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12/05/2023 | FRANCE | N°21/02884

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 12 mai 2023, 21/02884


12/05/2023



ARRÊT N°2023/232



N° RG 21/02884 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OIBL

FCC/ AR



Décision déférée du 03 Juin 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00656)

DJEMMAL A.

















[Y] [T]





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S.A.S. BERNARD PAGES
















































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le 12/05/2023



à Me Cyrille PERIGAULT

Me Ophélie BENOIT-DAIEF

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Monsieur [Y] [T]

[Adresse 2]

[Loc...

12/05/2023

ARRÊT N°2023/232

N° RG 21/02884 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OIBL

FCC/ AR

Décision déférée du 03 Juin 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00656)

DJEMMAL A.

[Y] [T]

C/

S.A.S. BERNARD PAGES

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 12/05/2023

à Me Cyrille PERIGAULT

Me Ophélie BENOIT-DAIEF

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [Y] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Cyrille PERIGAULT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. BERNARD PAGES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 3]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Nicolas CHAVRIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON (plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant F.CROISILLE-CABROL, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [T] a été embauché selon un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 septembre 2010 par la SA Baures, faisant partie du groupe Descours & Cabaud, en qualité de responsable produits.

Suivant avenant, il est devenu directeur d'agence à compter du 1er mars 2012.

M. [T] a ensuite été embauché par la SAS Bernard Pages, faisant partie du même groupe, suivant contrat à durée indéterminée daté du 27 juin 2014, en qualité de directeur commercial métiers du génie climatique et sanitaire, statut cadre ; ce contrat de travail a pris effet au 1er octobre 2014 et le salarié a conservé son ancienneté au sein du groupe.

La convention collective nationale de la quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipements de la maison est applicable.

Par lettre remise en main propre du 22 octobre 2018, contenant mise à pied à titre conservatoire, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 29 octobre 2018.

M. [T] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 25 octobre 2018.

M. [T] ne s'est pas présenté à l'entretien du 29 octobre 2018 et il a été convoqué à un nouvel entretien du 13 novembre 2018 par LRAR du 2 novembre 2018, entretien auquel il ne s'est pas non plus présenté.

Par LRAR du 20 novembre 2018, M. [T] a été licencié pour faute grave.

Le 30 avril 2019, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement d'heures supplémentaires, d'une indemnité pour travail dissimulé, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité.

Par jugement du 3 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- jugé que le licenciement de M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave,

- condamné la SAS Bernard Pages au paiement des sommes suivantes :

* 12.090 € nette de CSG CRDS à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 1.209 € correspondant aux congés payés afférents,

* 8.060 € nette de CSG CRDS au titre de l'indemnité de licenciement,

* 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de droit,

- rejeté le surplus des demandes.

- condamné la SAS Bernard Pages aux entiers dépens.

M. [T] a relevé appel de ce jugement le 29 juin 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 17 février 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [T] demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [T] reposait sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave, condamné la SAS Bernard Pages au paiement des sommes de 12.090 € nette de CSG et CRDS au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés de 1.209 € et 8.060 € nette de CSG et CRDS au titre de l'indemnité de licenciement, et rejeté le surplus des demandes,

En conséquence :

- juger que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- juger que la SAS Bernard Pages a gravement manqué à son obligation de sécurité,

- juger que la SAS Bernard Pages a gravement manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat,

- condamner l'employeur à verser à M. [T] les sommes suivantes :

* 12.090 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,

* 8.060 € nette de CSG-CRDS à titre d'indemnité de licenciement,

* 56.420 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la cour ne devait pas considérer comme sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [T] :

- confirmer que le licenciement de M. [T] ne repose pas sur une faute grave,

- confirmer la condamnation de la la SAS Bernard Pages au paiement des sommes suivantes :

* 12.090 € nette de CSG et de CRDS à titre de l'indemnité de préavis outre 1.209 € correspondant aux congés payés afférents,

* 8.060 € nette de CSG et de CRDS au titre de l'indemnité de licenciement,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de M. [T],

En conséquence :

- condamner l'employeur à verser à M. [T] la somme de 28.210 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la requalification du licenciement,

En toutes hypothèses :

- condamner l'employeur à verser à M. [T] les sommes suivantes :

* 38.789,28 €, outre 3.878,93 € au titre des congés payés afférents, à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2016 au 20 octobre 2018,

* 24.180 € nette de CSG-CRDS à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 24.180 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

* 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure devant la cour d'appel, y ajoutant celle prononcée par le conseil de prud'hommes.

- condamner l'employeur aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Bernard Pages demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,

- juger que le licenciement de M. [T] repose sur une faute grave,

- en conséquence débouter M. [T] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- pour le reste confirmer le jugement,

- juger que la SAS Bernard Pages a respecté son obligation de sécurité,

- juger que la SAS Bernard Pages a respecté son obligation d'exécution loyale du contrat,

- juger que M. [T] n'a jamais effectué une quelconque heure supplémentaire au cours de la relation contractuelle,

- en conséquence, débouter M. [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de rappels de salaire et des congés payés y afférents au titre de prétendues heures supplémentaires et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Reconventionnellement :

- condamner M. [T] à verser à la SAS Bernard Pages la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [T] aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS

1 - Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé :

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En vertu de l'article L 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités de déclaration préalable à l'embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.

En application de l'article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

M. [T] fait valoir que compte tenu du poste qu'il occupait, il effectuait des heures de travail au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires, sans être rémunéré en conséquence, que la SAS Bernard Pages n'a jamais porté à sa connaissance l'horaire collectif de l'entreprise, qu'a minima, il exerçait ses missions en fonction des heures d'ouverture de l'établissement de [Localité 6] auquel il était affecté, outre les déjeuners et soirées en clientèle et les permanences.

La société Bernard Pages fait observer que le salarié ne produit aucun élément de preuve pour 'étayer sa demande' en paiement d'heures supplémentaires, dont le montant est différent de celui présenté devant le conseil de prud'hommes, et que le salarié connaissait les horaires collectifs affichés dans l'établissement. Elle verse aux débats une présentation des horaires collectifs de l'entreprise, dont le salarié indique n'avoir pas eu connaissance, montrant des plages de travail fixes entre 9h et 12h puis 14h et 17h et des plages variables avant et après ces horaires.

Sur ce, la cour observe que :

- le contrat de travail du 27 juin 2014 stipule que le salaire de M. [T] est fixé «'pour l'horaire collectif actuellement en vigueur'» ; ses bulletins de salaire mentionnent l'horaire mensualisé de 151,67 heures ;

- en première instance, M. [T] alléguait un temps de travail de 7h30 à 11h50 et de 13h30 à 17h20 du lundi au vendredi et de 8h à 11h le samedi, outre les déjeuners et soirées en clientèle et les permanences, soit 'plus de 44 heures par semaine', et réclamait un rappel de salaire correspondant à 1.314 heures supplémentaires soit 44.608,38 € sur la période de janvier 2016 à octobre 2018, outre congés payés ;

- en appel, il ne prétend plus avoir travaillé le samedi, jour de fermeture de l'agence de [Localité 6], et réduit sa demande à 1.168 heures supplémentaires soit 38.789,28 € outre congés payés, sur la même période ; il prétend qu'il travaillait a minima 40h50 par semaine du lundi au vendredi de 7h30 à 11h50 et de 13h30 à 17h20, outre les déjeuners et soirées en clientèle et les permanences, soit un total de 42h30 par semaine, soirées et permanences, mais réclame des heures supplémentaires sur une base forfaitaire de 42 heures par semaine et 52 semaines par an, sans tenir compte des jours fériés, jours de repos, maladie et congés payés.

Certes, il ne produit aucun relevé des heures de travail qu'il prétend avoir effectuées pendant trois années, aucun agenda, aucune attestation de collègue de nature à fournir des éléments sur son rythme de travail, et il ne verse pas d'élément concernant son temps de travail pendant les horaires d'ouverture de l'agence de [Localité 6], alors même qu'il n'en était pas le responsable et exerçait partie de ses tâches hors de cette agence, puisqu'il occupait une fonction transversale de directeur commercial métier au sein du groupe, ni d'élément concernant son temps de travail supplémentaire en dehors des horaires d'ouverture de cette agence.

Ceci étant, il demeure que la demande de M. [T], telle que présentée et modifiée en cause d'appel, est suffisamment précise.

Néanmoins, il n'en résulte pas en l'espèce d'heures supplémentaires. En effet :

- la cour ne peut retenir le forfait que M. [T] invoque pour les horaires excédant les plages d'ouverture de l'agence ;

- elle ne peut davantage retenir les horaires fixes qu'il vise, sans même tenir compte des congés payés dont il a bénéficié et qui par leur régularité sont incompatibles avec ses fonctions et les plages variables expressément stipulées au contrat ;

- le décompte final exclusif de toutes les périodes d'absences est incohérent.

La décision du conseil de prud'hommes qui l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et par voie de conséquence de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, laquelle n'est fondée que sur les heures supplémentaires, sera confirmée.

2 - Sur le licenciement :

Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.

La lettre de licenciement de M. [T] pour faute grave est ainsi motivée :

'Nous vous notifions donc par Vous avez été embauché au sein de la société Bernard Pages le 1er octobre 2014, en qualité de directeur commercial métier génie climatique et sanitaire. A ce titre, vous aviez en charge l'animation de la dynamique commerciale de votre métier, via le pilotage des équipes commerciales dédiées.

Or, nous avons été alertés de l'attitude humiliante que vous adoptiez à l'encontre d'un collaborateur.

En effet, M. [S] [B], chef des ventes génie climatique et sanitaire de la filiale, nous a notifié sa démission par courrier du 3 septembre 2018. L'ayant interrogé sur ses raisons, il nous a alors indiqué que depuis de nombreux mois il subissait des pressions et humiliations de votre part, actes qui avait des répercussions sur ses conditions de travail et qu'il ne pouvait plus les supporter compte tenu de leur récurrence. C'est donc dans ces conditions et afin d'avoir une connaissance objective des faits que la direction a diligenté une enquête, réalisée par le CHSCT de la filiale CACC le 10 octobre 2018.

De façon unanime, il ressort de cette enquête que vos propos envers M. [S] [B] lors des réunions organisées avec l'équipe génie climatique et sanitaire de la filiale CACC étaient régulièrement humiliants. Vos remarques à son encontre se trouvaient être formulées devant témoins, ce qui, outre le caractère vexatoire qu'elles représentaient, rendaient les échanges extrêmement tendus.

Nous ne pouvons tolérer un tel comportement contraire au rôle d'un manager, à notre conception des relations professionnelles, aux rapports de travail qui sont les nôtres et à la philosophie de notre entreprise qui repose sur l'échange, le respect et la courtoisie. Si un collaborateur a des difficultés professionnelles, l'humiliation n'est certainement pas le comportement à avoir. Une alerte dans ce sens vous avait d'ailleurs été faite en 2015, lors des problèmes rencontrés avec M. [L] [J]. Malheureusement, nous constatons que vous n'avez pas tenu compte de nos remarques.

En outre, le fait de dénigrer le chef des ventes devant ses propres collaborateurs, va totalement à l'encontre des responsabilités qui sont les vôtres. Il entrave le climat de confiance et de communication inhérent à l'exercice de vos fonctions.

Cette attitude démontre vos carences managériales qui ont des répercussions économiques pour notre filiale.

Votre attitude explique pour partie la baisse du CA sur l'activité GCS et donc plus généralement sur la filiale CACC. Alors que dans le cadre de vos fonctions, il vous appartient notamment d'impulser une dynamique commerciale sur les métiers du génie climatique et sanitaire via la conquête de nouveaux marchés et de nouveaux produits et par le pilotage de l'animation commerciale, vos manquements managériaux et votre totale incapacité à vous remettre en question ont eu un impact direct sur les résultats de la filiale CACC pour la partie GCS.

Ainsi, à fin septembre 2018, le chiffre d'affaires de l'activité GCS de la filiale CACC est en baisse de 19 % par rapport à l'objectif et en baisse de 13,38 % par rapport à la même période en 2017.

Dans le même temps, le bénéfice brut en GCS à fin septembre 2018 est en retard de 17,28 %, par rapport à l'objectif et en baisse de 11,12 % par rapport à la même période en 2017.

Nous en voulons également pour preuve les chiffres inquiétants de l'agence de [Localité 4]. En effet, à fin septembre 2018, le chiffre d'affaires de l'activité GCS de cette agence est en retrait de 36,33 % par rapport à l'objectif et en baisse de 25,20 % par rapport à la même période en 2017.

Il en va de même pour le bénéfice brut, en retrait de 27,08 % par rapport à l'objectif sur cette agence et en baisse de 15,01 % par rapport à la même période en 2017.

Enfin, nous déplorons votre organisation individualiste consistant notamment à inscrire pour le 17 septembre dernier, 7 personnes en formation chez BOSCH, et ce sans avoir au préalable demandé la validation de la direction de filiale, ni transmis après coup d'information au service RH.

Or, vous n'êtes pas sans ignorer, qu'une action de formation, si elle est en principe bénéfique, génère des coûts pour l'entreprise. C'est la raison pour laquelle les actions de formation sont organisées et doivent être en cohérence avec le plan de formation défini. C'est pourquoi il est important que de telles actions soient préalablement soumises à validation de la Direction générale.

Ces faits constituent autant de manquements à vos obligations professionnelles les plus élémentaires...'

M. [T] fait valoir en premier lieu que la lettre de licenciement ne contient aucun fait précis, ni aucune date de nature à justifier la supposée attitude humiliante qu'il aurait eue envers M. [B], collaborateur d'une autre filiale du groupe Descours et Cabaud, dont il n'était pas le supérieur hiérarchique, que la société Bernard Pages est défaillante dans la preuve de ce grief, et que l'enquête menée n'était pas impartiale ni contradictoire, de sorte qu'il n'a pas pu s'expliquer et faire valoir ses droits.

Il reconnaît qu'il éprouvait des difficultés dans sa relation de travail avec M. [B] mais soutient en avoir fait part dès janvier 2016 à son employeur qui n'a pas pris la moindre mesure.

Il soutient que ses objectifs pour l'année 2018 étaient irréalistes compte tenu de nombreux facteurs défavorables, que ce ne sont pas ses carences managériales qui posent difficulté mais les méthodes de travail de la société Bernard Pages. Il affirme avoir toujours adopté un comportement professionnel et entretenu de bonnes relations avec ses collaborateurs.

Il ajoute qu'il a légitimement organisé la journée de formation litigieuse, en prévenant le directeur de la filiale via son plan d'action et n'a créé aucun préjudice financier pour son employeur.

La société Bernard Pages répond que les faits reprochés au salarié justifient son licenciement pour faute grave, que sa fonction exigeait des compétences managériales et relationnelles développées, qu'il avait avec M. [B] un lien fonctionnel et était placé hiérarchiquement «'au-dessus'» de lui, que son attitude humiliante et irascible envers ce dernier est établie par l'enquête unanime du CHSCT et par diverses attestations, qu'il s'agissait d'un problème récurrent de comportement.

Elle soutient que les carences de M. [T] et ses conséquences sur la motivation de ses équipes sont en grande partie à l'origine des résultats de la filiale CCAC qui étaient catastrophiques, et que ses objectifs, qu'il avait acceptés, étaient réalisables.

Selon les termes de la lettre de licenciement, qui sont suffisamment précis en ce qui concerne le comportement reproché à M. [T], il est fait grief à celui-ci d'avoir eu de manière récurrente une attitude humiliante à l'encontre d'un collaborateur, M. [B], ce qui démontre ses carences managériales qui ont eu des répercussions économiques pour une filiale du groupe, caractérisées par une baisse du chiffre d'affaires et du bénéfice de celle-ci. Il lui est également reproché son organisation individualiste concernant une formation collective.

En sa qualité de directeur commercial métiers du génie climatique et sanitaire, M. [T] avait une mission transversale ; il intervenait auprès des équipes commerciales (métier) des filiales du groupe, notamment la force de vente, qu'il animait autour d'un objectif de développement commercial ; il avait donc un lien fonctionnel avec M. [B], responsable des ventes de l'agence de [Localité 5] de la société CACC, avec lequel il était en relation régulière, notamment au cours de réunions commerciales.

Pour rapporter la preuve de propos humiliants et dénigrants prononcés à l'égard de M. [B] au cours de ces réunions, en présence d'autres personnes, la société Bernard Pages produit la lettre de démission de ce salarié datée du 3 septembre 2018 ainsi que l'attestation qu'il a établie le 4 octobre 2018 par laquelle il déclare quitter son emploi «'suite à des problèmes relationnels avec M. [T] mon hiérarchique métier, celui-ci m'a fait subir pendant trois ans de nombreuses humiliations devant mes collaborateurs et commerciaux.'»

La société CACC a valablement fait diligenter une enquête par le CHSCT afin de s'informer de l'existence ou non de risques psycho-sociaux au sein de l'entreprise. Il est sans incidence que celui-ci n'ait pas procédé à l'audition de M. [T] dès lors que le caractère contradictoire de la procédure de licenciement disciplinaire a été respecté, que le salarié a été régulièrement convoqué à deux entretiens successifs des 29 octobre et 13 novembre 2018 et s'est vu notifier une lettre de licenciement dûment motivée. Il faut d'ailleurs observer que s'il n'a pas fourni d'explications, c'est parce qu'il ne s'est présenté à aucun de ces deux entretiens.

La société Bernard Pages fournit le compte-rendu de cette enquête en date du 10 octobre 2018 dont il ressort, concernant les rapports entre M. [T] et M. [B], un malaise ressenti par l'ensemble de l'équipe «'comprenant que les maladresses de M. [T], directeur commercial métier, pouvaient être humiliantes à l'encontre de M. [B], et que leur rapport de travail se soit détérioré au fur et à mesure, car M. [T] prenait à témoin des tierces personnes de manière récurrente lors des réunions commerciales, sur les manquements de M. [B].»

Il convient d'observer que l'entretien individuel de M. [B] pour l'année 2017 ne révèle aucune carence professionnelle.

L'un des salariés entendus par le CHSCT, M. [V], a précisé dans une attestation': «'avoir constaté, lors de réunions professionnelles, au sein du service GCC CACC, des attitudes et des mots de M. [T] à l'égard de son chef des ventes M. [B], qui dépassaient largement ses fonctions hiérarchiques, un rabaissement régulier sur le travail de M. [B], des accès de colère injustifiés à son encontre, des reproches injustifiés sur son manque d'implication dans son travail, tout cela était de nature à perturber n'importe quel individu, aussi bien professionnellement que psychologiquement'; cette attitude irascible se portait au de meurant presque exclusivement sur la personne de M. [B] comme sa «'tête de turc'»'».

Ce témoignage est corroboré par celui de M. [E], supérieur hiérarchique de M. [B] qui révèle que celui-ci se plaignait régulièrement du comportement verbal et managérial de M. [T] vis à vis de lui, en tête-à-tête ou à l'occasion de réunions commerciales, les échanges étant très directifs et non constructifs.

En outre, l'employeur démontre que ce comportement n'était pas isolé, même si le licenciement n'est pas fondé sur ces faits anciens (mais pour partie de moins de trois ans), en produisant les attestations de MM. [J] et [G] selon lesquels pendant plusieurs années, en tous cas jusqu'au 27 novembre 2015, M. [T] rabaissait le premier, lui criait dessus devant des collègues ou des fournisseurs, avait des accès de colère, allant jusqu'à jeter des documents...

De l'ensemble de ces éléments concordants, il ressort que l'attitude managériale de M. [T] à l'égard de M. [B], qui a conduit celui-ci à démissionner, était humiliante, de manière récurrente, en présence des membres de son équipe.

Il convient de noter que si la société Bernard Pages avait connaissance par le directeur de la société filiale CACC de difficultés rencontrées par M. [B] avec M. [T], elle n'a été informée de l'ampleur du comportement de l'intéressé que lorsque ce dernier s'est expliqué sur les causes de sa démission.

La lettre de licenciement énonce ensuite que le comportement de M. [T], qui démontre des carences managériales, explique, pour partie, les résultats de l'année 2018 de la filiale CACC pour la partie génie climatique et sanitaire (GCS).

La société Bernard Pages produit des documents justifiant que les résultats de la filiale CACC étaient, à fin septembre 2018, non seulement en retrait par rapport aux objectifs fixés au salarié pour l'année 2018, mais également en diminution d'au moins 10'% par rapport à ceux de l'année précédente en ce qui concerne le chiffre d'affaires et le bénéfice brut.

Or, M. [T] fournit une pièce relative aux résultats des différentes filiales de l'année 2017 montrant des résultats de l'activité GCS de cette filiale quasiment similaires à l'année précédente, alors que plusieurs autres filiales étaient en difficulté, de sorte qu'il n'est pas établi que le comportement de M. [T] envers M. [B], qui a duré plusieurs années, a eu des conséquences économiques négatives cette année-là.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats que l'activité dont M. [T] avait la charge était soumise à des modifications de portefeuille, des changements d'organisation et d'approvisionnement, des difficultés liées à un manque de personnel, pouvant expliquer une baisse des résultats.

Les appréciations de son entretien individuel de 2017, si elles montrent une faiblesse en matière de communication, concluent à son expertise de la compétence en matière commerciale, notamment de la création de dynamique.

D'ailleurs, ses collaborateurs entendus par le CHSCT n'ont pas signalé, au delà du malaise ressenti, de problèmes de management les concernant et des répercussions sur leur activité commerciale, et plusieurs salariés de l'entreprise attestent qu'il s'agit d'un excellent professionnel.

Or, la société employeur, qui admet que d'autres facteurs peuvent expliquer la baisse des résultats de la société CACC, ne produit aucun élément concret de nature à établir le lien entre l'attitude de M. [T] à l'égard de M. [B] et cette baisse.

En outre, l'insuffisance des résultats de M. [T] par rapport à ses objectifs ne peut être considérée comme établie en raison de l'impossibilité de comparer des résultats à fin septembre avec des objectifs fixés pour l'année entière.

En dernier lieu, la société Bernard Pages fait grief à M. [T] d'avoir organisé une formation pour sept salariés de la société CACC, sans avoir fait valider cette action par ses supérieurs hiérarchiques.

Il apparaît en effet que l'intéressé avait noté cette formation dans sa fiche de décisions et actions de juin 2018, en notant «'à confirmer'» mais il ne justifie pas avoir reçu une autre autorisation, qui était nécessaire dans la mesure où selon sa fiche de poste, sa fonction à ce titre consistait à «'identifier les besoins en formation des équipes'», et non à prendre seul les décisions en cette matière.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que l'attitude de M. [T] envers M. [B], qui constitue un comportement managérial inapproprié ayant eu pour effet de provoquer le départ de ce salarié de l'entreprise et de générer une situation de malaise, s'analyse en un manquement professionnel, lequel, accompagné de la décision non autorisée en matière de formation, justifie la rupture du contrat de travail.

Toutefois, en l'absence de lien établi entre le comportement du salarié et les résultats financiers de la société CACC, et du fait que M. [B] quittait l'entreprise, ce manquement ne rendait pas impossible son maintien au sein de l'entreprise.

Le conseil de prud'hommes a donc pertinemment jugé que le licenciement de M. [T] reposait sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ont condamné la société Bernard Pages au paiement des indemnités compensatrices de préavis (12.090 €) et de congés payés sur préavis (1.209 €) ainsi que de l'indemnité de licenciement (8.060 €), dont ils ont exactement calculé les montants, sur la base d'un salaire mensuel de 4.030 € non contesté.

Il convient toutefois de réformer cette décision en ce qu'elle a fixé l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement «'nettes de CSG CRDS'», alors que la juridiction n'a pas le pouvoir de déroger aux dispositions du code de la sécurité sociale relatives au paiement de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour confirme le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement comme étant fondé, non pas sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse, M. [T] réclame, dans le dispositif de ses conclusions, des dommages et intérêts de 28.210 € 'pour préjudice subi du fait de la requalification du licenciement'. Néanmoins, il n'explicite pas cette demande, laquelle ne figure pas dans les motifs des conclusions. Il en sera donc débouté.

3 - Sur le manquement à l'obligation de sécurité':

En application de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il lui incombe d'établir que, dès qu'il a eu connaissance du risque subi par le salarié, il a pris les mesures suffisantes pour y remédier.

M. [T] soutient que la société Bernard Pages a ignoré ses alertes sur la situation conflictuelle latente entre lui et M. [B], ce qui a contribué à la dégradation de ses conditions de travail et à l'altération de son état de santé et qu'au contraire, elle a procédé rapidement à son licenciement sans respecter les conditions d'impartialité et de contradictoire.

Cette argumentation n'est pas fondée, dès lors qu'il est établi que M. [T] est lui-même à l'origine, par son comportement humiliant, de la dégradation de ses relations avec M. [B].

Par ailleurs, il ne justifie pas avoir informé la société Bernard Pages d'une situation conflictuelle avec ce collaborateur. De plus, il apparaît que la société CACC a organisé une réunion en novembre 2017 lorsque M. [B] a fait état de difficultés avec l'intéressé et que des observations ont été faites à ce dernier lors de l'entretien annuel sur ses compétences en matière de communication.

Par ailleurs, la cour a écarté le caractère partial et non contradictoire de l'enquête du CHSCT et de la procédure de licenciement.

Enfin, le salarié a été placé en arrêt de travail pour une affection du dos en décembre 2017, puis pour un état anxio-dépressif réactionnel à partir du 25 octobre 2018, trois jours après l'envoi de la convocation à l'entretien préalable, de sorte qu'il n'est pas établi que ce dernier problème de santé a une autre cause que la procédure de licenciement, qui était justifiée.

Il n'est donc pas établi que la société Bernard Pages a manqué à son obligation de sécurité.

La décision des premiers juges qui ont écarté la demande de dommages-intérêts à ce titre de M. [T] sera confirmée.

4 - Sur les frais et dépens':

La société Bernard Pages, partie perdante, doit supporter les dépens et frais de première instance et d'appel.

Les dispositions relatives aux frais irrépétibles seront confirmées, sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a fixé l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement «'nettes de CSG-CRDS'»,

Statuant à nouveau sur la disposition réformée et ajoutant,

Dit que les indemnités allouées sont soumises aux dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale,

Déboute M. [Y] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour 'préjudice subi du fait de la requalification du licenciement',

Condamne la SAS Bernard Pages aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANE Catherine BRISSET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 21/02884
Date de la décision : 12/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-12;21.02884 ?
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