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09/05/2023 | FRANCE | N°21/01149

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 09 mai 2023, 21/01149


09/05/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/01149 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OA4M

SL/NB



Décision déférée du 14 Janvier 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/02983

(Mme. [O])

















[M] [U]





C/



S.C.P. FBM NOTAIRES BRENAC NOTAIRES ASSOCIES














































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



Madame [M] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Karim CHEBBANI de la SELARL CABINE...

09/05/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/01149 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OA4M

SL/NB

Décision déférée du 14 Janvier 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/02983

(Mme. [O])

[M] [U]

C/

S.C.P. FBM NOTAIRES BRENAC NOTAIRES ASSOCIES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [M] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Karim CHEBBANI de la SELARL CABINET CHEBBANI, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.C.P. FBM NOTAIRES société civile professionnelle titulaire d'un office notarial, anciennement dénommée SCP Michel MOLINIE- [L] [Y]-Charles BRENAC NOTAIRES ASSOCIES, anciennement dénommée SCP MICHEL MOLINIE, XAVIER SARRADET ET [L] [Y], agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social de la société

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J-C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

Exposé des faits et de la procédure :

Par donation constatée par un acte authentique passé devant Maître [K] [Y], notaire associé de la Scp [K] [Y], Michel Molinié, Xavier Sarradet, notaires associés à [Localité 8], le 6 juillet 1996, Mme [M] [U] a reçu de Mme [R] [F] épouse [U] la nue-propriété d'une maison d'habitation avec dépendances et terrain attenant, située [Adresse 4], cadastrée préfixe [Cadastre 6] section [Cadastre 9], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] d'une contenance totale de 62 a 90 ca.

Aux termes dudit acte, à titre de déclarations fiscales, les parties ont déclaré que le bien immobilier ainsi donné était d'une valeur en pleine propriété de 2.300.000 francs, soit 350.632,74 euros, et pour la nue-propriété donnée, de 2.070.000 francs, soit 315.569,47 euros.

Mme [U] a obtenu la réunion de la nue-propriété et de l'usufruit par extinction au décès de l'usufruitier.

Par un acte du 21 décembre 2012 passé devant Maître [L] [Y], notaire associée de la Scp Michel Molinié, Xavier Sarradet, [L] [Y], notaires associés à Toulouse, Mme [U] a consenti une promesse unilatérale de vente à la Sarl Jean-François Réalisation portant sur une maison d'habitation située [Adresse 4], cadastrée préfixe [Cadastre 6] section [Cadastre 7] d'une contenance de 63 a 54 ca. Le prix était de 2.500.000 euros hors taxe, auquel s'ajoutait 250 euros par m² de surface plancher supplémentaire construite au-delà de 10.000 m² de surface plancher.

Les effets de cet acte ont ensuite été prorogés selon un deuxième acte également passé devant Maître [Y], le 14 février 2013.

Cette opération n'a pas abouti.

Finalement, par acte authentique du 29 octobre 2014, reçu par Me [L] [Y], Madame [U] a cédé la propriété d'une maison d'habitation avec dépendances et terrain attenant, cadastrée préfixe [Cadastre 6] section [Cadastre 7] pour 63 a 54 ca, pour un montant de 2.500.000 euros à la Snc Mazaygues-Lardenne.

A titre de déclarations fiscales, concernant l'impôt sur les plus-values, il était précisé que le prix se décomposait comme suit :

- 800.000 euros pour la résidence principale;

- 1.700.000 euros pour la partie ne constituant pas la résidence principale.

La Snc Mazaygues-Lardenne, filiale du groupe Promo Midi, avait obtenu préalablement un permis de construire pour la réalisation de 83 logements collectifs.

Me [Y] est intervenue en qualité de rédacteur d'acte de la déclaration de plus-value, à laquelle elle a procédé le 29 octobre 2014.

Dans le cadre de cette opération, Mme [U] s'est acquittée d'une imposition sur la plus-value à hauteur de 269.861 euros.

Elle a fait, par la suite, l'objet d'une proposition de rectification le 28 octobre 2016.

L'administration fiscale dans cette proposition de rectification retient :

' Alors que vous avez déclaré une valeur pour votre résidence principale de 650.000 euros au 1er janvier 2014 en matière d'ISF, l'acte de cession du 29 octobre 2014 a retenu ce même bien pour une valeur de 800.000 euros sans que soit produit aucun élément de nature à justifier cet écart de 150.000 euros qui vous a permis de minorer la plus-value imposable portant sur la partie terrain à bâtir.

La répartition du prix global de 2.500.000 euros retenue dans l'acte du 29 octobre 2014 (1.700.000 euros pour la partie correspondant au terrain et 800.000 euros pour la partie correspondant à la résidence principale, alors que cette dernière a été déclarée pour 650.000 euros au titre de l'ISF 2014) ne peut être admise puisqu'incohérente avec la valeur de 650.000 euros déclarée au titre de l'ISF 2014.

C'est ce montant de 650.000 euros qui sera retenu et donc par incidence 1.850.000 euros pour la partie terrain (au lieu de 1.700.000 euros).

D'où le nouveau calcul de la plus-value taxable.'

Considérant que Maître [Y] avait commis une faute justifiant que sa responsabilité soit engagée et en l'absence de solution amiable, Mme [U] a saisi le tribunal de grande instance de Toulouse par assignation du 11 septembre 2018 dirigée contre la Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, [L] [Y], formulant des demandes de dommages et intérêts contre Me [L] [Y].

Par conclusions du 23 octobre 2019, elle a formé des demandes de dommages et intérêts contre la Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, [L] [Y].

Par jugement du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes comme n'étant présentées qu'à l'encontre de Maître [Y] qui n'est pas partie au procès,

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [M] [U] en responsabilité de la Scp Molinie-Andrieu-Brenac anciennement dénommée Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, Anne-Sophie Andrieu,

- déclaré recevable comme non prescrite l'action de Mme [M] [U] en responsabilité de la Scp Molinie-Andrieu-Brenac anciennement dénommée Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, [L] [Y], sur le fondement de l'erreur sur la valeur du non bâti,

- débouté Mme [M] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la Scp Molinie-Andrieu-Brenac anciennement dénommée Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, [L] [Y] de sa demande en dommages et intérêts,

- condamné Mme [M] [U] à payer à la Scp Molinie-Andrieu-Brenac anciennement dénommée Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, Anne-Sophie Andrieu la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [M] [U] à payer les entiers dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que Mme [U] qui dans son assignation formait ses demandes contre Me [L] [Y] avait formalisé ses demandes à l'encontre de la Scp de notaires dans le dispositif de ses dernières conclusions et qu'ainsi le moyen d'irrecevabilité des demandes comme n'étant présentées qu'à l'encontre de Me [Y] devait être rejeté.

Il a considéré que Mme [U] savait parfaitement qu'elle était soumise à l'impôt sur la plus-value pour la partie 'terrain à bâtir', bien avant la réception de la proposition de redressement fiscal, comme elle savait que le bénéficiaire de la vente était un promoteur immobilier, qui avait obtenu un permis de construire pour bâtir sur cette partie des logements collectifs ; qu'elle ne pouvait donc arguer du fait qu'elle n'aurait découvert qu'elle était taxée sur la plus-value de la partie 'terrain à bâtir' qu'à partir de la réception de la proposition de redressement ; que le délai de prescription courait donc à partir de la promesse de vente du 21 décembre 2012 ; que l'action engagée sur le fondement d'un manquement au devoir de conseil était en conséquence prescrite.

Mme [U] se plaignait que le notaire avait mentionné sur la déclaration de plus-value une valeur d'acquisition du terrain de 50.000 euros, alors qu'elle serait d'au moins 241.000 euros. Le premier juge a considéré que le point de départ du délai pour agir se situait au jour de la déclaration de plus-value, le 29 octobre 2014, puisque c'est sur cette déclaration qu'il est reproché au notaire d'avoir commis une erreur ; que l'action n'était donc pas prescrite sur ce point.

Sur le fond, il a considéré que c'est à Mme [U] qu'incombait la charge de la preuve d'une erreur d'appréciation de la part du notaire. Or, la propre évaluation du non bâti faite par Mme [U] à 241.000 euros aurait abouti à une valeur résiduelle du bâti existant de 110.000 euros, qui n'était pas justifiée et était incohérente. Il a estimé que le préjudice allégué n'était pas établi car si le notaire avait retenu le montant de 241.000 euros pour l'évaluation du non-bâti, l'administration n'aurait pas manqué de proposer un redressement.

-:-:-:-:-

Par déclaration du 11 mars 2021, Mme [M] [U] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [M] [U] en responsabilité de la Scp Molinie-Andrieu-Brenac anciennement dénommée Molinie-Sarradet-[Y], pour manquement au devoir de conseil,

- débouté Mme [M] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [M] [U] à payer à la Scp Molinie-Andrieu-Brenac anciennement dénommée Molinie-Sarradet-Andrieu la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [M] [U] à payer les entiers dépens de l'instance.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 27 juin 2022, Mme [M] [U], appelante, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 2224 du code civil, de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

* a déclaré irrecevable comme prescrite son action en responsabilité de la Scp FBM Notaires, anciennement dénommée Scp Michel Molinie ' [L] [Y] ' Charles Brenac, anciennement dénommée Scp Michel Molinie - Xavier Sarradet - [L] [Y], pour manquement au devoir de conseil,

* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

* l'a condamnée à payer à la Scp FBM Notaires, anciennement dénommée Scp Michel Molinie ' [L] [Y] ' Charles Brenac, anciennement dénommée Scp Michel Molinie - Xavier Sarradet - Anne-Sophie Andrieu, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée à payer les entiers dépens de l'instance,

Et, statuant à nouveau :

- débouter la Scp FBM Notaires, anciennement dénommée Scp Michel Molinie ' [L] [Y] ' Charles Brenac, anciennement dénommée Scp Michel Molinie - Xavier Sarradet - [L] [Y], de l'intégralité de ses demandes,

- juger que ses demandes sont recevables et fondées,

- juger que la Scp FBM Notaires a été défaillante dans son devoir de conseil et d'information,

- juger que le défaut d'information et de conseil de la Scp FBM Notaires a généré une plus-value pour Madame [U], dont elle aurait dû être exonérée,

- en conséquence, condamner la Scp FBM Notaires au paiement des sommes de 269.861 euros et 27 319,07 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel généré par la faute de la Scp FBM Notaires,

- condamner la Scp FBM Notaires au paiement de la somme de 25 000 euros à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice moral généré par la faute de la Scp FBM Notaires,

- juger que la Scp FBM Notaires a commis une erreur dans la rédaction de la déclaration de plus-value en sa qualité de rédacteur d'acte,

- en conséquence, condamner la Scp FBM Notaires au paiement de la somme de 31.058 euros, correspondant à la différence entre la valeur vénale déclarée et la valeur réelle du terrain en 1996,

- condamner la Scp FBM Notaires au paiement de la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que leur condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que la prescription court à compter de la proposition de rectification du 28 octobre 2016, date à laquelle elle le dommage s'est réalisé.

Sur le fond, elle soutient que le notaire a privé Mme [U] d'explications lorsqu'il a distingué la résidence principale et le terrain attenant, finalement désigné terrain à bâtir ; que l'ensemble immobilier constituant la résidence principale de Mme [U], il aurait dû être exonéré en totalité d'impôt sur les plus-values ; que la distinction opérée a engendré un traitement fiscal différencié. Elle soutient que le notaire ne justifie pas avoir donné une information sur les conséquences fiscales d'un tel choix. Elle soutient que son préjudice découle du paiement de l'impôt dès lors que le manquement du notaire à son devoir de conseil l'a privée de la possibilité de renoncer à l'opération et de rechercher une solution au régime fiscal plus avantageux.

S'agissant de l'erreur dans la rédaction de l'acte, elle soutient que le notaire, mandataire de Mme [U], n'explique pas la méthode de calcul utilisée pour retenir un prix d'acquisition du terrain à 50.000 euros, alors qu'il devrait être de 241.000 euros ; que dès lors la plus-value aurait dû être moindre.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 27 mai 2022, la Scp FBM Notaires, anciennement dénommée Scp Michel Molinie, [L] [Y], Charles Brenac, anciennement dénommée Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet et [L] [Y], intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1382 (applicable aux faits de l'espèce), 1240 et 2224 du code civil, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [M] [U] contre elle pour manquement au devoir de conseil,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré recevable comme non prescrite l'action de Mme [M] [U] contre elle sur le fondement de l'erreur sur la valeur du non-bâti et statuant à nouveau, déclarer ladite action irrecevable car prescrite,

- débouter en conséquence Mme [M] [U] de l'ensemble de ses demandes du seul chef de ces fins de non-recevoir,

- en tout état de cause, si l'action de Mme [M] [U] devait être en tout ou partie jugée recevable, la débouter de l'ensemble de ses demandes en ce que les éléments constitutifs de sa responsabilité civile professionnelle ne sont pas établis,

- en tout état de cause, infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts et statuant à nouveau de ce chef condamner Mme [M] [U] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme [M] [U] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance,

- la condamner en appel au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement dudit article et aux entiers dépens d'appel.

Elle soutient que les demandes sont irrecevables. S'agissant du devoir de conseil, elle soutient que la prescription courait à compter du 21 décembre 2012. S'agissant de l'erreur dans l'indication du prix d'acquisition du terrain à bâtir, elle soutient que le point de départ est le 21 octobre 2014, date à laquelle Mme [U] a reçu l'ensemble des documents en rapport avec la vente immobilière. Or, c'est par voie de conclusions du 23 octobre 2019 que Mme [U] a formé des demandes indemnitaire à compter de la Scp de notaires.

Sur le fond, elle soutient que Mme [U] a reçu les informations utiles et nécessaires dans la promesse de vente du 21 décembre 2012 et dans l'acte de vente du 29 octobre 2014 ; que du point de vue fiscal, les parties de terrain devaient être distinguées. Elle ajoute que le montant de 50.000 euros est la valeur que Mme [U] a déclarée ; qu'elle ne démontre pas que cette somme est erronée.

La clôture de l'affaire est intervenue le 23 janvier 2023 et l'affaire a été examinée à l'audience du 30 janvier 2023.

Motifs de la décision :

Il y a lieu de préciser que la Scp FBM Notaires est la nouvelle dénomination de la Scp Michel Molinie ' Anne-Sophie Andrieu ' Charles Brenac.

Sur la saisine de la cour :

La cour n'est pas saisie de la disposition du jugement ayant rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes comme n'étant présentées qu'à l'encontre de Maître [Y] qui n'est pas partie au procès.

Sur la prescription :

Le devoir d'authentification du notaire comprend l'obligation d'instrumenter, le respect des règles relatives à la rédaction des actes et l'obligation de vérification. En tant que rédacteur d'acte, la responsabilité civile professionnelle du notaire, qui a alors une nature délictuelle, suppose en vertu de l'article 1382 ancien du code civil applicable en la cause la démonstration d'une faute, d'un préjudice qui doit être né, actuel et certain et d'un lien de causalité qui doit être direct entre ladite faute et ledit préjudice.

L'obligation de conseil, qui sous-tend l'obligation d'efficacité de l'acte instrumenté, est le prolongement de la mission de rédacteur d'acte. Le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique .

Il incombe au notaire d'apporter la preuve de l'exécution de son devoir de conseil.

En l'espèce, Mme [U] formule deux reproches à l'égard du notaire :

- manquement au devoir de conseil à l'occasion de l'acte de vente ;

- erreur dans la rédaction de la déclaration de plus-value.

En vertu de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Sur la prescription de l'action de Mme [U] fondée sur le manquement au devoir de conseil à l'occasion de l'acte de vente :

L'objet de la vente était une maison d'habitation avec terrain attenant. (p 3 de l'acte de vente).

La promesse de vente du 21 décembre 2012 précise déjà p 3 que le bien objet de la promesse est une maison d'habitation avec terrain attenant.

Elle indique p 3 : 'Le bien est actuellement affecté à usage d'habitation.

Le bénéficiaire déclare avoir le projet d'accomplir un certain nombre de démarches et d'études afin de vérifier qu'il lui est possible de réaliser sur ce terrain représentant une superficie globale au sol d'environ 6534 m², une opération de logements collectifs pour une superficie globale au sol d'environ 2.400 m², une opération de logements collectifs pour une surface de plancher de 10.000 m² minimum, sans pour excéder une surface de plancher de 10.500 m².'

Elle précise p 22 'plus-values' :

- en ce qui concerne la partie constituant la résidence principale : L'immeuble entre pour partie dans le champ d'application d'exonération des plus-values conformément à l'article 150 U , II 1° du code général des impôts, comme constituant, pour cette partie, la résidence principale du cédant lors de la cession ;

- en ce qui concerne la partie ne constituant pas la résidence principale : régime des plus-values immobilières en vertu des articles 150 U à 150 VG du code général des impôts.

Il est précisé p 22 : 'Régime des terrains au regard de l'exonération des dépendances immédiates et nécessaires de la résidence principale. La notion de dépendances immédiates et nécessaires s'apprécie différemment selon la nature du terrain. Ainsi, lorsque le terrain, qui constitue une dépendance de la résidence principale, est vendu comme terrain à bâtir, l'exonération prévue au 3° du II de l'article 150 U du code général des impôts ne peut s'appliquer, à l'exception des dépendances qui constituent des locaux et aires de stationnement utilisés par le propriétaire comme annexes à son habitation (garage, parking, remise, maison de gardien) ainsi que des cours, des passages et en général, de tous les terrains servant de voies d'accès à l'habitation et à ses annexes. [...]

En effet, l'exclusion de telles cessions tient à la nature des terrains concernés, soit des terrains à bâtir, qui ne peuvent pas, en toute hypothèse, être considérés comme des dépendances immédiates et nécessaires.'

Ainsi, le notaire a procédé à la distinction entre la partie constituant la résidence principale et la partie ne constituant pas la résidence principale en vertu d'un texte du code général des impôts qui exclut l'exonération de plus-value pour les terrains à bâtir. Il a distingué une partie constituant la résidence principale et une partie terrain ne constituant pas une dépendance immédiate et nécessaire de la résidence principale.

Dès lors, Mme [U] était informée que l'exonération des plus-values immobilières ne jouait pas pour la partie de terrain qui ne constituait pas la résidence principale, mais qui constituait un terrain à bâtir.

Il ressortait bien de l'acte que la partie de terrain qui ne constituait pas la résidence principale avait la nature de terrain à bâtir, puisque la société Jean-François Réalisation comptait y édifier des logements collectifs.

Mme [U] donnait pouvoir au notaire à l'effet de prélever sur le disponible du prix, lors de la publication au service de la publicité foncière de l'acte authentique de vente, le montant de la plus-value à reverser au trésor public.

La description du bien en maison à usage d'habitation et terrain attenant et les indications relatives aux plus-values immobilières n'étaient pas incompatibles. Il ressortait de la promesse de vente que la partie du bien constituant un terrain à bâtir était soumise à l'impôt sur les plus-values immobilières. Le notaire devait opérer la ventilation entre les deux parties.

La vente a eu lieu finalement en 2014 dans des conditions similaires à la promesse de 2012.

En pages 5 et 6 de l'acte de vente du 29 octobre 2014, le notaire distingue :

- la partie constituant la résidence principale : évaluée 800.000 euros ;

- la partie ne constituant pas la résidence principale : évaluée 1.700.000 euros.

En p 7 il est indiqué que le terrain a été classé il y a plus de 18 ans en zone constructible, et que le vendeur indique que la partie non bâtie est destinée à la production d'un immeuble neuf.

Le 29 octobre 2014, Me [Y], notaire, a procédé à l'établissement de la déclaration de plus-value immobilière sur la base d'un prix de vente du terrain à bâtir de 1.700.000 euros.

Mme [U] a signé cette déclaration de plus-value, aboutissant à une imposition à hauteur de 269.861 euros.

Sur le point de départ de la prescription :

Le point de départ de la prescription est le moment où Mme [U] a eu conscience de devoir payer un impôt sur la plus-value. Il peut être fixé au moment de la promesse de vente du 21 décembre 2012 qui prévoit que le bien se décompose en deux parties et qui donne connaissance de ce que la partie de terrain à bâtir est soumise à l'imposition sur les plus-values immobilières.

L'assignation du 11 septembre 2018 a été dirigée à l'encontre de la Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, [L] [Y], mais dans le dispositif, les demandes de condamnations à payer des dommages et intérêts n'étaient alors formées que contre Me [L] [Y] qui n'était pas dans la cause. Les demandes de dommages et intérêts contre la Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, [L] [Y] ont été faites par conclusions du 23 octobre 2019. A cette date, la prescription était acquise.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [M] [U] en responsabilité de la Scp de notaires.

Sur la prescription de l'action de Mme [U] fondée sur l'erreur dans la rédaction de la déclaration de plus-value :

Me [Y], notaire, a procédé à l'établissement de la déclaration de plus-value immobilière date du 29 octobre 2014, sur la base d'un prix de vente du terrain à bâtir de 1.700.000 euros et d'un prix d'acquisition de 50.000 euros, soit une plus-value immobilière taxable de 1.650.000 euros.

Mme [U] estime que le notaire a commis une erreur quant à la valeur d'acquisition du terrain dans la déclaration de plus-value immobilière du 29 octobre 2014 ; qu'il a mentionné par erreur un prix d'acquisition de la partie non bâtie de 50.000 euros alors que ce dernier s'élève en réalité à la somme de 241.000 euros.

Sur le point de départ de la prescription :

Par courriel du 21 octobre 2014, Me [Y] a adressé à Mme [U] le projet d'acte de vente.

Dans un courriel du 27 octobre 2014, Me [Y] envoie à l'avocat de Mme [U] le projet de déclaration d'impôt sur la plus-value.

Le point de départ de la prescription est le 27 octobre 2014, date à laquelle, à l'occasion de la transmission du projet de déclaration d'impôt sur les plus-value à son avocat, Mme [U] a pu se rendre compte de la valeur assignée au terrain lors de l'acquisition.

Au 23 octobre 2019, date des conclusions de Mme [U] demandant des dommages et intérêts contre la Scp Michel Molinie, Xavier Sarradet, [L] [Y], la prescription n'était pas acquise.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable comme non prescrite l'action de Mme [M] [U] en responsabilité de la Scp de notaires, sur le fondement de l'erreur sur la valeur du non bâti.

Sur le fond :

La résidence principale n'était pas soumise à la plus-value, à la différence du terrain à bâtir.

Dans la déclaration de plus-value, le prix d'acquisition du 'terrain à bâtir' a été mentionné à 50.000 euros lors de la donation en 1996, l'ensemble étant alors évalué à la somme de 350.632,74 euros. A la revente en 2014, le prix du terrain à bâtir a été déclaré à 1.700.000 euros, soit une plus-value de 1.650.000 euros. La partie bâtie était estimée à 800.000 euros.

Mme [U] a signé la déclaration de plus-value, aboutissant à un imposition à hauteur de 269.861 euros.

Si la valeur de 50.000 euros était erronée comme trop faible, Mme [U] aurait pu en obtenir la révision auprès de l'administration fiscale. Dès lors, la plus-value aurait été diminuée.

Le 24 mars 2017, elle a présenté une réclamation contentieuse auprès de l'administration fiscale, en ce sens. Elle justifiait la valeur rectifiée par rapport :

- au rehaussement notifié au titre de L'ISF des années 2013 et 2014 ;

- au marché immobilier de l'époque, termes de comparaison à l'appui (prix moyen du terrain non constructible 23 euros/m² ; prix moyen du terrain constructible 49 euros/m²).

En réponse, l'administration fiscale par courrier du 22 septembre 2017 rappelle qu'un contribuable peut demander la révision d'une imposition établie d'après les bases indiquées dans une déclaration qu'il a souscrite, à condition d'en démontrer le caractère exagéré. L'administration rejette la réclamation pour défauts de justificatifs. 'En procédant à la ventilation du prix d'acquisition, vous vous bornez à déterminer la valeur du non bâti, sans justifier la valeur résiduelle du bâti (110.000 euros). Au surplus, concernant le non-bâti, vous ne pouvez utilement vous prévaloir des trois termes de comparaison cités à défaut de similitude suffisante au regard de la date pour le numéro 3 (vente de 1998 postérieure à la donation en cause) et de leur nature (lots de terrains à bâtir de petites superficies viabilisés / terrain [U] de grande superficie non équipé).'

Mme [U] n'a pas formé de recours contentieux contre la position de l'administration fiscale.

La valeur de 50.000 euros d'acquisition du terrain est celle qu'elle a déclarée, le notaire étant son mandataire. Il n'a donc pas à justifier de la méthode de calcul qu'il a utilisée. C'est à Mme [U] de prouver que cette valeur n'est pas justifiée. Or, elle ne le démontre pas.

Lors de l'acquisition, l'immeuble en son entier a été évalué 350.632,74 euros.

Si la valeur du non bâti était de 241.000 euros, ceci signifie que la valeur du bâti était de 350.632,74 - 241.000 = 109.632,74 euros. Mme [U] n'apporte pas d'éléments pour justifier de cette valeur en 1996. Par ailleurs, les termes de comparaison fournis sont postérieurs pour l'un, et manquent de similitude pour les autres.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

La Scp de notaires doit démontrer, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, l'existence d'une faute, quelle que soit sa gravité, ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice. Le fait pour Mme [U] de s'être méprise sur le bien fondé de ses droits ne peut constituer une faute en l'absence de preuve de circonstances de nature à démontrer sa mauvaise foi.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté la Scp de notaires de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [U], partie perdante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel.

Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 14 janvier 2021, sauf à préciser que la Scp FBM Notaires est la nouvelle dénomination de la Scp Michel Molinie ' [L] [Y] ' Charles Brenac ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [M] [U] aux dépens d'appel ;

La condamne à payer à la Scp FBM notaires la somme de 3.000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

La déboute de sa demande sur le même fondement.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/01149
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;21.01149 ?
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