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17/05/2023 | FRANCE | N°22/00008

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Expropriations, 17 mai 2023, 22/00008


17/05/2023





ARRÊT N°04/2023





N° RG 22/00008 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OWWP

J-C.G/IA



Décision déférée du 08 Février 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Toulouse - 21/00010

J-M.GAUCI























Commune [Localité 7]





C/



[N] [G]

[I] [G]

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT











































































REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Chambre des Expropriations

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



Commune [Localité 7]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Nathalie...

17/05/2023

ARRÊT N°04/2023

N° RG 22/00008 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OWWP

J-C.G/IA

Décision déférée du 08 Février 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Toulouse - 21/00010

J-M.GAUCI

Commune [Localité 7]

C/

[N] [G]

[I] [G]

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Chambre des Expropriations

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Commune [Localité 7]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Nathalie THIBAUD, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur [N] [G]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Ludovic SEREE DE ROCH, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [I] [G]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Ludovic SEREE DE ROCH, avocat au barreau de TOULOUSE

M. LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

[Adresse 10]

[Localité 4]

représenté par Mme [F] [C]

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : J.C. GARRIGUES,

Assesseurs : I. MARTIN DE LA MOUTTE

S.LECLERC

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- signé par J.C. GARRIGUES, président, et par I. ANGER, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Par délibération du 12 avril 2018, le conseil municipal de la commune de [Localité 7] (31880) a approuvé la cinquième modification de son Plan Local d'Urbanisme (PLU) dont l'un des objectifs a été la création d'une servitude en vue d'un projet d'aménagement global du coeur de ville.

Par la suite, la commune a lancé son projet 'Coeur de ville' avec la volonté de pallier diverses problématiques ( bâtiments anciens, espaces publics disséminés, aménagements des abords de voirie ...) et de redynamiser le centre-ville, notamment autour du château.

C'est dans ce cadre que les emplacements réservés n° 1 pour 2737 m² et n° 16 pour 8123 m² ont été créés sur une partie de la parcelle cadastrée AC [Cadastre 3], anciennement AC [Cadastre 2], sise le [Adresse 8], propriété de M. [N] [G] et de sa soeur, Mme [I] [G].

Par lettre du 27 décembre 2019, les consorts [G] ont exercé leur droit de délaissement en mettant en demeure la commune d'acquérir l'emplacement réservé n° 1.

Le 10 septembre 2020, la commune de [Localité 7] a sollicité l'avis du Domaine sur la valeur vénale des emplacements n° 1 et n° 16, lequel a été rendu le 17 septembre suivant, concluant à une valorisation du tout à la somme de 350.000 € dont 105.599 € pour l'emplacement n° 16.

Par lettre du 7 octobre 2020, les consorts [G] ont proposé à la commune l'acquisition de l'ensemble de la parcelle AC [Cadastre 3].

Le 19 octobre 2020 est intervenue en mairie une rencontre entre les parties durant laquelle l'avis du service des Domaines a été communiqué aux consorts [G].

Par courrier du 3 novembre 2020, la commune a proposé d'acquérir l'emplacement réservé n°1 pour la somme de 246.330 € conformément à l'avis précité.

Suivant courrier du 12 novembre 2020, les consorts [G] ont contesté le montant de l'offre communale tout en renouvelant leur proposition de vente de l'ensemble de la parcelle AC [Cadastre 3] moyennant le prix de 2.100.000 € .

Les parties ne s'étant pas accordées sur le prix des biens après l'expiration d'un délai d'un an, suite à une mise en demeure, la commune de [Localité 7] a pris l'initiative de saisir le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Toulouse conformément aux dispositions de l'article R. 311-10 du code de l'expropriation, par acte du 11 mars 2021, aux fins de transfert de propriété et de fixation judiciaire des indemnités revenant aux propriétaires.

Un transport sur les lieux a eu lieu le 17 mai 2021.

Par jugement en date du 8 février 2022, le juge de l'expropriation a :

- ordonné le transfert de propriété au profit de la commune de [Localité 7] de l'emplacement réservé n° 1 d'une superficie de 2737 m² appartenant à Mme [I] [G] et M. [N] [G] ;

- fixé la valeur totale de cette parcelle à la somme de 645.290 € dont une indemnité de remploi de 59.572 € ;

- fixé la valeur des terrains situés en zone N de la parcelle AC [Cadastre 3] à la somme de 13 €/m² , soit :

# emplacement réservé n° 16 : 8123 m² x 13 € = 105.599 €

# reliquat : 72.085 € ;

- ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience du 12 avril 2022 ;

- invité les parties à préciser clairement leurs prétentions s'agissant de l'emplacement réservé n°16 pour 8123 m² et du reliquat de terre pour 5545 m² ;

- réservé les demandes annexes ;

- rejeté toute autre demande.

Pour statuer ainsi, le juge de l'expropriation a constaté qu'en l'état des conclusions des parties, il lui était seulement possible de se prononcer sur le sort de l'emplacement réservé n° 1.

Sur ce point, il a constaté que les parties s'accordaient à considérer l'emplacement réservé n° 1 de 2737 m² comme un terrain à bâtir pour être situé en zone Ua.

Il a estimé que la circonstance que la Drac réitère sa position dans un courrier du 13 juillet 2021 selon laquelle cette parcelle ne devait pas être considérée comme constructible n'était pas de nature à remettre en cause son zonage resté inchangé lors des modifications successives du PLU ;

Il a également considéré que le classement en zone monument historique suivant arrêté du 6 août 2005 ne lui faisait pas perdre sa qualité de terrain à bâtir.

Il en a conclu que le bien devait être pleinement évalué dans sa consistance juridique à la date de référence, soit en terrain à bâtir, sans qu'il y ait lieu de pratiquer un quelconque abattement.

Le juge de l'expropriation a ensuite constaté que les seuls points de comparaison pertinents sur la commune de [Localité 7], communiqués par le commissaire du gouvernement, relatifs à des cessions de terrains nus en zone U intervenues entre 2018 et 2020 faisaient ressortir une moyenne de 198 €/m² et une médiane de 214 €/m² .

Il a retenu la valeur de 214 euros pour fixer la valeur de l'emplacement réservé à la somme de 585.718 € pour 2737 m² .

Suivant déclaration d'appel du 1er avril 2022, la commune de [Localité 7] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a fixé la valeur totale de l'emplacement réservé n° 1 d'une superficie de 2737 m² à la somme de 645.290 € dont une indemnité de remploi de 59.572 € .

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de son mémoire récapitulatif déposé au greffe le 06 janvier 2023, la commune de [Localité 7], appelante, demande à la cour de :

- vu les dispositions des articles L. 230-1 et suivants du code de l'urbanisme ;

- vu les dispositions de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

- vu l'arrêté n° 032 du 6 août 2007 portant classement au titre des monuments historiques du château de [Localité 7] ;

- vu les articles L. 621-9, L. 621-29-1, R. 621-11 et R. 621-13 du code du patrimoine ;

- infirmer le jugement du 8 février 2022 en ce qu'il a fixé la valeur totale de l'emplacement réservé n° 1 d'une superficie de 2737 m² à la somme de 645.290 € dont une indemnité de remploi de 59.572 € ;

- fixer la valeur totale de l'emplacement réservé n° 1 issu de la parcelle cadastrée AC n° [Cadastre 3] pour une superficie de 2737 m² à la somme de 302.070 € dont 28.370 € au titre de l'indemnité de remploi.

La commune de [Localité 7] fait valoir que le juge de l'expropriation a commis une erreur de droit sur les conséquences d'un classement de la parcelle au titre des monuments historiques par arrêté n° 032 du 6 août 2007, que cette parcelle est ainsi concernée par une servitude d'utilité publique qui n'a pas été prise en compte contrairement aux dispositions de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation. Elle soutient, sur la base des divers textes applicables en la matière, que toute construction ou aménagement ne préservant pas le caractère d'un parc est incompatible avec la conservation du Monument historique et ne peut donc pas légalement être autorisée.

Elle ne conteste pas le fait que l'emplacement réservé n° 1 doit bien être considéré comme terrain à bâtir pour son évaluation, mais elle estime qu'il y a lieu de pratiquer un abattement de 50 % lié à son inconstructibilité du fait de son classement au titre des monuments historiques.

Elle fonde sa position sur des courriers de la DRAC et du Conservateur régional des Monuments historiques et affirme qu'aucun projet immobilier ne sera jamais autorisé sur ce terrain.

Elle en conclut que la valeur de 214 € fixée par le juge de l'expropriation ne saurait être retenue et elle propose de fixer la valeur totale de l'emplacement réservé sur la base de 100 €/m² .

Aux termes de leurs conclusions déposées au greffe le 12 janvier 2023, Mme [I] [G] et M. [N] [G], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

à titre principal

- leur allouer une indemnité globale de dépossession sur la base des rapports d'expertise [L] pour un montant de 1.170.000 € pour l'acquisition de l'emplacement réservé n° 1 issu de la parcelle cadastrée AC [Cadastre 3] pour une superficie de 2737 m² ;

à titre subsidiaire

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 8 février 2022 rendu sur les chefs du dispositif critiqué en ce qu'il a fixé la valeur totale de l'emplacement réservé n° 1 d'une superficie de 2737 m² à la somme de 645.290 € dont une indemnité de remploi de 59.572 € ;

dans tous les cas

- condamner la commune de [Localité 7] à leur verser la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [G] exposent que la commune de [Localité 7] fait mention de l'opération dite des '[Adresse 6] (33) pour démontrer que le Ministère de la culture peut bloquer un projet immobilier sur un terrain classé monument historique et font observer qu'il n'existe aucune comparaison possible entre ces deux projets, le 'Glacis de la citadelle' portant sur un site classé au Patrimoine mondial de l'Unesco, alors qu'il n'y a même pas eu de parc ou de jardin sur la parcelle AC [Cadastre 2] devenue AC [Cadastre 3] sur laquelle se trouve l'ER n° 1.

Ils soutiennent que la commune de [Localité 7] fait valoir de manière inexacte que 'la parcelle est concernée par une servitude d'utilité publique qui n'a pas été prise en compte par le juge', alors que cette classification soumet simplement tout projet de construction à l'avis de la DRAC qui peut parfaitement autoriser un projet de construction en secteur classé et que la commune de [Localité 7] ne l'ignore pas puisqu'elle produit un document intitulé 'Le coeur de ville ça va devenir quoi '' sur lequel on voit trois ensembles immobiliers sur la parcelle classée au Nord côté lotissement Raymond IV.

Ils affirment que la commune a la volonté manifeste de réaliser une opération immobilière à leurs dépens avec le soutien implicite de la DRAC, en achetant un terrain à bas prix sur lequel elle souhaite construire ultérieurement.

Ils en concluent que le bien doit être pleinement évalué dans sa consistance juridique à la date de référence, soit en terrain à bâtir, sans qu'il y ait lieu d'appliquer un quelconque abattement.

Ils demandent en conséquence à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 8 février 2022.

Par ailleurs, ils rappellent le principe fondamental de la hiérarchie des normes applicable en France pour conclure qu'il ne fait aucun doute que l'emplacement réservé objet du litige est bien considéré juridiquement comme étant constructible et que le courriel de M. [Z] adressé au Maire de la commune le 10 mai 2021 pour confirmer l'inconstructibilité de la parcelle est dépourvu de toute valeur juridique.

A titre subsidiaire sur ce point, ils concluent à l'absence de bien fondé du courriel susvisé en date du 10 mai 2021 et du courrier de la DRAC du 13 juillet 2021. Ils font observer que les services de la DRAC, lors de l'élaboration du projet de la 5ème modification du PLU en date du 6 juin 2017, actuellement en vigueur, ont bien fait partie des personnes publiques associées consultées et n'ont pas remis en cause le classement constructible du terrain, et n'ont pas plus remis en cause le projet de construction prévu par la mairie sur ce terrain. Ils en concluent que c'est à tort que la commune de [Localité 7] considère le terrain litigieux comme inconstructible. Ils soutiennent également l'absence de bien fondé de l'avis des domaines du 19 juillet 2007.

S'agissant de la fixation du montant des indemnités, les consorts [G] fondent à titre principal leurs prétentions sur les valorisations résultant des rapports d'expertise établis par M.[L] à leur demande. Sur la base de ces rapports, ils critiquent également le bien fondé des termes de comparaison cités par le commissaire du gouvernement.

A titre subsidiaire, ils sollicitent la confirmation des montants retenus par le juge de l'expropriation.

Les conclusions du commissaire du gouvernement, déposées postérieurement au délai prévu par l'article R. 311-26 du code de l'expropriation, sont irrecevables.

MOTIFS

Le bien objet du litige

La parcelle AC [Cadastre 3], issue de la parcelle C 135, présente une surface de 16.405 m² .

La cour n'est saisie que des dispositions du jugement ayant fixé la valeur totale de l'emplacement réservé n° 1 d'une superficie de 2737 m² à la somme de 645.290 € dont une indemnité de remploi de 59.572 € .

Cet emplacement réservé correspond à une bande de terre d'environ 152 mètres de long sur 18 mètres de large. Il s'agit d'un terrain plat et nu, le long de l'avenue des Capitouls, devant le château, situé à proximité du centre-ville.

Les principes d'indemnisation

L'article L. 152-2 du code de l'urbanisme énonce que le propriétaire d'un terrain bâti ou non bâti réservé par un plan local d'urbanisme peut, dès que ce plan devient opposable aux tiers, exiger de la collectivité ou du service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé, qu'il soit procédé à son acquisition.

L'article L. 230-1 du même code précise que le propriétaire d'un bien réservé doit adresser à la mairie de la commune de situation une mise en demeure de procéder à son acquisition.

L'article L. 230-3 du même code prévoit que la collectivité ou le service public qui fait l'objet de la mise en demeure doit se prononcer dans le délai d'un an à compter de la réception en mairie de la demande du propriétaire et qu'à défaut d'accord entre les parties à l'expiration de ce délai, le juge de l'expropriation doit être saisi par l'une ou l'autre aux fins de prononcé du transfert de propriété et fixation du prix de l'immeuble selon les mêmes modalités qu'en matière d'expropriation.

Selon les dispositions de l'article L.321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L.322-1 du même code, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

En l'espèce, le transfert de propriété au profit de la commune de [Localité 7] a été ordonné par le jugement dont appel en date du 8 février 2022.

L'article L. 322-2 du code de l'expropriation dispose que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.

S'agissant d'un emplacement réservé, les articles L. 230-3 du code de l'urbanisme et L. 322-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique posent le principe que la date de référence à prendre en considération est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public le plan local d'urbanisme, l'approuvant ou le révisant.

En l'espèce, il s'agit du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 12 avril 2018 (5ème modification).

Ce document classe l'emplacement réservé n° 1 de 2737 m² en zone Ua, zone urbaine correspondant au centre ancien. Il est constant que cette parcelle doit être considérée comme un terrain à bâtir pour son évaluation.

Par ailleurs, par arrêté ministériel n° 032 du 6 août 2007 portant classement au titre des monuments historiques du château de [Localité 7], a été classé, en totalité, 'le château de [Localité 7] (Haute-Garonne), y compris le sol de la parcelle d'assiette, le fossé entourant la plate-forme, avec ses aménagements défensifs ruinés et le pont d'accès, la parcelle de l'ancien jardin situé sur les parcelles n° [Cadastre 5] (château, plate-forme et ancienne basse-cour) d'une contenance de 39a 36 ca, n° 45 et 49 (fossé et pont d'accès) d'une contenance respective de 4ha 38 a 96 ca et de 23a 80ca, n° [Cadastre 2] (ancien jardin) d'une contenance de 2ha 4a 35ca (...) '.

Le litige porte en premier lieu sur la valeur du terrain et en second lieu sur l'application d'un abattement pour tenir compte de son classement au titre des monuments historiques.

Conformément aux principes généralement applicables en la matière, il convient de rechercher la valeur du bien au moyen de la méthode par comparaison avec des transactions déjà réalisées sur des biens similaires, présentant les mêmes caractéristiques, dans la même zone.

La méthode dite 'du promoteur' ou 'du compte à rebours' consistant à déterminer la valeur d'un terrain en partant du prix de vente final escompté de l'opération de promotion qui y sera réalisée, ne doit être utilisée qu'à titre subsidiaire. Le premier juge a justement écarté les conclusions du rapport d'expertise produit par les consorts [G], s'inspirant pour l'essentiel de cette méthode, et ce d'autant plus qu'en l'espèce le classement du terrain au titre des monuments historiques rend incertaine toute prise en compte d'une surface de plancher théorique sur la parcelle.

De même, le premier juge a justement constaté que les seuls points de comparaison pertinents, au nombre de sept, communiqués par le commissaire du gouvernement, étaient relatifs à des cessions de terrains nus en zone U (et ses déclinaisons) sur la commune de [Localité 7], intervenues entre 2018 et 2020, faisant ressortir une moyenne de 198 €/m² et une médiane de 214 €/m² .

Ces termes de comparaison ne sont pas utilement critiqués par les consorts [G]. En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en retenant la valeur médiane de ces ventes, soit 214 €/m² .

S'agissant du classement au titre des monuments historiques, l'article L. 322 du code de l'expropriation applicable en l'espèce, dispose en son troisième alinéa qu'il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondant pour chacun des cas prévus au deuxième alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

La parcelle anciennement numérotée AC [Cadastre 2], identifiée dans l'arrêté de classement comme 'ancien jardin' , dont est issue la parcelle litigieuse, étant classée au titre des monumnts historiques suivant arrêté du 6 août 2007, sont applicables en l'espèce les dispositions suivantes du code du patrimoine et du code de l'urbanisme :

- article L. 621-9 : 'L'immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l'autorité administrative (...) '

- article R. 621-13 : 'L'autorisation de travaux sur un immeuble classé est délivrée par le préfet de région, à moins que le ministre chargé de la culture n'ait décidé d'évoquer le dossier '

- articleR. 621-11 : 'Les travaux soumis à autorisation en application du premier alinéa de l'article L. 621-9 sont les constructions ou travaux, de quelque nature que ce soit, qui sont de nature soit à affecter la consistance ou l'aspect de la partie classée de l'immeuble, soit à compromettre la conservation de cet immeuble' ;

- article R. 111-27 du code de l'urbanisme : 'Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur achitecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales'.

L'incidence du classement sur la constructibilité des terrains a été précisée par le Conservateur Régional des Monuments historiques dans un courriel du 10 mai 2021 ('Après vérification, il apparaît que le terrain faisant partie de l'ER cité est compris dans la protection au titre des Monuments Historiques. Je vous confirme donc l'inconstructibilité de cette parcelle au titre du classement MH, comme il avait été indiqué à M. [G] en 2015 '), puis dans un courrier officiel à l'en-tête du Préfet de la Région Occitanie en date du 13 juillet 2021 :

' Monsieur le Maire,

Par courrier reçu le 12 juillet 2021, vous avez souhaité interroger la DRAC Occitanie-Conservation régionale des Monuments Historiques sur l'hypothétique constructibilté de la parcelle AC[Cadastre 3] de votre commune.

Cette dernière est la parcelle de l'ancien jardin du château, qui est comprise dans l'arrêté de classement au titre des Monuments Historiques du 6 août 2007, comprenant le château, le sol de sa parcelle d'assiette, le fossé entourant la plateforme avec ses aménagements défensifs ruinés ainsi que cette partie du parc.

Aussi, je renouvelle la position de mon service formulée en 2015 : l'ensemble des ces parcelles, dont la conservation et la valorisation patrimoniale s'imposent au titre du classement, ne peut être considéré comme constructible, la protection au titre des monuments historiques - de niveau national - imposant une servitude au règlement du PLU local daté de 2004.

Je vous invite en conséquence, dans le cadre d'une prochaine modification ou révision de votre documents d'urbanisme, à vous assurer du changement de zone de ces parcelles, afin d'éviter toute ambiguïté sur la nature de leur constructibilité (...)' .

Il en résulte que si la parcelle litigieuse ne peut pas être considérée comme totalement inconstructible, du fait notamment du maintien de son classement dans le Plan Local d'Urbanisme, cette constructibilité est à tout le moins largement obérée du fait de son classement au titre des Monuments Historiques.

Les allégations des consorts [G], fondées sur d'hypothétiques projets de la Mairie dont il n'est pas démontré qu'ils concernent effectivement la parcelle litigieuse, ne sont pas suffisantes pour permettre d'évaluer cette parcelle comme un terrain à bâtir constructible sans aucune restriction.

Dans ces conditions, il y a lieu de pratiquer sur la valeur de cette parcelle un abattement devant ête fixé à 50 % conformément à la proposition de la commune de [Localité 7], abattement pouvant être considéré comme un minimum au regard du courrier du Conservateur Régional des Monuments historiques du 13 juillet 2021 et de l'ensemble des autres éléments du dossier.

L'indemnité principale doit en conséquence être fixée à :

2737 m² x 214 €/m² x 0,50 = 292.859 € .

En application de l'article R.322-5 du code de l'expropriation et conformément aux usages en la matière, l'indemnité de remploi sera fixée à :

( 5000 € x 20 % ) + ( 10.000 € x 15 % ) + (277.859 € x 10 % ) = 30.286 €.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La commune de [Localité 7] doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Les consorts [G] sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû exposer à l'occasion de cette procédure. La commune de [Localité 7] sera donc tenue de leur payer la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse, service expropriation, en date du 8 février 2022 en ce qu'il a fixé la valeur totale de l'emplacement réservé n° 1 d'une superficie de 2737 m² à la somme de 645.290 € dont une indemnité de remploi de 59.572 € .

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Fixe la valeur de l'emplacement réservé n° 1 issue de la parcelle cadastrée AC n° [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 7] à la somme de 292.859 € .

Fixe le montant de l'indemnité de remploi à la somme de 30.286 €.

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la commune de [Localité 7].

Alloue à M. [N] [G] et Mme [I] [G], pris ensemble, une indemnité de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I. ANGER J-C.GARRIGUES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 22/00008
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;22.00008 ?
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