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16/05/2023 | FRANCE | N°20/01583

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 16 mai 2023, 20/01583


16/05/2023



ARRÊT N°



N° RG 20/01583 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NTS5

MD/NB



Décision déférée du 28 Mai 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 15/03538

Mme. TAVERNIER

















[L] [O]





C/



S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

S.C.P. JEAN-MICHEL MALBOSC-DAGOT - OLIVIER MALBOSC-DAGOT





























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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***







APPELANTE



Madame [L] [O]

[Adresse 5]

...

16/05/2023

ARRÊT N°

N° RG 20/01583 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NTS5

MD/NB

Décision déférée du 28 Mai 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 15/03538

Mme. TAVERNIER

[L] [O]

C/

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

S.C.P. JEAN-MICHEL MALBOSC-DAGOT - OLIVIER MALBOSC-DAGOT

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [L] [O]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Marjorie VELLA-LAFAGE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

Venant aux droits de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE ALPES AUVERGNE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier TAMAIN de la SCP MTBA AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Sous l'impulsion du Conseil général de l'Ariège, le groupe Simbiosis, promoteur immobilier spécialisé dans la réalisation de résidences de tourismes, a été sollicité pour engager plusieurs opérations immobilières censées redynamiser l'activité touristique.

Le groupe Simbiosis, par ses filiales sous formes de sociétés civiles immobilières, s'est engagé dans la construction et la réhabilitation de plusieurs bâtiments sur la station de Guzet puis la réalisation d'un ensemble pavillonnaire sur la commune de [Adresse 6], composé de 61 maisons à usage de résidence de tourisme.

À la fin de l'année 2005, la Sci Résidence l'Oustal del Carlat a ainsi entrepris la réalisation d'une résidence de tourisme dénommée la « Résidence du lac » à [Adresse 6].

L'ensemble du programme a fait l'objet de ventes par lots en l'état futur d'achèvement par l'intermédiaire de prescripteurs.

Elles devaient permettre aux acquéreurs de bénéficier du régime fiscal instauré par la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998), dite « Demessine », destinée à favoriser l'investissement locatif dans des résidences de tourisme situées dans des zones rurales à « revitaliser ».

En contrepartie d'une réduction d'impôt répartie sur un nombre d'années maximum, chaque candidat à la défiscalisation devait s'engager à louer nus le ou les logements acquis pendant une durée au moins égale à neuf ans dans le cadre d'un bail commercial ne pouvant être consenti qu'à un exploitant unique de la future résidence de tourisme tenu de régler les loyers commerciaux convenus avec les copropriétaires-bailleurs.

Le 18 mai 2006, la société anonyme (Sa) Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées a conclu avec la Sci Résidence l'Oustal del Carlat un contrat de cautionnement portant garantie d'achèvement de la résidence de tourisme dénommée « Le Village » et située à [Adresse 6].

Elle prévoyait, dans son article 6, le versement obligatoire de l'intégralité des prix de vente sur un compte centralisateur ouvert auprès de la Caisse d'épargne.

De manière concomitante aux ventes en l'état futur d'achèvement, les acquéreurs des lots et droits immobiliers composant l'immeuble se sont vu proposer la souscription d'un bail commercial au profit d'un preneur unique, la Sarl de Gestion de la Résidence du lac, chargée de l'exploitation d'un fonds de commerce au sein de la résidence d'une durée de douze ans.

La société civile professionnelle (Scp) de notaires Malbosc-Dagot, aux droits de laquelle vient la Sarl Mlabosc Dagot, a été chargée par la Sci de la rédaction des différents actes de vente en l'état futur d'achèvement qui se sont échelonnés de juin 2006 à décembre 2007.

Compte tenu de leur situation géographique éloignée, les acquéreurs ont donné procuration pour l'établissement et la signature de leur acte de vente.

Le 11 mai 2006, un contrat de réservation a été conclu entre la Sci Résidence l'Oustal del Carlat et Mme [L] [O].

Suivant acte notarié du 16 août 2006, Mme [L] [O] a acquis en l'état futur d'achèvement un pavillon de type T3 et un parking extérieur, moyennant le versement du prix de 160 428,69 euros toutes taxes comprises.

L'acquisition a été financée par un prêt consenti par le Crédit immobilier de France Sud Rhône Alpes Auvergne d'un montant de 165 230 euros, sur 20 ans, in fine, à taux variable, envoyé le 13 juin 2006 et acceptée le 28 juin par Mme [O].

La livraison de son bien avait été contractuellement fixée au deuxième trimestre de l'année 2007.

Dans le cadre de cette opération immobilière, les acquéreurs se sont, dans la majorité des cas, acquittés d'une somme correspondant à la totalité du prix de vente.

Les acquéreurs ont constaté des retards dans la livraison de leur bien et ont sollicité de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat qu'elle achève les travaux.

Le 17 février 2009, les acquéreurs ont mis en demeure la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées d'exécuter la convention de cautionnement portant garantie d'achèvement.

La Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées a sollicité du juge des référés de Foix la désignation d'un administrateur provisoire. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 16 juin 2009, la Scp Caviglioli Fourquie étant désignée avec la mission d'achever l'immeuble.

L'administrateur a sollicité l'intervention de M. [A], expert, aux fins de déterminer et chiffrer les travaux à exécuter. L'expert a rendu son rapport le 3 novembre 2009.

-:-:-:-

Par actes des 19 juin et 1er juillet 2009, plusieurs acquéreurs ont fait assigner la Sci Résidence l'Oustal del Carlat et la Scp Malbosc-Dagot devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins, notamment, de voir constater le non-respect de la date d'achèvement des travaux contractuellement prévue, les fautes de la Scp Malbosc-Dagot dans l'exercice de son activité professionnelle, condamner la Sci Résidence l'Oustal del Carlat et la Scp Malbosc-Dagot à les indemniser de leurs préjudices.

Par jugement du 25 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Foix a placé la Sci Résidence l'Oustal del Carlat en redressement judiciaire.

Parallèlement, le tribunal de grande instance d'Evry a placé la Sci Résidence l'Oustal del Carlat en redressement judiciaire par jugement du 7 janvier 2010.

Par jugement du 3 février 2010, le tribunal de grande instance de Foix a prononcé sa liquidation judiciaire, désignant Maître [G] en qualité de liquidateur.

Par jugement du 4 novembre 2010, la Sci Résidence l'Oustal del Carlat a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de grande instance d'Evry, et Maître [C] a été désigné en qualité de liquidateur.

Par un arrêt du 8 novembre 2011, la cour d'appel de Toulouse a annulé les jugements rendus par le tribunal de grande instance de Foix.

Le 15 mars 2010, la Scp notariale a appelé dans la cause les diverses banques ayant prêté des fonds aux acquéreurs, la Sarl Agence d'architecture et d'urbanisme [X], les différents prescripteurs ainsi que la Caisse d'épargne Midi-pyrénées aux fins de se voir garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre.

Par jugement du 26 avril 2010 du tribunal de commerce de Foix, la Sarl de gestion de la résidence del Carlat a été placée en liquidation judiciaire.

Les 6 et 10 septembre 2010, le Crédit immobilier de France Méditerranée a fait assigner M. [E] [X] et Mme [W], architectes, afin de le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Suivant ordonnance du 24 décembre 2010, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'instruction en désignant en qualité d'experts M. [R] et M. [U].

D'autres investisseurs sont intervenus volontairement à l'instance et, ont également été appelés dans la cause, la Sa Thelem assurances et la Sa Allianz iard en qualité d'assureurs de la Sarl Just a lau ainsi que la Mutuelle des architectes français, en sa qualité d'assureur de la Sarl [X], auxquelles la mesure d'expertise a été déclarée commune.

Suivant conclusions du 6 avril 2011, Mme [O] est intervenue volontairement à l'instance.

Le 13 juillet 2011, les acquéreurs et la Caisse d'épargne Midi-pyrénées ont conclu une convention avec la Sas Akerys promotion afin de réaliser les travaux d'achèvement de l'ensemble immobilier.

Par ordonnance d'incident du 28 octobre 2011, le juge de la mise en état a ordonné la suspension du prêt souscrit par Mme [O].

Le 12 juin 2012, les acquéreurs ont fait assigner Maître [C], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat afin que les opérations d'expertise judiciaire lui soient déclarées opposables et que leurs créances soient fixées au passif de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat.

Par ordonnance du 6 juillet 2012, les acquéreurs qui invoquaient diverses non-conformités contractuelles de leurs biens, ont été autorisés à consigner le solde du prix de vente qui leur était réclamé par la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées comme condition de livraison de leurs biens, sur un compte Carpa.

Suivant procès-verbal du 9 juillet 2012, Mme [O] a été livré de son bien, avec réserves.

Par acte du 29 août 2012, Mme [O] a donné les locaux à bail commercial à la Sas Solution gestion rt en contrepartie d'un loyer annuel de 321 euros toutes taxes comprises pour la partie fixe et une part variable pour arriver à 40% du chiffre d'affaire de l'année écoulée.

En mars 2013, Mme [O] a régularisé un protocole d'accord transactionnel avec la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-pyrénées aux termes duquel elle a été indemnisée de ses préjudices à hauteur de 25 000 euros. Par cette transaction, elle s'est engagée à renoncer à diriger des réclamations à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-pyrénées et s'est désisté de l'instance et action à son égard.

Les experts judiciaires ont remis leur rapport au tribunal de grande instance le 2 avril 2015.

Suivant ordonnance du 26 novembre 2015, le juge de la mise en état a procédé à une disjonction de la procédure, la scindant du chef de chaque acquéreur.

Le 9 avril 2015, le tribunal de grande instance d'Evry a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat qui a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 17 avril 2015.

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Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- déclaré irrecevable la demande de Mme [O] visant à voir inscrire sa créance au passif de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat,

- déclaré irrecevable comme prescrites les prétentions formulées par Mme [O] à l'encontre de la Sa Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la Sa Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne sur le devoir d'information, de mise en garde et de conseil de l'établissement bancaire,

- déclaré irrecevable les prétentions qu'elle a formulées à l'encontre de l'Eurl [W],

- constaté le désistement d'instance et d'action de Mme [O] de ses demandes dirigées contre la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées, l'a déclaré parfait et dit qu'il produit son effet extinctif de l'instance et entraîne la disparition du droit d'agir de la demanderesse à l'encontre de ce défendeur,

- débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que les demandes récursoires formées par les défendeurs sont devenues sans objet,

- dit que les effets de la suspension ordonnée par ordonnance du juge de la mise en état cessent à la date de la présente décision ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [O] aux dépens, comprenant le coût de la mesure d'expertise, mais à l'exception de l'appel en cause de la Sarl d'architecture et d'urbanisme [X] et de M. [E] [X],

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

S'agissant des demandes de Mme [O] à l'encontre de la Sa Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la Sa crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, le tribunal s'est fondé sur le fait que Mme [O] a eu connaissance de son préjudice résultant du retard de livraison à la date à laquelle elle a mis le notaire en demeure l'indemniser, le 12 mars 2009, et qu'à cette date elle était en mesure d'apprécier les manquements dénoncés au titre du devoir de conseil et de mise en garde et du devoir de vigilance du banquier et considérées les demandes prescrites.

Le tribunal a estimé que la banque prêteuse aurait dû s'assurer avant tout versement des conditions dans lesquelles elle devait débloquer les fonds afin d'exécuter son obligation d'information et de mise en garde de l'acquéreur et devait solliciter la copie de l'acte authentique de vente auquel elle était partie.

Il a cependant retenu que cette faute d'abstention du prêteur ne présentait pas de lien causal avec les préjudices allégués.

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Par déclaration du 2 juillet 2020, Mme [L] [O] a relevé appel de ce jugement à l'encontre de la Sarl Malbosc-Dagot et de la Sa Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la Sa Crédit immobilier France Sud Rhône Alpes Auvergne, en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable comme prescrites les prétentions formulées par Mme [O] à l'encontre de la Sa Crédit immobilier de France développement sur le devoir d'information, de mise en garde et de conseil de l'établissement bancaire,

- débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que les effets de la suspension ordonnée par ordonnance du juge de la mise en état cessent à la date du jugement,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [O] aux dépens, comprenant le coût de la mesure d'expertise.

Par ordonnance du 15 octobre 2020, le magistrat de la mise en état a donné acte à Mme [O] de son désistement d'appel vis-à-vis de la Scp Malbosc-Dagot, donné acte que la procédure se poursuit entre Mme [O] et la Sa Crédit immobilier de France développement, et condamné Mme [O] aux dépens afférents à la mise en cause devant la cour de la Scp Malbosc-Dagot.

EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 8 avril 2021, Mme [L] [O], appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

*déclaré irrecevables comme prescrites les prétentions formulées à l'encontre de la Sa Crédit immobilier de France développement sur le devoir d'information, de mise en garde et de conseil de l'établissement bancaire,

*débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,

*dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamné Mme [O] aux dépens, comprenant le coût de la mesure d'expertise,

Et, statuant de nouveau,

- condamner la Sa Crédit immobilier de France développement au paiement de la somme de 42 193,61 euros au titre du préjudice matériel lié au retard de livraison et subsidiairement 33 754,89 euros au titre de la perte de chance de ne pas subir ce retard de livraison,

- la condamner au paiement de la somme de 160 198,99 euros au titre du préjudice matériel subi du fait de l'acquisition et subsidiairement 158 596,97 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter et de réaliser une opération plus intéressante,

- la condamner au paiement de la somme de 198 216,11 euros au 10 septembre 2020 au titre de la perte de chance de ne pas contracter le crédit ruineux, ce dans la limite de 251 972,61 euros,

- la condamner au paiement de la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral,

- la condamner au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Vella, avocat au barreau de Toulouse.

À l'appui de ses prétentions, l'appelante soutient que :

- le banquier prêteur partie à l'acte de vente engage sa responsabilité pour ne pas avoir procédé au paiement des acomptes entre les mains du garant d'achèvement comme l'acte le prévoyait,

- Mme [O] est un acquéreur-emprunteur profane qui nécessitait les conseils de la banque lorsqu'elle a reçu, par l'intermédiaire de sa banque, une demande d'autorisation d'appel de fonds de la part de la Sci Résidence l'Oustal del Carlat à régler par chèque à son ordre,

- la banque aurait dû solliciter une copie de l'acte authentique de vente pour savoir où réaliser les paiements,

- ces manquements de la banque sont à l'origine de ses préjudices car si les fonds avaient été correctement débloqués par la banque prêteuse, les travaux n'auraient pas été réalisés avec cinq ans de retard car la Sci Résidence l'Oustal del carlat n'aurait pas pu détourner les sommes qui lui avaient été versées,

- le point de départ de l'action fondée sur le manquement de la banque à son obligation de mise en garde, d'information et de conseil est le jour où l'emprunteur s'est rendu compte du manquement et de la perte de chance qui en a découlé, soit lors de la liquidation judiciaire de la Sci le 4 novembre 2010, que Mme [O] a perdu l'espoir de bénéficier d'une garantie de revente du bien à un prix fixe, ou après la livraison du bien en juillet 2012 et en particulier lorsqu'elle a signé le bail avec la société Solution gestion rt pour un loyer très inférieur au loyer prévu, ou à compter de l'expertise réalisée par MM. [U] et [R] qui a révélé l'ampleur de la situation, ou lors du dépôt du rapport de Mme [B] le 29 juin 2016 date à laquelle elle a su qu'elle ne pourrait rembourser le prêt en vendant son bien,

- la date du 19 juin 2016 doit donc être retenue comme celle où elle a eu tous les éléments lui permettant de prendre conscience de son entier préjudice,

- le cours d'une éventuelle prescription a été interrompu par les conclusions d'intervention volontaire du 6 avril 2011 par Mme [O] qui a interrompu la prescription à l'encontre de toutes les parties à la procédure,

- la banque prêteuse a manqué à son obligation de mise en garde envers un emprunteur non averti contre les risques encourus, et notamment le risque d'endettement excessif,

- la banque aurait dû tenir compte du caractère aléatoire de la perception des loyers et de leur montant afin de mettre en garde Mme [O] contre l'inadaptation du prêt consenti,

- le défaut de mise en garde de Mme [O] a causé un double préjudice consistant en une perte de chance de ne pas subir le retard de livraison et de souscrire une opération plus intéressante et notamment ne pas acquérir un bien pour un montant supérieur à sa valeur vénale, mais encore, ne pas subir une perte de loyers de 49 664,70 euros sur neuf ans,

- elle a également perdu une chance de ne pas souscrire ce crédit ruineux, qui lui a coûté 198 216,11 euros,

- la banque a manqué à son devoir de conseil sur le caractère inadapté du prêt in fine, impliquant que l'emprunteur dispose à l'échéance du montant du crédit afin de pouvoir le rembourser,

- elle estime avoir subi un préjudice moral lié à ce crédit ruineux et aux tracas de la procédure judiciaire engagée.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 août 2022, la Sa Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la Sa Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner à payer à la Sa Crédit immobilier de France développement une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

À l'appui de ses prétentions, l'intimée soutient que :

- elle n'a pas commis de faute dans le versement des fonds, l'acte de vente ne faisant pas obligation à la banque prêteuse de verser directement les fonds sur le compte centralisateur mais à Mme [O] elle-même,

- l'offre de prêt contient une clause qui oblige l'emprunteur à s'assurer de la livraison des matériaux et à vérifier l'avancement des travaux,

- 56 150,04 euros ont été correctement crédités sur le compte centralisateur,

- 72 192,91 euros ont été débloqués au profit de la Sci Résidence l'Oustal del carlat suite à la demande de Mme [O] qui a signé l'appel de fonds du vendeur qui demandait un règlement direct,

- 16 042,86 euros ont été débloqués au profit de ladite Sci sur demande de Mme [O],

- 8 021,43 euros payés par lettre-chèque à Mme [O] en vertu de sa demande écrite et qu'elle a reversé au vendeur au lieu de le transmettre sur le compte centralisateur,

- Mme [O] exploite trois biens immobiliers et est donc en mesure de comprendre les clauses de l'acte de vente et celles de l'acte de prêt,

- l'acte de vente précisait que l'acheteur confirmait un mandat irrévocable donné au vendeur d'encaisser directement les fonds,

- il n'y a pas de lien de causalité entre la faute alléguée et les préjudices subis qui ont été causés par la défaillance du vendeur, la fausse attestation de Mme [W] et le retard du garant extrinsèque à reprendre les travaux,

- s'agissant de la perte de chance de ne pas subir de retard de livraison, Mme [O] ne démontre pas que les versements par l'ensemble des emprunteurs sur le compte centralisateur auraient permis l'achèvement des travaux dans le délai contractuel,

- s'agissant du manquement au devoir de mise en garde, la banque prêteuse soutient que l'action de Mme [O] est prescrite car les premières demandes formées à l'encontre de la banque prêteuse datent du 26 mai 2014, or, le point de départ de son action est la date de formation du contrat de prêt,

- compte tenu du report des remboursements pendant 24 mois et de la suspension des paiements jusqu'en mai 2020, de ses revenus professionnels et locatifs, et du loyer mensuel qu'elle devait percevoir dans le cadre de l'opération litigieuse, Mme [O] pouvait faire face à l'endettement souscrit,

- la banque prêteuse n'a pas à apprécier l'opportunité de l'opération immobilière envisagée par l'emprunteur,

- la banque ne saurait être fautive d'avoir proposé un prêt in fine alors que ce type d'emprunt a été librement choisi par Mme [O], rompue aux acquisitions immobilières,

- la banque n'est pas responsable de la surévaluation du bien immobilier de Mme [O] ni de la perte des loyers commerciaux,

- s'agissant du manquement de la banque à son devoir d'information et de vigilance sur les dangers et risques de l'opération financière envisagée, l'action se prescrit par cinq ans à compter de la formation du contrat, or, Mme [O] ne forme de demandes à ce sens, pour la première fois, que dans ses conclusions du 13 août 2019, de sorte que sa demande à ce titre est irrecevable,

- Mme [O] est, en outre, mal fondée dès lors que la banque prêteuse n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client et n'a pas à le mettre en garde contre le risque associé à l'investissement projeté.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 25 octobre 2022.

MOTIVATION

- Sur l'action en responsabilité à l'encontre du prêteur :

1. Mme [O] demande à la cour de retenir la responsabilité de la Sa Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la Sa Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne sur deux fondements : le manquement à ses obligations d'information et de mise en garde et le manquement à ses obligations dans le déblocage des fonds.

Le tribunal judiciaire de Toulouse a, dans son jugement du 28 mai 2020 déclaré irrecevables comme prescrites les prétentions formulées par Mme [O] à l'encontre de la Sa Crédit immobilier de France développement sur le fondement du devoir d'information, de mise en garde et de conseil de l'établissement bancaire et rejeté sa demande fondée sur le déblocage des fonds prêtés.

S'agissant du déblocage des fonds sur un autre compte que le compte centralisateur :

2. La recevabilité de cette action n'est pas contestée par le prêteur de deniers qui sollicite la confirmation du jugement du 28 mai 2020 ayant rejeté la demande de Mme [O] sur le fondement du paiement des appels de fonds hors du compte centralisateur.

Le prêteur de deniers, partie à l'acte de vente, est tenu, avant tout déblocage des fonds de s'assurer du destinataire des fonds et pour ce faire, doit, s'il a été représenté par un clerc de notaire lors de la signature de l'acte authentique de vente, se procurer ledit acte avant de verser les fonds.

Il est dans ce cas, indifférent que l'acquéreur ait demandé au prêteur de payer directement au vendeur, dès lors que le banquier, professionnel, est mieux informé et plus compétent que l'acheteur-emprunteur profane pour identifier le destinataire des fonds, dès lors qu'il n'est pas fait la preuve que l'acquéreur était aguerri aux acquisitions par le biais de contrats de vente en l'état futur d'achèvement.

Dans l'acte notarié de vente conclu le 16 août 2006 trois parties sont indiquées : Mme [L] [O], la Sci Résidence l'Oustal del Carlat et la Sa Crédit immobilier de France Sud Rhône Alpes Auvergne, cette dernière étant représentée par Mme [I], clerc de notaire.

En p. 13, il est indiqué dans la clause intitulé « Lieu du paiement ' compte financier centralisateur » que « afin d'assurer la centralisation et le contrôle du financement des travaux, le paiement de l'intégralité du prix, pour être libératoire, devra être effectué sur le compte suivant n° [XXXXXXXXXX02] ouvert au nom « de la Sci Résidence du Grand hôtel » à la Caisse d'épargne ('). Ils pourront également être remis entre les mains du notaire rédacteur de l'acte de vente qui aura pour mission d'en opérer le versement au compte du vendeur indiqué ci-dessus ».

Doit être à cette occasion relevée une erreur de rédaction affectant cette stipulation puisque le vendeur est la Sci Résidence l'Oustal del Carlat et non pas la Sci Résidence du Grand Hôtel.

Il est également indiqué dans la clause suivante intitulée « engagement de l'acquéreur » que « toutes les sommes dues par l'acquéreur au titre du présent contrat devront, pour être libératoires, impérativement être versées sur le compte d'opération ouvert par le vendeur dans les livres de la Caisse d'épargne par virement ou chèque adressé et libellé à l'ordre de la banque sur le compte ci-dessus référencé ».

À réception d'une demande de paiement direct du promoteur formulé par l'emprunteur, qui ne fait alors que faire suivre les courriers reçus du promoteur, le prêteur est tenu de s'assurer auprès de l'emprunteur qu'il entend bien payer directement le promoteur en contravention de l'obligation que lui fait l'acte authentique de vente, et qui s'applique tant à l'acquéreur qu'au prêteur partie à l'acte et chargé de régler les appels de fonds.

Le prêteur fait référence à la clause de l'acte de vente qui stipule que « l'acquéreur confirme le mandat irrévocable donné au vendeur d'encaisser directement et hors sa présence, sur présentation des justificatifs d'avancement des travaux, les fonds à provenir du prêt ». Or, le prêteur, professionnel ne peut s'exonérer de son obligation de s'assurer des modalités de déblocage des fonds, au besoin en contactant le notaire pour résoudre la contradiction entre les clauses, ce qu'il n'établit pas avoir fait, peu important à cet égard que l'emprunteur soit propriétaire de plusieurs biens immobiliers puisque rien ne vient établir que ces acquisitions ont eu lieu par le biais de contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu avec un promoteur ayant contracté une garantie d'achèvement impliquant une centralisation financière, outre que ces acquisitions sont pour deux d'entre elles postérieures aux dates de déblocage des fonds litigieuses.

La banque a donc fait preuve d'une légèreté blâmable en payant directement les fonds au promoteur, sans s'enquérir de la volonté de l'emprunteur de violer l'engagement contractuel et le mettre en garde contre les risques présentés par une telle attitude.

Tel est également le cas s'agissant de la somme de 8 021,43 euros que la banque prétend avoir débloquée directement au profit de Mme [O], sans pour autant l'établir puisque les documents qu'elle produit se contredisent à ce sujet (pièces 7 et 39) et qu'au demeurant, le paiement entre les mains de l'emprunteur, sans le mettre en garde, alors que le courrier du promoteur communiqué au prêteur sollicite un paiement entre ses mains sans évoquer le compte centralisateur, constitue une faute.

La banque soutient que Mme [O] était tenue de s'assurer de l'état d'avancement des travaux, sans pour autant établir l'existence de cette obligation à la charge de cette dernière.

En outre, l'acquéreur qui sollicite auprès de son prêteur de deniers le paiement des appels de fonds reçus du promoteur et qui s'accompagnent d'attestations éditées ou semblant être éditées par les architectes du programme, qui sont considérés comme des éléments suffisants, n'a pas à vérifier la réalité de l'avancement des travaux, quand bien même, le délai de livraison des biens contractuellement défini serait dépassé.

Mme [O] prétend que ce manquement lui a causé des préjudices financiers en raison du retard de livraison des biens, et notamment la perte des loyers commerciaux pendant ce délai ainsi que le paiement d'intérêts intercalaires, alors que, selon elle, si les fonds avaient été versés sur le compte centralisateur, le promoteur n'aurait pu détourner les fonds et la garantie d'achèvement aurait été plus facile à mettre en 'uvre.

Dans la « convention de cautionnement portant garantie d'achèvement d'immeuble à construire » conclue avec la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées le 18 mai 2006 avec la Sci Résidence l'Oustal del Carlat, l'article 6 stipule « l'intégralité des prix de vente devra obligatoirement être versée à la caisse d'épargne ('). Toutes les sommes à provenir des ventes seront donc portées au crédit du compte courant n°[XXXXXXXXXX02] ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne au nom de la partie cautionnée ».

En se dotant, sans y être obligé, d'un outil de centralisation financière du programme de construction envisagé, le garant d'achèvement s'est mis en mesure de contrôler le financement de l'opération de construction et de s'assurer que les fonds versés par les acquéreurs au promoteur immobilier sont bien utilisés pour le programme immobilier visé dans l'acte de cautionnement, aux fins d'assurer sa sécurité et d'éviter ou limiter la mise en jeu de son engagement de caution.

Cet outil, auquel il est fait référence dans le contrat de vente en l'état futur d'achèvement de Mme [O] en page 13, oblige le garant d'achèvement à une surveillance du compte unique et au contrôle de l'intégration des appels de fonds à ce compte.

Le garant d'achèvement s'est ainsi rendu débiteur à l'égard des acquéreurs d'une obligation de diligence et de vigilance de l'opération de construction et des mouvements de fonds sur le compte centralisateur.

Dans l'hypothèse où la banque et l'acquéreur, dûment mis en garde, auraient versé les fonds sur le compte centralisateur au lieu de les verser au promoteur, et compte tenu de l'obligation de vigilance du garant d'achèvement suscitée, ces derniers auraient ainsi pu être utilisés pour les besoins de la construction et non pas détournés. Il ne peut toutefois s'agir que d'une perte de chance eu égard aux agissements du promoteur et au fait que la Caisse d'épargne n'a pas nécessairement été vigilante dans la gestion du compte centralisateur comme cela ressort du rapport d'expertise en p. 37 et suivantes et notamment du paiement de sommes au profit de sociétés sans lien avec l'opération de construction telle que la société de gestion, mais encore du fait que la Caisse d'épargne n'a pas été vigilante sur le versement des appels du fonds sur le compte centralisateur.

Il y a donc lieu de considérer que la négligence de la Sa Crédit immobilier de France est à l'origine d'un préjudice de perte de chance de ne pas subir un retard aussi important de livraison.

Mme [O] se prévaut d'un préjudice résultant du paiement des intérêts intercalaires entre la date d'achèvement contractuellement stipulée, au deuxième trimestre 2007, soit au plus tard le 30 juin 2007 et la livraison du bien en 2012, estimant son préjudice à 5% par an de 95% du prix contractuel selon les calculs des experts ou à calculer selon les sommes réellement payées au titre des intérêts intercalaires.

Les intérêts intercalaires, qui sont les frais payés par l'emprunteur auprès de sa banque tant que le crédit n'est pas débloqué en totalité, sont calculés sur le montant du crédit déjà débloqué.

Le paiement d'intérêts intercalaires entre la date contractuellement prévue d'achèvement de l'immeuble et la livraison du bien n'est que partiellement la résultante des négligences de la Sa Crédit immobilier de France, dès lors que l'achèvement de l'immeuble est soumis à des aléas classiques, et que les retards dans la construction sont fréquents, indépendamment des détournements de fonds par le promoteur partiellement permis par le comportement du prêteur de deniers, de sorte que Mme [O] ne subit qu'une perte de chance de ne pas avoir eu à payer des intérêts intercalaires qui doit être évaluée, compte tenu de ce qui a été relevé précédemment à propos de la gestion du compte centralisateur par la Caisse d'épargne, du comportement du promoteur et des aléas normaux affectant la construction d'immeubles, à 30% de la somme des intérêts intercalaires payés par Mme [O] entre le 30 juin 2007 et la date de suspension judiciaire des remboursements intervenue par ordonnance du 28 octobre 2011 du juge de la mise en état.

La Sa Crédit immobilier de France soutient que le paiement des intérêts intercalaires ne peut lui être imputé alors que le préjudice incombe au promoteur qui s'était engagé à prendre en charge les intérêts intercalaires jusqu'à livraison des lots.

Cependant, le contrat de réservation ainsi que l'avenant produits aux débats sont seulement signés par Mme [O], le dernier indiquant que le promoteur s'engage à verser la somme de 3 450 euros équivalent aux frais intercalaires, et payables dans les 30 jours après la conclusion de l'acte authentique de vente, ce qui ne constitue pas, même si le document avait été signé du réservant, un engagement à payer l'intégralité des intérêts intercalaires.

Le moyen soulevé par la Sa Crédit immobilier de France développement ne peut donc valablement prospérer.

Mme [O] produit aux débats un courrier de la Sa Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne qui indique que le montant des intérêts intercalaires pour la période du 10 août 2008, en raison de la date de départ en amortissement du prêt, au 10 janvier 2011 s'élève à 30 524,39 euros.

Le prêteur affirme que la somme due au titre des intérêts intercalaires est de 32 697,88 euros, ce qui résulte des documents produits, somme à laquelle il convient d'appliquer le pourcentage retenu.

Le préjudice de perte de chance de Mme [O] s'élève donc à 9 809,64 euros.

Il est indifférent que le montant des intérêts conventionnels soit passé à 15 094,75 euros, hors intérêts intercalaires, en raison de la suspension du remboursement du prêt pendant 9 ans sur décision judiciaire et du remboursement anticipé partiel du capital prêté, ces évènements ne venant ni supprimer la faute du prêteur de deniers, ni rompre le lien de causalité avec le préjudice qui résulte du paiement d'intérêts intercalaires pendant la période susvisée.

La Sa Crédit immobilier de France développement soutient que Mme [O] aurait pu et dû solliciter la suspension des remboursements du prêt dès 2007 et s'adresser au garant d'achèvement dès 2008, cependant, le contrat de prêt ne définit pas clairement les intérêts intercalaires et il n'est pas établi que Mme [O] ait eu connaissance de leur paiement et leur adjonction au capital emprunté en 2007 et 2008, soit avant le courrier du 28 août 2009 de la Sa Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne qui y fait référence et le courrier du 10 janvier 2011 qui chiffre leur montant à la somme de 30 524,39 euros à cette date-là. Aucune faute en lien avec le préjudice allégué n'est imputable à Mme [O].

S'agissant de la perte des loyers commerciaux, ce préjudice n'a aucun lien de causalité avec les négligences imputables à la Sa Crédit immobilier de France développement puisque comme le soutient Mme [O], la Sarl de gestion de la résidence du Lac, alors en cours d'immatriculation, et avec laquelle le promoteur a conclu un bail commercial pour la résidence « Le Village » objet du présent litige, n'a jamais été immatriculée et que la Sarl de gestion de la résidence del Carlat a été mise en liquidation judiciaire le 26 avril 2010 par le tribunal de commerce de Foix, sans, en outre que Mme [O] ne produise le contrat conclu entre elle et ladite société gestionnaire.

Il convient donc de rejeter la demande présentée au titre de la perte des loyers commerciaux.

La Sa Crédit immobilier de France développement sera en conséquence condamnée à verser à Mme [O] la somme de 9 809,64 euros au titre du préjudice tenant au paiement d'intérêts intercalaires et le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 28 mai 2020 sera infirmé de ce chef.

Mme [O] subit un prejudice moral subi du fait du manquement de son prêteur de deniers, en raison de la perte de confiance qu'il a engendré, estimé à 2 000 euros.

S'agissant de l'action en responsabilité pour manquement aux obligations d'information :

3. Selon l'article 2270-1 du code civil en sa rédaction applicable à la date de l'acte de vente «les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ». L'article 2224 du code civil, en vigueur à compter de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dispose désormais que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'. La loi du 17 juin 2008 précitée n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur (Civ. 3e, 16 sept. 2021, n° 20-17.625).

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil peut soit consister en la perte de chance de ne pas contracter qui se manifeste dès la conclusion du contrat envisagé, à moins que l'emprunteur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage ; soit consister en la perte de chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, qui se manifeste lors de la réalisation de ce risque.

Mme [O] se prévaut de manquements relatifs à plusieurs informations et prétend à cet égard que la Sa Crédit immobilier de France aurait dû la mettre en garde contre les dangers et risques de l'opération projetée et notamment le paiement d'intérêts intercalaires et le caractère aléatoire de la perception de loyers commerciaux ainsi que contre le risque d'endettement excessif.

3.1 Il convient d'abord d'analyser la recevabilité de cette action en responsabilité à la lumière de chacun des griefs qui visent l'opération de crédit.

3.1.1 Il convient de rappeler que les intérêts intercalaires peuvent être définis comme les intérêts dus en cas de déblocage partiel et échelonné des fonds prêtés et qui sont calculés sur le capital versé, sans participer à l'amortissement de l'emprunt. L'alternative possible au paiement d'intérêts intercalaires consiste en un différé total de remboursement, le paiement d'intérêts ne débutant alors qu'à compter du déblocage total du prêt.

L'offre de prêt indique en p. 6 « intérêts intercalaires : les sommes débloquées avant le point de départ de la période d'anticipation produiront des intérêts intercalaires calculés au taux indiqué à l'offre de prêt. Ces intérêts sont dus pour la période s'écoulant entre la date de versement des fonds (date du chèque émis par le prêteur) et le point de départ du prêt ».

Peu explicite, cette clause ne peut être considérée comme éclairant l'emprunteur sur le risque de paiement des intérêts intercalaires et la signification concrète de ce paiement. Mme [O] n'a donc pris connaissance de son préjudice découlant du défaut d'information éventuel qu'à compter du jour où elle a été en mesure de comprendre ce que représentaient les intérêts intercalaires et leur fonctionnement, soit le 10 janvier 2011 lorsque la Sa Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne y a fait référence et chiffré leur montant à la somme de 30 524,39 euros.

3.1.2 Mme [O] soutient aussi que la Sa Crédit immobilier de France développement aurait dû la mettre en garde contre le caractère aléatoire de la perception des loyers et leur montant qui manifestaient l'inadaptation du prêt consenti.

Le point de départ de l'action est le jour où l'emprunteur a eu connaissance du manquement potentiel et du préjudice qui en est découlé.

En l'espèce, Mme [O] s'est rendue compte du montant non garanti des loyers à partir du moment où le loyer annoncé a été diminué de manière significative, lorsqu'elle a signé le bail avec la société Solution gestion rt le 29 août 2012 pour un loyer de 321 euros la première année, qu'elle prétend être sans commune mesure avec le loyer prévu avec le premier gestionnaire de biens.

3.1.3 Mme [O] prétend enfin que la banque a manqué à son devoir de mise en garde contre le risque d'endettement excessif et son devoir de conseil sur le caractère inadapté et ruineux du crédit, qu'elle a orienté Mme [O] vers un prêt in fine, impliquant que l'emprunteur dispose à l'échéance du prêt du montant du crédit afin de pouvoir le rembourser

et ce sans subordonner l'octroi du crédit à un placement de somme d'argent ou une épargne qui serait nantie à son profit.

Le manquement allégué est de nature à priver l'emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face puisque c'est à ce jour que le principal dommage résultant d'un endettement excessif se manifeste.

D'une part, dans le cadre d'un prêt in fine peut survenir un dommage commun à toute opération de crédit, à savoir l'endettement excessif, qui s'apprécie en comparant la capacité de remboursement de l'emprunteur et les mensualités qu'il verse au prêteur.

Il n'est pas indiqué en l'espèce que Mme [O] n'a pas pu faire face aux mensualités imposées par le contrat de prêt, durant les 17 années écoulées depuis la conclusion du contrat le 28 juin 2006.

D'autre part, dans le cadre d'un tel prêt peut survenir un dommage propre aux seuls prêts soumis à ce régime qui consiste à ne pas être en mesure de rembourser le capital, en une fois, au terme du prêt, comme l'impose le contrat de sorte que c'est théoriquement à cette date que se situe le point de départ de son action en responsabilité pour manquement à l'obligation de mise en garde sur le risque d'endettement excessif

Le prêt a été stipulé pour une durée de 20 ans, mais le terme a été décalé au 10 juillet 2031, date à laquelle Mme [O] est censée rembourser, en une fois le capital prêté d'un montant de 197 927,88 euros, intérêts intercalaires inclus, capital passé à 72 827,44 euros en raison d'un remboursement anticipé de 124 100,44 euros intervenu le 10 juin 2022.

Mme [O] prétend qu'elle ne pourra pas rembourser le capital à l'échéance compte tenu de l'estimation de son bien, qu'elle a fait réaliser le 29 juin 2016 par Mme [B], qui valait à cette date 35 674,80 euros.

Il sera rappelé qu'en l'état des dispositions relatives au point de départ de la prescription applicable au présen litige, ladite prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, Mme [O] avait déjà dans ses conclusions du 26 mai 2014, formulé des demandes à l'encontre du Crédit immobilier de France développement en visant l'ensemble des manquements à l'obligation d'information et de mise en garde, appuyées s'agissant du risque d'endettement excessif lié au remboursement du capital par l'évaluation du bien réalisé en 2016, ayant eu conscience au plus tôt dès 2014 de l'existence potentielle de ce risque.

3.1.4 Ces conclusions ont donc interrompu la prescription de l'action en responsabilité à l'encontre de la Sa Crédit immobilier de France développement conduisant à l'analyse au fond de l'ensemble des moyens soulevés au soutien de cette action.

3.2 Le prêteur de deniers est tenu d'une obligation d'information de l'emprunteur relativement aux conditions du prêt, à son coût, et s'agissant d'un prêt destiné à financer une acquisition dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, de définir clairement les intérêts intercalaires et le risque d'en être redevables en raison d'un retard d'achèvement du chantier compte tenu du lien entre le déblocage des fonds, l'avancement du chantier et les intérêts intercalaires.

Or, le contrat de prêt conclu le 28 juin 2006 entre les parties ne comporte pas de stipulation suffisante à ce titre puisqu'il indique seulement « taux d'intérêts intercalaires et d'anticipation = taux nominal initial du prêt » et en p. 6 que « intérêts intercalaires : les sommes débloquées avant le point de départ de la période d'anticipation produiront des intérêts intercalaires calculés au taux indiqué à l'offre de prêt. Ces intérêts sont dus pour la période s'écoulant entre la date de versement des fonds (date du chèque émis par le prêteur) et le point de départ du prêt ».

La banque prétend avoir informé l'emprunteuse en stipulant la clause suivante mais le lien avec les intérêts intercalaires n'est ni fait, ni évident pour un profane : « intérêts reportés : tous les intérêts échus et non payés de la somme prêtée se capitaliseront de plein droit et produiront eux-mêmes de nouveaux intérêts au même taux que le prêt principal, à compter du jour où ils seront dus pour une année entière conformément à l'article 1154 du code civil ».

Alors que la charge de la preuve de l'exécution de son obligation d'information pèse sur la banque, elle n'établit pas l'avoir correctement exécutée.

Le préjudice découlant du manquement à une obligation d'information consiste dans la perte de chance de ne pas avoir contracté le prêt ou subi le risque qui s'est réalisé.

Mme [O] soutient qu'il en découle pour elle des préjudices tenant aux retards subis, à l'opération litigieuse et à la perte de chance de ne pas conclure le crédit.

Cependant, s'agissant du paiement des intérêts intercalaires, il n'est pas démontré par Mme [O] que l'information l'aurait conduite à ne pas conclure le contrat de prêt ou aurait empêché la réalisation du risque, à savoir les conséquences financières du retard de livraison.

Sa demande présentée à ce titre sera en conséquence rejetée.

S'agissant de la mise en garde contre le caractère aléatoire de la perception des loyers commerciaux, Mme [O] n'est pas fondée à reprocher à la Sa Crédit Immobilier de France développement qui n'était pas partenaire du promoteur vendeur et n'a nullement initié l'opération et son financement, de ne pas avoir fourni de conseil relativement au montage financier de l'opération immobilière dès lors que la banque qui supporte un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client n'est pas débitrice d'un tel conseil.

En outre, Mme [O] ne produit pas aux débats le contrat de bail commercial qu'elle aurait conclu avec la Sarl de gestion de la Résidence du lac ou avec la Sarl de gestion de la Résidence del Carlat, et n'établit donc aucunement le préjudice allégué.

Il convient de rejeter la demande qu'elle formule à ce titre.

S'agissant de l'obligation de mettre en garde l'emprunteur contre le risque d'endettement excessif, Mme [O] prétend que la banque a manqué à son devoir de mise en garde contre le risque d'endettement excessif et son devoir de conseil sur le caractère inadapté et ruineux du crédit, qu'elle a orienté Mme [O] vers un prêt in fine, impliquant que l'emprunteur dispose à l'échéance du prêt du montant du crédit afin de pouvoir le rembourser sans subordonner l'octroi du crédit à un placement de somme d'argent ou une épargne qui serait nantie à son profit.

Elle soutient que le défaut de mise en garde lui a causé plusieurs préjudices consistant en une perte de chance de ne pas subir le retard de livraison et de souscrire une opération plus intéressante, notamment ne pas acquérir un bien pour un montant supérieur à sa valeur vénale, de ne pas subir une perte de loyers et de ne pas souscrire ce crédit ruineux.

En application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la banque n'est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti que si, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières.

Mme [O] soutient qu'elle est profane car elle est professeur de tennis.

Alors que la charge de la preuve lui incombe, les documents produits par la banque ne permettent pas d'établir que Mme [O] était un emprunteur averti.

Il est en effet indifférent que depuis 2011, Mme [O] exerce l'activité de location de logements et qu'elle ait acquis en 2009 et 2019 deux biens immobiliers, le risque d'endettement excessif devant s'apprécier au jour de la souscription du prêt.

S'il appartient, conformément à l'article 1315 alinéa 2 du code civil, à l'établissement de crédit de prouver qu'il a rempli son devoir de mise en garde, il faut cependant que l'emprunteur établisse au préalable qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l'accomplissement d'un tel devoir.

Le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt s'apprécie au regard de l'ensemble du patrimoine mobilier et immobilier de l'emprunteur au jour de la souscription du prêt.

Mme [O] soutient qu'il existait un risque d'endettement excessif à son encontre compte tenu des mensualités de 619,62 euros et du remboursement de 165 230 euros de capital, alors qu'elle percevait, en moyenne en 2006, 2 000 euros par mois et remboursait un prêt à hauteur de 581,36 euros par mois pour l'acquisition de son appartement à [Localité 7].

Selon elle, son endettement était de 60% de son salaire, et même en tenant compte de la perception de 70% du montant des loyers prévus au bail commercial, son endettement était de 51%, bien au-delà du tiers généralement admissible ; outre le fait qu'elle devait se constituer 160 000 euros de capital pour rembourser les fonds prêtés 20 ans après la conclusion du prêt alors que son taux d'endettement ne permettait pas une telle épargne.

Des documents produits par la Sa Crédit immobilier de France développement, il ressort que :

- Mme [O] a, en 2002 contracté un contrat de prêt courant jusqu'à 2020 avec des mensualités de 551,61 euros,

- elle a perçu au titre de son activité professionnelle en moyenne 2 481 euros par mois en 2004, en moyenne 2677 euros par mois en 2005, 1 959 euros par mois pendant le premier trimestre 2006,

- elle avait en avril 2006 épargné 13 640 euros sur un compte Cel et 4 600 sur un compte Codevi ouvert auprès du Crédit agricole de Savoie,

- elle est propriétaire d'un appartement acquis pour un prix de 83 947 euros le 5 août 2002 financé par le crédit précité,

- les mensualités prévues dans le contrat de prêt conclu entre Mme [O] et la Sa Crédit immobilier de France s'élèvent à 578,31 euros.

Au 28 juin 2006, le montant des mensualités de remboursement ne paraissait pas excessif par rapport à son patrimoine mobilier et immobilier.

De sorte que la Sa Crédit immobilier de France développement n'avait pas d'obligation de mettre en garde Mme [O] contre le risque d'endettement excessif au seul regard des mensualités mises à sa charge.

En outre, Mme [O] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice tenant à la réalisation du risque contre lequel elle aurait dû, selon elle, être mise en garde puisqu'elle a fait face à toutes les échéances de son contrat de prêt.

Certes, au regard des informations détenues par la banque et de la nature du contrat de prêt in fine qui amènerait Mme [O] à devoir rembourser le capital prêté en une fois au terme d'un délai de 20 ans représentait un risque excessif générateur d'un devoir de mise en garde, puisqu'au jour de la conclusion du contrat de prêt elle n'était propriétaire que d'un seul bien immobilier d'une valeur de 83 000 euros (en 2002) et d'une épargne de 17 000 euros.

Un tableau d'amortissement est joint à l'offre de prêt et indique que pendant les 20 années du crédit, seuls les intérêts et l'assurance sont réglés, sans qu'une mensualité n'assure le remboursement du capital.

Il est indiqué que les fonds prêtés, à hauteur de 165 230 euros doivent être payés lors de la 20ième année, au 240ième mois de remboursement, en une fois et que le coût total du crédit, frais, intérêts et capital s'élève à la somme de 313 938,80 euros.

Or, dans ce genre de crédit, il y a lieu de mettre spécifiquement en garde l'emprunteur qui devra, en une fois, rembourser la totalité du capital prêté et d'attirer précisément son attention sur la nature du crédit, ce que la Sa Crédit immobilier de France développement n'établit pas avoir fait.

Cependant, le dommage n'était et n'est à ce jour encore que purement éventuel pour ne se réaliser que lors du premier incident de paiement relatif au remboursement du prêt in fine, le patrimoine de Mme [O] pouvant évoluer jusqu'à la date d'échéance du remboursement du capital fixée au 10 juillet 2031 étant spécialement relevé que l'appelante a procédé à un remboursement anticipé de 124 100,44 euros intervenu le 10 juin 2022.

La valeur initiale du bien, le retard de livraison, la valeur actuelle du bien et la perte de loyers n'ont aucun lien de causalité avec la faute alléguée et sont indépendants du coût du crédit et de la nature du prêt in fine. De plus, en alléguant de tels préjudices, Mme [O] se fonde plutôt sur l'opportunité économique de l'opération financée, alors que la banque n'avait aucune obligation d'information à ce titre. En effet, Mme [O] n'est pas fondée à reprocher à la Sa Crédit Immobilier de France Développement de ne pas avoir fourni de conseil relativement au montage financier de l'opération immobilière dès lors que la banque n'était pas partenaire du promoteur vendeur, n'a nullement initié l'opération et son financement, supporte un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client et n'est pas débitrice d'un tel conseil.

Le fait que la rentabilité escomptée du projet ait pu être illusoire est sans incidence, le prêteur n'ayant pas à se substituer à l'emprunteur dans l'appréciation de l'opportunité économique de l'opération.

Sa demande formée au titre du manquement au devoir de mise en garde contre le risque d'endettement excessif et du caractère ruineux du crédit sera en conséquence rejetée.

4. Il n'y a pas lieu de déduire des sommes allouées par la présente décision à Mme [O] la somme de 25 000 euros payées par la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées au titre d'une transaction conclue avec l'appelante, n'étant pas établi que les préjudices ainsi indemnisés seraient identiques à ceux réparés par la cour.

- Sur les dépens et frais irrépétibles :

5. La Sa Crédit immobilier de France développement, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile sera condamnée aux dépens relatifs à sa mise en cause en première instance et aux entiers dépens d'appel.

Il sera fait droit à la demande présentée par Maître Vella de recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens strictement entendus dans ce présent arrêt et dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

La Sa Crédit immobilier de France développement sera également condamnée à verser à Mme [O] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, réformant le jugement entrepris dans la limite de la saisine de la cour.

Il convient de débouter la Sa Crédit immobilier de France développement de sa demande formée au titre des frais irrépétibles exposés dans la présente procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions, dans la limite des chefs de jugement critiqués.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sa Crédit immobilier de France développement à payer à Mme [L] [O] la somme de 9 809,64 euros au titre de la perte de chance de ne pas payer des intérêts intercalaires en raison du retard de livraison du bien.

Condamne la Sa Crédit immobilier de France développement à payer à Mme [L] [O] la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.

Déclare recevable la demande de Mme [L] [O] fondée sur le manquement à l'obligation de mise en garde contre le risque de payer des intérêts intercalaires, contre le caractère aléatoire de la perception des loyers commerciaux et le risque d'endettement excessif.

Au fond, rejette la demande.

Condamne la Sa Crédit immobilier de France développement aux dépens de première instance liés à son appel en cause et aux dépens d'appel.

Autorise conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Vella, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens strictement entendus dans ce présent arrêt et dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Condamne la Sa Crédit immobilier de France développement à payer à Mme [O] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Rejette la demande de la Sa Crédit immobilier de France développement présentée au titre de ses frais irrépétibles.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/01583
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;20.01583 ?
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