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16/05/2023 | FRANCE | N°20/01628

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 16 mai 2023, 20/01628


16/05/2023



ARRÊT N°



N° RG 20/01628 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NTXC

MD/NB



Décision déférée du 28 Mai 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 15/03525

(Mme. TAVERNIER)

















[V] [M]

[G] [W] épouse [M]





C/



S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE MIDI-PYRENEES

S.A.R.L. [R]





























































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTS



Monsieur [V] [M]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Repré...

16/05/2023

ARRÊT N°

N° RG 20/01628 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NTXC

MD/NB

Décision déférée du 28 Mai 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 15/03525

(Mme. TAVERNIER)

[V] [M]

[G] [W] épouse [M]

C/

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE MIDI-PYRENEES

S.A.R.L. [R]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Monsieur [V] [M]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [G] [W] épouse [M]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE MIDI-PYRENEES Prise en la personne de son Président du Directoire demeurant en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean COURRECH de la SCP COURRECH ET ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.R.L. [R], société à responsabilité limitée titulaire d'un Office Notarial, venant aux droits de la SCP [H] [R] - [U] [R], agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège de la société

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Sous l'impulsion du Conseil général de l'Ariège, le groupe Simbiosis, promoteur immobilier spécialisé dans la réalisation de résidences de tourismes, a été sollicité pour engager plusieurs opérations immobilières censées redynamiser l'activité touristique.

Le groupe Simbiosis, par ses filiales sous formes de sociétés civiles immobilières, s'est engagé dans la construction et la réhabilitation de plusieurs bâtiments sur la station de Guzet puis la réalisation d'un ensemble pavillonnaire sur la commune de [Localité 5], composé de 61 maisons à usage de résidence de tourisme.

À la fin de l'année 2005, la Sci Résidence l'Oustal del Carlat a ainsi entrepris la réalisation d'une résidence de tourisme dénommée la « Résidence du lac » à [Localité 5].

L'ensemble du programme a fait l'objet de ventes par lots en l'état futur d'achèvement par l'intermédiaire de prescripteurs.

Elles devaient permettre aux acquéreurs de bénéficier du régime fiscal instauré par la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998), dite « Demessine », destinée à favoriser l'investissement locatif dans des résidences de tourisme situées dans des zones rurales à « revitaliser ».

En contrepartie d'une réduction d'impôt répartie sur un nombre d'années maximum, chaque candidat à la défiscalisation devait s'engager à louer nus le ou les logements acquis pendant une durée au moins égale à neuf ans dans le cadre d'un bail commercial ne pouvant être consenti qu'à un exploitant unique de la future résidence de tourisme tenu de régler les loyers commerciaux convenus avec les copropriétaires-bailleurs.

Le 18 mai 2006, la société anonyme (Sa) Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées a conclu avec la Sci Résidence l'Oustal del Carlat un contrat de cautionnement portant garantie d'achèvement de la résidence de tourisme dénommée « Le Village » et située à [Localité 5].

Elle prévoyait, dans son article 6, le versement obligatoire de l'intégralité des prix de vente sur un compte centralisateur ouvert auprès de la Caisse d'épargne.

De manière concomitante aux ventes en l'état futur d'achèvement, les acquéreurs des lots et droits immobiliers composant l'immeuble se sont vu proposer la souscription d'un bail commercial au profit d'un preneur unique, la Sarl de Gestion de la Résidence du lac, chargée de l'exploitation d'un fonds de commerce au sein de la résidence d'une durée de douze ans.

La société civile professionnelle (Scp) de notaires [R], aux droits de laquelle vient la Sarl [R], a été chargée par la Sci de la rédaction des différents actes de vente en l'état futur d'achèvement qui se sont échelonnés de juin 2006 à décembre 2007.

Compte tenu de leur situation géographique éloignée, les acquéreurs ont donné procuration pour l'établissement et la signature de leur acte de vente.

Suivant acte notarié du 31 octobre 2007, M. [V] [M] et Mme [G] [W] épouse [M] ont acquis en l'état futur d'achèvement un pavillon de type T4 et un parking, moyennant le versement du prix de 179 312,23 euros toutes taxes comprises.

L'acquisition a été financée par un prêt consenti par le Crédit immobilier de France Sud Rhône Alpes Auvergne d'un montant de 183 957,23 euros.

La livraison de leur bien avait été contractuellement fixée au deuxième trimestre de l'année 2007.

M. [B], architecte maître d'oeuvre du programme a établi les attestations suivantes :

- 4 mai 2006 : achèvement des fondations,

- 18 décembre 2007 : mise hors d'eau des constructions,

- 30 janvier 2008 : achèvement de l'édification des cloisons,

- 13 février 2008 : achèvement de la plomberie.

Le 10 avril 2008, Mme [X] a établi une attestation d'achèvement des travaux.

Dans le cadre de cette opération immobilière, les acquéreurs se sont, dans la majorité des cas, acquittés d'une somme correspondant à la totalité du prix de vente.

Les acquéreurs ont constaté des retards dans la livraison de leur bien et ont sollicité de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat qu'elle achève les travaux.

Le 17 février 2009, les acquéreurs ont mis en demeure la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées d'exécuter la convention de cautionnement portant garantie d'achèvement.

La Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées a sollicité du juge des référés de Foix la désignation d'un administrateur provisoire. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 16 juin 2009, la Scp Caviglioli Fourquie étant désignée avec la mission d'achever l'immeuble.

L'administrateur a sollicité l'intervention de M. [O], expert, aux fins de déterminer et chiffrer les travaux à exécuter. L'expert a rendu son rapport le 3 novembre 2009.

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Par actes des 19 juin et 1er juillet 2009, plusieurs acquéreurs, dont M. [V] [M] et Mme [G] [W] épouse [M], ont fait assigner la Sci Résidence l'Oustal del Carlat et la Scp [R] devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins, notamment, de voir constater le non-respect de la date d'achèvement des travaux contractuellement prévue, les fautes de la Scp [R] dans l'exercice de son activité professionnelle, condamner la Sci Résidence l'Oustal del Carlat et la Scp [R] à les indemniser de leurs préjudices.

Par jugement du 25 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Foix a placé la Sci Résidence l'Oustal del Carlat en redressement judiciaire.

Parallèlement, le tribunal de grande instance d'Evry a placé la Sci Résidence l'Oustal del Carlat en redressement judiciaire par jugement du 7 janvier 2010.

Par jugement du 3 février 2010, le tribunal de grande instance de Foix a prononcé sa liquidation judiciaire, désignant Maître [E] en qualité de liquidateur.

Par jugement du 4 novembre 2010, la Sci Résidence l'Oustal del Carlat a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de grande instance d'Evry, et Maître [P] a été désigné en qualité de liquidateur.

Par un arrêt du 8 novembre 2011, la cour d'appel de Toulouse a annulé les jugements rendus par le tribunal de grande instance de Foix.

Le 15 mars 2010, la Scp notariale a appelé dans la cause les diverses banques ayant prêté des fonds aux acquéreurs, la Sarl Agence d'architecture et d'urbanisme [B], les différents prescripteurs ainsi que la Caisse d'épargne Midi-pyrénées aux fins de se voir garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre.

Par jugement du 26 avril 2010 du tribunal de commerce de Foix, la Sarl de gestion de la résidence del Carlat a été placée en liquidation judiciaire.

Les 6 et 10 septembre 2010, le Crédit immobilier de France Méditerranée a fait assigner M. [L] [B] et Mme [X], architectes, afin de le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Suivant ordonnance du 24 décembre 2010, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'instruction en désignant en qualité d'experts M. [S] et M. [D].

D'autres investisseurs sont intervenus volontairement à l'instance et, ont également été appelés dans la cause, la Sa Thelem assurances et la Sa Allianz iard en qualité d'assureurs de la Sarl Just a lau ainsi que la Mutuelle des architectes français, en sa qualité d'assureur de la Sarl [B], auxquelles la mesure d'expertise a été déclarée commune.

Le 13 juillet 2011, les acquéreurs et la Caisse d'épargne Midi-pyrénées ont conclu une convention avec la Sas Akerys promotion afin de réaliser les travaux d'achèvement de l'ensemble immobilier.

Par ordonnance d'incident du 28 octobre 2011, le juge de la mise en état a ordonné la suspension du prêt souscrit par Mme [F].

Le 12 juin 2012, les acquéreurs ont fait assigner Maître [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat afin que les opérations d'expertise judiciaire lui soient déclarées opposables et que leurs créances soient fixées au passif de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat.

Par ordonnance du 6 juillet 2012, les acquéreurs qui invoquaient diverses non-conformités contractuelles de leurs biens, ont été autorisés à consigner le solde du prix de vente qui leur était réclamé par la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées comme condition de livraison de leurs biens, sur un compte Carpa.

Suivant procès-verbal du 9 juillet 2012, M. et Mme [M] ont été livrés de leur biens, avec réserves.

Par acte du 30 août 2012, M. et Mme [M] ont donné les locaux à bail commercial à la Sas Solution gestion rt en contrepartie d'un loyer annuel de 321 euros toutes taxes comprises pour la partie fixe et une part variable pour arriver à 40% du chiffre d'affaire de l'année écoulée.

En février 2013, M. [V] [M] et Mme [G] [W] épouse [M] ont régularisé un protocole d'accord transactionnel avec la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-pyrénées aux termes duquel ils ont été indemnisés de leurs préjudices à hauteur de 25 000 euros. Par cette transaction, ils se sont engagés à renoncer à diriger des réclamations à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-pyrénées et se sont désisté de l'instance et action à son égard.

Les experts judiciaires ont remis leur rapport au tribunal de grande instance le 2 avril 2015.

Suivant ordonnance du 26 novembre 2015, le juge de la mise en état a procédé à une disjonction de la procédure, la scindant du chef de chaque acquéreur.

Le 9 avril 2015, le tribunal de grande instance d'Evry a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat qui a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 17 avril 2015.

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Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- constaté que les demandes aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture partielle du 10 juillet 2019 sont devenues sans objet,

- déclaré irrecevable la demande de M. et Mme [M] visant à voir inscrire au passif de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat une créance d'un montant de 143 675,01 euros à actualiser au jour de la décision,

- déclaré irrecevable les prétentions formulées par M. et Mme [M] à l'encontre de l'Eurl [X],

- déclaré irrecevables comme prescrites les prétentions formulées par M. et Mme [M] à l'encontre de la Sa Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la Sa Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne au titre du manquement au devoir de conseil, d'information, de vigilance et de mise en garde,

- constaté le désistement d'instance et d'action de M. et Mme [M] de leurs demandes dirigées contre la Caisse d'épargne Midi-Pyrénées, l'a déclaré parfait et dit qu'il produit son effet extinctif de l'instance et entraîne la disparition du droit d'agir des demandeurs à l'encontre de ce défendeur,

- débouté M. et Mme [M] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit que les demandes récursoires formées par les défendeurs sont devenues sans objet,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [M] aux dépens, comprenant le coût de la mesure d'expertise, mais à l'exception de l'appel en cause de la Sarl d'architecture et d'urbanisme [B] et de M. [B],

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a retenu que le notaire n'avait pas à procéder à des vérifications particulières sur l'opportunité économique de l'opération envisagée, sur la solvabilité des parties, ni à surveiller le bon déroulement de l'opération immobilière et ne devait informer l'acquéreur d'un risque d'échec du programme immobilier qu'en présence d'éléments lui permettant de le suspecter.

Il a considéré que l'authentification d'un acte stipulant un délai de livraison antérieur ne se trouvait pas en lien avec les préjudices allégués, les acquéreurs étant du fait de cette stipulation informés qu'un retard affectait les prévisions contractuelles. En outre, le chantier suivait son cours de sorte que si le notaire avait fait des vérifications complémentaires il n'aurait pu constater aucune défaillance du promoteur.

-:-:-:-

Par déclaration du 7 juillet 2020, M. [V] [M] et Mme [G] [W] épouse [M] ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de la Sarl [R], en ce qu'il a :

- rejeté leurs demandes à l'encontre de la Sarl [R] de 143 675,01 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs entiers préjudices, à actualiser au jour du jugement à intervenir,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les a condamnés aux dépens comprenant le coût de la mesure d'expertise.

Par acte d'huissier du 28 décembre 2020, la Sarl [R] a fait assigner par appel provoqué la Sa Caisse d'épargne de Midi-pyrénées.

EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernière conclusions transmises à la cour par voie électronique le 29 septembre 2022, M. [V] [M] et Mme [G] [W] épouse [M], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, de :

- accueillir favorablement l'appel interjeté par M. et Mme [M] à l'encontre du jugement du 28 mai 2020, le déclarer recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* rejeté leurs demandes à l'encontre de la Sarl [R] de 143 675,01 euros à titre de dommages et intérêts,en réparation de leurs entiers préjudices, à actualiser au jour du jugement à intervenir,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* les a condamnés aux dépens, comprenant le coût de la mesure d'expertise,

Statuant à nouveau,

- condamner la Sarl [R] à leur verser les sommes suivantes :

*143 675,01 euros au titre de leurs entiers préjudices,

*subsidiairement, de 100 572,51 euros au titre de leur perte de chance,

En tout état de cause :

- condamner la Sarl [R] à avoir à verser à M. et Mme [M] la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl [R] aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Scp Monferran Carriere Espagno, avocats associés,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions dirigées par la Sarl [R] à l'encontre de M. et Mme [M].

À l'appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que :

- le notaire a manqué à son devoir de conseil sur l'opportunité de l'opération, et aurait dû attirer leur attention quant au caractère aléatoire du versement des loyers par la Sarl de gestion de la Résidence du Lac et à leur montant prévisionnel énoncé dans le bail commercial auquel l'acte de vente fait référence,

- le notaire connaissait parfaitement le programme, les lieux et les prix du marché dans la mesure où il était le notaire exclusif de cette opération et qu'il était le notaire du promoteur dans le cadre de trois autres opérations réalisées en Hautes-Pyrénées, et savait donc que les prix de vente et les loyers étaient surévalués lors de l'acquisition,

- les acquéreurs ont signé leur acte notarié à distance et par voie de procuration. Or, le notaire n'a jamais communiqué aux débats de courrier attirant leur attention sur les risques de volatilité de l'activité commerciale,

- le notaire a manqué à son devoir d'information des difficultés rencontrées par le programme,

- le notaire a stipulé un délai de livraison (deuxième trimestre 2007) antérieur à la date de conclusion de l'acte authentique (31 octobre 2007),

- le notaire a manqué à son devoir d'information en ce qui concerne la seconde tranche des travaux, alors que le contrat de réservation et l'acte notarié diffèrent sur ce point, et que la clause est nulle puisqu'il s'agit d'une condition potestative,

- M. et Mme [M] estiment avoir subi plusieurs préjudices : ils ont supporté des frais bancaires du fait du retard de livraison, ont perdu des loyers devant découler du bail commercial, leur bien immobilier a été surévalué lors de l'achat, et ils estiment subir un préjudice moral, distinct de celui qui a été indemnisé dans le cadre de la procédure pénale.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 30 août 2022, la Sarl [R] venant aux droits de la Scp [R], intimée, demande à la cour, au visa de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, de :

Au principal,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a écarté sa responsabilité civile professionnelle et condamné M. et Mme [M] au paiement des dépens de première instance comprenant les frais d'expertise,

- débouter M. et Mme [M] de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel, en ce compris le coût de la mesure d'expertise, ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire,

- débouter M. et Mme [M] de l'ensemble de leurs demandes en ce que les manquements reprochés ne sont pas en relation de causalité avec les préjudices invoqués, lesquels ne sont pas constitués pour n'être ni nés, ni actuels, ni certains,

- les condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

À titre très subsidiaire, pour le cas où il serait fait droit, en tout ou partie, aux demandes de condamnation de M. et Mme [M] :

- déclarer l'appel provoqué dirigé contre la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées et la condamner à relever et garantir la société notariale indemne à concurrence de 95% de toutes sommes qui pourraient être mises ou rester à sa charge,

- condamner la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées au paiement des dépens de première instance et d'appel à hauteur de 95% de leur montant.

À l'appui de ses prétentions, l'intimé soutient que :

- le notaire n'est pas tenu d'une obligation de conseil et de mise en garde concernant l'opportunité économique d'opérations de défiscalisation, par nature aléatoires, en l'absence d'éléments d'appréciation à sa disposition,

- le notaire prétend qu'il ne doit solliciter la remise d'une attestation d'avancement des travaux qu'afin de s'assurer que la quote-part du prix de vente stipulée payable le soit conformément à l'article R. 261-14 du Code de la Construction et de l'Habitation,

- le notaire n'a pas participé au montage de l'opération immobilière engagée par le promoteur, ni à l'élaboration du produit fiscal, et n'a pas rédigé les baux commerciaux,

- le notaire n'a pas à vérifier que l'activité commerciale projetée sera pérenne ou que les loyers fixés, hors de sa présence, sont conformes au marché,

- c'est par une erreur de plume que le délai de livraison était convenu pour le deuxième trimestre 2007, ce que les acquéreurs ne pouvaient ignorer puisque l'acte authentique a été reçu plus de deux mois plus tard,

- le notaire ne pouvait déceler lors de la conclusion de l'acte de vente qu'il existait un risque grave de non-achèvement de l'immeuble,

- il n'y avait rien d'anormal à ce que le promoteur ne produise pas de nouvelles attestations d'avancement des travaux puisqu'il n'en avait l'utilité que si ses besoins financiers le lui imposaient,

- les acquéreurs ont été informés du non-respect du délai de livraison initial et ont continué à payer les appels de fonds postérieurs,

- la seconde tranche de travaux envisagée dans l'acte de vente n'était qu'hypothétique,

- l'acte de vente a produit ses pleins effets puisque l'ensemble immobilier a été achevé et livré,

- les préjudices relatifs au retard de livraison découlent du comportement des acquéreurs qui ont attendu février 2009 pour mettre en oeuvre la garantie d'achèvement et le garant d'achèvement a mis 29 mois pour achever la construction,

- s'agissant du recours contre la Caisse d'épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées,

*la société notariale soutient que le montant des prix de vente permettait d'assurer le financement de tous les travaux de construction,

*les débits opérés depuis le compte centralisateur, sans lien avec le chantier, ainsi que les appels de fonds directement payés au promoteur par les acquéreurs, l'absence de surveillance du compte centralisateur, sont à l'origine de la situation dommageable.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 7 octobre 2022, la Sa Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées, intimée sur appel provoqué, demande à la cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- débouter la Sarl [R] des demandes dirigées contre elle,

- la condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

À l'appui de ses prétentions, l'intimé soutient que :

- le compte centralisateur ne fonctionne pas dans l'intérêt des acquéreurs mais permet d'assurer la sécurité de la banque garant d'achèvement,

- le garant d'achèvement n'a pas à surveiller l'avancement des travaux en dehors de la mise en jeu de sa garantie,

- elle pouvait payer des factures correspondant à des honoraires de commercialisation ou de gestion,

- elle a mis en 'uvre sa garantie rapidement puisqu'elle a été actionnée en 2009 et a saisi sans délai le juge des référés de Foix de la désignation d'un administrateur devant agir à la place du promoteur défaillant,

- elle est allé plus loin puisqu'elle a assisté les acquéreurs dans la recherche d'un maître d'ouvrage délégué et a fait les démarches pour obtenir l'autorisation d'achever les travaux,

- elle a financé l'achèvement des travaux à l'aide des fonds figurant sur le compte centralisateur et de fonds propres,

- du retard a été pris en raison de la découverte de l'absence de couverture du chantier par une assurance dommages-ouvrages,

- la reprise du chantier a été retardée par la nécessité de reprendre le chantier avec une nouvelle autorisation d'urbanisme et de trouver un professionnel pour exécuter les travaux,

- elle est étrangère aux débats relatifs à la surévaluation du bien, la surévaluation des loyers ou les frais bancaires supportés du fait du retard de livraison.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 25 octobre 2022.

MOTIVATION

- Sur la responsabilité de la Sarl [R] :

1. Le notaire qui prête son concours à l'établissement d'un acte doit veiller à son efficacité et doit préalablement procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour l'assurer, sans toutefois être dans l'obligation de vérifier les informations d'ordre factuel fournies par les parties en l'absence d'éléments de nature à faire douter de la véracité des renseignements donnés.

S'agissant d'une obligation de moyen, son obligation d'investigation n'est pas illimitée et dépend des possibilités effectives de contrôle et de vérification et notamment de l'existence d'un doute, d'éléments de soupçon, de circonstances particulières justifiant une vigilance accrue.

Lorsqu'il prête son concours à une vente en l'état futur d'achèvement, l'exactitude des renseignements que le vendeur a l'obligation légale de fournir sur l'état d'avancement des travaux est un élément substantiel dès lors que lui sont subordonnés d'une part, le bénéfice de la garantie d'achèvement et, d'autre part, le montant du prix à reverser lors de la signature de l'acte de vente.

Pour réaliser tant le premier paiement que la stipulation de la date d'achèvement, le notaire doit disposer d'un document fiable, telle qu'une attestation d'avancement rédigée par le maître d''uvre du programme immobilier.

Il peut être reproché au notaire de ne pas avoir sollicité une attestation d'avancement des travaux plus récente que celle dont il a déjà été destinataire, ou d'avoir mentionné une date d'achèvement dépassée à la date de signature de l'acte authentique alors qu'il sait que le bien n'est pas achevé. Ainsi, lorsqu'il mentionne dans le contrat la date d'achèvement des travaux communiquée par le promoteur, et a fortiori lorsqu'il assure la rédaction de tous les actes authentiques de vente dans le cadre d'un programme immobilier de grande ampleur comme l'espèce, il doit s'assurer que la date d'achèvement stipulée est vraisemblable et que le chantier suit son cours.

Dans l'acte authentique de vente rédigé par Maître [H] [R], notaire associé au sein de la Scp [R], et conclu entre la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans et M. et Mme [M] 31 octobre 2007, il est stipulé (p. 8) s'agissant de l'état d'avancement des travaux « d'une attestation délivrée par M. [L] [B], architecte (...), en date du 8 septembre 2006, il résulte que les travaux ont atteint le stade Mise hors d'eau ».

Il a, à ce titre, été demandé à l'acquéreur, compte tenu de l'avancement des travaux, de régler lors de la signature de l'acte de vente 70% du prix de vente.

Le notaire a donc rédigé l'acte de vente à partir d'une attestation d'avancement des travaux établie 13 mois avant la signature de l'acte authentique de vente.

La Sarl [R] a commis une faute en dressant l'acte authentique sans préalablement s'enquérir auprès du promoteur de l'état l'avancement du chantier.

En outre, il a mentionné à l'acte (p.8) que 'les biens devront être achevés au sens de l'article R261-11 du code de la construction et de l'habitation, pour être livrés au plus tard pour le deuxième trimestre deux mille sept', soit au plus tard au 30 juin 2007.

Le notaire a donc mentionné une date d'achèvement dépassée depuis 4 mois au jour de signature de l'acte authentique.

Il soutient dans ses conclusions avoir commis une 'erreur de plume', mais il s'agit d'une faute dans la mesure où le notaire, par ces mentions, n'assure pas l'efficacité de l'acte qu'il a été chargé de dresser.

En effet, les acquéreurs peuvent penser, malgré le paiement de seulement 70% du prix de vente, que compte tenu du délai écoulé entre l'établissement de l'attestation et la conclusion de l'acte de vente (13 mois), l'immeuble est presque achevé, alors qu'en pratique, tel n'était pas le cas.

Il résulte des pièces du dossier que si le notaire s'était rapproché du promoteur avant le 31 octobre 2007, date de signature de l'acte authentique, il aurait su que l'immeuble n'était pas achevé puisque M. [B] n'a établi, après l'attestation de mise hors d'eau une nouvelle attestation que le 30 janvier 2008 au titre de l'achèvement de l'édification des cloisons.

Le notaire a donc commis une faute affectant l'efficacité de l'acte de vente en ne s'informant pas auprès du promoteur de l'état d'avancement du chantier et en mentionnant une date d'achèvement des travaux dépassée depuis plusieurs mois.

Les préjudices susceptibles de découler de ces fautes consistent dans une perte de chance de ne pas contracter, ou de contracter en connaissance de cause et une perte de chance de ne pas exposer de frais ou s'exposer à des pertes du fait des mentions erronées ou approximatives figurant dans l'acte de vente.

M. et Mme [M] allèguent avoir subi un préjudice tenant aux frais bancaires supportés du fait du retard de livraison consistant dans le paiement d'intérêts intercalaires malgré la suspension de leur prêt. Ils ont calculé forfaitairement ce montant à hauteur de 5% sur la base de 95% du prix de vente.

Cependant, le retard pris dans l'achèvement de l'immeuble n'est pas imputable à faute à la Sarl [R], c'est seulement l'absence d'information du retard des travaux qui lui est reproché.

M. et Mme [M] soutiennent que les manquements leur ont fait perdre une chance de ne pas signer l'acte d'achat, et ce faisant, de ne pas s'exposer au paiement des intérêts intercalaires à la perte des loyers et à la surévaluation du bien.

Cependant, M. et Mme [M] n'établissent pas avoir eu à supporter des frais bancaires malgré la suspension de leur prêt et se contentent d'une évaluation forfaitaire sans produire aucun justificatif.

Ils seront donc déboutés de la demande présentée à ce titre.

Le préjudice consistant dans le fait de ne pas avoir perçu les loyers commerciaux garantis initialement et celui tenant à la surévaluation de la valeur de leurs biens ne découlent pas des fautes imputées à laSarl [R] et sont sans lien aucun avec la stipulation d'une date d'achèvement dépassée et l'absence d'information sur l'état d'avancement du chantier au jour de l'acte de vente.

Les acquéreurs demandent à la cour d'indemniser le préjudice moral qu'ils prétendent avoir subi. M. et Mme [M] ont été indemnisés pour un préjudice moral par le tribunal correctionnel de Toulouse dans son jugement du 17 décembre 2014 dans le cadre de l'instance pénale dirigée contre M. [A], M. [Z], M. [T] [Y] et Mme [X] à hauteur de 5 000 euros.

S'il s'agit de préjudices moraux distincts, celui indemnisé par le tribunal correctionnel résultant de l'infraction retenue à l'encontre des prévenus, tandis que celui dont il est fait état devant la cour résultant potentiellement du manquement de la Caisse d'épargne à son devoir de vigilance et d'information, il n'est pas démontré en l'espèce l'existence d'un préjudice moral subi par les acquéreurs en lien avec des conséquences patrimoniales imputables au garant d'achèvement.

Ils seront donc déboutés de leur demande.

2. M. et Mme [M] prétendent que le notaire devait attirer leur attention sur la durée du bail commercial et le montant des loyers.

Si le notaire instrumentaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques des stipulations convenues dans la limite des possibilités de contrôle et de vérification qui lui sont offertes, des informations connues des parties, il n'a pas à porter d'appréciation sur l'opportunité économique de l'opération (3e Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 21-12.301, 21-12.340).

L'acte authentique indique que l'ensemble immobilier devait être affecté à un usage de résidence de tourisme et donné à bail, à titre commercial, à la Sarl de gestion de la Résidence l'Oustal del Carlat, tel que cela est précisé en pages 7 et 20.

Cependant, le notaire qui n'est pas requis en qualité de conseiller en gestion de patrimoine mais de rédacteur d'acte de vente, qui n'est pas intervenu dans la constitution du montage financier mêlant vente et défiscalisation, qui n'a pas procédé à la rédaction du bail commercial, n'est pas tenu ni d'apprécier l'opportunité économique de l'opération et notamment la cohérence du montant du loyer stipulé par rapport à la réalité du marché locatif local, ni d'informer les acquéreurs sur les stipulations du bail commercial, ses effets et ses risques.

La circonstance que le bail commercial conclu par M. et Mme [M] soit d'une durée de onze ans et onze mois n'est pas de nature à faire naître une obligation d'information à la charge du notaire qui n'a pas à communiquer une information due par un autre professionnel, en l'occurrence le conseiller en gestion de patrimoine ainsi que le promoteur tenus de renseigner les acheteurs investisseurs sur les conditions de la défiscalisation et les causes et conséquences d'un allongement de la durée du bail en l'espèce.

En outre, M. et Mme [M] pouvaient se renseigner d'une part sur la durée stipulée et d'autre part sur la réalité du marché locatif local pour apprécier l'opportunité économique de l'opération projetée, en contactant, localement des agents immobiliers, en se renseignant par le biais de l'internet sur le coût moyen des locations dans le secteur ou encore en se renseignant sur les tarifs pratiqués au sein de résidences dans d'autres régions au profil similaire à [Localité 5].

Maître [H] [R] n'était donc nullement débiteur d'une obligation d'information, de conseil ou de mise en garde à l'égard de M. et Mme [M] s'agissant de la conclusion du bail commercial, ses stipulations, qu'il s'agisse de sa durée ou du loyer convenu.

En outre, le notaire chargé de l'établissement d'actes de vente de biens immobiliers n'est pas un conseiller financier des parties aux actes qu'il constate et il n'a pas vocation à s'exprimer sur l'opportunité économique d'une opération d'investissement immobilier et notamment sur le prix de vente stipulé librement entre les parties ou de défiscalisation comportant des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs.

C'est donc en vain que M. et Mme [M] recherchent la responsabilité de la Sarl [R] pour manquements à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde à ce titre.

Ils seront donc déboutés des demandes dirigées à l'encontre de la Sarl [R].

3. Le notaire rédacteur de l'acte ne peut être tenu pour responsable du retard pris par le chantier, et n'est pas tenu d'une obligation d'assurer le suivi des opérations de construction. Si en revanche, il a connaissance, par des éléments qu'il n'a pas à rechercher, de la défaillance financière du promoteur, il est tenu, en vertu du devoir de bonne foi, d'en informer les acquéreurs.

Les pièces produites aux débats ne démontrent pas qu'à la date de signature de l'acte authentique de vente le 31 octobre 2007, le groupe Simbiosis ait connu des difficultés dans la commercialisation et la mise en 'uvre de ce programme ou d'autres programmes immobiliers sur le territoire national.

Il n'est pas démontré l'existence de faits portés à la connaissance de l'étude notariale avant la régularisation de cet acte permettant de soupçonner des difficultés objectives de nature à la conduire à alerter les acquéreurs sur un risque d'inachèvement pesant sur l'opération et des retards graves autres que ceux inhérents aux aléas de toute opération immobilière.

Cependant, si le notaire avait été diligent, il aurait dû avoir connaissance du retard pris par les travaux en demandant communication d'une attestation d'avancement plus récente que celle en sa possession comme cela a été relevé dans le paragraphe 1. Toutefois, informé du retard pris par rapport à la date d'achèvement de l'immeuble initialement prévue par le promoteur, le notaire n'aurait pu en déduire que le promoteur était défaillant mais simplement que le chantier prenait du retard, ce dont le notaire aurait dû informer les acquéreurs comme cela a été jugé dans le paragraphe précité. En outre, les éventuels retards dans la construction des autres immeubles dont il a également été chargé de rédiger les contrats de vente ne signifiaient pas non plus que le promoteur était défaillant.

4. M. et Mme [M] soutiennent que le notaire n'a pas assuré l'efficacité de l'acte de vente en rédigeant une clause potestative relative à la seconde tranche de travaux pourtant prévue dans le contrat de réservation et a manqué à son devoir d'informer spécifiquement les acquéreurs sur ce changement.

Le contrat de réservation, acte sous seing privé à la rédaction duquel le notaire n'a pas été associé, conclu le 19 juillet 2007 entre M. et Mme [M] et la Sci Résidence l'Oustal del Carlat, indique (p.3) : '5-2 : projet de construction : le réservant projette de construire une résidence de tourisme sise [Localité 5] devant comprendre à l'achèvement des travaux, pour la seconde phase, 61 maisons, surfaces commerciales et parties communes. (...) La résidence se décompose de la manière suivante : L'ensemble de la résidence est articulé en 8 bandes, chaque bande comprend en son milieu un passage (...). L'ensemble est complété par un bâtiment abritant un local commercial d'accueil des clients'.

L'acte authentique de vente conclu le 31 octobre 2007 mentionne en page 3 :

'IV - Identification du programme

Le vendeur a entrepris la réalisation d'une résidence de tourisme dénommée 'Résidence du lac' sise au [Adresse 6], précision faite que cette résidence est composée :

- d'un ensemble pavillonnaire de 61 maisons et les parties communes de la Résidence de tourisme : accueil, logement de fonctions..., le tout formant une première tranche,

- d'une deuxième tranche que la société venderesse se réserve le droit d'édifier, si elle le souhaite, conformément aux stipulations du réglement de copropriété - état descriptif de division, formant à ce jour un lot transitoire et devant comprendre 12 maisons, 26 appartements, diverses surfaces commerciales et 60 parkings extérieurs privatifs.

Le présent acte concerne la vente d'un lot de copropriété dépendant de cette résidence de tourisme'.

Dans le cahier des conditions générales de vente de la Résidence du Lac reçu par Maître [H] [R] le 24 mai 2006, il est mentionné en p. 16 : 'Projet d'aménagement - construction :

La société envisage de procéder à l'édification d'un ensemble immobilier autorisé par le permis de construire à destination de résidence de tourisme. Cet ensemble comprendra lors de son achèvement : un ensemble pavillonnaire de 61 maisons et les parties communes, accueil, logement de fonction.

Les maisons seront élevées sur rez-de-chaussée avec un ou deux niveaux.

Il est précisé que la société envisage de construire une deuxième tranche également à usage de résidence de tourisme devant comprendre 12 maisons, 26 appartements, diverses surfaces commerciales et 60 parkings extérieurs privatifs. Cette deuxième tranche de travaux fait l'objet d'un lot transitoire dans le cadre du réglement de copropriété - état descriptif de division'.

Dans le réglement de copropriété envoyé par le promoteur au notaire par courrier du 13 février 2006, il est précisé p. 3 que l'ensemble immobilier situé à [Localité 5] 'comprendra après édification dans un premier temps : un ensemble pavillonnaire à usage de résidence de tourisme de 61 maisons et les parties communes, accueil, logement de fonction, etc... Les maisons seront élevées sur rez-de-chaussée avec un ou deux niveaux. Le promoteur envisage de réaliser dans un second temps une deuxième tranche à usage de résidence de tourisme comprenant 12 maisons, 26 appartements, diverses surfaces commerciales et 60 parkings extérieurs privatifs dès l'obtention du permis de construire correspondant à cette deuxième tranche de travaux. En conséquence, jusqu'au lancement des travaux de la deuxième tranche, il sera crée un lot transitoire'.

Il convient de préciser en premier lieu que la clause de l'acte authentique litigieuse ne saurait s'analyser comme faisant naître une obligation soumise à une condition potestative, puisque le promoteur ne s'y engage pas à exécuter une obligation mais qu'il s'agit d'une information relative à l'environnement immobilier du bien acquis par le contrat de vente.

Le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique. Il lui appartient de prouver l'exécution personnelle, effective et complète de ce devoir d'information et de conseil.

Si le notaire n'est pas tenu de rédiger l'acte authentique de vente dans les mêmes termes que le contrat de réservation puisqu'il est possible qu'entre la date de conclusion du contrat de réservation et celle de l'acte authentique, le projet immobilier poursuivi par le promoteur ait évolué, cette évolution doit apparaître clairement dans l'acte authentique de vente et le notaire est tenu de mettre en garde les acquéreurs contre les changements substantiels opérés lorsqu'il a eu connaissance du contrat préliminaire, afin que les acquéreurs donnent un consentement éclairé.

Dans ses conclusions, le notaire reconnaît (p.6) que le contrat de réservation conclu par M. et Mme [M] lui a été transmis le 30 juillet 2007, soit trois mois avant la conclusion de l'acte authentique de vente.

L'acte authentique indique que la premiètre tranche de travaux, relative au logement vendu, ne comprend que des maisons et des parties communes et que la deuxième tranche de travaux dont la réalisation est, au jour de conclusion de l'acte de vente, incertaine, le promoteur se réservant le droit de l'édifier, comporte des surfaces commerciales.

Comme le soutiennent les acquéreurs, dans le cadre d'une vente portant sur un bien destiné à la location et intégré dans une résidence de tourisme, l'environnement immobilier et commercial du bien acquis est important et tout changement substantiel l'affectant est susceptible d'avoir une incidence sur leur consentement puisqu'influençant tant la valeur locative et vénale du bien que son attractativité.

Tel est le cas lorsque le contrat de réservation indique que la résidence de tourisme doit comprendre des maisons et des surfaces commerciales et que l'acte authentique de vente rend l'existence des surfaces commerciales hypothétiques.

La mention dans l'acte de vente et le réglement de copropriété ne saurait suffire à ce titre. Le notaire était tenu d'une mise en garde spéciale des acquéreurs, afin d'attirer leur attention sur ce changement substantiel affectant le projet immobilier. Ce qu'il n'établit pas avoir fait.

Les acquéreurs prétendent avoir perdu une chance de ne pas contracter et que s'ils avaient su que la deuxième tranche de travaux n'allait pas être réalisée et était soumise au bon vouloir du promoteur, ils n'auraient pas conclu le contrat.

Il peut être retenu l'existence d'une perte de chance de ne pas contracter qui va se manifester dans les pertes financières subies et liées au coût du crédit notamment, ce qui n'est pas allégué pour les intérêts bancaires et n'est pas démontré pour les intérêts intercalaires spécifiquement, tel que cela a été retenu dans le paragraphe 1.

La perte de chance peut également être constituée par un prix d'achat excessif, si compte tenu de la modification de l'environnement commercial et immobilier prévu dans le contrat de réservation, la valeur de ce bien s'avère moindre.

M. et Mme [M] produisent un rapport amiable rédigé par Mme [N] qui établit selon eux, la surévaluation du prix de vente de l'immeuble lors de l'achat et sa perte de valeur depuis, ainsi que la surévaluation du montant du loyer initialement convenu. Cependant, il n'est pas indiqué dans ce document que cette surévaluation découlerait de l'absence de surfaces commerciales. M. et Mme [M] n'établissent donc pas l'existence d'un préjudice allégué en lien avec la faute imputable au notaire.

5. Les demandes formulées par M. et Mme [M] contre le notaire ayant été rejetées, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de condamnation présentée par la Sarl [R] à l'encontre de la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées

Sur les dépens et frais irrépétibles :

6. M. et Mme [M], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront condamnés aux dépens d'appel engagés au titre de l'appel dirigé à l'encontre la Sarl [R].

Il convient de confirmer le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse qui a condamné M. et Mme [M] aux dépens de première instance.

La Sarl [R] ayant fait intimer la Sa Caisse d'épargne Midi-Pyrénées sera condamnée aux dépens d'appel liés à son appel en cause.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la Sarl [R] d'une part et à la Sa Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées d'autre part, les frais non compris dans les dépens qu'elles ont pu respectivement exposer à l'occasion de cette procédure d'appel.

Tenus aux dépens d'appel générés par la mise en cause puis l'intimation du notaire, M. et Mme [M] ne peuvent prétendre au paiement d'une telle indemnité.

Les parties seront donc déboutées de leur demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse.

Et y ajoutant,

Condamne M. [V] [M] et Mme [G] [W] épouse [M] aux dépens engagés au titre de l'appel dirigé contre la Sarl [R].

Condamne la Sarl [R] aux dépens engagés au titre de l'appel dirigé contre la Sa Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées.

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais non compris dans les dépens et exposés en appel.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/01628
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;20.01628 ?
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