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16/05/2023 | FRANCE | N°21/02257

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 16 mai 2023, 21/02257


16/05/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/02257

N° Portalis DBVI-V-B7F-OFPN

CD RC CR



Décision déférée du 04 Mai 2021

TJ de MONTAUBAN - 20/00913

Mme [KT]

















[UD] [T]

M'[A] [E]





C/



[RI] [ST] EPOUSE [Y]





















































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTS



Madame [UD] [T]

[Adresse 10]

[Localité 15]

Représentée par Me Olivier MASSOL de la SELARL MASSOL AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARO...

16/05/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/02257

N° Portalis DBVI-V-B7F-OFPN

CD RC CR

Décision déférée du 04 Mai 2021

TJ de MONTAUBAN - 20/00913

Mme [KT]

[UD] [T]

M'[A] [E]

C/

[RI] [ST] EPOUSE [Y]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Madame [UD] [T]

[Adresse 10]

[Localité 15]

Représentée par Me Olivier MASSOL de la SELARL MASSOL AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Monsieur M'[A] [E]

[Adresse 10]

[Localité 15]

Représenté par Me Olivier MASSOL de la SELARL MASSOL AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMEE

Madame [RI] [ST] épouse [Y]

[Adresse 7]

[Localité 15]

Représentée par Me Diane PAYROU, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.014346 du 21/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 13 Février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseillère

A.M. ROBERT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 4 juin 2015, [RI] [ST] épouse [Y] a acquis de Mme [H] [B] épouse [MD], nue-propriétaire, et de Melle [VN] [B], usufruitière, une maison d'habitation avec cour à l'arrière sise à [Adresse 7], cadastrée section BZ n°[Cadastre 13] pour 00a 88 ca. Melle [VN] [B] y est mentionnée comme ayant acquis ses droits par acte de donation-partage reçu par Me [M] notaire à [Localité 15], du 8 mars 1974, publié le 15 mai 1974 volume 4648 n°29, et Mme [H] [MD] selon donation en nue-propriété par acte reçu par Me [M] le 31 août 2007 publié le 18 octobre 2007 volume 2007P n° 5805. L'acte précise au titre « servitudes » qu'il résulte de l'acte susvisé du 31 août 2007 que « le donateur déclare qu'il existe une servitude de passage, non révélée par les titres, dans la cour de l'immeuble objet des présentes, et permettant aux voisins d'accéder à leur propriété à pied ou en voiture. Le donataire déclare connaître parfaitement l'existence de cette servitude ... L'acquéreur déclare être parfaitement informé de cette situation, bien que non publiée au fichier immobilier, soit que les occupants respectifs des parcelles cadastrées section BZ n°s [Cadastre 6] et [Cadastre 14], traversent la cour arrière du bien objet des présentes, en passant par la parcelle cadastrée section BZ n° [Cadastre 2]. Vouloir en faire son affaire personnelle sans recours contre quiconque. »

Par acte du 12 septembre 2018, M'[A] [E] et Mme [UD] [T] ont fait l'acquisition en indivision de Mme [N] [JI] et M.[U] [JI] d'une parcelle de terre avec construction à usage de maison d'habitation et maisonnette de type T2 sises commune de [Localité 15] (82) [Adresse 10] sur la parcelle cadastrée section BZ n°[Cadastre 6] pour 1a 67 ca et garage édifié sur la parcelle BZ n°[Cadastre 1] pour 00a 22 ca. Au titre « Origine de propriété » il est indiqué que le bien vendu appartient aux vendeurs par l'acquisition de la nue-propriété qu'ils en avaient fait conjointement de Mme [D] [O] [H] [X] veuve [WH] suivant acte reçu le 29 juin 1990, l'usufruit réservé au profit de M.[V] [K] [JI] étant sans objet des suites de son décès survenu le 5 avril 2018 ; qu'antérieurement, le bien appartenait à Mme [D] [X] par l'acquisition qu'elle en avait faite de Mme [G] [C], Mme [AF] [XS] et Mme [HY] [XS] aux termes d'un acte reçu par Me [F] [M] notaire à [Localité 15], le 29 avril 1965. Cet acte précise que « dans l'acte de vente reçu par Me [L] le 27 octobre 1976 publié à [Localité 15] le 1er décembre 1976 volume 5070 n° 28 contenant vente du n° [Cadastre 1] section ZB il a été stipulé: une parcelle de terre sur laquelle est édifiée une remise en très mauvais état sise à [Adresse 10], figurant au plan cadastral rénové de cette commune sous le n° [Cadastre 1] de la section ZB pour une contenance de 00a22ca avec pour y accéder un droit de passage sur la parcelle cadastrée sous le n°[Cadastre 11] section ZB dont l'entrée se trouve [Adresse 10] entre les maisons n°s [Cadastre 4] et [Cadastre 5]. »

Mme [D] [O] [H] [X] avait en effet acquis de Mme [O] [Z] [I] épouse [OY] par acte du 27 octobre 1976 passé en l'étude de Me [L] une parcelle de terre sise à [Adresse 10] sur laquelle était édifiée une remise en très mauvais état figurant au cadastre sous le n° [Cadastre 1] de la section BZ pour une contenance de 00a 22 ca avec pour y accéder un droit de passage sur la parcelle cadastrée n° [Cadastre 11] section BZ dont l'entrée se trouvait [Adresse 10] entre les maisons n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5]

Sur la parcelle BZ [Cadastre 13] Mme [RI] [ST] épouse [Y] a fait édifier un appentis adossé au mur de sa propriété.

Soutenant que ce bâtiment avait été édifié sur la servitude de passage leur bénéficiant, empêchant l'accès à leur garage, par acte d'huissier de justice du 30 septembre 2020, M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] ont fait assigner [RI] [ST] épouse [Y] devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins de démolition sous astreinte de l'ouvrage construit par celle-ci pour atteinte illicite à la servitude. Ils ont en outre revendiqué la propriété d'un mur mitoyen entre les parcelles n°s [Cadastre 6] et [Cadastre 13] en vertu d'un acte notarié du 13 juillet 1990, sollicitant sa remise en état sous astreinte, prétendant que Mme [RI] [ST] épouse [Y] y avait créé une ouverture sans leur autorisation.

Par jugement du 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Montauban a :

- débouté M'[A] [E] et [UD] [T] de leurs demandes,

- condamné M'[A] [E] et [UD] [T] à payer à [RI] [ST] épouse [Y] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M'[A] [E] et [UD] [T] aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que les pièces produites au débat étaient insuffisantes à établir que l'accès revendiqué par les consorts [E]-[T] au titre de la servitude dont Mme [Y] avait connaissance lors de son acquisition était devenu impossible du fait de la construction de l'ouvrage incriminé ; que la possibilité d'une man'uvre dans l'espace amoindri n'était pas nécessairement altérée, que l'impossibilité d'accéder à la remise servant de garage, et consécutivement l'atteinte à la servitude de passage, n'était pas objectivement établies. Il a rejeté consécutivement la demande de démolition de l'ouvrage tant sur le fondement de la servitude de passage que sur celui des troubles anormaux du voisinage. Il a par ailleurs retenu que l'ouverture litigieuse n'avait pas été réalisée dans le mur pignon dont la mitoyenneté avait été cédée à l'auteur des consorts [E]-[T] par acte du 13 juillet 1990, mais dans un des murs de l'immeuble appartenant à Mme [Y] et à une hauteur supérieure au toit plat surplombant le mur pignon de sorte qu'il n'y avait pas lieu à application des dispositions de l'article 676 du code civil et que si l'ouverture réalisée avec ouvrant ne respectait pas les dispositions relatives au mur non mitoyen, étant située au-dessus de l'héberge du toit des demandeurs ne présentant lui-même aucune ouverture, il n'existait aucun risque d'indiscrétion ; qu'au surplus étant située à plus de 60 centimètres au-dessus du fonds des demandeurs cette fenêtre n'était pas soumise aux dispositions des articles 678 et 679 du code civil.

Par déclaration en date du 19 mai 2021, M. M'[A] [E] et Mme [UD] [T] ont relevé appel de l'intégralité des dispositions de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 9 novembre 2021, M. M'[A] [E] et Mme [UD] [T], appelants, demandent à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

Statuant à nouveau,

- condamner Mme [Y] [RI] à supprimer l'ouvrage édifié sur la parcelle cadastrée section BZ n°[Cadastre 13], portant atteinte de manière illicite à leur droit de passage dont ils bénéficient et constituant également un trouble anormal de voisinage, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir;

- condamner Mme [Y] [RI] à remettre en état le mur édifié sur le mur mitoyen leur appartenant, supprimant l'ouverture créée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir;

- condamner Mme [Y] [RI] à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 20 septembre 2021, Mme [RI] [ST] épouse [Y], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1353, 637, 682, 675 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter les consorts [E] [T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les consorts [E] [T] à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [E] [T] aux dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2023.

SUR CE, LA COUR :

1°/ Sur l'atteinte à la servitude de passage et la demande de démolition d'ouvrage

Selon les dispositions de l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur d'une servitude de passage ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode.

En l'espèce, le titre d'acquisition de Mme [RI] [ST] épouse [Y] du 4 juin 2015 rappelle expressément au titre « Servitudes » qu'aux termes de l'acte de donation reçu par Me [M], notaire, le 31 août 2007 publié le 18 octobre 2007 volume 2007 P n° 5805, par lequel Mme [VN] [B] (usufruitière venderesse) a fait donation à Mme [H] [B] épouse [MD] sa nièce de la nue-propriété du bien cadastré commune de [Localité 15] section BZ n° [Cadastre 13], la donatrice a déclaré « qu'il existe une servitude de passage, non révélée par les titres, dans la cour de l'immeuble objet des présentes, et permettant aux voisins d'accéder à leur propriété à pied ou en voiture », la donataire ayant quant à elle déclaré « connaître parfaitement l'existence de cette servitude ». Mme [ST] épouse [Y] a quant à elle déclaré être parfaitement informée de cette situation, bien que non publiée au fichier immobilier, soit que les occupants respectifs des parcelles cadastrées section BZ n°s [Cadastre 6] et [Cadastre 14] traversent la cour arrière du bien acquis par elle (parcelle BZ [Cadastre 13]) en passant par la parcelle cadastrée section BZ n° [Cadastre 2].

M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] ont quant à eux acquis le 12 septembre 2018 de Mme [N] [JI] et M. [U] [JI] une maison d'habitation et maisonnette de type T2 sises communes de [Adresse 10] sur la parcelle cadastrée section BZ n° [Cadastre 6] et un garage édifié sur la parcelle BZ n° [Cadastre 1] pour 00 a 22 ca. Leur acte d'acquisition précise au titre « Servitudes » que l'acte de vente du 27 octobre 1976 publié à [Localité 15] le 1er décembre 1976 volume 5070 n° 28 concernant le n° [Cadastre 1] section ZB, énonce l'existence pour accéder à cette parcelle d'un droit de passage sur la parcelle cadastrée sous le n°[Cadastre 11] section ZB dont l'entrée se trouve [Adresse 10] entre les maisons n°s [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

En vertu de son propre titre d'acquisition et de l'acte de donation partage établi par ses auteurs le 31 août 2007 régulièrement publié, le fonds BZ n° [Cadastre 13] acquis par Mme [ST] épouse [Y] se trouve donc débiteur au profit des fonds n°s [Cadastre 6] et [Cadastre 1] BZ acquis par M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T], ainsi qu'au profit du fonds cadastré n°[Cadastre 14] BZ appartenant à un tiers au litige jouxtant les fonds [Cadastre 6] et [Cadastre 1], d'une servitude de passage à pied ou en voiture.

Au demeurant les plans cadastraux produits au débat établissent que le seul accès possible depuis le voie publique aux fonds cadastrés [Cadastre 6] et [Cadastre 1] sis [Adresse 10] destinés à l'habitation, à pied ou en véhicule, ne peut s'effectuer qu'à partir de l'ouverture sur la voie publique sise au niveau du n° 25b de la dite rue, par les parcelles actuellement numérotées [Cadastre 3], [Cadastre 2] et [Cadastre 13] ZB, caractérisant à tout le moins un état d'enclave justifiant l'institution d'une servitude de passage.

Mme [ST] épouse [Y] ne conteste au demeurant pas que sa parcelle [Cadastre 13] BZ est redevable envers les fonds [Cadastre 6] et [Cadastre 1] d'une servitude de passage à pied et en véhicules. Elle conteste uniquement la nature de garage de la construction édifiée sur la parcelle [Cadastre 1]. Or l'acte d'acquisition de M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] mentionne bien l'acquisition d'un garage édifié sur la parcelle BZ n° [Cadastre 1] pour 00 a 22 ca.

Il est acquis que Mme [ST] épouse [Y] a édifié sur sa parcelle [Cadastre 13] BZ au droit de son immeuble d'habitation et sur l'emprise de la cour sur laquelle se situe l'assiette de la servitude de passage desservant les fonds [Cadastre 1] et [Cadastre 6], une construction en parpaings surélevée en terrasse avec un escalier, rétrécissant ainsi l'ouverture aux véhicules. S'il ressort des diverses photographies produites que l'accès subsistant encadré par deux montants de portail est assez large pour le passage d'un véhicule automobile et que la construction litigieuse a bien été édifiée sur la seule parcelle [Cadastre 13] BZ, les éléments produits, en l'absence de toute mesure d'angles et de gabarit prises par les huissiers ou d'essais par ces derniers de man'uvres en marche avant ou marche arrière sont insuffisants pour caractériser l'impossibilité alléguée par M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] de manoeuvrer leur véhicule pour rentrer leur véhicule dans leur garage. L'huissier mandaté par Mme [E], Me [S] [R], dans le constat du 7 mai 2021 note que sa requérante ne peut rentrer son véhicule dans le garage, constatant que lorsque les portes du garage sont ouvertes (une seule porte étant au demeurant ouverte sur le procès-verbal de constat), elle ne dispose pas d'assez d'espace pour manoeuvrer, et ce sans aucune prise de mesures sur site , la tentative de man'uvre étant uniquement photographiée pour une pénétration du véhicule en marche avant. Le constat du 8 décembre 2020 produit par l'intimée, n'atteste que de la largeur de 3 mètres de l'ouverture du portail métallique installé entre la construction édifiée par Mme [ST] épouse [Y] et l'immeuble lui faisant face, et de l'état carrossable et en bon entretien d'usage du passage.

Au regard de ces éléments qui laissent présumer une difficulté d'accès sans être néanmoins suffisants pour caractériser une impossibilité et une atteinte au droit de passage, il y a lieu d'ordonner avant dire droit une mesure d'instruction afin que soit précisée la configuration des lieux, que des mesures soient prises sur site, et que soit vérifié contradictoirement d'une part si le garage de M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] est susceptible d'accueillir un véhicule, d'autre part, si le véhicule de ces derniers peut être normalement manoeuvré pour pénétrer depuis la parcelle [Cadastre 13] BZ assujettie à la servitude de passage dans le garage sis parcelle [Cadastre 1], en marche avant et/ou en marche arrière. Cette mesure doit s'effectuer aux frais avancés des appelants qui ont seuls intérêt à ce qu'elle s'accomplisse effectivement.

2°/ Sur la demande de suppression d'une ouverture dite illicite

M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] soutiennent que Mme [ST] épouse [Y] aurait ouvert illicitement sur un mur leur appartenant édifié par leur auteur en surélévation d'un mur mitoyen initial une ouverture illicite, créant au surplus sur leur fonds une vue plongeante ne respectant pas les prescriptions des articles 676 et suivants du code civil.

Mme [Y] soutient quant à elle qu'elle a créé cette ouverture dès son arrivée dans les lieux, au dessus de l'héberge du toit appartenant désormais aux consorts [E]-[T], non dans le mur pignon dont la mitoyenneté a été cédée à l'auteur des consorts [E]-[T] (M.[JI]), mais dans un des murs de l'immeuble lui appartenant, à une hauteur supérieure au toit plat surplombant le mur pignon, ne permettant aucune vue sur le fonds voisin.

Selon les dispositions de l'article 675 du code civil l'un des voisins ne peut, sans le consentement de l'autre, pratiquer dans un mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture en quelque manière que ce soit, même à verre dormant.

En l'espèce, selon cession partielle de mitoyenneté du 18/07/1990, M. [V] [JI], auteur des consorts [E]-[T], alors propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 10], copropriétaire du mur mitoyen jusqu'à l'héberge du toit existant avec Mme [VN] [B], propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 7], auteur de Mme [Y], a souhaité exhausser ce toit existant en prenant appui sur le mur de Mme [B], l'acte précisant « qui à cette hauteur n'est plus mitoyen », avec acquisition de cette partie de mitoyenneté. Mme [B] a ainsi cédé à M.[JI], partiellement, la mitoyenneté du mur pignon de sa maison d'habitation alors non mitoyen jusqu'à l'héberge du toit existant, à concurrence d'une longueur de 7,60 m et d'une hauteur à compter du toit existant de 1,40 m jusqu'à l'héberge du toit surélevé. Il résulte de cette convention que le mur pignon de l'immeuble sis sur la parcelle [Cadastre 13] ZB appartenant désormais à Mme [Y], n'est mitoyen avec la propriété voisine parcelle [Cadastre 6] BZ que jusqu'à l'héberge du toit surélevé au dessus du toit initial sur une hauteur de 1,40 m, mais exclusivement privatif au fonds [Cadastre 13] ZB au dessus de l'héberge du toit surélevé. Or il ressort tant des explications des parties que des photographies produites au débat que la fenêtre litigieuse a été ouverte par Mme [Y] au dessus de l'héberge du toit surélevé et en conséquence dans la partie du mur pignon de son immeuble lui appartenant exclusivement et non dans une partie de mur mitoyenne aux deux immeubles. Il n'y a donc pas d'infraction de sa part aux dispositions de l'article 675 visé ci-dessus.

Selon les dispositions de l'article 678 du même code, on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin s'il n'y a 19 décimètres (1,90m) entre le mur où on les pratique et ledit héritage. Selon celles de l'article 679, on ne peut, sous la même réserve, avoir des vues par côté ou obliques sur le même héritage s'il n'y a 6 décimètres de distance.

En l'espèce, la fenêtre litigieuse, mesurant selon constat d'huissier du 18 décembre 2020 produit par l'intimée (pièce 11) 60 centimètres de haut et 41 centimètres de large, ouvre directement depuis la partie privative du mur pignon de l'immeuble de Mme [Y] sur le toit surélevé de l'immeuble appartenant aux consorts [E]-[T], le surplombant. Elle a donc été pratiquée dans le mur privatif de la propriété de Mme [Y] joignant immédiatement l'héritage des consorts [E]-[T]. Elle donne sur le toit surélevé de l'immeuble appartenant à ces derniers, toit dépourvu d'ouverture, lucarne ou ciel ouvert vitré, ainsi que sur un mur aveugle de la propriété voisine. Implantée, ainsi qu'il résulte dudit constat d'huissier , au raz du plafond de la chambre qu'elle éclaire et aère à plus de deux mètres du sol de la pièce, elle ne permet en position debout dans la pièce qu'elle dessert aucune vue sur le fonds voisin ainsi qu'en atteste l'huissier. Tout risque d'indiscrétion étant ainsi exclu, les conditions de distance édictées par les articles susvisés sont inapplicables. Il résulte par ailleurs du même constat d'huissier que l'immeuble de Mme [Y] dispose en outre sur la partie du mur pignon surplombant le toit de la propriété des consorts [E]-[T] tel qu'il existait avant la surélévation autorisée par la convention du 18/07/1990, d'une ouverture ancienne munie de volets (vue 10) donnant directement sur ce toit, à l'égard de laquelle les consorts [E]-[T] n'invoquent aucune illicéité, et permettant quant à elle une vue plongeante sur la cour grevée de la servitude de passage au profit des divers fonds riverains ainsi qu'il résulte d'une des photographies produites en pièce 3 de l'intimée. Dès lors, les consorts [E]-[T] ne peuvent utilement soutenir ni que la fenêtre litigieuse a été réalisée sur un mur leur appartenant, ni qu'elle permet illicitement une vue plongeante sur leur fonds, et ils doivent en conséquence être déboutés, confirmant le jugement entrepris sur ce point, de leur demande tendant à la condamnation sous astreinte de Mme [Y] à la remise en état du mur, et à la suppression de l'ouverture créée.

3°/ Sur les autres demandes

Compte tenu de la mesure d'instruction ordonnée ci-dessus, les demandes relatives aux dépens de la procédure et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile doivent être réservées.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce que le premier juge a débouté M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] de leurs demandes tendant à la remise en état sous astreinte du mur sur lequel Mme [RI] [ST] épouse [Y] a ouvert une fenêtre et à la suppression de ladite ouverture

Y ajoutant,

Dit que la partie du mur pignon sur laquelle Mme [RI] [ST] épouse [Y] a ouvert une fenêtre au-dessus de la partie du toit surélevé de l'immeuble appartenant à M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] lui appartient exclusivement

Avant dire droit sur la demande de M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] tendant à la démolition de l'ouvrage édifié par Mme [RI] [ST] épouse [Y] sur la parcelle lui appartenant cadastrée commune de [Localité 15], section BZ n° [Cadastre 13], pour atteinte au droit de passage bénéficiant aux fonds cadastrés section BZ n°s [Cadastre 6] et [Cadastre 1] même commune,

Ordonne une mesure d'expertise,

Désigne pour y procéder :

M.[SC] [P]

[Adresse 12]

[Localité 8]

Mél:[Courriel 17]

ou à défaut,

M.[J] [BK]

[Adresse 16]

[Localité 9]

Mél:[Courriel 18]

lequel aura pour mission :

1°/ De se rendre sur les lieux litigieux, [Adresse 10] (82), parcelles cadastrées section BZ n°s [Cadastre 6] et [Cadastre 1], en présence des parties et de leurs conseils ou eux dûment convoqués

2°/ Entendre les parties en leurs prétentions

3°/ Vérifier si le local dit à usage de garage sis sur la parcelle BZ n° [Cadastre 1] permet au regard de ses mensurations et des modalités de son ouverture, l'accès et le stationnement d'un véhicule automobile

4°/ Etablir un schéma précis d'état des lieux et vérifier, en prenant toutes mesures utiles sur site, à préciser, et avec photographies à l'appui, la possibilité ou non pour les consorts [E]- [T] de manoeuvrer leur véhicule, en marche avant et/ou en marche arrière, pour le faire entrer et sortir de leur garage via l'ouverture d'environ 3 mètres de large subsistant entre la construction édifiée par Mme [RI] [ST] épouse [Y] sur sa parcelle BZ [Cadastre 13] jouxtant son immeuble d'habitation et la cour adjacente desservant les parcelles BZ [Cadastre 13], BZ [Cadastre 1] et [Cadastre 6]

5°/ Donner tout renseignement utile à l'information de la cour sur les difficultés éventuelles d'accès constatées et les mesures envisageables pour y remédier

Dit que l'expert devra informer les parties de l'état de ses investigations et conclusions et s'expliquer techniquement sur les éventuels dires et observations recueillis à l'occasion d'une réunion de synthèse précédant le dépôt du rapport ou par le dépôt d'un pré-rapport

Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne

Dit que M.M'[A] [E] et Mme [UD] [T] verseront par chèque libellé à l'ordre du régisseur des avances et des recettes de la cour d'appel une consignation de 1.500 € à valoir sur la rémunération de l'expert dans le délai de UN MOIS à compter du présent arrêt ; que ce chèque sera adressé avec les références du dossier (N° de RG) au service des expertises de la cour d'appel de Toulouse

Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque selon les modalités fixées par l'article 271 du Code de procédure civile

Dit que l'expert devra déposer au service expertises de la cour d'appel de Toulouse un rapport détaillé de ses opérations dans un délai de TROIS MOIS à compter de l'avis de versement de la consignation qui lui sera donné par le greffe et qu'il adressera copie complète de ce rapport - y compris la demande de fixation de rémunération - à chacune des parties, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure civile,

Précise que l'expert adressera une photocopie du rapport à l'avocat de chaque partie

Précise que l'expert doit mentionner dans son rapport l'ensemble des destinataires à qui il l'aura adressé

Désigne Mme [W].[FD], à l'effet de contrôler le déroulement de la mesure d'expertise

Renvoie la cause à la mise en état dématérialisée du 23 novembre 2023 à 9 heures

Réserve le surplus des demandes.

Le greffier Le président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/02257
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.02257 ?
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