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23/05/2023 | FRANCE | N°21/02142

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 23 mai 2023, 21/02142


23/05/2023





ARRÊT N° 285/2023



N° RG 21/02142 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OE3Z

MS/MB



Décision déférée du 15 Avril 2021 - Pole social du TJ d'ALBI 19/00749

Catherine LOQUIN























CPAM DU TARN





C/



S.A.R.L. [4]
















































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INFIRMATION







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



CPAM DU TARN

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [F] [P] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pou...

23/05/2023

ARRÊT N° 285/2023

N° RG 21/02142 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OE3Z

MS/MB

Décision déférée du 15 Avril 2021 - Pole social du TJ d'ALBI 19/00749

Catherine LOQUIN

CPAM DU TARN

C/

S.A.R.L. [4]

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

CPAM DU TARN

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [F] [P] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général du 07/02/2023

INTIMÉE

S.A.R.L. [4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Hervé FOURNIE de la SCP FOURNIE HERVE, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, devant M. SEVILLA et M.P. BAGNERIS Conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

N. ASSELAIN, Conseillère faisant fonction de présidente

M.P. BAGNERIS, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par N. ASSELAIN, présidente, et par M. BUTEL, greffière de chambre.

M.[U] [O] est salarié de la SARL [4] depuis le 25 février 2008 en qualité de façadier ravaleur.

A compter du 27 octobre 2015, il a été placé en arrêt de travail en raison d'une lombalgie.

Le 24 juin 2016, M. [O] a rempli un formulaire de déclaration de maladie professionnelle en produisant un certificat médical du 1er juin 2016 mentionnant: 'MP TABLEAU 98: lombalgie invalidante récidivante après premiers épisodes en 2013 et 2014 chez un façadier. Volumineuse hernie,discale au contact de la racine S1 nécessitant une discectomie L5-S1 gauche'.

Le 19 décembre 2016, la caisse a reconnu l'origine professionnelle de la maladie et l'a notifié à l'employeur.

La SARL [4] a contesté cette reconnaissance au titre de la maladie professionnelle inscrite dans le tableau n°98. La commission de recours amiable de la caisse a confirmé la prise en charge.

Par jugement du 15 avril 2021, 1e pôle social du tribunal judiciaire d'Albi a jugé la décision de prise en charge du 19 décembre 2016 inopposable à la SARL [4].

La Cpam du Tarn a fait appel de la décision.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé, elle demande d'infirmer le jugement et de dire que les conditions du tableau 98 sont bien remplies.

Au soutien de son appel, la caisse affirme que le tribunal a violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, en soulevant d'office un moyen non discuté par les parties concernant la désignation de la maladie. Elle ajoute que contrairement à ce qu'à retenu le Tribunal la sciatique par hernie discale du salarié comportait bien une atteinte radiculaire de topographie concordante correspondant aux conditions de désignation de la maladie au tableau 98.

La caisse poursuit en indiquant que la condition du délai de prise en charge est remplie, puisque le salarié a cessé d'être exposé au risque le 24 octobre 2015 et que sa sciatique a été diagnostiquée par IRM lombaire le 17 décembre 2015 soit deux mois plus tard. Elle ajoute que la durée d'exposition est de 7 ans et huit mois.

Enfin, l'organisme soutient que le salarié était bien exposé au risque tenant à la manutention habituelle de charges lourdes.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé, l'employeur sollicite le rejet de la pièce n° 11, et la confirmation du jugement considérant que la caractérisation de la maladie n'est pas remplie, à défaut de mentionner une atteinte radiculaire de topographie concordante.

Il ajoute que la caisse produit pour la première fois un argumentaire du médecin conseil mentionnant une atteinte radiculaire qui ne saurait suffire à démontrer que la pathologie de M. [O] correspond bien au tableau 98.

L'employeur ajoute que le salarié ne faisait pas de manutention de charges lourdes et n'était donc pas exposé au risque. Enfin, il affirme que la maladie du salarié est imputable à la cosntruction de sa maison individuelle pendant ses arrêts de travail.

L'audience s'est déroulée le 23 mars 2023. La décision a été mise en délibéré au 25 mai 2023.

Motifs de la décision :

L'article L 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

A l'égard de l'employeur, il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau dont elle invoque l'application sont remplies.

La société [4] sollicite la confirmation du jugement qui a considéré que la pathologie du salarié ne correspondait pas à la désignation du tableau 98 à défaut d'atteinte radiculaire de topographie concordante.

La caisse souligne l'atteinte au principe du contradictoire, le tribunal ayant soulevé d'office ce moyen non discuté par les parties, sans rouvrir les débats.

Il est exact qu'en fondant sa décision sur un moyen non évoqué par les parties, soulevé d'office, sans inviter contradictoirement l'employeur et la Cpam à fournir leurs explications, le tribunal n'a pas respecté les dispositions du code de procédure civile.

Toutefois, en cause d'appel les parties ont pu s'expliquer sur ce moyen qui sera par conséquent examiné par la cour.

Le tableau 98 vise :

-A la rubrique: désignation de la maladie: 'Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.'

-A la rubrique délai de prise en charge: '6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans).'

-A la rubrique: liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies: 'Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués :

- dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ;

- dans le bâtiment, le gros 'uvre, les travaux publics ;

- dans les mines et carrières ;

- dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ;

- dans le déménagement, les garde-meubles ;

- dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ;

- dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ;

- dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ;

- dans le cadre du brancardage et du transport des malades ;

- dans les travaux funéraires.'

En l'espèce, la déclaration de maladie professionnelle mentionne une :

'lombalgie invalidante récidivante après premier épisode en 2013. Volumineuse hernie discale au contact de la racine S1 nécessitant une discectomie L5 S1 gauche.'

La caisse primaire d'assurance maladie produit en cause d'appel un argumentaire médical du médecin conseil, le docteur [J] en date du 12 août 2021 (pièce numéro 11) qui mentionne que : ' l'assuré a été examiné au service médical par le médecin conseil et confirme la sciatique par hernie discale L5 S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante. La hernie discale a été confirmée par IRM lombaire. Il ajoute qu'il n'y a pas de désaccord entre le CMI du médecin traitant et le médecin conseil car il s'agit de la même pathologie.'

Contrairement aux allégations de l'employeur, aucun moyen ne saurait justifier d'écarter cette pièce des débats. En effet, il est admis qu'un argumentaire médical puisse être produit en cause d'appel.

Aucun élément de preuve ne permet d'ailleurs de contester la conclusion du médecin conseil concernant l'atteinte radiculaire de topographie concordante.

L'absence de mention de cet élément médical dans le certificat médical initial ou dans le dossier de la caisse ne suffit pas à remettre en question cette atteinte qui n'a jamais fait l'objet d'une contestation de la part de l'employeur avant la procédure d'appel.

En outre, il a été jugé que l'argumentaire du service médical produit en cause d'appel permet d'établir la désignation de la maladie.

(Cour de cassation - Cour de cassation, 2e chambre civile, 7 Avril 2022 ' n° 20-21.442 -)

Par conséquent, il convient de considérer que la pathologie dont est atteint le salarié correspond bien à la maladie désignée au tableau 98.

Sur la durée d'exposition :

L'employeur considère que cette condition n'est pas remplie au regard des absences de M.[O] en 2014 et 2015.

Or, la caisse primaire d'assurance maladie justifie d'une exposition au risque de 7 ans et 8 mois ; par conséquent, même en retenant les périodes d'absences alléguées par l'employeur en 2014 et 2015, la durée d'exposition au risque de 5 ans est parfaitement acquise.

Enfin, la prise en charge de la maladie professionnelle est bien intervenue dans le délai de 6 mois prévu au tableau.

Cette condition est donc parfaitement remplie.

Sur l'exposition au risque :

L'employeur soutient que M. [O] n'a été que très occasionnellement amené dans le cadre de sa mission a réaliser de la manutention de charges lourdes.

Toutefois, il ressort du questionnaire employeur que le salarié est employé en qualité de façadier enduiseur. Le salarié a déclaré dans le questionnaire qui lui a été adressé qu'il devait ramasser les gravats sur certains chantiers (60 à 80 kilo), soulever les éléments d'échafaudage pour le monter manuellement et apporter les sacs de crépi de 30 kilos à la machine outre l'utilisation d'un marteau piqueur de 5 à 6 kilos deux heures à toute la journée.

L'enquêteur de la caisse a relevé dans son procès-verbal de constatation que le premier jour d'un chantier de ravalement de façade l'équipe approvisionne le matériel, décharge le camion, monte l'échafaudage; le second jour met en place la machine (environ 700 kilos) que les trois ravaleurs effectuent une rotation sur les postes (approvisionnement du malaxeur en sacs de crépi, projection et lissage du crépi); que le troisième jour, l'équipe démonte l'échafaudage et charge le camion.

Il ressort de ces éléments qu'en exerçant la profession de façadier ravaleur, le salarié a habituellement été exposé à la manutention de sacs de ciment lourds justifiant de considérer que l'exposition au risque est remplie.

La description du chantier par l'employeur n'est pas conforme au procès-verbal de constatation qui a relevé de manière objective que les trois salariés tournaient sur les postes.

Aucun élément ne permet de corroborer les dires de la société [4] selon lesquels M. [O] se chargeait uniquement du dressage et serrage de l'enduit sur la façade.

Les pièces produites par l'employeur sont des fiches qui émanent de la société et une attestation du co-gérant de l'entreprise. Elles ne sont confirmées par aucun élément objectif, et demeurent insuffisantes pour remettre en cause les constatations de l'enquêteur de la caisse.

Dès lors,il convient de considérer que la caisse démontre parfaitement l'exposition habituelle de M. [O] à la manutention manuelle de charges lourdes.

La maladie remplissant l'ensemble des conditions du tableau, la présomption d'imputabilité au travail doit s'appliquer.

Sur la preuve d'une cause totalement étrangère au travail :

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire en démontrant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine de la maladie professionnelle.

Pour faire échec à la présomption d'imputabilité, l'employeur doit justifier par des éléments objectifs que la pathologie est sans lien avec le travail et a une cause totalement étrangère au travail.

Or en l'espèce, le fait que le salarié ait construit lui-même sa propre maison et les allégations concernant la réalisation par ses soins en dehors de son temps de travail, de chantiers chez des particuliers, ne suffisent pas à établir que la maladie professionnelle est totalement étrangère au travail effectué.

L'employeur échoue par conséquent à renverser la présomption d'imputabilité.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et la reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée opposable à la société [4].

La société [4] devra supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande tendant à juger irrecevable la pièce n°11 de la Cpam du Tarn,

Infirme le jugement rendu le 15 avril 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare opposable à la société [4] la décision de la Cpam du Tarn relative à la prise en charge au titre professionnel de la maladie déclarée le 24 juin 2016 par M.[O],

Dit que la société [4] doit supporter les dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

M. BUTEL N. ASSELAIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 21/02142
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;21.02142 ?
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