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30/05/2023 | FRANCE | N°22/00419

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 30 mai 2023, 22/00419


30/05/2023



ARRÊT N°



N° RG 22/00419

N° Portalis DBVI-V-B7G-OSYD

MD / RC



Décision déférée du 22 Mars 2016

Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX 14/04667

Mme [P]

















[E] [R] [F] [X]

[Y] [N] [F] [X]





C/



[V] [U]

[D] [U]-[M]











































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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTS



Monsieur [E] [R] [F] [X]

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représenté par Me Laurent DE CAUNES de la SCP DE CAUN...

30/05/2023

ARRÊT N°

N° RG 22/00419

N° Portalis DBVI-V-B7G-OSYD

MD / RC

Décision déférée du 22 Mars 2016

Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX 14/04667

Mme [P]

[E] [R] [F] [X]

[Y] [N] [F] [X]

C/

[V] [U]

[D] [U]-[M]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Monsieur [E] [R] [F] [X]

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représenté par Me Laurent DE CAUNES de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [Y] [N] [F] [X]

Venant aux droits du préfet de la région Aquitaine pris en sa qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [H] et venant aux droits en nue-propriété de Monsieur [E] [X].

[Adresse 11]

[Localité 16]

Représenté par Me Laurent DE CAUNES de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [V] [U]

[Adresse 2]

[Localité 16]

Représenté par Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Charlotte DE LAGAUSIE de l'AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame [D] [U] épouse [M]

[Adresse 4]

[Localité 16]

Représentée par Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Charlotte DE LAGAUSIE de l'AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 13 Février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par R. CHRISTINE faisant fonction de greffier.

-:-:-:-:-:-

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [V] [U] est propriétaire depuis le 17 février 1996 de deux parcelles situées dans la commune de [Localité 16], lieudit "Candaubas", cadastrées A [Cadastre 6] et A [Cadastre 7]. La parcelle A [Cadastre 7] est notamment constituée d'une allée permettant l'accès à la route départementale 214 reliant le bourg de [Localité 15] à celui de [Localité 16] (33).

Selon acte notarié en date du 31 janvier 1997, M. [E] [X] a acquis les 8/9èmes en pleine propriété des parcelles cadastrées A [Cadastre 5] et A [Cadastre 8], contiguës à celles appartenant à M. [U], le 9ème subsistant appartenant à M. [H], décédé depuis lors le 1er janvier 1999.

Dans le courant de l'année 2001, M. [U] a fait installer deux portails fermés aux

extrémités de l'allée située sur sa parcelle A [Cadastre 7] et menant à la RD 124.

Invoquant un trouble possessoire dans l'exercice de la servitude de passage sur la parcelle A [Cadastre 7], M. [X] a, par acte d'huissier du 17 juin 2002, saisi le tribunal d'instance de Bordeaux qui a rendu un jugement le 3 avril 2003 condamnant M. [U] à libérer l'exercice du passage depuis l'immeuble de M. [X] sur sa parcelle A [Cadastre 7], en lui faisant interdiction d'empêcher l'ouverture des portails déposés.

Cette décision a été intégralement confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux le 6 mars 2008.

-:-:-:-:-:-

Préalablement à cette dernière décision, soit par assignation en date du 4 octobre 2004,

M. [U] avait saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir déclarer éteinte la servitude de passage invoquée par M. [X] pour non-usage trentenaire et, en outre, en raison de la cessation de l'état d'enclave.

Par jugement du 22 septembre 2009, cette juridiction a notamment constaté l'extinction par non-usage trentenaire de la servitude de passage grevant la parcelle A[Cadastre 7] de M. [U] au bénéfice des parcelles A [Cadastre 5] et A [Cadastre 8] A de M. [X] et, en tout état de cause, la disparition de l'état d'enclave du fonds.

Cette décision a été intégralement confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 29 septembre 2011.

Par arrêt rendu le 23 janvier 2013 au visa des articles 1265 et 1267 du code de procédure civile, la troisième chambre civile de la cour de cassation (Civ. 3, 23 janvier 2013, pourvoi n 11-28.266) a cassé l'arrêt d'appel au motif que, la protection possessoire et le fond du droit n'étant jamais cumulés et le défendeur au possessoire ne pouvant agir au fond qu'après avoir mis fin au trouble, il était impossible à M. [U] d'agir au pétitoire avant la fin de l'instance possessoire, alors que l'arrêt attaqué avait retenu que si la prohibition du cumul du possessoire et du pétitoire fait obstacle à ce que la chose jugée au possessoire ait autorité au pétitoire, il n'était pas nécessaire que l'action possessoire ait été jugée irrévocablement avant l'exercice d'une action pétitoire.

Sur renvoi, la cour d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 4 mars 2014, infirmé le jugement entrepris et déclaré irrecevable l'action pétitoire engagée par M. [U].

-:-:-:-:-:-

Entendant reprendre l'action pétitoire qu'il avait initialement engagée, M. [U] a, sur autorisation du 2 avril 2014, fait assigner à jour fixe les 16 et 22 avril 2014 M. [X] et M. Le Préfet de la région Aquitaine, ès-qualités de curateur à la succession vacante de M. [H], devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins notamment :

- de voir, sur le fondement des articles 685-1 et 706 du code civil, déclarer éteinte la servitude de passage invoquée par M. [X] sur sa parcelle A[Cadastre 7] pour non-usage-trentenaire ;

- déclarer, en tout état de cause, éteinte ladite servitude par suite de la disparition de l'état d'enclave ;

- d'obtenir la condamnation de M. [X] au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 22 mars 2016, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté M. [X] de sa demande de nullité de l'assignation à jour fixe,

- déclaré recevable l'action introduite par M. [U] ;

- constaté l'extinction de la servitude de passage grevant la parcelle cadastrée A [Cadastre 7] au bénéfice des parcelles cadastrées A [Cadastre 5] et A [Cadastre 8] en raison de la cessation de l'état d'enclave ;

- condamné M. [X] à supprimer à ses frais tous les ouvrages implantés sur le fonds A [Cadastre 7], en surface comme en sous-sol, à l'exception de ceux qui ont été expressément autorisés par M. [U], et ce dans le délai de six mois à compter de la signification du jugement ; passé ce délai, condamné M. [X] à payer à M. [U] une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, et ce pendant un délai de quatre mois ;

- débouté messieurs [U] et [X] de leurs demandes respectives en paiement de dommages et intérêts;

- condamné M. [X] à payer à M [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [X] aux dépens de l'instance ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;

- rejeté toutes autres demandes comme non fondées.

Sur la disparition de l'état d'enclave, le tribunal a considéré que l'analyse des titres de propriété des parties et de leurs auteurs permet de conclure que la servitude de passage existe depuis plus d'un siècle, apparaissant déjà dans un acte du '24 février 1896" puis reprise dans les actes translatifs successifs mais que le seul rappel dans les actes de cette servitude sous la qualification de 'conventionnelle' est insuffisant pour écarter sans autres développements l'application de l'article 685-1 du code civil invoqué par M. [U] pour soutenir l'extinction de cette servitude. Il a jugé que la cause déterminante de cette stipulation était l'état d'enclave qui, selon ses constatations, avait aujourd'hui disparu et que la convention n'avait pour fonction que d'aménager les modalités d'usage de cette servitude légale.

M. [X] a interjeté appel de cette décision le 20 mai 2016.

Devant la cour d'appel sont intervenus volontairement M. [Y] [X], acquéreur indivis avec son père, M. [X], du neuvième des parcelles A [Cadastre 5] et A [Cadastre 8] ayant appartenu à M. [H], et venant, comme tel, aux droits du préfet de région, ainsi que Mme [M], nue propriétaire depuis 1995, par donation de son père, de la parcelle A [Cadastre 7].

-:-:-:-:-:-:-

Par arrêt avant dire droit du 23 mai 2019, la cour d'appel de Bordeaux a invité les parties à s'expliquer sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 6 mars 2008.

Par un arrêt en date du 25 mai 2021, la cour d'appel de Bordeaux a, confirmant le jugement du 22 mars 2016 du chef du rejet de la demandes de dommages-intérêts de M. [U] et l'infirmant pour le surplus, a :

- déclaré irrecevable la demande d'extinction de la servitude de passage en tant que fondée sur la cessation de l'état d'enclave des parcelles [X],

- rejeté la demande d'extinction de la servitude de passage en tant que fondée sur le non-usage trentenaire,

- rejeté la demande de suppression d'ouvrages,

- rejeté les demandes de dommages-intérêts des consorts [X].

Pour déclarer irrecevable la demande des consorts [U] en constatation de l'extinction de la servitude de passage grevant leur fonds, en raison de la disparition de l'état d'enclave du fonds dominant des consorts [X], l'arrêt retient, d'une part que cette demande est identique à la défense, constitutive d'une exception de nature pétitoire, qu'ils avaient opposée à l'action possessoire de M. [X], et d'autre part que les motifs de l'arrêt du 6 mars 2008 ont indiqué que la servitude litigieuse n'avait pas pour cause l'enclavement du fonds dominant et était en conséquence de nature conventionnelle, et que son dispositif a mentionné qu'il confirmait intégralement la décision du premier juge ayant rejeté, dans ses motifs et son dispositif, le moyen pris de l'extinction de la servitude par suppression de l'état d'enclave.

M. [U] et Mme [M] ont formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 23 septembre 2021, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a :

' déclaré irrecevable la demande présentée par M. et Mme [U] tendant à déclarer éteinte la servitude grevant la parcelle A [Cadastre 7] en raison de la disparition de I'état d'enclave,

' rejeté 'les demandes de suppression sous astreinte de tous les ouvrages implantés en sous-sol de la parcelle A [Cadastre 7] ainsi que d'octroi de dommages et intérêts, présentées par M. et Mme [U], l'arrêt rendu le 13 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris' ;

- remis, sur ces points, I'affaire et les parties dans I'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

Pour statuer ainsi, la Cour de cassation a rappelé le principe énoncé par l'article 1351 du code civil devenu 1355 du même code et selon lequel 'l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement' et considéré qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ce texte alors que le jugement confirmé par l'arrêt du 6 mars 2008 n'avait tranché aucune demande de nature pétitoire et que les seuls motifs de cet arrêt étaient dépourvus de l'autorité de la chose jugée.

Par déclaration en date du 24 janvier 2022, MM. [E] et [Y] [X] ont saisi la cour d'appel de Toulouse.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 23 janvier 2023, Mme [D] [U] épouse [M] et M. [V] [U], demandent à la cour, au visa de l'article 685-1 du code civil, de :

- recevoir Mme [M] en son intervention volontaire ;

- confirmer le jugement et déclarer, en tout état de cause, éteinte ladite servitude par suite de la disparition de l'état d'enclave ;

- confirmer le jugement et condamner M. [X] à supprimer tous les ouvrages implantés en sous-sol (canalisations et autres réseaux...) sur le fonds [U], hormis le réseau autorisé d'adduction d'eau, et le réseau de gaz, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner M. [X] au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [U] outre 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile après confirmation du jugement en ce qu'il a alloué la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- débouter M. [X] de toutes ses demandes fins et conclusions ;

- condamner M. [X] aux entiers dépens.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 5 janvier 2023, MM. [E] et [Y] [X], demandent à la cour, au visa des articles articles 682, 688, 701, 706, 707 du code civil, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 22 mars 2016 en

ce qu'il a :

- constaté l'extinction de la servitude de passage grevant la parcelle cadastrée A [Cadastre 7] sise lieudit [Adresse 1] à [Localité 16], au bénéfice des parcelles cadastrées sur la même commune A [Cadastre 5] et A [Cadastre 8] en raison de la cessation de l'état d'enclave,

- condamné M. [E] [X] à supprimer à ses frais tous les ouvrages implantés sur le fonds A [Cadastre 7], en surface comme en sous-sol, à l'exception de ceux qui ont été expressément autorisés par M. [U], et ce dans le délai de six mois à compter de la signification du présent jugement,

- passé ce délai, condamné M. [E] [X] à payer à M. [V] [U] une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, et ce pendant un délai de 4 mois,

Statuant à nouveau,

- débouter les consorts [U] de leur demande en constatation de l'extinction de la servitude pour disparition de l'état d'enclave,

- débouter les consorts [U] de leur demande en suppression des ouvrages implantés sur le fonds A [Cadastre 7] sous astreinte,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] [U] de ses demandes indemnitaires.

Ajoutant au jugement entrepris,

- condamner les consorts [U] à leur verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles devant la cour de renvoi,

- condamner les consorts [U] à supporter les entiers dépens de la procédure devant la cour de renvoi.

-:-:-:-:-:-

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023. L'affaire a été examinée à l'audience du 13 février 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Il sera tout d'abord constaté que le rejet de la demande tendant à voir éteinte la servitude grevant la parcelle A [Cadastre 7] en raison du non-usage trentenaire est définitivement acquis et que la cassation concernant la demande principale ne porte que sur la question de l'extinction de cette servitude en raison de la disparition de l'état d'enclave.

2. Selon l'article 685-1 du code civil, 'En cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682.

À défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice'.

L'article 682 du code civil dispose pour sa part : 'Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner'.

Pour la mise en oeuvre des dipositions de l'article 685-1 précité, la convention afférente au titre, doit n'avoir eu pour seule fin que la fixation de l'assiette et l'aménagement du passage entrant dans les prévisions de l'article 682, et non résulter de la volonté des parties scellées alors même que le terrain dominant ne serait pas enclavé conférant ainsi à la servitude un caractère purement conventionnel ou constituant une telle servitude par destination du père de famille.

3. En l'espèce, un acte authentique a été dressé le 5 avril 1826 aux fins de constater la vente entre les consorts [S] et les consorts [G]/[T] d'un 'domaine formant un enclos, appelé Candaubas, situé dans les communes de [Localité 16] et [Localité 15], consistant en maison, bâtiments accessoires, jardin, vignes, prairies et terres labourables', de diverses autres pièces de vigne et prairies, l'ensemble d'une 'contenance approximative' de 12 ha 32 a. Cet acte comporte la clause suivante : 'Est compris dans la vente le droit de passage sur la propriété de Madame veuve [B] pour aboutir au chemin vicinal qui aboutit à la grande route au village de [Localité 16] pour l'usage duquel le sieur [S] remettra au sieur [G] une clé du portail qui forme l'entrée dudit passage qui peut être exercé avec boeufs et charettes pour l'exploitation du domaine actuellement vendu' (pièces n° 91 du dossier de M.Mme [U] et 93 du dossier de MM. [X]). Il évoque aussi la confrontation du domaine au Nord au chemin de [Localité 15] à [Localité 16], 'au midi' à diverses vignes et 'au grand chemin' (devenue la route nationale), 'au levant' à diverses autres vignes et 'au chemin de Mongenan'. Il ressort du plan cadastral Napoléonien versé dans le dossier de chacune des parties qu'il existait une chemin dénommé 'allée commune' qui reliait la route nationale au chemin de [Localité 15] à [Localité 16], traversant du Sud au Nord des parcelles de vigne et se terminant par le passage litigieux débouchant sur ledit chemin. Une autre allée partait de cette allée commune vers l'Est longeant notamment la propriété de Mme [B].

4. Par acte authentique du 15 février 1840, l'ayant droit des consorts [G]/[T] a vendu à M. [J] [A], auteur de M. [U], une partie des bâtiments situés sur le domaine de Candaubas. Il était notamment stipulé : 'Le sieur [A], aura droit de passage avec boeuf et charettes sur les portions vendues à [I] et [W] pour soit sur grand chemin, soit sur chemin de Mme [B] et devra fournir droit de puisage au puits qui se trouve dans la propriété des autres co-acquéreurs des batisses, qui auront le même droit de passage avec boeufs et charrettes sur la portion de [A] pour se rendre au chemin allant de [Localité 15] à [Localité 16] ; il est bien entendu que l'allée actuelle qui conduit de la cour au chemin de [Localité 16] est comprise dans la présente vente sous la réserve ci-dessus'(pièces n° 90 du dossier de M. Mme [U] et 108 du dossier de MM. [X]).

Les parties conviennent que leurs fonds respectifs étaient desservis par 'l'allée commune' qui, du fait de la jonction en son milieu avec le chemin de Mme [B], permettait ainsi d'aboutir à trois voies : la route nationale, le chemin de [Localité 16] et le chemin de Mongenan, ce dernier étant parallèle à l'allée commune.

Les consorts [X] soutiennent que les servitudes mutuelles créées en 1840 étaient des 'servitudes de pur confort et de convenance' permettant de maintenir pour chaque propriétaire des maisons voisines les accès ainsi définis et ne résultent pas d'un enclavement initial du fonds des auteurs de M. [X].

Les consorts [U] prétendent au contraire que les fonds [W] et [I] étaient enclavés à la suite du morcellement du domaine et que la création d'une servitude de passage au profit de ces fonds était l'unique possibilité de leur donner accès à la voie publique à distinguer du droit de passage initialement constitué en 1826 et demeuré au profit des vendeurs sur le chemin [B] et sur l'allée conduisant à la route nationale.

5. La cour relève qu'il est constant que les propriétés respectives des parties sont issues du domaine acquis en 1826 par les consorts [G]/[T] et qui a été par la suite divisé en quatre lots le même jour (le 15 février 1840), l'un conservé par les vendeurs et les trois autres respectivement vendus à M. [W], M. [I] et M. [A].

Celui acquis par M. [A] qui comprend le passage litigieux était le plus proche du chemin de [Localité 16], celui acquis par M. [I] lui était contigu et celui acquis par M. [W] était contigu à celui de M. [I]. Le vendeur avait conservé les autres parcelles qui lui permettaient d'accéder notamment au 'grand chemin'.

L'acte de vente à M. [I] du 15 février 1840 comportait une clause sensiblement identique à celle figurant dans l'acte de vente à M. [A] en faisant d'ailleurs référence aux mêmes trois accès possibles à la voie publique (pièces n° 93 du dossier de M.Mme [U] et 109 du dossier de MM. [X]).

L'acte de vente à M. [W] n'est pas produit mais seulement celui signé le lendemain (16 février 1840) par lequel ce dernier a revendu à un tiers ([K]) une écurie et une portion de cour. Il est stipulé dans cet acte 'Il est à observer [...] que la portion de cour présentement acquise devra réserver passage avec boeufs et charettes à tous les copropriétaires des bâtisses de Candaubras tant pour se rendre au chemin de [Localité 15] à [Localité 16] que pour aller à la route royale et au chemin de Madame [B]' (pièce n° 100 du dossier de MM. [X]).

Il s'en suit que par si par l'effet de la division intervenue, le fonds de M. [W] s'était retrouvé de fait enclavé, les droits d'accès qui lui ont été concédés lors de la division excédaient par leur nombre et leur tracé les exigences posées par son désenclavement selon les modalités définies par les articles 683 et 684 du code civil dont la rédaction n'a pas évolué depuis leur création en 1804, à savoir un passage pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique et, en présence d'une division du fonds résultant d'une vente, uniquement sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

En l'espèce, force est de constater qu'à la lumière des actes successifs de 1826 et 1840, les parties ont fait le choix de consentir des servitudes réciproques pour maintenir une circulation identique à celle qui était en usage dans le domaine essentiellement constitué de vignes et de prairies pour notamment les relier au hameau et aux voies publiques (nationale ou vicinale) les entourant.

Il est aussi constant que l'accès à la route nationale par l'allée commune a été coupé par la construction de la voie de chemin de fer '[Localité 14]-[Localité 17]' entre 1850 et 1855 (pièces n° 98 et 97 du dossier de MM. [X]). Il est soutenu sans démenti que le chemin de Mme [B] a disparu comme tel sans aucune précision sur la date et la cause de cette disparition, seul son tracé est encore perceptible par vue aérienne (pièce 96 du dossier de MM. [X]).

Les parcelles appartenant à M. [E] [X] sont issues du fonds [W] et celles appartenant aux consorts [U] sont issues du fonds [A]. Les consorts [U] ont ainsi la propriété de la partie de 'l'allée commune' qui aboutit au chemin de [Localité 16] supportant la servitude de passage consentie en 1840.

6. Il suit de l'ensemble de ces constatations que le passage litigieux préexistant à la division du fonds a fait l'objet d'une clause expresse dans les actes de vente issus de cette division prévoyant la constitution réciproque de servitudes de passage sans aucune référence à un état d'enclave né de cette division. Les conventions offraient aux fonds dominants d'autres chemins d'accès à la circulation publique pour lesquels il était constitué des servitudes sans autre motif que de permettre au fonds non enclavé demeurant au vendeur d'user par convenance du passage vers le chemin de [Localité 16].

La disparition ultérieure de deux des accès à la voie publique bénéficiant au fonds appartenant actuellement à M. [E] [X] ne saurait restaurer une présomption légale s'attachant à la situation d'enclave initiale que l'auteur commun des parties avait eu la volonté d'écarter.

Il n'est d'ailleurs pas discuté que M. [X] exploite une parcelle de vignes voisine (A [Cadastre 13]) lui ayant permis de créer 'dans les années 1992" des 'passages non carrossables par temps de pluie' comme en attestent diverses attestations et constats d'huissier ainsi qu'un rapport d'expertise amiable établis à la demande de M. [X]. À supposer que ce passage bien antérieur au présent litige soit exploitable pour la circulation d'un véhicule automobile de tourisme, l'existence d'autres passages possibles n'est pas de nature à justifier l'extinction d'une servitude conventionnelle ou établie par destination du père de famille.

Ainsi, en l'état d'un acte de vente réalisant la division d'un fonds en parcelles et reconnaissant des servitudes de passage réciproques sur des chemins préexistants permettant l'accès à diverses voies ouvertes à la circulation publique, ces dernières dépassaient dans leur finalité le seul état d'enclave matériellement créé par la division et ne pouvaient s'éteindre par la seule disparition de l'état d'enclave de telle sorte que le passage consenti au profit du fonds dévolu en dernière main à M. [E] [Z] sur le fonds appartenant actuellement aux consorts [U] résulte d'un titre détaché de la présomption légale d'enclave et que son maintien ne peut être contesté par ces derniers.

Le jugement entrepris sera donc infirmé. La servitude de passage grevant la parcelle cadastrée A [Cadastre 7] au bénéfice des parcelles cadastrées A [Cadastre 5] et A [Cadastre 8] ne pouvant être déclarée éteinte pour disparition de l'état d'enclave, la demande présentée par les consorts [U] sera donc rejetée.

7. La cassation porte ensuite sur la question relative à la demande de suppression sous astreinte de tous les ouvrages implantés en sous-sol de la parcelle A [Cadastre 7].

Le jugement du 22 mars 2016 a condamné M. [E] [X] à supprimer à ses frais tous les ouvrages implantés sur le fonds A [Cadastre 7], en surface comme en sous-sol, à l'exception de ceux qui ont été expressément autorisés par M. [U], et ce dans le délai de six mois à compter de la signification du présent jugement et, passé ce délai, a condamné M. [E] [X] à payer à M. [V] [U] une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, et ce pendant un délai de 4 mois.

Cette décision était motivée par le fait que l'extinction de la servitude de passage autorisait le propriétaire du fonds servant à demander la suppression, par voie de conséquence, de tous les ouvrages installés en vertu de cette servitude, qu'ils soient ou non nécessaires à son exercice tout en limitant cette suppression à ceux qui n'avaient pas fait l'objet d'une autorisation expresse délivrée par M. [U].

Ce dernier confirme dans ses écritures le fait qu'il a autorisé les réseaux d'adduction d'eau et de gaz et qu'il n'en sollicite pas la suppression pas plus qu'il ne demande la suppression des réseaux électriques aériens, limitant sa demande à tous réseaux que M. [X] aurait mis en oeuvre autres que eau, gaz ou électricité.

M. [X] s'y est opposé, subsidiairement, en défense à cette demande dans l'hypothèse d'une décision constatant l'extinction de la servitude de passage.

7.1 Une servitude de passage ne confère le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l'assiette de la servitude que si le titre instituant cette servitude le prévoit (3ème. Civ., 14 juin 2018, pourvoi n° 17-20.280). En l'espèce, l'acte constitutif du 15 février 1840 ne conférait pas un tel droit dans le sous-sol de l'assiette de la servitude.

7.2 Une demande de suppression sous astreinte de réseaux installés sur l'assiette de la servitude suppose une identification précise des canalisations concernées dont l'installation sans droit est imputable au défendeur.

Force est de constater en l'espèce que les canalisations d'eau, de gaz et le réseau aérien d'électricité ne sont pas visés dans les demandes et qu'il n'est produit au dossier aucune pièce de nature à identifier avec précision la présence dans le passage litigieux d'autres canalisations qui n'auraient pas été autorisées par le propriétaire du fonds servant.

Spécialement, l'étude de la valeur vénale de l'immeuble commandée par M. [E] [X] à M. [O], expert, et datée du 2016 mentionne en page 10 et en gras 'D'autre part, les réseaux actuels d'eau, d'électricité et gaz passent par la servitude de passage sur la propriété de Monsieur [U]'. Cette mention est suivie de la suivante : 'Par la suppression de ces réseaux, ces réseaux devront déplacés seuls, et passage de 221 mètres selon devis (de gaz, d'électricité, le téléphone)' (pièce n° 90 du dossier de MM. [X]). La notion de réseau téléphonique n'est nullement explicitée dans sa nature et son emplacement exacts, aucune pièce n'établissant la réalité de sa présence actuelle dans l'assiette du chemin litigieux.

Le permis de construire délivré le 30 août 2006 et portant sur l'agrandissement d'un bâtiment agricole existant sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 12] évoque en son annexe des réseaux à créer lors des travaux (PTT et eaux pluviales) sans aucune indication du lieu d'implantation et de leur lien avec les parcelles n° A [Cadastre 5] et A [Cadastre 8] concernées par le présent litige (pièce n° 21 du dossier des consorts [U]) étant constaté que la tranchée pratiquée sur le chemin date de 2001 (attestation en pièce n°[Cadastre 8] du dossier des consorts [U]). Enfin, M. [U] avait dénoncé à France Telecom le 6 juillet 2004 l'installation de trois lignes téléphoniques à partir d'un poteau situé dans son jardin et surplombant sans autorisation sa propriété, entraînant une lettre de ce service indiquant le déplacement de cette installation sans pour autant indiquer le lieu et les modalités du réseau concerné.

Il s'en suit qu'à défaut de précision permettant l'identification de la nature des réseaux qui seraient implantés sans l'autorisation de M. [U] et donc la justification en son principe comme en ses modalités de l'obligation de leur enlèvement, la demande formée par les consorts [U] ne peut qu'être rejetée et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

8. La Cour de cassation a cassé la disposition de l'arrêt ayant rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par les consorts [U].

Le tribunal de grande instance de Bordeaux avait également rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par ces mêmes parties.

Les consorts [U] présentent actuellement une demande de condamnation des consorts [X] à leur payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le fondement de cette demande n'est pas précisé dans le corps des dernières conclusions.

Il sera relevé que M. et Mme [U] sont déboutés de l'ensemble de leurs prétentions principales et n'établissent l'existence d'aucune faute de MM. [X] dans la revendication de leurs droits ni d'un dommage en lien de causalité avec un comportement fautif de ces derniers dans l'usage de la servitude litigieuse.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] alors seul demandeur à l'instance et de rejeter en tout état de cause la demande présentée par M. et Mme [U] ensemble.

9. Infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner les consorts [U], parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens de la procédure d'appel cassée comme le prévoit l'article 639 du code de procédure civile.

10. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris sur les frais irrépétibles et, faisant droit à la demande des consorts [X], les consorts [U] seront condamnés à leur payer la somme de 9 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et dans le cadre des instances d'appel successives, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Tenus aux dépens, les consorts [U] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande présentée au même titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, dans les limites

de la saisine sur renvoi,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 15 mai 2015 en toutes ses dispositions soumises au renvoi à l'exception de celle relative aux dommages et intérêts réclamés par M. [V] [U] et Mme [D] [U] épouse [M].

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [V] [U] et Mme [D] [U] épouse [M] de leur demande tendant à voir constater l'extinction de la servitude de passage grevant la parcelle cadastrée A [Cadastre 7] au bénéfice des parcelles cadastrées A [Cadastre 5] et A [Cadastre 8] pour cessation d'état d'enclave.

Déboute M. [V] [U] et Mme [D] [U] épouse [M] de leur demande tendant à voir supprimer sous astreinte tous les ouvrages non autorisés et implantés sur le fonds A [Cadastre 7], en surface comme en sous-sol.

Condamne M. [V] [U] et Mme [D] [U] épouse [M] aux dépens de première instance et d'appel exposés tant devant la cour d'appel de Bordeaux que devant la cour d'appel de renvoi.

Condamne M. [V] [U] et Mme [D] [U] épouse [M] à payer à M. [E] [X] et M. [Y] [X], pris ensemble, la somme de 9 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et dans le cadre des instances d'appel successives, en application des dispositions de l'article 700 al. 1er, 1° du code de procédure civile.

Déboute M. [V] [U] et Mme [D] [U] épouse [M] de leur propre demande au titre de l'article 700 al. 1 er , 1° du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

R. CHRISTINE M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/00419
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;22.00419 ?
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