12/05/2023
ARRÊT N°2023/210
N° RG 21/01334 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OBV5
MD/LT
Décision déférée du 18 Avril 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F18/00100)
G. DE LOYE
Section encadrement
[R] [C]
C/
S.A.S. FRANCE GARDIENNAGE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 12 mai 2023
à Me LE BOURGEOIS, Me VAISSIERE
Ccc à Pôle Emploi
le 12 mai 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [R] [C]
[Adresse 6]
[Localité 3]/FRANCE
Représenté par Me Frédéric CHHUM de la SELEURL FREDERIC CHHUM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Représenté par Me Pauline LE BOURGEOIS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM''E
S.A.S. FRANCE GARDIENNAGE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Pauline VAISSIERE de la SELARL VOA, avocat au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me CABINET LSIX LAW FIRM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère et N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM'', présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
M. [R] [C] a été embauché le 1er mars 2009 par la sarl France Gardiennage en qualité de responsable d'agence adjoint suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des entreprises de prévention et sécurité.
Par avenant du 22 novembre 2013, M. [C] a été promu cadre, position I, coefficient 300.
Le 6 juin 2017, M. [C] a reçu notification d'un blâme.
Le 19 septembre 2017, puis le 26 septembre 2017, notification lui a été faite de deux avertissements.
Après avoir été convoqué par courrier du 17 octobre 2017 à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 octobre 2017, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire, il a été licencié par courrier du 31 octobre 2017 pour faute grave.
Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 19 janvier 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement du 18 avril 2019, a :
-dit que le licenciement pour faute grave de M. [C] est justifié,
-dit qu'il n'est établi aucun fait de nature à laisser supposer un harcèlement moral,
-débouté M. [C] de l'intégralité de ses demandes,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-dit que chacune des parties conservera la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés pour sa défense et dit qu'il ne sera pas fait droit à leur demande respective d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [C] aux entiers dépens.
Par déclaration du 06 juin 2019, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 26 février 2021, la Cour d'appel, sur déféré de M. [C] d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, a déclaré son appel recevable .
PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 23 février 2023, M. [C] demande à la cour de :
*lui donner acte de la recevabilité de son appel,
*infirmer le jugement déféré dans son intégralité,
statuant à nouveau,
*jugerque le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
*condamner la société France Gardiennage à lui verser les sommes suivantes: -10 336,55 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-1 033,65 euros bruts au titre des congés payés afférents,
-7 459,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-41 346,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
-10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
-4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
*ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
*ordonner le remboursement des allocations chômage perçues dans la limite de six mois de salaire (art. L.1235-4 du code du travail),
*ordonner les intérêts légaux sur les indemnités de rupture à compter de la saisine du conseil de prud'hommes du 19 janvier 2018,
*ordonner les intérêts légaux pour les autres indemnités à compter du prononcé du jugement à intervenir,
*condamner la société France Gardiennage au paiement des dépens éventuels.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 23 février 2023, la société France Gardiennage demande à la cour de:
-in limine litis, infirmer son propre arrêt sur déféré,
en conséquence :
-juger irrecevable l'appel formé par M. [C],
-à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
en conséquence :
-débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes,
en tout état de cause :
-condamner M. [C] à payer à la société France Gardiennage la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [C] aux dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 24 février 2023.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION:
I/ Sur la déclaration d'appel:
La société soulève in limine litis:
- en application de l'article 668 du code de procédure civile, la tardiveté de l'appel intervenu le 06 juin 2019 au motif que le conseil de prud'hommes a établi un certificat mentionnant que M. [C] a accusé réception de la notification du jugement le 04 mai 2019,
- l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel comme n'ayant pas précisé les chefs de jugement critiqués.
M.[C] conclut à la recevabilité de la déclaration d'appel, par laquelle il sollicite l'infirmation du jugement selon les chefs critiqués, à savoir le débouté de l'ensemble de ses demandes de première instance.
Sur ce:
- La fin de non recevoir tirée de la tardiveté de l'appel a précédemment été soulevée devant le conseiller de la mise en état dont l'ordonnance a fait l'objet d'un déféré.
La cour d'appel, par arrêt du 26 février 2021, a déclaré l'appel recevable au motif qu'à défaut de date certaine apposée par les services de la Poste sur la remise de la lettre de notification du jugement du 18 avril 2019 à M. [C], le délai d'appel n'a pas commencé à courir avant le 07 mai 2019, date de réception prétendue par l'appelant, de sorte que la déclaration d'appel du 06 juin 2019 a été notifiée au greffe dans le mois de la notification du jugement par le greffe.
Il n'y a donc pas lieu de statuer à nouveau sur la même fin de non recevoir.
- Sur l'effet dévolutif de l'appel:
Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Aux termes de l'article 901-4 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [C], reprise également dans une annexe faisant corps avec celle-ci, est libellée dans les termes suivants:
' Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués, en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [C] des chefs de demandes suivantes à l'encontre de la SARL FRANCE GARDIENNAGE, partie défenderesse (article 901 du CPC) :
o DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] du 31 octobre 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; En conséquence,
o CONDAMNER FRANCE GARDIENNAGE à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes : o 10.336,55 euros bruts à titre d'indemnité
compensatrice de préavis ; o 1.033,65 euros bruts au titre des congés payés afférents ; o 7.459,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ; o 41.346,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; o 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; o 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ; o 4.000 euros au titre de l'article 700 du
Code de procédure civile.
- ORDONNER la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés,sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- ORDONNER le remboursement des allocations chômage perçues par Monsieur [C] dans la limite de six mois de salaire (art. L.1235-4 du Code du travail ;
- ORDONNER les intérêts légaux sur les indemnités de rupture à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes du 19 janvier 2018 ; - ORDONNER les intérêts légaux pour les autres indemnités à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
- CONDAMNER FRANCE GARDIENNAGE au paiement des dépens éventuels. '
La cour considère, au regard du dispositif du jugement prud'homal de rejet des prétentions du salarié, que la formulation de l'acte d'appel permet d'identifier plus clairement les chefs du jugement qui sont effectivement critiqués.
Dire que la cour n'est pas saisie serait faire application d'un excès de formalisme portant atteinte à l'accès au juge.
La cour est donc valablement saisie du litige.
II/ Sur les sanctions:
La société rappelle qu'en sa qualité d'adjoint responsable d'agence, M. [C] était en charge d'une dizaine de sites, dont celui de l'aéroport [7] et que selon sa fiche de poste, il avait pour mission de :
. garantir la qualité des prestations réalisées et le respect des engagements contractuels ainsi que la conformité réglementaire des prestations,
. superviser l'exploitation, le suivi opérationnel de la prestation auprès du portefeuille clients (moyens humains et matériels),
. s'assurer et veiller au bon envoi des plannings clients et/ou salariés ainsi que de leurs modifications,
. contrôler la création et la saisie des nouveaux clients et numéros de bon de commande sur Comète.
M. [C] dénonce les sanctions infligées (blâme, avertissements et licenciement) qu'il considère injustifiées.
1/ Sur le blâme du 06 juin 2017:
Il est reproché à M. [C] d'avoir procédé à une planification d'un agent de sécurité confirmé, M.[G] [L] sur une vacation du 30 avril 2017 sur le site dénommé Fluidification Linéaire - Aéroport de [Localité 4], alors qu'il avait fait l'objet d'une restriction médicale suite à sa visite médicale du 11 janvier 2017, à savoir qu'il « doit pouvoir disposer d'un siège au cours de ses vacations pour s'asseoir si nécessaire. »
Le 29 avril, l'agent a fait un malaise sur son poste de travail, tel que le relate le supérieur hiérarchique:
« Hier à 13h00, [R] m'a appelé pour me dire que M. [G] avait fait une crise cardiaque en poste. (') M. [G] m'a dit qu'il était considéré comme handicapé, qu'il avait une restriction médicale et qu'il ne devait pas être sur ce poste. Il en a parlé à [R] mais n'a pas eu de retour' »
Il ajoutait dans son compte-rendu en date du 1er mai 2017 :
« M. [G] m'a expliqué avoir sollicité [R] plusieurs fois pour qu'il
modifie son planning. Celui-ci l'a « envoyé bouler » d'après l'agent. Vu ses
difficultés en français à l'oral comme à l'écrit il n'a pas osé me solliciter pour ne pas avoir d'histoire. »
Le supérieur a rappelé à M. [C] qu'il avait fait mettre à jour dans comète par [X] (assistance agence) toutes les restrictions médicales afin qu'il en tienne compte dans sa planification et qu'à chaque réclamation d'un agent il lui avait fait changer les plannings.
L'appelant a contesté ce blâme le 03 juillet 2017. Il affirme que M. [G], le jour de son malaise cardiaque, disposait d'un siège public pour s'asseoir si nécessaire et que le médecin du travail n'avait pas évoqué de troubles cardiaques.
Par courrier du 08 septembre 2017, la société rétorquait que l'affectation de M. [G] au poste linéaire ne pouvait être justifiée par le fait qu'il y avait des sièges publics alors même que sur ce type de poste, l'agent a interdiction de s'asseoir sous peine de sanction. Elle précise également qu'après analyse des logs du logiciel Comète, M. [C] a saisi lui-même la visite médicale de l'agent le lendemain de celle-ci et qu'il disposait des moyens nécessaires pour assurer la prise en compte des restrictions médicales.
Eu égard à la nature de la planification, des restrictions médicales non contestées et des éléments circonstanciés précisés par l'employeur, le blâme est considéré comme fondé.
2/ Sur l'avertissement du 19 septembre 2017:
Il est fait grief à M. [C] d'avoir omis de créer la commande des dimanches sur le site Parc Pro T1 et qu'ainsi le poste n'était pas pourvu le dimanche 3 septembre 2019. Le directeur d'agence a dû corriger cette erreur et procéder à la planification en urgence, en demandant à M. [I] de pourvoir ce poste, qui est resté vaquant une demi-heure.
M. [C] objecte qu'il n'était pas en charge des planifications des vacations sur cette période, étant en congé à compter du 28 août 2017 et que cette omission était imputable au Directeur d'agence, M. [V], lequel par courriel du 10 août 2017 lui avait indiqué: « Je prendrais le relai durant tes congés». Il verse également des tableaux de planification ne mentionnant son nom que le 20 septembre après son retour du congé.
Compte tenu de la contestation élevée par l'appelant, du courriel de M.[V] et de l'insuffisance d'élément de la part de la société quant à la date de la commande du client, au délai de planification applicable, aux diligences faites par M. [V], l'avertissement n'apparaît pas fondé.
3/ Sur l'avertissement du 26 septembre 2017:
Il est reproché à M. [C] une mauvaise gestion de sa mission, du fait que la société a subi des pénalités de la part du client Aéroport de [Localité 4] pour des vacations non affectées et demeurées vacantes, ce suite à un courrier du client du 09 août 2017 établi en ces termes: 'conformément à l'article 18, pénalités du tableau du document de marché pièce 1, les pénalités pour les retards pour les prises de pose et absence sont appliquées: le détail vous a été communiqué par mail du 1 août 2017. Le montant total des pénalités pour le mois de juillet 2017 s'élève à 4300€'.
L'appelant rétorque que:
. le planning général envoyé au client Aéroport de [Localité 4] au début du mois de juillet, montre que toutes les vacations ont été attribuées,
. les pénalités infligées résultent d'absences ou retards des agents planifiés et non d'une absence de planification de sa part,
. selon email du 1er août 2017, la responsable de l'Aéroport énonçait à la société: « je pense que vous ne prenez pas la dimension des absences qui sont régulières, ni du comportement des agents, pour l'instant je n'ai comptabilisé que les absences et retards signalés par les chefs aérogares du T1 et T3. Ci-dessous les pénalités appliquées pour le mois de juillet, et elles le seront désormais à chaque absence. »,
. M. [V], directeur d'agence, écrivait le 10 août 2017 : « les absences non remplacées de juillet sur CDG1 ne passent pas: 4300 € de pénalités avec sans surprise un recadrage du siège. Il faut que tu convoques et recrutes plus de candidats parmi les 20 VC ADS et 10 CV cyno que je t'ai transmis. (..) Il faut impérativement doubler dans le planning les agents dont nous ne sommes pas sur et optimiser la gestion de l'astreinte ADS. (..) J'ai de multiples dossiers en cours et compte sur toi pour la planification et l'exploitation d'ADP/[7] qui est ton objectif numéro 1. (..) Il faudra envoyer à [A] ([B], directeur national) un rapport quotidien mentionnant les postes non couverts ».
Selon sa fiche de poste, M. [C] doit superviser le suivi de façon journalière des vacations qui ne sont pas affectées sur les différents sites et est garant de la gestion des absences inopinées et du remplacement des agents.
Au regard des planifications communiquées pour le mois de juillet, de ce que les termes du courriel de M. [V] du 10 août 2017 n'évoquent pas de faute de gestion de la part de M. [C] et de ce que ces faits n'ont pas été sanctionnés dans l'avertissement du 19 septembre 2017 alors qu'ils étaient connus à cette date, la cour considère que l'avertissement du 26 septembre 2017 n'est pas fondé.
III/ Sur le licenciement:
Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Il ressort de ces termes que l'employeur retient la qualification de faute grave comme motif de licenciement du salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur. Le juge doit tenir compte des éléments qui lui sont alors soumis pour apprécier la gravité de la faute soutenue. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
L'employeur reproche dans la lettre de licenciement au salarié les griefs suivants:
- des négligences dans la saisie des prestations et des plannings,
- une utilisation abusive de son téléphone portable,
- une absence de tenue du registre du personnel,
- de graves dysfonctionnements répétitifs et un comportement inapproprié à l'encontre de ses collègues.
1/ Sur les négligences dans la saisie des prestations et des plannings:
' Le 11 septembre 2017, nous avons reçu un rapport de votre directeur d'agence faisant état du manquement suivant:
'sur la commande du site CDGP-RDS 3, la commande client réelle prévoit que l'agent finisse à 14h40 le samedi vs 17h les autres jours'
Cependant vous avez saisi la prestation du samedi dans le logiciel métier sur le profil qui se nomme lundi au vendredi 5h/17h, un détail qui complique encore plus l'exploitation naturelle et spontanée de ce profil mono ligne. Le profil du samedi existe pourtant et nommé 5h/14h mais rien n'y est rentré en commande. (..)
Un cadeau empoisonné le samedi 09/09 où aucune modification n'est faite pour faire finir l'agent à 14h30. Le client refusera de payer le delta que l'agent va légitimement réclamer. La modification observable sur la capture d'écran du planning général et du fait de [N] et non d' [R] qui a reproduit le même schéma sur le reste du mois. (..)'
L'employeur fait grief à l'appelant de sa négligence, de ce que son erreur a conduit la société à rémunérer des collaborateurs pour des prestations ne pouvant être facturées pour le 09 septembre 2017 et de ne pas avoir tenu compte des précédents avertissements oraux et écrits notifiés pour des faits similaires.
La société explique que sur le site de l'aéroport de [7], les bons de commande du client précisent ses besoins en termes de présence d'agents de sécurité sur le site de 5 heures à 17 heures du lundi au vendredi et de 5 heures à 14 heures 30 le samedi. Or, M. [C], en septembre 2017, a planifié plusieurs collaborateurs tous les samedis pour une plage horaire supérieure soit jusqu'à 17h. Le lundi 11 septembre 2017, M. [Y], contrôleur sur site a dû modifier manuellement les planifications du samedi à venir afin d'éviter une nouvelle vacation supérieure à celle commandée par le client.
Comme l'indique M. [C], la pièce 18 versée par l'employeur montre une planification jusqu'à 17 h pour un seul agent, M. [F] (capture d'écran des vacations de septembre 2017).
L'appelant oppose la règle non bis in idem (les faits ont été sanctionnés par l'avertissement du 26 septembre 2017) et qu'au mois d'août, il se trouvait en situation de surcharge de travail ce qui l'a mis dans l'impossibilité de procéder aux modifications.
En l'espèce, la cour relève que les faits reprochés en date du 09 septembre 2017 ont été connus de l'employeur dès le 11 septembre. M. [C] a fait l'objet de 2 avertissements les 19 et 26 septembre. L'employeur, bien qu'informé de plusieurs griefs, a choisi de notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux. Il ne peut donc prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits connus avant la date de notification de la première sanction. Ce premier grief sera donc écarté.
2/ L'utilisation fautive du téléphone portable à des fins personnelles en passant des appels internationaux :
' Le 13 octobre 2017, notre gestionnaire de téléphonie mobile nous a alertés quant au fait que vous passiez de nombreux appels internationaux depuis votre téléphone professionnel, appels non compris dans le forfait téléphonique que nous vous fournissons. Le relevé de vos communications fait état de 21 appels à l'étranger sur la période allant du 15 juillet 2017 au 22 août 2017".
L'employeur ajoute que de par ses fonctions, M.[C], contrôlant que les collaborateurs ne commettent pas d'abus dans l'utilisation du matériel mis à disposition, devait faire preuve d'exemplarité.
La société produit le relevé des communications pour la période du 15 juillet au 22 août 2017 portant 21 appels émis du téléphone portable professionnel de l'appelant vers la Tunisie, l'employeur précisant ne pas travailler avec ce pays et le règlement intérieur stipulant qu'il est interdit d'utiliser le téléphone pour usage personnel de façon abusive.
M. [C] rétorque qu'il bénéficiait d'un forfait téléphonique souscrit par la société avec l'option à l'international, qu'il a été expressément autorisé, en cas de difficulté pendant ses absences, à émettre des appels depuis l'étranger, que le règlement intérieur autorise un usage personnel du téléphone de bonne foi et l'utilisation est limitée à un montant de 81,58 euros.
Peu important le montant du préjudice, M. [C] n'a pas téléphoné depuis l'étranger pour des raisons d'urgence professionnelle mais à plusieurs reprises vers l'étranger, sans justification ni autorisation, ce qui va au-delà de la bonne foi et est contraire au règlement intérieur dont il a connaissance.
Le grief est retenu.
3/ L'absence de tenue du registre du personnel de l'agence de rattachement:
'Lorsque votre directeur d'agence a voulu, en préparant sa réunion des délégués du personnel et du comité d'établissement du 06 octobre 2017, consulter ledit registre afin de vérifier qu'il était complet, il a pu constater
que ledit document n'était pas à jour depuis le 01 juin 2017. Dès lors plus d'une trentaine d'embauches n'avait pas été renseignée dans le dit registre. A aucun moment vous n'avez remonté cette anomalie à votre hiérarchie, ni sollicité nos assistantes d'agence pour qu'elles procèdent à cette mise à jour.
(..) Vous n'avez pas assuré la mission qui vous a été confiée, votre comportement aurait pu engendrer à l'encontre de notre société une amende de 4ème classe (..), vous ne respectez pas les consignes données'.
M. [C] conteste que la tenue du registre unique du personnel fasse partie de ses missions, objectant qu'elle incombe aux ressources humaines et
au Directeur de l'agence ainsi qu'à l'assistante.
Or la fiche de poste d'adjoint responsable d'agence du 17-11-2015 signée de M. [C], communiquée à la procédure, comporte au sein de la liste de ses tâches, celle de ' superviser et contrôler la bonne saisie du registre unique du personnel'.
Il s'en évince que si l'appelant n'a pas la charge personnelle de l'établissement de ce registre, il doit vérifier que la saisie en a été bien faite.
Par courriel du 1er octobre 2018, M. [V], directeur d'agence [Localité 5] [7], confirme n'avoir pu fournir le registre du personnel à jour lors de la dernière réunion des DP, joint la liste des salariés non inscrits et ajoute: 'puisque [R] ne s'est pas occupé de manager et de suivre les assistantes sur cette mission, je m'occupe rapidement de palier à ce manquement'.
Du fait des éléments produits, le grief est retenu.
4/ Les dysfonctionnements répétitifs et la détérioration de l'attitude de M. [C]:
' Le 18 septembre 2017, les représentants de la direction de la société France Gardiennage ont reçu un 1er courriel émanant des institutions représentatives de votre agence indiquant:
« Nous avons constaté de graves dysfonctionnements sur le site de [Localité 5] [7] :
- Plannings non distribués à certains agents
- Nombreuses irrégularités de paie
- Absences connues et non remplacées sur les prises de service (..)
- Problème récurrent d'organisation et logistique
- Problème d'hygiène connu et signalé sans interventions pour corriger ça - Prestations non assurées sur certains postes (rds3, Pw, T2, location') pas d'agent de pause soumettant ainsi ceux présents à des contraintes et possibilités d'accidents/ Incidents.
Depuis notre présence sur la plateforme on n'a jamais connu de telles anomalies de prestations. De plus, ces dysfonctionnements sont devenus répétitifs, frôlant la normalité.»
Puis nous avons reçu un nouveau courriel des élus de l'agence de [Localité 5] du 03 octobre 2017 indiquant: 'nous avons constaté que depuis plusieurs mois M. [C] ne transmet pas à tous les agents leurs plannings dans les délais, ce qui ne permet pas aux agents de disposer de leur temps. Et ne correspond pas à ce que l'on peut attendre d'un responsable qui prend de fait les agents en otage ( les agents reçoivent parfois leurs plannings la veille de leurs jours de vacation). L'adjoint directeur a un comportement irrespectueux vis à vis de certains agents. Et de plus il utilise sa position pour punir les agents qui ne se mettent pas à sa disposition'. (..)
Aux termes de la lettre de licenciement, la société conclut que le comportement de M. [C] qui préjudicie à l'image de l'entreprise et montre l'intention de nuire à son bon fonctionnement, fait obstacle à la poursuite des relations contractuelles.
- La société expose qu'après avoir reçu l'alerte des institutions représentatives du personnel, elle a procédé à une vérification des dysfonctionnements et a constaté une mauvaise gestion des plannings, des erreurs de paie.
L'intimée argue qu'en septembre 2017, tous les agents ont été sous planifiés, pour un équivalant de 611,88 heures faisant défaut mais rémunérées et elle donne plusieurs exemples en pièce 19 accompagnée du courriel du 02-09-2017 de M. [V]: 'ci-joint le scan des heures défaut de septembre sur comète'.
L'appelant invoque que ce grief a déjà fait l'objet d'un avertissement en date du 26 septembre 2017.
La cour constate, selon les précisions données par l'employeur, que si les faits mentionnés dans le courrier d'alerte du 18 septembre 2017 concernent pour la plupart la planification des agents, ils se rapportent, non au mois de juillet 2017 mais au mois de septembre 2017.
Néanmoins, il s'évince du courriel de M. [V] que les nouveaux dysfonctionnements de planification étaient connus au 02 septembre 2017 et l'employeur n'a pas choisi de les sanctionner lors de la notification des avertissements de septembre, de même que ceux d'autre nature évoqués dans l'alerte du 18 septembre 2017. Ayant fait choix d'une procédure disciplinaire, il ne peut les sanctionner ultérieurement par la voie du licenciement pour faute.
Quant au grief de non transmission des plannings dans les délais, évoqué dans le nouveau courriel des élus du 03 octobre 2017, la société ne communique pas celui-ci, ni ne donne aucun exemple circonstancié permettant de les établir.
- S'agissant du comportement irrespectueux ou de favoristime de M. [C], il est versé:
. une attestation de M. [W], agent de sécurité, du 15-10-2017:
« Nous avons dans notre agence un cadre qui use et sur use de sa position hiérarchique afin de tyranniser ses salariés, fait du chantage en utilisant sa position de planificateur. (..) Donc si vous ne respectez pas la volonté de Mr [C] vous vous verrez des fois déplanifié pour être replanifié sur un poste à plus grande tension ou pas du tout. Monsieur [C] attribue aussi un nombre ou volume d'heures supplémentaires puis un nombre beaucoup plus faible. (..) M. [C] a un comportement de dénigrement de la personne sur certains salariés qu'il restreint à des postes. M. [C] fait du favoritisme en utilisant son poste (..) »
. une attestation de M. [F], agent de sécurité, du 15-10-2017 lequel se plaint du non respect des prescriptions du médecin du travail suite à un accident: « Mr [R] m'a positionné au poste linéaire où je travaillais debout en continue. ['] J'ai été faire ma visite médicale à la médecine du travail qui a conclu le 30/09/2016 que je ne devrais plus travailler en position debout en permanence. ['] Mr [R] a préféré mettre ses amis aux postes qu'ils choisissent dont S4 et me mettre dans un poste S3 depuis le mois de décembre où je suis jusqu'à ce jour où je travaille 12 heures sans aucune pause ce qui est contraire à la loi en matière de temps de repos (..). » ,
- un courriel de M. [Y] du 07-03-2017: « Je constate qu'[R] tente de me faire du mal en inventant des histoires ou en amplifiant des situations. ['] je lui ai demandé d'arrêter de me nuire car ce n'est pas une façon constructive ou productive de travailler, ni à appliquer, ni à transmettre pour exemple à une équipe. (')» .
- un courriel de M. [V], directeur d'agence du 07-03-2017: « j'ai constaté depuis l'incident de décembre (cf mail) son attitude s'était dégradé et qu'il essayé en permanence de chercher des problèmes à [N] et [X]. Il a nié et prétexté de nouveau une incompréhension générationnelle. Je l'ai mis en garde sur le fait que deux personnes à l'agence se plaignait de lui et que j'avais constaté la même chose dans son comportement. »
L'appelant s'incrit en faux contre les témoignages, objectant qu'ils sont de complaisance, que s'agissant de l'agent bénéficiant de restrictions médicales, dès qu'il en a eu connaissance, il l'a affecté sur des postes S4 ou S3 qui disposent d'une chaise pour s'asseoir et que les faits évoqués étaient anciens, datant de février et mars 2017.
La cour relève que les griefs de favoritisme, manque d'équité et dénigrement allégués sont, soit insuffisamment circonstanciés, soit connus de l'employeur depuis plusieurs mois sans avoir fait l'objet d'investigation.
Quant à la situation de M. [F], l'employeur ne communique aucun élément effectif d'affectation permettant de vérifier si celle-ci a été adaptée aux contre-indications médicales.
Aussi, les dysfonctionnements répétitifs et la détérioration de l'attitude de M. [C] n'étant pas établis, seront écartés.
La cour retient au titre des griefs avérés, l'usage abusif du téléphone professionnel en contrevenance du règlement intérieur et l'absence de tenue du registre du personnel, mission portée sur la fiche de poste de M. [C] et ayant une incidence sur le fonctionnement de la société.
Ces griefs se rapportent à une même période de temps, précédée par un blâme en juin 2017 et dénotent d'un comportement peu professionnel de l'intéressé, alors que de par ses fonctions d'adjoint de responsable d'agence exercées depuis 8 ans, ce dernier a une obligation de respect et de contrôle des règles de l'entreprise, dont la contrevenance affecte l'organisation et l'image.
Au regard de ces éléments, le licenciement pour faute grave empêchant le maintien du salarié dans l'entreprise est fondé.
M. [C] sera débouté de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse par confirmation du jugement déféré.
III/ Sur le harcèlement moral et l'obligation de sécurité:
En application de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Aux termes des articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail, l'employeur doit mettre en oeuvre des mesures de prévention pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1.
M. [C] soutient qu'il a subi des agissements répétés de harcèlement moral pour avoir subi plusieurs sanctions disciplinaires injustifiées à savoir: un blâme, deux avertissements et un licenciement, lesquelles ont eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé. L'appelant affirme que l'employeur et notamment M. [V], supérieur hiérarchique, avait la volonté de nuire à son avenir professionnel.
En l'espèce, le blâme et le licenciement pour faute grave ont été déclarés fondés.
Le fait que le médecin généraliste mentionne dans un certificat du 17-10-2017, soit 15 jours avant le licenciement, que M.[C] a déclaré faire l'objet de harcèlement et présente un état dépressif, alors même que des dysfonctionnements établis lui ont été reprochés et qu'il n'a jamais alerté les instances représentatives de difficultés avec l'employeur, ne révèle pas de lien entre l'état de santé du salarié et des agissements de l'employeur. Le témoignage de Mme [T], salariée, faisant état des sanctions notifiées par la société au salarié qui en a été affecté ne peut davantage être pris en compte au vu du caractère justifié des sanctions prononcées.
L'ensemble des éléments susvisés analysés par la cour ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Les demandes de l'appelant de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité fondés sur les mêmes faits seront rejetées par confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes annexes:
M. [C], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dit que la cour est saisie du litige,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [R] [C] aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM'', présidente et C. DELVER, greffière.
LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE
C. DELVER S. BLUM''
.