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26/05/2023 | FRANCE | N°22/00014

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 26 mai 2023, 22/00014


26/05/2023





ARRÊT N°304/2023



N° RG 22/00014 - N° Portalis DBVI-V-B7F-ORNE

MS/KB



Décision déférée du 14 Octobre 2021

Pole social du TJ de MONTAUBAN



19/125





[Z] [W]























[T] [M]





C/



MDPH TARN ET GARONNE































































INFIRMATION







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS





***



APPELANTE



Madame [T] [M]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Laurent MASCARAS de l'ASSOCIATION D'AVOCATS...

26/05/2023

ARRÊT N°304/2023

N° RG 22/00014 - N° Portalis DBVI-V-B7F-ORNE

MS/KB

Décision déférée du 14 Octobre 2021

Pole social du TJ de MONTAUBAN

19/125

[Z] [W]

[T] [M]

C/

MDPH TARN ET GARONNE

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [T] [M]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent MASCARAS de l'ASSOCIATION D'AVOCATS MASCARAS CERESIANI - LES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Jean michel REY, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.024287 du 29/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEE

MDPH TARN ET GARONNE

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparante ni rprésentée à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, devant Mmes M. SEVILLA et MP BAGNERIS, conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président

MP. BAGNERIS, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffier, lors des débats : K. BELGACEM

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par N.ASSELAIN,conseillère faisant fonction de président et par K. BELGACEM, greffier de chambre.

Mme [T] [M] a adressé à la maison départementale des personnes handicapées(MDPH) du Tarn et Garonne, une demande d'allocation adulte handicapée(AAH) en date du 19 septembre 2018, accompagnée d'un certificat médical et d'un compte rendu de bilan ophtalmologiste.

La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a refusé l'attribution de l'allocation retenant un taux d'incapacité inférieur à 50%.

Mme [T] [M] a formé un recours gracieux contre cette décision. La CDAPH a de nouveau rejeté la demande, considérant que le taux était supérieur à 50% mais sans restriction substantielle et durable à l'emploi.

Mme [T] [M] a contesté cette décision devant le Tribunal judiciaire de Montauban le 19 mars 2019.

Le Tribunal judiciaire de Montauban a confirmé la décision de rejet dans son jugement du 14 octobre 2021 en lecture d'expertise réalisée par le Docteur [R], considérant que la preuve de la restriction substantielle et durable à l'emploi n'était pas rapportée.

Mme [T] [M] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé, elle demande:

-De dire que le bénéfice de l'allocation pour adulte handicapé (AAH) est ouvert à Mme [T] [M] à compter du 15 Novembre 2018 compte tenu du taux d'incapacité de l'ordre de 70% et de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi,

-De juger que le montant de l'allocation s'élève à 819, 00 euros à partir du 15 novembre 2018 jusqu'à nouvelle révision par décret en conseil d'Etat,

-De condamner la MDPH du Tarn ' et ' Garonne à verser les allocations échues sur la période à courir du 15 Novembre 2018 à la date du prononcé de la présente décision outre les intérêts moratoires au taux global à compter de chaque terme jusqu'à parfait paiement

-De condamner la MDPH de Tarn ' et ' Garonne aux entiers dépens et à payer la somme de 2 500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La MDPH du Tarn et Garonne n'a pas comparu le jour de l'audience, malgré un accusé réception signé et n'a pas sollicité de dispense de comparution.

L'audience s'est déroulée le 13 avril 2023, la décision a été mise en délibéré au 26 mai 2023.

Motifs:

Selon l'article L 821-1 du code de la sécurité sociale, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités d'outre-mer ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit une allocation aux adultes handicapés.

L'article L 821-2 du même code prévoit que l'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes :

1. Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu à l'article L 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ;

2. La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret.

Il résulte par ailleurs de l'article D 821-1 du code de la sécurité sociale que:

- pour l'application de l'article L 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l' allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 % ;

- pour l'application de l'article L 821-2 ce taux est de 50 %.

Le pourcentage d'incapacité est apprécié d'après le guide -barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles.

Le guide -barème ne fixe pas de taux d'incapacité précis. En revanche, le guide -barème indique des fourchettes de taux d'incapacité, identifiant suivant les chapitres, trois à cinq degrés de sévérité (en général 4)':

-forme légère: taux de 1 à 15'%';

-forme modérée: taux de 20 à 45'%';

-forme importante: taux de 50 à 75'%';

-forme sévère ou majeure: taux de 80 à 95'%.

En l'espèce, l'expert a relevé dans son rapport qu'à la date de la demande, le 12 décembre 2018, Mme [T] [M] présentait une macolopathie bilatérale engendrant une baisse de l'acuité visuelle de loin et de près et un syndrome anxiodepressif nécessitant un suivi régulier spécialisé psychiatrique et psychologique ainsi qu'une thérapeutique psychotrope par bithérapie-anxiolytique et antidépresseur au long cours depuis 2014. L'expert a ajouté que la symptomatologie parait incompatible avec la réalisation d'une activité professionnelle en dehors d'un milieu adapté.

Le tribunal a retenu en lecture de ce rapport un taux d'incapacité de 70% qui ne fait l'objet d'aucune contestation.

Le débat porte uniquement sur l'appréciation de la restriction substantielle et durable à l'emploi.

Sur la restriction substantielle et durable à l'emploi:

La restriction pour l'accès à l'emploi est substantielle lorsque la personne rencontre des difficultés importantes d'accès à l'emploi liées au handicap et ne pouvant pas être compensées.

A ce titre, l'article D. 821-1-2 du code de la sécurité sociale détermine les critères à prendre en compte pour évaluer cette restriction. Il dispose :

'Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L. 821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l'origine du handicap ;

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;

b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles'.

Il sera rappelé que les conditions de la restriction substantielle et durable à l'emploi s'apprécient au jour de la demande, soit au 12 décembre 2018.

Le Docteur [R] a considéré que les caractéristiques de la pathologie d'ordre psychiatrique justifiait une restriction substantielle et durable à l'emploi. Il a ainsi relevé lors de l'examen que Mme [T] [M] présentait un trouble de l'humeur avec tristesse majeure et idées noires alléguées avec mécanisme élaboré, une anhédonie majeure, des troubles du sommeil à type de difficultés d'endormissement, un ralentissement psychomoteur important et une perte majeure de l'élan vital. Il a également indiqué qu'elle souffrait de ruminations anxieuses de troubles de la concentration et de la mémorisation ainsi que des phénomènes de reviviscences diurnes et nocturnes réguliers visualisant le 'corps de son époux assassiné'. L'expert a conclu que Mme [T] [M] avait bénéficié d'une évaluation de son état psychologique, que son score d'anxiété était de 11/21 et celui de dépression de 16/21.

En outre, il a précisé qu'elle souffrait d' une quasi cécité de l'oeil gauche.

Il ressort de ces constatations médicales que les problèmes ophtalmologiques de Mme [T] [M] font obstacle à la conduite d'un véhicule et à toute activité nécessitant la lecture et l'écriture.

En outre la gravité du syndrome anxio-dépressif de l'appelante, accompagné d'un ralentissement psychomoteur important, d'une perte de concentration et de mémorisation, constitue un obstacle majeur à l'exercice de toute activité professionnelle, ne pouvant être compensé par les mesures prévues par la loi.

Pour écarter la restriction substantielle et durable à l'emploi, le Tribunal judiciaire de Montauban a considéré de manière erronée, qu' il appartenait à Mme [M] de démontrer des recherches actives d'emploi et des tentatives de reconversion professionnelle.

Toutefois, aux vues des conclusions médicales du Docteur [R], il convient de relever qu'il est parfaitement établi qu' au jour de la demande, Mme [T] [M] subissait une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi résultant de la gravité de ses handicaps, ne pouvant être compensé par les mesures prévues par la loi.

Par conséquent, le jugement sera par conséquent infirmé en toutes ses dispositions.

Mme [T] [M] sollicite la fixation du montant de l'allocation adulte handicapée , toutefois en l'absence d'élément permettant de chiffrer le montant de l'allocation, la cour renverra Mme [M] s devant la MDPH du Tarn et Garonne pour liquidation de ses droits.

Sur les autres demandes:

Conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, désormais codifiées sous l'article1231-6 du dit code, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans une condamnation aux intérêts au taux légal, le créancier auquel le débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard pouvant obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance à charge de justifier de ce préjudice.

La présente décision ouvre droit à intérêts moratoires dans les termes précisés au dispositif, la saisine de la juridiction le 19 mars 2019; valant mise en demeure.

Les dépens seront laissés à la charge de la MDPH du Tarn et Garonne qui sera condamnée à payer à Mme [T] [M] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs:

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 14 octobre 2021,

Dit que Mme [T] [M] remplit les conditions d'attribution de l'allocation adulte handicapée à compter du 12 décembre 2018;

Renvoie Mme [T] [M] devant la MDPH du Tarn et Garonne pour liquidation de ses droits,

Condamne la MDPH du Tarn et Garonne à verser à Mme [T] [M] les intérêts moratoires au taux légal sur ses droits à Aah, à compter du 19 mars 2019,

Condamne la MDPH du Tarn et Garonne à payer à Mme [T] [M] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Le présent arrêt a été signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président et K.BELGACEM, greffier de chambre.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

K.BELGACEM N.ASSELAIN

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 22/00014
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;22.00014 ?
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