de l'ouvrage a refusé l'augmentation du prix sollicitée par la société Cgem construction.

L'ordre de service de démarrage n°1 prévoyait une date de début des travaux le 15 septembre 2017.

Il prévoyait à l'article C2 que le délai d'exécution général contractuel tous corps d'état du marché est de 14 mois, période de préparation incluse. Les travaux seront exécutés dans le cadre du planning établi, pendant la période de préparation, conformément au CCAP et sans pouvoir excéder le délai général précisé ci-avant. La date de début du délai contractuel est la date de démarrage des travaux du lot gros-oeuvre sur ordre de service et communiquée à toutes les entreprises avant la période de préparation.

Le délai était donc de 14 mois à compter de la date de début des travaux fixée au 15 septembre 2017, soit jusqu'au 15 novembre 2018.

La société Cgem soutient que le chantier a pris du retard du fait du maître de l'ouvrage. Le maître d'ouvrage n'a pas contesté des retards de signature de contrats au titre des autres lots et l'obligation pour le géomètre de procéder à un nouveau bornage. Il ressort d'un courriel de Mme [T] du 17 mai 2018 que lors d'une réunion du 15 mai 2018 entre le maître d'oeuvre et Mme [T], M. [U] conducteur de travaux et M. [E] directeur de travaux, au titre de l'avancement du projet il a été noté que le maître d'oeuvre devait transmettre à Cgem construction les derniers plans modifiés, que les lots charpente, menuiseries extérieures, plomberie et électricité étaient en phase de négociation, que le lot plomberie pressenti établirait ses plans durant l'été, que toutes les modifications feraient l'objet d'un additif des pièces écrites, que le maître d'oeuvre établirait un dossier marché tous corps d'état courant juin, que Cgem construction relancerait l'étude béton avec les réservations de tous les corps d'état dès la mi-juin, pour pouvoir démarrer les travaux début septembre.

Le maître d'ouvrage écrit le 7 août 2018 : 'Le résultat de l'appel d'offres élargi effectué par la suite en juin 2018 par le maître d'oeuvre a permis de recevoir des offres autour de 1.150 K€ HT, avec des entreprises disposées à commencer les travaux début prévisionnel juillet 2018. Car au-delà du prix, votre entreprise n'était plus disponible pour un début de travaux immédiat. Ce qui pour moi n'était pas acceptable eu égard à la pression de mon client qui m'exigeait des signes tangibles d'avancement des travaux'[...] 'Lors de notre rencontre du 3 juillet dernier en vos bureaux, vous avez évoqué l'absence d'informations et de réactivité du maître d'oeuvre (malgré vos relances permanentes) comme une raison ayant conduit à cette situation : je lui fais part de votre remarque et attends des éléments de réponse. D'ores et déjà, il m'a transmis le document de l'appel d'offres ci-joint, envoyé à toutes les entreprises en juin dernier dont la vôtre.'

Dès lors, par la faute du maître d'ouvrage, le délai d'exécution général tous corps d'état de 14 mois à compter de l'ordre de service n°1 n'avait pas été respecté, puisque neuf à dix mois avaient été perdus entre la date de l'ordre de service n°1 le 15 septembre 2017 et la date prévue de démarrage des travaux de gros-oeuvre (préparation en juin 2018 et démarrage en juillet 2018).

Dès lors, on ne pouvait exiger que la société Cgem construction se tienne prête à intervenir en juin-juillet 2018 plusieurs mois après la date prévue de démarrage du chantier. Elle disait que ses équipes étaient indisponibles jusqu'au mois de septembre 2018. Certes, elle souhaitait aussi renégocier son marché. Néanmoins, le retard ne lui étant pas imputable, on ne peut lui reprocher de s'être engagée sur d'autres chantiers et de ne pas s'être rendue disponible en juin-juillet 2018. Aucune mise en demeure ne lui a d'ailleurs été adressée en ce sens. Au contraire, un nouvel appel d'offres a été lancé dès le mois de juin 2018, ce qui montre que le maître d'ouvrage prévoyait dès cette date de s'adresser à des entreprises moins-disantes pour exécuter le chantier.

Au final, le maître de l'ouvrage ne démontre pas un manquement contractuel de la société Cgem construction d'une gravité suffisante pour justifier la résolution unilatérale.

En remplaçant une entreprise par une autre en l'absence de faute grave de l'entreprise évincée, le maître d'ouvrage a commis une rupture unilatérale abusive du contrat.

La résiliation du contrat est donc imputable au maître de l'ouvrage.

Sur le préjudice en lien de causalité :

En vertu de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il incombe ainsi à la société Cgem construction de rapporter la preuve du préjudice en lien de causalité avec la faute de la société [Adresse 4].

En vertu de l'article 146 du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

La société Cgem construction a installé des barrières de chantier, dont le coût était évalué à 1.183,67 euros HT soit 1.420,40 euros TTC dans son devis.

La société Cgem construction s'est engagée sur d'autres chantiers en lieu et place du chantier de la Sccv [Adresse 4], raison pour laquelle ses équipes n'étaient pas disponibles avant septembre 2018. Elle ne justifie donc pas avoir exposé des frais généraux non amortis, faute de démontrer avoir perdu du chiffre d'affaires. Elle produit un document intitulé répartition du chiffre d'affaires en 2017 entre ses branches menuiserie, serrurerie et gros-oeuvre,, ainsi qu'un document intitulé perte d'exploitation induite par l'annulation du programme KMG - Résistance, tous deux non visés par l'expert-comptable. Elle ne produit pas d'éléments comptables de nature à établir une baisse de chiffre d'affaires en 2017 ou 2018 par rapport aux autres années. De même, elle n'établit pas une perte de chance de réaliser un gain, se contentant de réclamer une somme forfaitaire sans produire d'éléments comptables et sans justifier des autres marchés qu'elle a pu exécuter en 2017 et 2018 en lieu et place du marché résilié.

Le maître de l'ouvrage indique sans être démenti que l'entreprise a souhaité l'intervention du bureau d'études IB2M pour la réalisation des études de structures, de fluides et études thermiques. Ce bureau d'études a signé un contrat directement avec le maître d'ouvrage qui a assumé le coût des études. C'est le Bet IB2M qui a réalisé les plans de conception et d'exécution de structure, et non l'entreprise Cgem construction. Dès lors, elle ne justifie pas avoir exposé des frais de bureau d'études.

La société Cgem réclame la somme totale de 46.676 euros au titre du temps perdu en réunion et des clôtures de chantier, en fournissant une répartition des salaires et un chiffrage d'heures qu'elle a établi elle-même. Le maître d'ouvrage reconnaît que la société Cgem construction a participé à quelques réunions préparatoires notamment pour établir ses devis, et à une réunion de chantier préparatoire en présence de l'architecte, du géomètre, du bureau d'études techniques VRD ainsi que du maître de l'ouvrage le 30 novembre 2017. Il ressort du courriel du 17 mai 2018 de Mme [T] qu'elle a aussi participé avec M. [U] conducteur de travaux et M. [E] directeur de travaux à une réunion avec le maître d'oeuvre le 15 mai 2018.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté la Sas Cgem construction de sa demande d'expertise judiciaire formulée à titre subsidiaire, car elle ne fournit pas d'éléments comptables suffisants permettant d'apprécier l'existence et le montant de la perte de chiffre d'affaires et du gain manqué allégués, ni le nombre d'heures perdues pour ses employés.

Le préjudice financier doit être évalué au total à 35.000 euros compte tenu des barrières de chantier installées et des réunions préparatoires auxquelles la société Cgem construction a participé en vain sur la période du 15 septembre 2017 à juin 2018.

Infirmant le jugement dont appel, la Sccv [Adresse 4] sera condamnée à payer à la Sas Cgem construction la somme de 35.000 euros en réparation de son préjudice.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera infirmé sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sccv [Adresse 4], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera condamnée à verser à la société Cgem construction la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 4 octobre 2021, sauf en ce qu'il a débouté la Sas Compagnie générale d'entreprise moderne construction (Sas Cgem construction) du surplus de ses prétentions indemnitaires et de sa demande visant à voir nommer un expert judiciaire ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que la résiliation du contrat est imputable à la Sccv [Adresse 4] ;

Condamne la Sccv [Adresse 4] à payer à la Sas Cgem construction la somme de 35.000 euros en réparation de son préjudice ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel ;

La condamne à verser à la société Cgem construction la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande sur le même fondement.

Le Président Le greffier

JC. GARRIGUES R. CHRISTINE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/04998
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.04998 ?
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