01/06/2023
ARRÊT N°23/349
N° RG 20/02171 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NVM5
MA-CD
Décision déférée du 07 Juillet 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 14/02503
M. GUICHARD
[E] [D]
C/
[F], [C], [I] [N]
MP PG CIVIL
Compagnie d'assurance SOCIETE D'ASSURANCE MUTUELLE LA MONDIALE
S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS
S.A. PREDICA
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [E] [D], agissant tant en son nom propre qu'es- qualités d'ayant-droit de Monsieur [Y] [D]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représenté par Me Jean-louis JEUSSET de la SELARL CABINET JEUSSET AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Assisté de Me Marie-caroline PELEGRY de la SELARL HBP, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉS
Madame [F], [C], [I] [N] veuve [D]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée de Me Claudia CANINI, avocat au barreau de TOULOUSE
M. Le Procureur Général
Cour d'Appel
Place du Salin
31068 TOULOUSE CEDEX 7
SOCIETE D'ASSURANCE MUTUELLE LA MONDIALE (AG2R), agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Sylvie FONTANIER de la SCP R.F. RASTOUL-S. FONTANIER-A. COMBAREL, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS, pris en la personne de ses dirigeants légaux demeurant en leur qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. PREDICA, prise en ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Nathalie DUPONT-RICARD, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée de Me Nicole MESSAGER-COUILBAULT de la SELARL CABINET MESSAGER COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. DUCHAC, présidente
V. MICK, conseiller
V. CHARLES-MEUNIER, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. TACHON
MINISTERE PUBLIC :
Représenté lors des débats par M. JARDIN, substitut général auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 29 septembre 2020, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
M. [Y] [D] est décédé le 4 juillet 2010 à [Localité 4] laissant pour lui succéder :
- son fils M. [E] [D],
- son épouse, Mme [F] [N], avec qui il s'était marié le 4 juin 2010.
Certains des contrats d'assurance vie que M. [Y] [D] avait souscrit alors qu'il était célibataire contiennent des clauses de bénéficiaire qui font primer le conjoint sur la descendance.
Par exploit d'huissier en date du 18 juin 2014, M. [E] [D] a fait assigner Mme [F] [N] ainsi que la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES, la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE et la SA PREDICA devant le tribunal de grande instance de Toulouse (devenu tribunal judiciaire) pour obtenir la remise des fonds en se prévalant de la qualité de bénéficiaire.
Puis par conclusions du 21 mars 2016, M. [E] [D] a demandé au tribunal de prononcer la nullité du mariage entre M. [Y] [D] et Mme [F] [N].
Par ordonnance du 15 juin 2017, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence formée par Mme [F] [N] relativement à la demande en nullité du mariage.
Par ordonnance du 19 octobre 2017, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise et désigné le docteur [K] pour y procéder avec pour mission de donner tous les éléments au tribunal pour apprécier si eu égard à son état de santé, M. [Y] [D] a pu émettre le 4 juin 2010 un consentement libre au mariage. L'expert a déposé son rapport le 29 mai 2018.
Par jugement contradictoire en date du 7 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
- rejeté l'ensemble des fins de non-recevoir et déclare recevable l'action de M. [E] [D] ;
- débouté M. [E] [D] de sa demande d'annulation du rapport d'expertise ;
- débouté M. [E] [D] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté Mme [F] [N] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné M. [E] [D] à payer à Mme [F] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à plus ample application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [E] [D] aux dépens qui pourront être recouvrés par les avocats de la cause sur leur affirmation de droit.
Par déclaration électronique en date du 5 août 2020, M. [E] [D] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [E] [D] de sa demande d'annulation du rapport d'expertise ;
- débouté M. [E] [D] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [E] [D] à payer à Mme [F] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [E] [D] aux dépens.
Il a intimé Mme [F] [N], le Ministère Public, la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES , la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE et la SA PREDICA.
Suivant ses dernières conclusions d'appelant en date du 8 avril 2021, M. [E] [D] demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [E] [D], tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit, et comme n'étant pas prescrite,
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,
avant dire droit :
- d'ordonner une contre-expertise judiciaire confiée à un médecin-expert près la cour d'appel avec mission habituelle en la matière,
au fond :
- de prononcer la nullité du mariage contracté par M. [Y] [D] et Mme [F] [N] le 4 juin 2010 sur le fondement de l'article 146 du code civil, Mme [F] [N] ayant manifestement contracté ce mariage dans un but étranger à l'union matrimoniale avec M. [Y] [D] qui était malade et en fin de vie avec toutes conséquences de droit,
- d'ordonner la transcription du dispositif de la décision à intervenir sur les registres de l'état civil,
- de condamner Mme [F] [N] à la restitution des sommes perçues en sa qualité de conjoint survivant soit la somme de 131 771,15 € au titre de la succession de M. [Y] [D] avec intérêts légaux, outre les sommes perçues au titre des contrats d'assurance-vie « in solidum » avec les co-défendeurs,
- en tout état de cause sur les contrats d'assurance-vie,
- de condamner solidairement ou à tout le moins « in solidum » Mme [F] [N], à titre principal, en conséquence de la nullité du mariage et en tout état de cause, en application des articles 1134 et 1156 (anciens) du Code civil à payer à M. [E] [D], ès qualité d'héritier, avec AG2R LA MONDIALE, assureur dont la responsabilité est engagée, la somme de 8.135,91 € avec intérêts légaux à compter de l'assignation valant sommation de payer,
- de condamner solidairement ou à tout le moins « in solidum » Mme [F] [N], à titre principal, en conséquence de la nullité du mariage et en tout état de cause, en application des articles 1134 et 1156 (anciens) du code civil à payer à M. [E] [D] avec la SA PREDICA et la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES, assureur et banque dont la responsabilité est engagée, à payer les sommes de 49.916,10 € et 45.229,19 €, soit la somme totale de 95.145,29 €, avec intérêts légaux à compter de l'assignation valant sommation de payer,
- dire et juger que ce règlement devra s'effectuer sous astreinte de 100 € par jours de retard à compter de la signification à intervenir,
- de condamner solidairement ou à tout le moins « in solidum » l'ensemble des requis à payer à M. [E] [D] la somme de 5 000 € au titre de son préjudice moral,
- de condamner les mêmes requis solidairement ou à tout le moins « in solidum » à payer la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du CPC,
- de condamner les requis solidairement ou à tout le moins « in solidum » aux entiers dépens.
Suivant ses dernières conclusions d'intimée en date du 9 février 2023, Mme [F] [N] demande à la cour :
- de débouter M. [E] [D] de sa demande de contre-expertise judiciaire,
sur les fins de non-recevoir :
- d'infirmer le jugement rendu le 7 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse, en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [E] [D] en omettant de statuer sur les fins de non-recevoir fondées sur le défaut de connexité des demandes additionnelles avec l'objet de la demande initiale,
- de déclarer irrecevable M. [E] [D] en sa demande de nullité du mariage pour défaut de lien suffisant avec l'objet de la demande initiale en responsabilité à l'encontre des sociétés SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES, SA PREDICA et SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE,
- déclaré irrecevable M. [E] [D] en sa demande de restitution des sommes perçues par Mme [F] [N] dans le cadre du partage successoral de feu M. [Y] [D] pour défaut de lien suffisant avec l'objet de la demande initiale à l'encontre des sociétés SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES, SA PREDICA et SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE,
sur le fond, subsidiairement :
- de débouter M. [E] [D] de ses demandes, fins et conclusions,
- de confirmer le jugement sus énoncé et daté en ce qu' il a :
* débouté M. [E] [D] de sa demande d'annulation du rapport d'expertise,
* débouté M. [E] [D] de l'ensemble de ses demandes,
* condamné M. [E] [D] aux dépens qui pourront être recouvrés par les avocats de la cause sur affirmation de droit,
en tout état de cause,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] [N] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
statuant à nouveau,
- de condamner M. [E] [D] à payer à Mme [F] [N] la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice subi résultant d'une atteinte au droit du mariage, à l'honneur, à la dignité et à la vie privée,
- de condamner M. [E] [D] à payer à Mme [F] [N] la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi résultant de l'abus de droit par l'utilisation de moyens mensongers inadmissibles et volontairement blessants pour la partie adverse,
- de condamner toute partie perdante à payer à Mme [F] [N] une somme de 16.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant ses dernières conclusions d'intimé en date du 6 janvier 2021, la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du 7 juillet 2020 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à plus ample application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau, y ajoutant,
- de condamner M. [E] [D] à payer la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
- de condamner M. [E] [D] à payer la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens,
si par extraordinaire la société La Mondiale étant condamnée in solidum avec Mme [N] à verser la somme de 8 135.91 euros à M. [D],
- de condamner Mme [F] [N] à rembourser à la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE pareille somme qu'elle aurait alors indûment perçue (article 1376 du code civil),
- de condamner Mme [F] [N] à payer à la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens.
Suivant ses dernières conclusions d'intimée en date du 30 décembre 2020, la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES demande à la cour:
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [E] [D] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre du concluant,
y ajoutant,
- de condamner M. [E] [D] au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions du CPC.
Par ordonnance contradictoire en date du 28 mai 2021, le magistrat de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les conclusions déposées par la société Prédica le 5 mars 2021 de même que toutes les pièces déposées au soutien de ces conclusions ;
- réservé les dépens qui seront joints au fond.
Par avis en date du 2 mars 2021, le Ministère Public demande à la cour:
- de constater que le Ministère Public n'intervient qu'en qualité de partie jointe,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de M. [E] [D] en nullité de mariage recevable,
- de débouter M. [E] [D] de sa demande de contre-expertise judiciaire,
- statuer ce que de droit sur les autres demandes.
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 13 mars 2023.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
Sur les fins de non recevoir
Le premier juge dans le dispositif de sa décision a rejeté l'ensemble des fins de non recevoir soulevées par Mme [F] [N], mais n'a pas fait porter sa motivation sur le lien de connexité entre la demande initiale et les demandes additionnelles.
Mme [F] [N] soutient l'irrecevabilité des demandes tendant à la nullité du mariage et à restitution des sommes perçues par Mme [F] [N] dans le cadre du partage successoral de M. [Y] [D] pour défaut de lien suffisant avec l'objet de la demande initiale en responsabilité à l'encontre des sociétés SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES, SA PREDICA et SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE . Elle ne critique plus la qualité à agir de M. [E] [D].
Suivant les dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Aux termes de son assignation du 18 juin 2014 contre Mme [F] [N] et les assureurs, M. [E] [D] entendait obtenir la remise des sommes correspondant au capital des assurance-vie, se fondant sur l'interprétation de la clause bénéficiaire et la responsabilité des assureurs.
La demande en annulation du mariage, formée par conclusions du 21 mars 2016 poursuit la même finalité, puisque s'il est fait droit à sa demande, l'application des clauses de bénéficiaire (le conjoint survivant ou à défaut les héritiers) se ferait à son profit, pour les montants initialement réclamés.
La demande au titre de la restitution par Mme [F] [N] des sommes issues de la succession est le corrolaire nécessaire de la précédente.
Par conséquent, poursuivant le même but, à savoir la restitution par Mme [F] [N] des sommes perçues par elle suite au décès de M. [Y] [D], les demandes additionnelles présentent un lien suffisant avec les prétentions originaires. Elles seront donc déclarées recevables, complétant la décision dont appel.
Sur la demande de contre expertise
Au terme de ses écritures, M. [E] [D] ne demande plus l'annulation du rapport d'expertise, mais sollicite une contre expertise. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [D] de sa demande d'annulation du rapport.
Pour critiquer le rapport de l'expert judiciaire, M. [E] [D] produit un rapport établi par le Docteur [G] [X].
Cette praticienne reprend les éléments du dossier médical transmis par l'appelant, pour considérer qu'elle dispose de peu d'éléments, que la question de l'état de conscience et de la capacité à consentir peut se poser légitimement mais qu'en l'état du dossier qui lui est soumis, il lui est difficile de conclure plus avant.
Ce document ne vient pas contredire les constatations et analyses contenues dans le rapport d'expertise judiciaire, l'expert ayant eu accès à l'entier dossier du patient. Le fait que la question de l'état de conscience et de la capacité à consentir se pose légitimement ne constitue pas une critique utile de l'expertise, puisque c'est justement parce que cette question est posée que la mesure d'instruction a été ordonnée.
Par ailleurs, quoique bref, le rapport de l'expert judiciaire répond aux questions posées dans sa mission, argumenté sur le plan médical.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une contre expertise.
Sur la demande tendant à la nullité du mariage
Suivant les dispositions de l'article 146 du code civil, il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement.
La preuve de l'absence de consentement incombe à celui qui s'en prévaut.
Pour débouter M. [E] [D] de sa demande d'annulation du mariage, le premier juge s'est fondé sur les constatations de l'expert judiciaire, les témoignages des personnes présentes à la cérémonie, ainsi que sur un document nommé 'prepa mariage' contenant les éléments du discours tenu par M. [Y] [D] devant les invités.
A l'appui de son appel, M. [E] [D] soutient, en résumé :
- que Mme [F] [N] et M. [Y] [D] n'avaient pas établi une relation à caractère marital ni une communauté de vie, son père ayant au contraire tout au long de sa vie fait état de son hostilité au mariage,
- que l'état de santé et les traitements de M. [Y] [D] ont pu altérer son discernement,
- que le mariage ne poursuivait pour Mme [F] [N] qu'un objectif purement financier, étranger à l'union matrimoniale.
Mme [F] [N] avance au contraire que bien qu'ayant conservé des domiciles distincts, elle partageait la vie M. [Y] [D] depuis une dizaine d'années, que les témoignages des personnes présentes à la cérémonie attestent du consentement libre de l'époux.
L'expert médical a retracé l'histoire de la maladie de M. [Y] [D], déclarée au début de l'année 2010, sans omettre son hospitalisation à [Localité 11] en avril 2010 en raison d'un choc sceptique. Il a décrit les modalités de prise en charge du patient et précisé que la mise en place d'une chimiothérapie lourde en mai 2010 indique que son état général était compatible avec ce traitement et qu'il avait émis pour ce faire un consentement éclairé.
L'expert énonce que suivant les données de la feuille de surveillance clinique, M. [Y] [D] présentait un état de conscience adapté les 3,4,5 juin. Il n'est décrit comme confus que jusqu'au 31 mai et somnolent le 10 juin. Entre ces deux dates il est reconnu comme présentant une conscience adaptée.
Par conséquent, la mesure d'instruction révèle qu'aucune cause médicale ne permet de retenir que M. [Y] [D] n'ait pas pu émettre un consentement libre au mariage. En d'autres termes, aucune cause médicale ne faisait obstacle à l'expression par M. [Y] [D] de son consentement.
Les attestations produites par M. [E] [D], sur qui pèse la charge de la preuve de l'absence de consentement, ne donnent pas d'indication quant à l'état mental de son père le jour de la cérémonie, les déclarants n'y ayant pas assisté.
Le fait que M. [Y] [D] ait pu au cours de sa vie adulte exprimer une hostilité à l'institution matrimoniale n'est en rien incompatible avec son union, intervenue en outre sur le tard.
La prise de médicaments type morphine ne suffit pas à démontrer que la volonté était altérée au moment de la célébration du mariage. L'affirmation générale de M. [E] [D] est sur ce point contredite par l'expertise médicale et par les témoignages des personnes qui ont assisté à la cérémonie.
Les témoignages des personnes présentes au mariage viennent en effet confirmer la parfaite conscience de M. [Y] [D].
M. [M] [R], qui exerce la profession de neuropsychiatre et Professeur de médecine, atteste avoir assisté au mariage de M. [Y] [D] avec Mme [F] [N]. Il déclare avoir été témoin des échanges avec son épouse, avec l'officier d'état civil et avec le recteur de l'institut catholique également présent. Il n'a constaté à cette occasion aucune altération de son état de conscience et de ses capacités cognitives. Cette attestation qui n'est pas dans les formes de l'article 202 n'en n'a pas moins valeur de renseignement, le défaut de formalisme étant sans incidence sur l'exactitude du contenu.
L'officier d'état civil qui a célébré le mariage, se déplaçant pour cela à l'hopital, atteste avoir personnellement constaté que M. [Y] [D], bien que malade, était parfaitement conscient et capable de mesurer les conséquences de l'acte. Il ajoute qu'après avoir apposé sa signature, M. [Y] [D] lui a déclaré : 'je vous remercie, c'est le mariage dont je rêvais'.
Le document informatique intitulé 'PREPA MARIAGE' n'est certes pas daté ni signé mais il contient des extraits du discours que M. [Y] [D] a prononcé le jour de la cérémonie, intitulé 'les Parques n'ont pas voulu de moi', évoqué dans les courriers de remerciements ou de condoléances . Ce projet de discours, qui a effectivement été tenu, témoigne de ce que le mariage avait été préalablement pensé par M. [Y] [D].
Les photographies de la cérémonie montrent un homme certes en fauteuil mais dépourvu d'apareillage médical, parfaitement digne et souriant.
Les attestations produites par Mme [F] [N], les lettres de remerciement et de condoléances ainsi que les pièces justifiant de réservations de voyage (y compris d'ailleurs avec M. [E] [D]), démontrent que les intéressés vivaient une relation depuis environ dix ans, insérée dans un réseau d'amitiés dans leur environnement.
Les témoignages versés au débat par M. [E] [D] sur qui pèse la charge de la preuve, ne viennent pas démontrer le défaut d'intention matrimoniale.
L'absence de cohabitation permamente ne permet pas d'en déduire une absence de communauté de vie, alors que des époux peuvent avoir des domiciles distincts. Cet état de fait procède d'un choix de vie adopté de part et d'autre.
L'argument suivant lequel la mère de M. [Y] [D] n'avait pas été invitée au mariage est sans portée dès lors que cette dame, âgée de 96 ans, résidant en EHPAD, n'aurait pas pu faire le déplacement. M. [E] [D] ne démontre pas que verbalement, M. [Y] [D] n'avait pas tenu sa mère au courant de son projet de mariage. Sur les visites à la vieille dame, l'intimée produit une photographie, tandis que M. [E] [D] ne justifie pas de l'absence de respect par Mme [F] [N] de ses obligations à l'égard de sa belle-mère.
Enfin, M. [E] [D] admet dans ses écritures que Mme [F] [N] prenait soin de M. [Y] [D] dans sa maladie, ce dernier ayant déclaré qu'elle s'occupait parfaitement bien de lui. Ces soins apportés au futur mari puis à l'époux gravement malade, dès le début de la maladie et jusqu'à son décès, ressortent du devoir d'aide et assistance qui constitue l'une des obligations du mariage. L'appelant n'est donc pas fondé à soutenir que le mariage a été consenti dans le seul objectif d'obtenir un résultat patrimonial, étranger à l'union matrimoniale.
En conclusion, M. [E] [D] ne démontre pas l'absence de consentement de M. [Y] [D] lié à son état de santé. Il ne démontre pas non plus que le mariage entre M. [Y] [D] et Mme [F] [N] était contracté dans un but étranger à l'union matrimoniale.
Le jugement qui a fait une juste analyse des faits de la cause sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [D] de sa demande d'annulation du mariage.
En qualité d'épouse, Mme [F] [N] est héritière de M. [Y] [D]. M. [E] [D] sera débouté de sa demande tendant à la restitution des sommes perçues en qualité de conjoint survivant dans le cadre de la liquidation de la succession de M. [Y] [D].
Sur les contrats d'assurance-vie
Le mariage n'étant pas annulé, M. [E] [D] demande le paiement du capital des assurances-vie, la clause bénéficiaire devant s'interpréter comme le désignant.
Il recherche également la responsabilité contractuelle des assureurs, la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE et la SA PREDICA, ainsi que de la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES, pour manquement à leur devoir d'information et de conseil en ne personnalisant pas la clause bénéficiaire en fonction de la situation réelle de l'assuré au moment de la souscription.
Le litige porte sur trois contrats d'assurance-vie :
- VIVEPARGNE souscrit auprès de la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE le 8 octobre 1990 laissant un capital de 7.700 €
- LIONRETRAITE souscrit auprès de la SA PREDICA par l'intermédiaire de la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES le 23 septembre 1992, laissant un capital de 44.500 €
- LION RETRAITE IMMO souscrit auprès de la SA PREDICA, par l'intermédiaire de la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES le 17 septembre 1990, laissant un capital de 54.000 €.
Les clauses bénéficiaires de ces contrats mentionnaient prioritairement le conjoint de l'assuré non séparé de corps, et à défaut les descendants de l'assuré, nés ou à naître, et à défaut ses héritiers.
M. [E] [D] soutient que ces clauses, formalisées sous forme de clauses types, étaient inadaptées, M. [Y] [D] étant célibataire sans projet matrimonial au moment de leur signature, qu'il avait en réalité entendu gratifier son fils ; que c'est en ce sens qu'il faut les interpréter et que cette rédaction met en cause la responsabilité des assureurs qui n'ont pas suffisament informé le souscripteur.
Suivant l'article 1134 ancien du code civil, applicable à l'espèce, les conventions légalement formées entre les parties tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Il en découle que lorsque les termes sont clairs et précis, il n'est pas permis au juge de dénaturer les obligations qui en découlent et de modifier les stipulations qu'elles renferment.
En l'espèce, les clauses des contrats litigieux qui prévoyaient comme bénéficiaire, le conjoint non séparé de corps, à défaut les descendants de l'assuré, nés ou à naître, et à défaut ses héritiers, sont claires et précises. Elle ne supportent donc pas l'interprétation.
La responsabilité recherchée de la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES , qui était mandataire de la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE doit être écartée en ce qu'elle n'était que l'intermédiaire de la SA PREDICA, elle n'a ni perçu les primes ni géré les fonds.
S'agissant de la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE et de la SA PREDICA en présence d'une clause bénéficiaire, certes type, mais parfaitement claire, alors même que le niveau d'instruction de M. [Y] [D], conservateur de musée, ne permet pas de mettre en doute sa parfaite compréhension de ces clauses ni de leur portée, et que l'imprimé proposé lui laissait le choix, en cochant la case 'autre' de désigner prioritairement son fils, aucun manquement à une obligation de conseil et d'information ne peut être retenu contre les assureurs.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [D] de ses demandes en restitution et paiement formées contre Mme [F] [N], la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE et la SA PREDICA .
Sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts
C'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a débouté Mme [F] [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour non respect de sa vie privée et atteinte au droit au mariage.
Sur les demandes accessoires
M. [E] [D] qui succombe pour l'ensemble de ses demandes sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
M. [E] [D] supportera les dépens d'appel, dont distraction, le jugement étant confirmé pour les dépens de première instance.
Au regard de l'équité, c'est par une juste appréciation que le premier juge a condamné M. [E] [D] à payer à Mme [F] [N] la somme de 3.000 € au titre des frais et a débouté la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE, la SA PREDICA et la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES de leur demande de ce chef.
Pour les dépens d'appel, M. [E] [D] devra payer à Mme [F] [N] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de l'équité, la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE, la SA PREDICA et la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES seront déboutées de leurs demandes au titre des frais.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dans la limite de sa saisine,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les fins de non recevoir et déclaré recevable l'action de M. [E] [D],
Y ajoutant, déboute Mme [F] [N] de sa fin de non recevoir tenant au défaut de connexité de la demande additionnelle en annulation du mariage, et déclare cette demande recevable,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [E] [D] de sa demande d'annulation du rapport d'expertise.
Y ajoutant, déboute M. [E] [D] de sa demande de contre expertise,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] [D] de sa demande d'annulation du mariage,
Y ajoutant, déboute M. [E] [D] de sa demande tendant à la restitution des sommes perçues en qualité de conjoint survivant dans le cadre de la liquidation de la succession de M. [Y] [D],
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] [D] de ses demandes au titre des assurances-vie contre Mme [F] [N], la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE, la SA PREDICA et la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] [N] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts,
Ajoutant au jugement, déboute M. [E] [D] de sa demande de dommages et intérêts,
Confirme le jugement en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne M. [E] [D] à payer à Mme [F] [N] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais d'appel,
Déboute la SA LA MONDIALE ASSURANCE VIE , la SA PREDICA et la SA LCL CREDIT LYONNAIS ASSURANCES de leurs demandes au titre des frais,
Condamne M. [E] [D] aux dépens dont distraction au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
M. TACHON C. DUCHAC