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17/05/2023 | FRANCE | N°22/00009

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Expropriations, 17 mai 2023, 22/00009


17/05/2023





ARRÊT N°05/2023





N° RG 22/00009 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OXT3

J-C.G/IA



Décision déférée du 22 Février 2022 - Juge de l'expropriation de TOULOUSE - 21/00028

J-M.[V]























Etablissement OPPIDEA





C/



[K] [G]

[R] [G]

[Y] [G]

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT











































































REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Chambre des Expropriations

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Etablissement OPPIDEA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christine TEIS...

17/05/2023

ARRÊT N°05/2023

N° RG 22/00009 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OXT3

J-C.G/IA

Décision déférée du 22 Février 2022 - Juge de l'expropriation de TOULOUSE - 21/00028

J-M.[V]

Etablissement OPPIDEA

C/

[K] [G]

[R] [G]

[Y] [G]

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Chambre des Expropriations

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Etablissement OPPIDEA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christine TEISSEYRE de la SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Madame [K] [G]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me François-xavier DUFOUR, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [R] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me François-xavier DUFOUR, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [Y] [G]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me François-xavier DUFOUR, avocat au barreau de TOULOUSE

M. LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

[Adresse 11]

[Adresse 11]

représenté par Mme [C] [M]

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : J.C. GARRIGUES,

Assesseurs : I. MARTIN DE LA MOUTTE

S.LECLERC

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- signé par J.C. GARRIGUES, président, et par I. ANGER, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

La société Oppidea, en sa qualité de concessionnaire d'aménagement, poursuit la réalisation de [Localité 9] située sur le territoire de la commune de [Localité 8].

Cette ZAC, créée par délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 8] en date du 11 décembre 2003, est destinée à répondre aux enjeux du développement urbain en première couronne de l'agglomération toulousaine. Elle s'étend sur près de 30 hectares et doit permettre la création de logements, la construction d'infrastructures et de superstructures ainsi que l'intégration du bâti existant.

Les travaux nécessaires à la réalisation de la ZAC ont été déclarés d'utilité publique par arrêté préfectoral en date du 24 octobre 2017, intervenu à la suite d'une enquête publique qui s'est déroulée du 26 avril 2017 au 1er juin 2017 inclus.

Parmi les parcelles à acquérir pour mener à bien cette opération, figure une parcelle cadastrée section [Cadastre 5] appartenant aux consorts [G].

Par ordonnance d'expropriation en date du 28 juillet 2021, la propriété de cette parcelle a été transférée à la société Oppidea.

Suivant courrier en date du 10 février 2021, la société Oppidea a notifié aux expropriés un mémoire valant offres d'indemnisation, selon la procédure prévue à l'article R.311-6 du code de l'expropriation.

A défaut d'accord, la société Oppidea a saisi la juridiction de l'expropriation par courrier en date du 14 avril 2021 aux fins de fixation judiciaire de l'indemnité de dépossession revenant aux consorts [G].

Par jugement en date du 22 février 2022, le juge de l'expropriation a :

- fixé l'indemnité de dépossession revenant à Mme [K] [G] épouse [E], M. [R] [G] et M. [Y] [G] à raison de l'expropriation par la Sem Oppidea de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] leur appartenant à la somme globale, tous préjudices confondus, de 555.000 € HT dont 51.363 € d'indemnité de remploi ;

- condamné la Sem Oppidea à verser à l'indivision [G] la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge de la Sem Oppidea ;

- rejeté toute autre demande.

Pour statuer ainsi, le premier juge a relevé qu'une pollution du sol de la parcelle expropriée avait été identifiée, constituée outre de gravats inertes, de divers matériaux tels que bouteilles, canettes et plastique, qu'à la date de référence la parcelle expropriée était classée en zone 3NA, zone fermée à l'urbanisation, et qu'il n'était pas contesté que le terrain ne pouvait pas recevoir la qualification de terrain à bâtir.

Sur la valeur du bien, il a constaté que les parties s'accordaient pour valoriser le bien à hauteur de 27 €/m² , soit une indemnité totale arrondie à 555.000 € indemnité de réemploi comprise, mais que le bien étant pollué, Oppidea entendait voir soustraire de cette indemnité le coût de dépollution estimé à 590.800 € , ramenant ainsi son offre à l'euro symbolique.

Sur ce point, le juge de l'expropriation :

- a constaté que le terrain était affecté d'une pollution au 28 juillet 2021, date de l'ordonnance d'expropriation, constituée de gravats et ordures ménagères enfouis à 3 mètres s'agissant des gravats de démolition et 4,5 mètres pour des gravats et ordures ménagères, et qu'il s'agissait donc d'un élément de sa consistance au sens de l'article L. 322-1 du code de l'expropriation ;

- a dit que l'ampleur de la dépollution du site ne devait pas être évaluée en fonction du projet à réaliser mais uniquement au regard de l'utilisation du sol conformément à sa destination à la date de référence, soit en zone 3NA, zone naturelle inconstructible ;

- a relevé que selon le rapport Geotec l'étude était réalisée dans le cadre de la future Zac de Piquepeyre et que le coût de dépollution de 590.800 € s'inscrivait dans cet objectif ;

- a considéré que ces documents n'étaient pas pertinents pour la solution du litige dès lors qu'il n'était pas indiqué en quoi la pollution du sol entre 3 et 4,5 mètres de profondeur, dégradait la destination du bien telle que fixée à la date de référence, à savoir un terrain en zone naturelle inconstructible, et par suite en quoi il était nécessaire de l'assainir.

Il en a conclu que les coûts de dépollution de la parcelle avancés par l'expropriant n'avaient pas à être supportés par les expropriés et a en conséquence fixé l'indemnité sur la base de 27 €/m².

La société Oppidea a interjeté appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 15 avril 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de son mémoire récapitulatif déposé au greffe le 03 janvier 2023, la société Oppidea, appelante, demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu le 22 février 2022 ;

- à titre principal, fixer le montant de l'indemnité globale de dépossession revenant aux consorts [G] à la somme de 1,00 € tous préjudices confondus ;

- à titre subsidiaire, fixer le montant de l'indemnité globale de dépossession revenant aux consorts [G] à la somme de 10.331,94 € tous préjudices confondus ;

- à titre encore plus subsidiaire, fixer le montant de l'indemnité globale de dépossession revenant aux consorts [G] à la somme de 222.597,67 € tous préjudices confondus ;

- en toute hypothèse, condamner les consorts [G] à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens d'appel.

- les condamner aux dépens d'appel.

La société Oppidea explique que, contrairement à ce qui est soutenu par les consorts [G], sa déclaration d'appel n'encourt aucunement la caducité.

Sur le fond, elle rappelle qu'il est admis par les parties que la qualification de terrain à bâtir ne peut pas être retenue et que les parties se sont également accordées sur une valeur de 27 €/m², le litige étant circonscrit à l'incidence de la pollution du terrain sur sa valeur, étant précisé que l'existence de cette pollution, établie par les rapports Geotec et Ectare, n'est pas contestée.

Elle fait valoir :

- que la juridiction de l'expropriation ne peut pas évaluer le bien sans tenir compte de cette pollution car la pollution fait partie de la consistance du bien au sens de l'article L. 322-1 du code de l'expropriation ;

- que le niveau de dépollution n'a pas à être défini en fonction du projet de l'expropriant mais en fonction d'un usage du terrain conforme aux occupations du sol admises à la date de référence ;

- que compte tenu du règlement de la zone 3NA dans laquelle est classé le terrain à la date de référence, le seul usage possible est celui de terrain agricole, usage empêché par la pollution présente dans le sous-sol.

A titre principal, elle privilégie la méthode d'évaluation consistant à déduire de la valeur du terrain le coût de la remise en état des sols, la difficulté résidant dans le chiffrage du coût de la remise en état pouvant être mis à la charge du propriétaire exproprié. Sur ce point, elle explique qu'elle a retenu un coût de dépollution de 590.000 € tenant compte du futur projet de voirie, ce qui lui a été reproché à bon droit, mais que le coût de la dépollution ne peut pas être inférieur pour un usage agricole supposant le respect de normes plus strictes.

A titre subsidiaire, elle demande que l'indemnité principale soit fixée sur la base de la valeur déclarée par les expropriés dans l'attestation immobilière en date du 29 juin 2018 déposée pour les besoins de la succession [G], valeur de 0,47 €/m² largement inférieure à la valeur de la terre agricole et prenant nécessairement en compte la pollution du terrain.

A titre plus subsidiaire, elle demande qu'il soit fait application d'un abattement sur la valeur du terrain hors pollution, abattement qui selon elle ne saurait être inférieur à 60 %.

En tout état de cause, elle s'oppose à la désignation d'un expert dans la mesure où ce n'est qu'en cas de difficultés particulières d'évaluation ou d'ordre technique que la juridiction de l'expropriation peut recourir à une mesure d'expertise, où en l'espèce l'existence et la nature de la pollution ne sont pas contestées et ont été déterminées par deux rapports d'expertise, et où il n'y a pas lieu de demander à la juridiction de l'expropriation de déterminer les responsabilités en matière de pollution ou de chiffrer les préjudices en résultant.

Aux termes de leur mémoire déposé au greffe le 22 décembre 2022, Mme [K] [G] épouse [E], M. [R] [G] et M. [Y] [G], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

in limine litis

- juger que la déclaration d'appel est caduque ;

en conséquence,

- juger n'y avoir lieu à statuer sur l'appel de la société Oppidea ;

- déclarer irrecevables les conclusions du commissaire du gouvernement ;

au fond

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

à titre principal

- juger que l'indemnité d'expropriation doit être fixée à la somme de 555.000 € HT, tous frais et taxes en supplément étant par ailleurs à la charge de l'autorité expropriante ;

- rejeter la demande de fixation de l'indemnité principale à hauteur de la somme de 0,47 €/m² ;

- rejeter la demande d'abattement pour pollution sollicitée par la société Oppidea comme ne pouvant pas être mise à la charge de l'indivision expropriée ;

à titre subsidiaire

avant dire droit,

-désigner un expert, spécialisé en traitement des sols pollués, avec mission de :

- se rendre sur les lieux,

|- convoquer les parties et les entendre,

- se faire communiquer les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- dire si une solution alternative de traitement des sols pollués appartenant à l'indivision [G] est envisageable et en déterminer un chiffrage,

- rechercher tous les éléments techniques qui permettront de déterminer les responsabilités respectives éventuellement encourues,

- indiquer les préjudices éventuellement subis ;

- si mieux n'aime, juger que l'abattement pour pollution doit être ramené à la somme de 20 € par m3 de terre traitée, au lieu de celle de 180 € HT le m3 tel que proposé par la société Cereg, au regard de la technique de confinement des terres polluées en casier ;

en tout état de cause

- condamner la société Oppidea à verser à l'indivision la somme de 4302 € TTC au titre des frais engagés par l'indivision pour financer les études du bureau d'études Ectae ;

- condamner la société Oppidea à verser à l'indivision la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Les consorts [G] soutiennent que le calcul des frais de dépollution doit s'apprécier au regard du seul usage effectif de friche, conformément à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation.

Ils font valoir que cet usage effectif de friche est celui voulu par les expropriés et qu'il est compatible avec la situation juridique de la parcelle à la date de référence, à savoir une zone naturelle inconstructible.

Ils ajoutent que l'analyse des documents techniques fournis tant par Oppidea (rapport Geotec) que par les consorts [G] (rapport Ectare) démontre que le site ne présente qu'un faible potentiel polluant en fin de vie biologique, que les remblais ne présentent aucune incidence sur la qualité des eaux souterraines, que le recouvrement des déchets par une couche de terre végétale limite toute possibilité de contact entre l'atmosphère et/ou les utilisateurs du site, et que sur 242 analyses sur site, seuls 15 résultats dépassent les normes d'admission en ISDI, cela signifiant que pour un usage effectif de friche la dépollution telle que voulue et chiffrée par la société Oppidea ne se justifie pas.

Ils indiquent également que l'agriculture sur des sols pollués reste possible et ils citent divers exemples de ces cultures (miscanthus, bois à destination de chauffage ou de construction).

Ils contestent le recours à la pratique d'un abattement sur la valeur du terrain hors pollution dès lors qu'il est fermement contesté qu'une dépollution soit nécessaire au regard de l'usage effectif à la date de référence.

Sur la demande subsidiaire de fixation de l'indemnité sur la base de 0,47 €/m² , ils rappellent que la société Oppidea a retenu un prix de 27 €/m² depuis le début de l'opération pour des terrains similaires dans la ZAC, et ils font valoir que la demande fondée sur les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'expropriation constitue d'une part une demande nouvelle irrecevable au regard de l'article 564 du code de procédure civile , et d'autre part que cet article signifie que l'estimation faite par l'autorité administrative, qui est ici de 27 €/m² , ne peut pas augmenter si une déclaration a été faite pour un montant inférieur dans les cinq années précédentes, et non que l'indemnité principale doit être fixée à hauteur de la déclaration.

En définitive, ils estiment qu'il convient de retenir une valeur de 27 €/m² et que juger le contraire dans le but de faire financer la dépollution par les consorts [G] reviendrait à détourner le sens des articles L. 322-2 et suivants du code de l'expropriation qui imposent au juge de l'expropriation de déterminer l'indemnité d'après la consistance des biens en fonction de leur usage effectif à la date de référence et constituerait une rupture d'égalité devant les charges publiques puisque les autres propriétaires ont été expropriés sur la base de 27 €/m² .

Le commissaire du gouvernement a déposé un mémoire le 12 octobre 2022.

Il rappelle que la Cour de cassation a posé le principe de l'interdiction de la prise en compte de l'usage futur du terrain pour fixer le montant de l'indemnité de dépossession, mais qu'elle admet que la pollution constitue une cause de diminution des indemnités d'expropriation.

Au cas présent, il estime que la pollution existant sur le terrain exproprié n'est pas de nature à faire obstacle à son utilisation dans les limites autorisées par le plan local d'urbanisme, à savoir une zone inconstructible, et que le site peut rester en l'état pour la même activité (zone naturelle) sans action curative, étant précisé qu'il ne s'agit pas d'une zone A à vocation agricole.

Il indique par ailleurs que dans l'attestation de propriété du 29 juin 2018 faisant suite au décès des propriétaires intervenus les 9 juin 2016 et 31 janvier 2018, diverses parcelles de terre sur la commune de [Localité 8], dont la parcelle [Cadastre 5], ont été évaluées par les parties à 150.000 € pour une superficie de 321.417 m² , soit 0,47 €/m² .

Il demande en conséquence à la cour de fixer l'indemnité principale sur la base de 0,47 €/m² .

MOTIFS

Sur la caducité de la déclaration d'appel

Le régime de la procédure d'appel en matière d'expropriation est défini par le Livre III Titre 1er Chapitre 1er section 5 'Voies de recours' du code de l'expropriation.

Dans cette section, l'article R. 311-29 du code de l'expropriation régit l'articulation entre la procédure de droit commun et la procédure spécifique au droit de l'expropriation en ces termes :

'Sous réserve des dispositions de la présente section et des articles R. 311-19, R. 311-22 et R. 312-2 applicables à la procédure d'appel, la procédure devant la cour d'appel statuant en matière d'expropriation est régie par les dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile'.

L'article R.311-26 du code de l'expropriation, inclus dans la section 5 susvisée, dispose :

'A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et les documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises'.

Il ressort de ces dispositions que, contrairement au droit commun, les écritures des parties ne sont pas notifiées aux avocats mais aux parties, et, d'autre part, qu'elles sont notifiées aux parties par le greffe et non par les avocats.

En l'espèce, la société Oppidea a interjeté appel le 15 avril 2022 contre la décision rendue le 22 février 2022 par le juge de l'expropriation.

Elle a déposé au greffe de la cour ses conclusions et ses pièces le 6 juillet 2022, dans le délai de trois mois prévu à l'article R.311-26 du code de l'expropriation.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [G], la déclaration d'appel de la société Oppidea n'encourt donc pas la caducité en application des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement

L'article R.311-26 du code de l'expropriation dispose en ses 2ème et 4ème alinéas qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant, et que le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

En l'espèce, les conclusions de la société Oppidea ont été notifiées par le greffe au commissaire du gouvernement le 12 juillet 2022.

Les conclusions du commissaire du gouvernement déposées au greffe le 12 octobre 2022 sont en conséquence recevables.

Sur le fond

Le bien exproprié

Suite à une division parcellaire du 3 décembre 2020, le terrain cadastré section [Cadastre 5] de 36.177 m² situé lieu-dit [Localité 10] à [Localité 8], a donné naissance à deux parcelles cadastrées section [Cadastre 6] de 18.653 m² et [Cadastre 7] de 17.524 m² .

L'emprise impactée par le projet est la parcelle [Cadastre 6] en nature de terre (friche/lande), de forme rectangulaire et partiellement boisée au Nord-est.

Elle est contiguë à une longue bande enclavée dans la ZAC. Cette parcelle est accessible depuis l'impasse du Frêne par un chemin de terre.

Une pollution du sol a été identifiée, constituée, outre de gravats inertes, de divers matériaux (bouteilles, canettes, plastique).

L'immeuble est libre de toute occupation et ne suppporte aucun bâti.

Les principes d'indemnisation

Selon les dispositions de l'article L.321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L.322-1 du même code, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance d'expropriation.

En l'espèce, l'ordonnance a été rendue le 28 juillet 2021.

L'article L.322-2 du même code dispose :

' Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.

Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L.322-3 à L.322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L.1 ou, dans le cas prévu à l'article L.122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L.121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L.311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique'.

En l'espèce, l'emprise est située dans le périmètre de [Localité 9], créée suivant délibération du conseil municipal de [Localité 8] en date du 11 décembre 2003 publiée le 16 décembre 2003.

L'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique s'est ouverte le 26 avril 2017.

La date de référence est donc le 16 décembre 2003.

A cette date s'applique le POS approuvé le 24 janvier 2002 qui classe les parcelles expropriées en zone 3NA.

Cette zone correspond au terrain situé autour du collège et comporte un certain nombre de parcelles déjà construites qui devront être intégrées dans un projet urbain global de la zone 3NA. Cette zone accueillera l'essentiel de l'urbanisation de la commune pour les prochaines années et se développera sous forme d'un habitat diversifié, de petits commerces de proximité et d'équipements.

Cette zone à règlement strict (COS = 0) ne pourra être ouverte à l'urbanisation que par modification du POS ou à travers une procédure de ZAC.

Aux termes de l'article 3NA1, ne sont admises que les occupations et utilisations du sol suivantes : Extension des constructions existantes aboutissant à un total de 200 m² de surface de plancher hors oeuvre.

Aux termes de l'article 3NA2, sont interdites toute occupation ou utilisation du sol autres que celles admises à l'article 3NA1.

Il est constant que la qualification de terrain à bâtir au sens de l'article L.322-2 du code de l'expropriation ne peut être retenue en l'espèce.

Sur l'indemnité principale

La valeur de 27 €/m² proposée par l'autorité expropriante conformément aux divers accords intervenus dans le périmètre de [Localité 9] est acceptée par les consorts [G].

Le litige est circonscrit à la prise en compte du coût de la dépollution du terrain sur la détermination du montant de l'indemnité principale.

Il est constant qu'au 28 juillet 2021, date de l'ordonnance d'expropriation, le terrain est affecté d'une pollution constituée de gravats et ordures ménagères enfouis selon le rapport Geotec à 3 mètres s'agissant des gravats de démolition (déchets inertes) et 4,5 mètres pour des gravats et ordures ménagères (déchets inertes et déchets désormais maturés). Il s'agit là d'un élément de la consistance du bien au sens de l'article L. 322-1 du code de l'expropriation.

L'estimation du bien devant être effectuée en considération de son usage effectif à la date de référence, il n'y a pas lieu de prendre en compte l'usage futur du bien tel que résultant du projet de l'expropriant, mais uniquement l'usage qu'en faisait l'exproprié à cette date en conformité avec les règles d'urbanisme applicables.

Or, à la date de référence, la volonté des propriétaires expropriés correspondait à une parcelle de terre à usage de friche, conforme à la définition de la zone 3 NA dans le Plan d'occupation des sols de la commune de [Localité 8], zone naturelle inconstructible sauf rares possibilités dont les conditions ne sont pas réunies en l'espèce.

La société Oppidea ne démontre pas en quoi la pollution du sol affectant le terrain sous emprise nécessiterait des travaux de dépollution. Le commissaire du gouvernement estime également que la pollution existant sur le terrain exproprié n'est pas de nature à faire obstacle à son utilisation dans les limites autorisées (par le plan local d'urbanisme), à savoir une zone inconstructible, et que le site pourrait rester en l'état pour la même activité (zone naturelle) sans action curative, ne s'agissant pas d'une zone A dite à vocation agricole.

La société Oppidea soutient néanmoins que compte tenu du règlement de la zone 3NA, le seul usage possible est celui de terrain agricole, usage empêché par la pollution présente dans le sous-sol.

Son raisonnement ne saurait être suivi sur ce point, le fait que des terrains soient classés dans une zone dans laquelle une activité agricole est possible ne pouvant contraindre un propriétaire à les affecter à une telle activité alors que sa volonté est de les laisser à l'état de friche ne nécessitant pas une dépollution. Les consorts [G] ajoutent à juste titre que l'analyse des deux rapports d'expertise Geotec et Ectare démontre que la pollution du terrain est faible et en fin de vie biologique et qu'en toute hypothèse l'agriculture sur des sols pollués est tout à fait possible sous certaines conditions tenant notamment au choix des cultures (pièces n° 5, 6 et 7).

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les coûts de dépollution de la parcelle avancés par l'autorité expropriante n'avaient pas à être supportés par les expropriés.

L'analyse est identique en ce qui concerne l'hypothèse d'un abattement à pratiquer sur la valeur du terrain hors pollution.

Enfin, à titre subsidiaire, la société Oppidea demande que l'indemnité principale soit fixée sur la base de la valeur déclarée par les expropriés dans une attestation immobilière en date du 29 juin 2018 pour les besoins de la succession [G], soit 0,47 €/m², mais elle reconnaît elle-même que les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'expropriation ne sont pas applicables à la présente espèce.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a été alloué aux consorts [G] une indemnité principale de 503.631 € sur la base d'une valeur de 27 €/m² et une indemnité de remploi de 51.363,10 € , l'ensemble étant arrondi à la somme de 555.000 €.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société Oppidea, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

Par une motivation pertinente que la cour adopte en l'absence de meilleurs arguments ou moyens soulevés devant elle, le premier juge a rejeté la demande tendant à ce que la société Oppidea soit condamnée à verser à l'indivision [G] la somme de 4302 € TTC au titre de la facture du cabinet Ectare. Le jugement sera confirmé sur ce point.

La société Oppidea se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Elle ne peut elle-même prétendre à une indemnité sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Déboute les consorts [G] de leur demande de constatation de la caducité de la déclaration d'appel.

Déclare les conclusions du commissaire du gouvernement recevables.

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse, service expropriation, en date du 22 février 2022 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la Sem Oppidea aux dépens d'appel.

Condamne la Sem Oppidea à payer à l'indivision [G] la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre en première instance.

Déboute la Sem Oppidea de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I. ANGER J-C.GARRIGUES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 22/00009
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;22.00009 ?
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