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30/05/2023 | FRANCE | N°21/01263

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 30 mai 2023, 21/01263


30/05/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/01263

N° Portalis DBVI-V-B7F-OBPH

SL/OC



Décision déférée du 09 Juin 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTAUBAN ( 19/00217)

M. REDON

















S.A.R.L. CAPITAL FINANCE CONSEIL





C/



[C] [D]

S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [U] [F], en qualité de mandataire liquidateur de la société KALYS INVESTISSEMENTS

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

S.A.

MMA IARD





























































INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Se...

30/05/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/01263

N° Portalis DBVI-V-B7F-OBPH

SL/OC

Décision déférée du 09 Juin 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTAUBAN ( 19/00217)

M. REDON

S.A.R.L. CAPITAL FINANCE CONSEIL

C/

[C] [D]

S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [U] [F], en qualité de mandataire liquidateur de la société KALYS INVESTISSEMENTS

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

S.A. MMA IARD

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.R.L. CAPITAL FINANCE CONSEIL

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP PERES-RENIER-ALRAN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [C] [D]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Charlotte LEVI de la SELARL LEVI - EGEA - LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [U] [F], en qualité de mandataire liquidateur de la société KALYS INVESTISSEMENTS

[Adresse 2]

[Localité 8]

Sans avocat constitué

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège venant aux droits de la SA COVEA RISKS en sa qualité de co-assureur

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A. MMA IARD

Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège venant aux droits de la SA COVEA RISKS qu'elle a absorbée et en sa qualité de co-assureur suite à la décision n° 2015C-83 de l'Autorité de Contrôle Prudentiel du 22 octobre 2015 publiée au Journal Officiel du 16 décembre 2015

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

J.C. GARRIGUES, président

A.M. ROBERT, conseillère

S. LECLERCQ, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARR'T :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par J.C. GARRIGUES, président, et par R. CHRISTINE faisant fonction de greffier

EXPOS'' DES FAITS ET DE LA PROC''DURE :

M. [D] s'est adressé à la société Capital finance conseil à laquelle il a donné trois mandats successifs de recherche de solutions de placements en défiscalisation ultramarine, les 12 avril 2012, 28 juin 2012 et 28 mars 2013. Concomitamment, il lui a été soumis pour signature des mandats d'investissement avec libération des fonds au profit de la société La financière de Lutèce, devenue Kalys investissements, sous forme d'acquisition de parts sociales dans des sociétés ayant une activité dans le domaine des énergies renouvelables, éligible aux réductions d'impôts.

Pour 2012, les Sas véhicules de la défiscalisation étaient les Sas Cajou, Camélia, Camopi, Catalpa, Cèdre et Cérisier.

Pour 2013, les Sas véhicules de la défiscalisation étaient les Sas Campis, Cardamine, Carissa, Caryota, Casuarina et Celtis.

M. [D] a déclaré au titre des revenus de l'année 2012 un montant de 53.948 euros ouvrant droit à une réduction d'impôt, du fait des droits détenus dans les Sas Cajou, Camelia, Camopi, Catalpa, Cède et Cerisier.

A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, par une proposition du 10 novembre 2015, informé M. [D] qu'en l'absence de réalisation des investissements au 31 décembre 2012, elle entendait remettre en cause cette réduction d'impôt et, en conséquence, effectuer un rappel d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, outre majoration et intérêts de retard.

Par requête enregistrée le 4 juillet 2017 M. [D] a saisi le tribunal administratif de Toulouse et demandé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012, pour un montant global de 62.000 euros en droits et pénalités.

Par un jugement du 19 mars 2019, le tribunal administratif a rejeté sa requête.

Il a considéré que M. [D] avait bénéficié en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, au titre de l'année 2012, d'une réduction d'impôt sur le revenu d'un montant de 51.151 euros, à raison d'investissements productifs réalisés en Guyane par l'intermédiaire des Sas Cajou, Camelia, Camopi, Catalpa, Cèdre et Cerisier dont il était associé, consistant en l'acquisition et l'installation d'éoliennes données à bail à des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique.

Il a considéré que la procédure d'imposition était régulière.

S'agissant du bien fondé de l'imposition, il a dit que M. [D] n'apportait aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles les éoliennes acquises par les Sas dont il est associé ont été livrées sur leur lieu d'exploitation en Guyane en 2012, alors au demeurant qu'il résulte de l'exercice du droit de communication auprès de la DNRED que les Sas Cajou, Camelia et Catalpa n'ont procédé à aucune importation d'éoliennes en Guyane pendant l'année 2012 et qu'en tout état de cause, l'exercice du droit de communication auprès d'EDF Guyane a permis de constater qu'aucune demande complète de raccordement au réseau de distribution électrique n'avait été présentée en 2012 par les Sas Cajou, Camelia, Camopi, Catalpa, Cèdre et Cerisier et que leurs installations éoliennes n'avaient pas été raccordées au réseau de distribution électrique au cours de ladite année ; que dans ces conditions, il résultait de l'instruction qu'au 31 décembre 2012, aucune des éoliennes acquises par les Sas dont M. [D] était associé, n'était en mesure de faire l'objet d'une exploitation effective en Guyane et d'être productive de revenus.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale, il a notamment estimé que le paragraphe n°148 de l'instruction référence 5B-2-07 du 30 janvier 2007 ne comportait pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il était fait application dans le jugement en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

M. [D] n'a pas formé de recours contre cette décision.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 avril 2016, la procédure de redressement judiciaire ouverte initialement à l'égard de la société FSB holding a été étendue à la Sas Kalys investissements. La Scp BTSG en la personne de Me [U] [F] a été désignée mandataire judiciaire.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2016, la Sas Kalys investissements a été placée en liquidation judiciaire. La Scp BTSG en la personne de Me [U] [F] a été désignée liquidateur.

La déclaration de créances de M. [D] d'un montant de 51.003 euros sur l'investissement réalisé en 2012 a été envoyée à la société BTSG le 18 août 2016.

La déclaration de sinistre de M. [D] auprès de Covea Risks a été envoyée le 18 août 2016.

Par ailleurs, par une proposition du 15 décembre 2016, l'administration fiscale l'a informé qu'elle entendrait remettre en cause la réduction d'impôt au titre d'investissements Outre-mer de 45.589 euros au titre de l'année 2013, par les Sas Campis, Cardamine, Carissa, Caryota, Casuarina, Celtis, aucun investissement ne pouvant être considéré comme réalisé par ces sociétés au 31 décembre 2013.

Par actes des 4, 5 et 12 mars 2019, M. [C] [D] a fait assigner en responsabilité la société Capital Finance Conseil, la société BTSG en qualité de mandataire liquidateur de la société Kalys investissements, et les sociétés Mma Iard Assurances et Mma Iard en qualité d'assureurs de la société Kalys investissements.

Par jugement du 9 juin 2021, le tribunal judiciaire de Montauban a :

- débouté M. [D] de ses demandes à l'encontre des sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles,

- condamné l'Eurl Capital Finance Conseil à payer à M. [C] [D] la somme de 32 070 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement au devoir d'information et de conseil,

- fixé à la somme de 64 140 euros la créance indemnitaire de M. [C] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Kalys Investissements,

- condamné l'Eurl Capital Finance Conseil à payer à M. [C] [D] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Eurl Capital Finance Conseil aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que l'assureur ne restait tenu à la garantie déclenchée par la réclamation dans le délai subséquent qu'à la condition que l'assuré n'ait pas souscrit une nouvelle police auprès d'une autre compagnie ; qu'en ce cas, il appartenait au nouvel assureur de prendre en charge le sinistre ; que les demandes de M. [D] étaient mal dirigées contre les sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles.

Il a estimé que la société Capital finance conseil avait manqué à son obligation d'information et de conseil, en exécutant quasi fictivement son mandat de recherche, alors que d'autres opérateurs étaient possibles ; qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité contractuelle envers M. [D], qui avait perdu une chance de ne pas contracter et aurait pu choisir un autre partenaire de ses investissements.

Il a considéré que la société Kalys Investissements avait manqué à son obligation contractuelle d'affecter les fonds à la prise de participation dans des sociétés se livrant à des investissements industriels productifs effectifs afin de générer la réduction d'impôt prévue au contrat ; que le préjudice consistait en la perte des fonds investis auprès de la société Kalys Investissements.

Par déclaration du 17 mars 2021, la Sarl Capital Finance Conseil a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

- débouté M. [D] de ses demandes à l'encontre des sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles,

- condamné l'Eurl Capital Finance Conseil à payer à M. [C] [D] la somme de 32 070 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement au devoir d'information et de conseil,

- fixé à la somme de 64 140 euros la créance indemnitaire de M. [C] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Kalys Investissements,

- condamné l'Eurl Capital Finance Conseil à payer à M. [C] [D] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Eurl Capital Finance Conseil aux dépens.

Le 17 septembre 2021, M. [C] [D] a déposé des conclusions d'incident devant le conseiller de la mise en état aux fins de voir ordonner, sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, la radiation de l'affaire du rôle en raison de l'inexécution du jugement et condamner la société appelante à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 décembre 2021, la Sarl Capital finance conseil a soulevé l'irrecevabilité liée à la prescription des demandes formées par M. [D].

Par ordonnance du 17 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse, notamment :

- a ordonné la jonction des incidents,

- a constaté que l'incident relatif à la demande de radiation de l'affaire est devenu sans objet du fait de l'exécution forcée du jugement du 9 juin 2021 du tribunal judiciaire de Montauban,

- s'est déclaré incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir présentée par la Sarl unipersonnelle Capital Finance Conseil,

- a condamné la Sarl unipersonnelle Capital Finance Conseil aux dépens des incidents.

- a autorisé conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Nadia Zanier, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

- a condamné la Sarl unipersonnelle Capital Finance Conseil à payer à M. [C] [D] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er, 1° du code de procédure civile,

- condamné la Sarl unipersonnelle Capital Finance Conseil à payer à la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutelles, prises ensemble, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er, 1° du code de procédure civile.

PR''TENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 2 février 2023, la Sarl Capital Finance Conseil, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1147 (ancien) et 2224 du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel, et statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formulées par M. [D] à son encontre,

A titre subsidiaire,

- déclarer ces demandes infondées.

- débouter en conséquence M. [D] de toutes ses demandes,

A titre très subsidiaire,

- « dire et juger » que la perte de chance d'investir dans un autre produit est infime en raison de l'apparence de sérieux du produit proposé à l'époque par la société La financière de Lutèce,

- limiter, en conséquence, le pourcentage de perte de chance à 10 %,

- ramener le montant des dommages et intérêts à la somme de 6 414 euros,

- condamner M. [D] à payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que l'action de M. [D] est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil, car l'obligation du conseil en gestion de patrimoine est une obligation de moyens, qui consiste à fournir une information et un conseil approprié à son client à l'occasion d'un investissement ; que le dommage consiste en une perte de chance d'investir de manière différente, et se manifeste au jour de la conclusion du contrat qui est à l'origine de l'action en responsabilité ; que l'action en responsabilité est prescrite pour avoir été initiée plus de 5 ans après la souscription des contrats.

Sur le fond, elle soutient qu'elle n'a pas commis de faute. Elle soutient que le préjudice n'est pas certain en l'absence de recours devant les juridictions administratives. Elle soutient avoir exécuté son mandat de recherche, et que l'opération présentée était parfaitement sérieuse tant s'agissant de la société La financière de Lutèce que la société France énergies finance, monteur de l'opération. Elle soutient qu'il n'y aura pas de préjudice en cas d'application de la garantie des Mma. Elle fait valoir que les nouvelles prétentions formées par les Mma dans les conclusions du 4 janvier 2013 tendant à dénier leur garantie sont irrecevables sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle soutient que la clause exclusive de garantie en cas de faute dolosive est inopposable, et que le seul dommage exclu est celui que l'assuré a recherché en commettant la faute intentionnelle ; que la faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que l'exclusion de garantie concernant l'obligation de résultat est inopposable, et que l'application d'une telle clause reviendrait à priver la garantie de toute substance ; que l'investisseur était informé d'un risque fiscal, et qu'il n'y avait donc pas d'obligation de résultat. Elle soutient que M. [D] peut se prévoir d'une créance de responsabilité contre la société Kalys investissements.

Elle ajoute qu'il n'y a pas de lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute reprochée. Elle soutient que la faute ne pourrait être génératrice d'un préjudice que si M. [D] prouvait qu'il existait un produit de défiscalisation lui offrant la même rentabilité et dépourvu de tout aléa ; qu'en tout état de cause le préjudice découlant d'un manquement au devoir de conseil ne peut consister qu'en une perte de chance de 10% ; que le préjudice ne peut être constitué de l'impôt éludé.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 30 janvier 2023, M. [C] [D], intimé et appelant incident, demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1149 du code civil dans leur rédaction applicable au jour du litige, L.113-1, L.124-5 alinéa 5, L.124-1-1 du code des assurances et L.541-6 du code monétaire et financier, de :

- confirmer la décision entreprise seulement en ce qu'elle a retenu la responsabilité contractuelle de la Sas Kalys Investissements, prise en la personne de son liquidateur judiciaire la Scp BTSG, et condamné l'Eurl Capital Finance Conseil à verser une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

Pour le surplus, statuer à nouveau et :

- déclarer d'office irrecevable les moyens de défense, contenus dans les conclusions remises au greffe de la cour d'appel le 04 janvier 2023 par les sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles, relatifs à la faute dolosive de la Sas Kalys investissements, à l'exclusion de garantie concernant l'obligation de résultat, à l'absence de dette de responsabilité et à l'acceptation des risques par l'investisseur.

- débouter les sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- réputer non écrites et donc inopposables à son égard les clauses d'exclusion conventionnelles relatives aux conséquences d'une faute intentionnelle et/ou dolosive et d'obligation de résultat,

- condamner les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à garantir la responsabilité civile contractuelle de la Sas Kalys Investissements,

- condamner les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles solidairement à lui verser la somme totale de 150 326 euros à titre de dommages et intérêts,

Subsidiairement,

- condamner les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles solidairement à verser la somme 81 702 euros à titre de dommages et intérêts,

- fixer sa créance au passif de la Sas Kaylis Investissements, représenté par la Scp BTSG en qualité de liquidateur judiciaire à la somme de 150 325 euros,

- fixer à titre subsidiaire sa créance au passif de la Sas Kaylis Investissements, représentée par la Scp BTSG en qualité de liquidateur judiciaire à la somme de 81 702 euros,

- débouter l'Eurl Capital Finance Conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l'Eurl Capital Finance Conseil,

- condamner l'Eurl Capital Finance Conseil à lui verser la somme 150 325 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles,

- condamner subsidiairement l'Eurl Capital Finance Conseil à lui verser la somme 81 702 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles,

- condamner les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, solidairement entre elles, et l'Eurl Capital Finance Conseil à verser chacune la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, solidairement entre elles, et l'Eurl Capital Finance Conseil solidairement aux dépens de première instance et d'appel.

Il soutient que les Mma doivent leur garantie à la société Kalys investissements car la réclamation de M. [D] a été effectuée dans le délai subséquent décennal et car les Mma sont les seuls assureur de la société Kalys investissements.

S'agissant des limitations de garanties avancées par les Mma, il soutient qu'il n'est pas démontré que les plafonds de garantie ont été dépassés ; que le sinistre n'est pas unique ; que l'avenant n°2 ne s'applique pas à l'ensemble du sinistre ; que la franchise d'un montant de 50.000 euros ne s'applique pas à l'ensemble du sinistre.

Il soutient que la société Kalys investissements a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard car elle n'avait pas destiné les investissements de M. [D] à l'accomplissement de toute formalité nécessaire à la constitution des Sas, à l'acquisition de parts, à l'affectation des sommes en compte courant, à l'augmentation du capital à venir; la qualification de nouveaux associés, aux déclarations nécessaires à tous actes de gestion et que son préjudice est de 64.140 euros au titre de la perte des fonds investis. Il estime que son préjudice fiscal s'élève à la somme totale de 86.186 euros montant du rehaussement de ses impôts sur les revenus de 2012 et 2013 en principal, intérêts et majorations.

Il soutient que la société Capital finance conseil a engagé sa responsabilité civile professionnelle car elle manqué à son obligation de recherche et à sa mission de présentation d'une opération sérieuse et que c'est la cause de son préjudice financier, qui est certain car les produits ont été présentés comme générant une économie d'impôt précise.

Sur la prescription, il soutient que son point de départ se situe au jour où le dommage s'est manifesté pour lui, soit la proposition de rectification du 10 novembre 2015.

Il soutient que les moyens de défense nouveaux des Mma sont irrecevables ; subsidiairement, que la clause d'exclusion conventionnelle de garantie concernant la faute dolosive est inopposable, et que la preuve d'une faute dolosive n'est pas rapportée ; que la clause d'exclusion conventionnelle de garantie concernant l'obligation de résultat vide de toute substance la garantie et est inopposable. Il soutient que la responsabilité civile de la société Kalys investissements est engagée. Il soutient que la connaissance du risque fiscal ne peut lui être opposée, car la rectification résulte du fait que les investissements n'ont pas été exécutés au 31 décembre 2012, et est donc due à la faute de la société Kalys investissements.

Il soutient qu'on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir fait appel du jugement du tribunal administratif.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 7 février 2023, la société Mma Iard Assurances Mutuelles et la Sa Mma Iard, intimées, demandent à la cour, au visa des articles L112-6 et L121-1 du code des assurances, de :

A titre principal,

- confirmer partiellement le jugement dont appel,

- constater qu'aucune demande n'est formée par la société Capital Finance Conseil à leur encontre,

- débouter M. [D] de ses demandes à leur encontre,

- condamner la société Capital Finance Conseil ou tout autre succombant au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Capital Finance Conseil ou tout autre succombant à régler les entiers dépens de la présente instance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, qui seront recouvrés par Maître Nadia Zanier, avocat,

A titre subsidiaire,

- juger que sont exclues de la garantie les conséquences d'une faute intentionnelle et/ou dolosive de la société Kalys Investissements ;

- juger que sont exclues de la garantie les conséquences d'une obligation de résultat dans laquelle se serait engagée la société Kalys Investissements ;

- juger que l'absence d'exécution de la prestation commandée à l'assurée ne constitue pas une dette de responsabilité civile et que l'objet de la garantie n'est donc pas concerné,

- juger que M. [D] ne rapporte pas la preuve des préjudices revendiqués, tant dans leur principe que dans leur quantum,

Par conséquent,

- débouter M. [D] de l'ensemble des demandes formées à leur encontre en leur qualité d'assureur de la société Kalys Investissements,

En tout état de cause,

- juger que la réclamation formée par le demandeur est postérieure à la date de résiliation du contrat ayant lié la compagnie Covea Risks (aux droits de laquelle vient Mma Iard) à la société Financière de Lutèce (aux droits de laquelle vient la société Kalys Investissements),

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] en l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la compagnie Mma Iard ;

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour retenait la responsabilité de la société Kalys Investissements et l'application de la garantie susvisée,

- tenir compte de l'acceptation des risques par M. [D] et appliquer un coefficient de réduction que la juridiction appréciera,

- juger que ce litige s'inscrit dans le cadre d'un sinistre sériel,

- tenir compte du plafond de garantie de 1.000.000 euros,

- déduire la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 50.000 euros, du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre de la société Mma Iard,

En tout état de cause,

- condamner M. [D] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [D] à régler les entiers dépens de la présente instance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elles soutiennent que la garantie subséquente n'est pas due ; que l'arrêt ayant annulé les deux polices Allianz fait l'objet d'un pourvoi en cassation.

Subsidiairement, elles soutiennent que leurs moyens de défense sont recevables ; que leur garantie n'est pas due car la société Kalys investissements a commis une faute dolosive, exclusive de garantie, et car l'obligation de résultat est exclue de la garantie, et que la responsabilité de la société Kalys n'est pas engagée mais qu'il lui est reproché de n'avoir fourni aucune contrepartie effective.

Subsidiairement, sur la responsabilité, elles indiquent que la perte de chance doit être réduite compte tenu de l'acceptation des risques. Elles contestent le préjudice.

Elles rappellent les limitations de garantie, avec un plafond par sinistre et par an, et l'application d'une franchise, dans le cadre d'un unique sinistre sériel.

La Scp BTSG, prise en la personne de Me [U] [F], en qualité de mandataire liquidateur de la société Kalys Investissements, assignée par l'appelante par acte délivré à personne habilitée le 17 mai 2021 contenant dénonce de la déclaration d'appel, n'a pas constitué avocat.

En application de l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile, l'arrêt sera réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2023 et l'affaire a été examinée à l'audience du 14 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la responsabilité contractuelle de la société Capital finance conseil :

Le dispositif de 'Girardin industriel' permet aux contribuables de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu en contre-partie d'un investissement productif réalisé dans les départements d'Outre-mer.

Le 12 avril 2012, M. [C] [D] a donné mandat à la société Capital Finance Conseil de rechercher pour son compte des investissements défiscalisés Outre-mer dans le cadre des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, communément appelé 'Girardin industriel'.

Le même jour, il a, par l'intermédiaire de la société Capital finance conseil, contracté avec la société La financière de Lutèce, devenue la Sas Kalys Investissements, pour prendre des participations au capital de diverses sociétés dans le cadre des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Il s'est engagé à hauteur de 38.000 euros, pouvant générer une économie d'impôt de 45.980 euros.

Le 28 juin 2012, M. [C] [D] a donné mandat à la société Capital Finance Conseil de rechercher pour son compte des investissements défiscalisés Outre-mer dans le cadre des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Le même jour, il a, par l'intermédiaire de la société Capital finance conseil, contracté avec la société La financière de Lutèce, devenue la Sas Kalys Investissements, pour prendre des participations au capital de diverses sociétés, dans le même cadre de Girardin industriel. Il s'est engagé à hauteur de 6.640 euros, pouvant générer une économie d'impôt de 7.968 euros.

Le 28 mars 2013, M. [C] [D] a donné mandat à la société Capital Finance Conseil de rechercher pour son compte des investissements défiscalisés Outre-mer dans la limite d'un apport d'environ 19.500 euros dans le cadre des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Le même jour, il a, par l'intermédiaire de la société Capital finance conseil, contracté avec la société La financière de Lutèce, devenue la Sas Kalys Investissements, pour prendre des participations au capital de diverses sociétés, dans le même cadre de Girardin industriel. Il s'est engagé à hauteur de 19.500 euros, pouvant générer une économie d'impôt de 23.985 euros.

En l'espèce, il s'agissait de la construction d'éoliennes en Guyane.

La société Capital finance conseil se présente comme un conseil en gestion de patrimoine.

Selon l'article 1 du mandat de recherche, la mission de la société Capital finance conseil, telle que fixée par les mandats de recherche, est de rechercher et de présenter à M. [D], avant le 30 décembre de l'année en cours, une ou plusieurs opérations, auxquelles le mandant pourrait souscrire, de prise de participation dans une ou plusieurs Sas ayant pour activité principale la location longue durée de matériels industriels. Cette participation se fera à des entreprises qui exercent leur activité dans les DOM - TOM et éligibles aux dispositions de l'article 199 undecies A/B et 217 undecies et duodecies du code général des impôts. Les Sas auront pour activité exclusive la location des investissements productifs comme des biens d'équipements industriels qu'elles auront acquis et immobilisés.

Selon l'article 4, la mission du mandataire consistera à rechercher tout opération présentant les caractéristiques mentionnées à l'article 1, dans la limite de son apport, négocier au mieux des intérêts du mandant les modalités de réalisation de cette ou ces opérations, en fournissant ses meilleurs efforts pour que le mandant puisse souscrire à ladite ou auxdites opérations le 31 décembre de l'année en cours au plus tard. Présenter, avant le 30 décembre au mandant, un dossier complet de souscription et finalisé et l'assister dans la compréhension de cette documentation.

En application de l'article 1147 du code civil, pris dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion des contrats en litige, le conseil en gestion de patrimoine est tenu d'une obligation d'information et de conseil envers son client quant aux caractéristiques de l'investissement et des choix à effectuer.

Sur la prescription de l'action de M. [D] contre la société Capital finance conseil :

En vertu de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription est une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile.

La prescription court en principe à compter du contrat, sauf si la victime a ignoré l'existence du préjudice.

A l'appui de son action en responsabilité civile, M. [D] invoque un manquement de la société Capital finance conseil à sa mission de recherche et un manquement à sa mission de présenter une opération sérieuse. Il dit qu'ainsi, elle a manqué à son obligation d'information et de conseil.

Le dommage consiste en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions différentes.

Certes, il était visible dès la conclusion du contrat qu'il n'y avait pas de véritable recherche de solution d'investissement autre que celle mise en oeuvre par la société La financière de Lutèce. En effet, M. [D] a signé le même jour les mandats de recherche et les mandats donnés à la société La financière de Lutèce. En bas de page des mandats de recherche figure la mention 'Financière de Lutèce'. Deux des trois mandats de recherche comportaient les initiales de M. [O] [Y], dirigeant de la société La financière de Lutèce.

Cependant, il n'est pas démontré que M. [D] savait dès la conclusion du contrat qu'une véritable information et conseil ne lui avait pas été donnés quant à l'efficacité de l'investissement à effectuer. Ce n'est qu'au moment du redressement fiscal qu'il s'est aperçu que la mise en oeuvre de la réduction d'impôt n'était pas possible à défaut pour les éoliennes acquises par les Sas dont il était associé, d'être en mesure de faire l'objet d'une exploitation effective en Guyane et d'être productive de revenus au 31 décembre.

Le point de départ de la prescription est en conséquence la date de la proposition de redressement fiscal du 10 novembre 2015. Or, l'action a été intentée en mars 2019. La prescription n'est donc pas acquise.

Il y a lieu de déclarer recevable l'action de M. [D] contre la société Capital finance conseil.

Sur le fond :

Sur la faute :

Dans le cadre du mandat qui lui est donné par son client de rechercher des cocontractants susceptibles de donner une suite effective à son projet d'investissement, le conseiller en gestion de patrimoine a l'obligation de s'enquérir du sérieux et de la fiabilité du montage financier proposé.

Il existe une proximité évidente entre la société Capital finance conseil et la société Kalys investissements, du fait des mentions du mandat de recherche. Le mandat de recherche ayant été donné à titre gratuit, la rémunération de la société Capital finance conseil n'a pu lui être prodiguées que par la société Kalys investissements, ce qu'elle ne conteste pas.

Il appartenait au mandataire de vérifier que le bénéfice de l'avantage fiscal serait effectif pour l'année 2012 pour les deux premiers contrats et l'année 2013 pour le troisième dès lors qu'il n'est pas contesté que telle était la finalité poursuivie par M. [D].

En sa qualité de professionnelle spécialisée dans la recherche d'investissements permettant la défiscalisation, la société Capital finance conseil ne peut valablement soutenir ignorer la position de l'administration fiscale selon laquelle le bénéfice de l'avantage fiscal annoncé à M. [D] était conditionné au constat de ce que les entreprises disposaient matériellement de l'investissement productif de telle sorte qu'elles puissent commencer leur exploitation alors que la précision apportée en ce sens par le décret du 27 juillet 2015 confirme une interprétation antérieure constante, retenue et consacrée par une jurisprudence abondante du Conseil d'État au cours des années 2006 à 2011. À supposer même que cette professionnelle ait eu un doute, malgré cette abondante production doctrinale et jurisprudentielle, sur la position de l'administration, cette prétendue incertitude devait à tout le moins, justifier une information spécifique donnée à l'investisseur sur le risque existant, qui n'a pas été fournie en l'espèce.

Faute d'avoir été dûment informé de ce que l'absence d'acquisition des matériels (en l'espèce des éoliennes) et de leur mise en service effective par les Sas au 31 décembre ne lui permettraient pas de bénéficier de l'avantage fiscal pour les années considérées, M. [D] n'a pu contracter dans des conditions éclairées de sorte que le principe de la faute du mandataire doit être retenu.

En vertu de l'article 1149 ancien du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf lorsqu'il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

En l'espèce, M. [D] a perdu une chance de tirer un bénéfice fiscal de ses investissements dès l'année de leur réalisation contrairement à son attente parfaitement connue du conseiller en gestion de patrimoine, perte de chance qui peut être fixée à 90% de la perte subie et du gain manqué.

La perte subie est la suivante : somme investie (38.000 + 6.640 + 19.500 = 64.140 euros ) plus rehaussements des impôts en intérêts et majorations (11.049 + 6.513 = 17.562 euros) = 81.702 euros.

Le gain manqué s'établit comme suit : la réduction d'impôt promise ( 45.980 + 7.869 + 23.985 = 77.834 euros) moins la somme investie (64.140 euros) = 13.694 euros.

Total perte subie et gain manqué : 95.396 euros.

Le préjudice est de 90% de la perte subie et du gain manqué soit 95.396X 0,9 = 85.856,40 euros.

Infirmant le jugement dont appel, la société Capital finance conseil sera condamnée à payer à M. [D] la somme de 85.856,40 euros en réparation de son préjudice pour manquement au devoir d'information et de conseil.

Sur la responsabilité de la société Kalys investissements :

La société Kalys investissements est enregistrée auprès de l'Anacofi-Cif depuis le 20 novembre 2009 et sur le registre de l'Orias en tant que conseiller en investissement financier depuis janvier 2013. Elle a été radiée de l'Orias le 6 mars 2014 et de l'Anacofi-Cif le 1er avril 2014, puis réinscrite et à nouveau radiée.

Le conseiller en investissement financier est tenu d'une obligation d'information et de conseil qui lui impose d'avertir son client des risques et aléas inhérents aux opérations pour lesquelles il lui prête son concours.

Il n'est pas garant du résultat de l'opération projetée.

Sur la faute :

La faute dolosive est notamment le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des mensonges.

La société Kalys a été présentée aux investisseurs en qualité de conseil, concepteur et commercialisateur de produits pour la gestion de patrimoine susceptibles de conférer des avantages fiscaux.

Il résulte du contrat de mandat donné cette société qu'elle avait la charge d'affecter les fonds de M. [D] à des sociétés pouvant générer le rendement fiscal attendu et décrit au contrat comme constituant le rendement de son apport d'investisseur.

Elle s'est engagée à mettre en place le montage financier des investissements éoliens, et d'affecter les fonds versés par les investisseurs dans des sociétés par actions simplifiées.

Or s'agissant des fonds investis en 2012, le tribunal administratif de Toulouse dit que M. [D] n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles les éoliennes acquises par les Sas dont il est associé ont été livrées sur leur lieu d'exploitation en Guyane en 2012, alors au demeurant qu'il résulte de l'exercice du droit de communication auprès de la DNRED que les Sas Cajou, Camelia et Catalpa n'ont procédé à aucune importation d'éoliennes en Guyane pendant l'année 2012 et qu'en tout état de cause, l'exercice du droit de communication auprès d'EDF Guyane a permis de constater qu'aucune demande complète de raccordement au réseau de distribution électrique n'avait été présentée en 2012 par les Sas Cajou, Camelia, Camopi, Catalpa, Cèdre et Cerisier et que leurs installations éoliennes n'avaient pas été raccordées au réseau de distribution électrique au cours de ladite année ; que dans ces conditions, il résultait de l'instruction qu'au 31 décembre 2012, aucune des éoliennes acquises par les Sas dont M. [D] était associé, n'était en mesure de faire l'objet d'une exploitation effective en Guyane et d'être productive de revenus.

S'agissant des fonds investis en 2013, l'administration fiscale dans sa proposition de rectification du 15 décembre 2016 indique que selon la DNRED, les Sas Campis, Cardamine, Carissa, Caryota, Casuarina et Celtis n'ont procédé à aucune importation d'éolienne en Guyane au titre des années 2013 à 2016. EDF Guyane a indiqué qu'une demande de raccordement est restée sans suite, le dossier étant incomplet. Les sites en question ne sont pas raccordés au réseau électrique, et aucun contrat d'achat d'énergie n'a été établi.

Les manquements contractuels de la société Kalys investissements à ses obligations d'affecter les fonds dans les sociétés se livrant à des investissements industriels productifs effectifs afin de générer la réduction d'impôt prévue au contrat sont établis.

La société Kalys investissements a cependant remis des attestations à M. [D] le 31 décembre 2013, indiquant que la Sas Casuarina, la Sas Celtis, la Sas Cardamine, la Sas Campis et la Sas Caryota avaient réalisé durant l'exercice social clos le 31 décembre 2013 des investissements entrant dans le champ d'application de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Lorsque la société Kalys investissements a adressé ses attestations pour que l'investisseur puisse défiscaliser, elle savait très bien que les éoliennes n'avaient pas été raccordées. Elle a donc commis un mensonge.

La société Kalys investissements a sciemment occulté que le montage fiscal proposé n'était pas réalisable dans les délais impartis.

Il s'agit d'inobservations de la loi fiscale en toute connaissance de cause.

Ces agissements peuvent être qualifiés de faute dolosive.

La créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société Kalys investissements par M. [D] est d'un montant de 51.003 euros au titre des investissements de l'année 2012. Il n'a pas produit de déclaration de créance au titre de l'année 2013. On ne peut donc pas fixer sa créance au-delà de la somme de 51.003 euros.

Infirmant le jugement dont appel, il y a donc lieu de fixer la créance de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Kalys investissements à la somme de 51.003 euros, la société Kalys investissements étant tenue in solidum avec la société Capital finance conseil.

Sur la garantie de l'assureur de la société Kalys investissements :

Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [D] et la Sarl Capital finance conseil contre les Mma :

L'article 910-4 du code de procédure civile dispose :

'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

En l'espèce, M. [D] et la Sarl Capital finance conseil soulèvent une irrecevabilité au motif que les conclusions du 4 janvier 2023 des Mma contiennent des demandes de 'juger' qui seraient des prétentions nouvelles.

En réalité, la plupart des demandes de 'juger' ne sont que des moyens selon lesquels :

- sont exclues de la garantie les conséquences d'une faute intentionnelle et/ou dolosive de la société Kalys Investissements ;

- sont exclues de la garantie les conséquences d'une obligation de résultat dans laquelle se serait engagée la société Kalys Investissements ;

- l'absence d'exécution de la prestation commandée à l'assurée ne constitue pas une dette de responsabilité civile et que l'objet de la garantie n'est donc pas concerné,

- l'investisseur a accepté les risques ;

- ce sinistre s'inscrit dans le cadre d'un litige sériel avec un plafond de garantie de 1.000.000 euros.

Quant à la prétention de déduire la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 50.000 euros, du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre de la compagnie Mma Iard, elle était déjà formée dans les premières conclusions d'appel.

Le moyen tiré de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles des sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles sera rejeté.

Sur le fond :

Sur la garantie subséquente :

Selon l'article L 124-5 du code des assurances, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionnée par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.

Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation est fixé à 10 ans par la police d'assurance souscrite par la société La financière de Lutèce devenus Kalys investissements auprès de la compagnie Covea Risks aux droits de laquelle se trouvent les compagnies Mma.

Toutefois, par application des mêmes dispositions, l'assureur ne reste tenu à la garantie déclenchée par la réclamation dans le délai subséquent qu'à la condition que l'assuré n'ait pas souscrit une nouvelle police auprès d'une autre compagnie. En ce cas, il appartient au nouvel assureur de prendre en charge le sinistre.

En l'espèce, le contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle 120.137.202 de la société La financière de Lutèce auprès des sociétés Mma a été résilié à effet du 1er janvier 2014.

Les Mma disaient que deux autres contrats avait été souscrit subséquemment auprès de la société Allianz Global corporate and speciality SE et de la société Liberty mutuel insurance Europe limited.

Le 21 septembre 2021, la cour d'appel de Paris a annulé les contrats d'assurance de la société Kalys investissements auprès de la société Allianz Global corporate and speciality SE et de la société Liberty mutuel insurance Europe limited. Certes, il y a un pourvoi en cassation contre cet arrêt, mais il n'est pas suspensif d'exécution. Il n'y a pas eu de demande de sursis à statuer. En conséquence la garantie subséquente des Mma s'applique, en l'absence de nouvel assureur.

Sur l'exclusion de la faute dolosive :

L'article B du chapitre II des conditions particulières de la police stipule que 'les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré sont exclus'.

Il est discuté de savoir si cette exclusion est formelle et limitée.

En tout état de cause, cette exclusion est déjà prévue par la loi. Ainsi, l'article L 113-1 code des assurances dispose :

'Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.'

En l'espèce, il y a lieu d'exclure la garantie des sociétés d'assurance Mma dans la mesure où il a été démontré que les fautes commises par la société Kalys investissements résultent d'inobservations de la loi fiscale en toute connaissance de cause et sont dolosives, justifiant l'exclusion de la garantie en ce qu'elle a faussé l'élément aléatoire attaché au risque.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes à l'encontre des sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Capital finance conseil, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel, avec application au profit de Me Nadia Zanier, avocat qui le demande des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Capital finance conseil sera condamnée à payer à M. [D] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

Compte tenu de l'équité, les sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles et Capital finance conseil seront déboutées de leurs demandes sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles des sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles ;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 9 juin 2020, sauf en ce qu'il a débouté M. [C] [D] de ses demandes à l'encontre des sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles et sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Déclare recevable l'action de M. [C] [D] contre la société Capital finance conseil;

Condamne la société Capital finance conseil à payer à M. [C] [D] la somme de 85.856,40 euros en réparation de son préjudice pour manquement au devoir d'information et de conseil ;

Fixe à la somme 51.003 euros la créance indemnitaire de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Kalys investissements, tenue in solidum avec la société Capital finance conseil ;

Condamne la société Capital finance conseil aux dépens d'appel, avec application au profit de Me Nadia Zanier, avocat qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Capital finance conseil à payer à M. [D] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

Déboute les sociétés Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles et Capital finance conseil de leurs demandes sur le même fondement.

Le Greffier Le Président

R. CHRISTINE J-C. GARRIGUES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/01263
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;21.01263 ?
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