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09/05/2023 | FRANCE | N°19/04556

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 09 mai 2023, 19/04556


09/05/2023



ARRÊT N°



N° RG 19/04556

N° Portalis DBVI-V-B7D-NIBX

MD / RC



Décision déférée du 23 Septembre 2019 Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 16/03788

MME [I]

















[V] [P]





C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

SA ENEDIS

SA GAN ASSURANCES


































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Monsieur [V] [P]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Bern...

09/05/2023

ARRÊT N°

N° RG 19/04556

N° Portalis DBVI-V-B7D-NIBX

MD / RC

Décision déférée du 23 Septembre 2019 Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 16/03788

MME [I]

[V] [P]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

SA ENEDIS

SA GAN ASSURANCES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [V] [P]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Stella BISSEUIL, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2019.026982 du 18/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE, prise en la personne de son directeur général en exercice domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Luc MOREAU de l'AARPI MB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Sandrine BEZARD de la SCP VPNG, avocat au barreau de TOULOUSE

SA GAN ASSURANCES

Immatriculée au Registitre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 542 063 797, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Elisabeth MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Bénédicte de BOUSSAC-DI PACE membre de L'AARPI CB2P avocats

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 26 juin 2008, M. [V] [P], né le [Date naissance 4] 1962, a été gravement blessé par électrocution en pénétrant dans un local électrique accessible à partir du terrain situé [Adresse 2] à [Localité 6], appartenant à la Sci de l'industrie et sur lequel se trouvaient des locaux à usage commercial désaffectés.

Par acte d'huissier du 12 octobre 2016, il a fait assigner la Sci de L'industrie en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis à déterminer par voie d'expertise.

Par acte d'huissier du 21 avril 2017, M. [P] a fait appeler en la cause la Sa Gan en sa qualité d'assureur de la Sci de L'industrie ainsi que la Sa Enedis puis, suivant acte d'huissier du 21 septembre 2017, il a mis en cause la Cpam de la Haute-Garonne.

Par conclusions, M. [O] [M] est intervenu volontairement à l'instance en sa qualité d'ancien liquidateur amiable de la Sci de L'industrie.

Par un jugement réputé contradictoire en date du 23 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- jugé que l'assignation délivrée à la Sci de l'Industrie est affectée d'une irrégularité de fond pour avoir été délivrée à une personne n'ayant pas capacité de la représenter,

- annulé l'acte d'assignation du 12 octobre 2016,

- en conséquence, jugé M. [V] [P] irrecevable en ses demandes dirigées contre la Sci de l'Industrie,

- débouté M. [V] [P] de ses demandes tendant à ce que soient reconnues les responsabilités de la Sci de l'Industrie ou, subsidiairement de la Sa Enedis,

- débouté la Cpam de la Haute-Garonne de ses demandes,

- mit hors de cause la Sa Gan assurances,

- condamné M. [V] [P] aux entiers dépens,

- 'constaté qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle',

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que l'assignation délivrée à la Sci de l'Industrie était affectée d'une irrégularité de fond, cette société ayant été dissoute le 7 mars 2012 puis radiée le 31 octobre 2012 et M. [M], son ancien gérant ayant été désigné en qualité de liquidateur de sorte que depuis la clôture des opérations de liquidation M. [M] n'avait plus aucun pouvoir de représentation à l'égard de cette société.

Relevant sur le fond une production partielle des pièces de l'enquête pénale ayant conclu au classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, le tribunal a considéré, pour écarter la faute de la Sci de l'Industrie que l'absence d'éléments précis quant aux conditions exactes de fermeture et de sécurisation des locaux ne permettait pas d'établir comment l'intéressé a pu s'introduire dans les locaux commerciaux, constituant une propriété privée, et de caractériser une négligence de la Sci de l'Industrie alors que M. [P] ne pouvait ignorer le caractère dangereux du petit local électrique se trouvant à l'extrémité des locaux et dont la porte portait la mention du danger.

Le tribunal a également écarté la responsabilité de cette société en qualité de gardienne en retenant que le comportement et l'imprudence de M. [P] était à l'origine exclusive du dommage.

-:-:-:-:-

Par déclaration en date du 18 octobre 2019, M. [V] [P] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il :

- n'a pas reconnu la responsabilité de l'ancienne Sci de l'Industrie aujourd'hui dissoute mais assurée auprès du Gan,

- n'a pas jugé la responsabilité du propriétaire des locaux à l'époque des faits et la garantie de Gan assurances et, à titre subsidiaire, la responsabilité de la Sa Enedis en qualité de gardienne,

- a rejeté la demande de mesure d'expertise de M. [P] et la fixation de son préjudice

-:-:-:-:-:-

Par conclusions du 21 février 2020 devant le conseiller de la mise en état la Sa Enedis, qui n'avait pas constitué avocat en première instance, a soulevé, avant toute conclusions au fond, l'incompétence de la juridiction judiciaire et renvoyé M. [P] à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif.

Par une ordonnance du 10 décembre 2020, la cour d'appel de Toulouse a :

- déclaré le tribunal judiciaire incompétent pour statuer sur l'action de M. [P] à l'encontre de la Sa Enedis.

- renvoyé M. [P] à mieux se pourvoir.

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

- dit que les dépens de l'incident seront supportés par M. [P].

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 novembre 2019, M. [V] [P], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de l'articles L 124-3 du code des assurances de :

- réformer la décision dont appel,

Sur la responsabilité,

À titre principal,

- 'dire et juger' que la Sci de l'Industrie est responsable du dommage qu'il a subi sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,

À titre subsidiaire,

- 'dire et juger' que la Sci de l'Industrie est responsable du dommage qu'il a subi sur le fondement de l'article 1242 du Code civil,

Dans tous les cas,

- ' dire et juger' l'action directe engagée contre la Sa Gan assurances en tant qu'assureur de la Sci de l'Industrie recevable et bien fondée.

- ordonner avant dire droit une expertise médicale et condamner la Sa Gan assurances au paiement des sommes correspondant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi et en l'absence d'expertise médicale la condamner au paiement de la somme de 350 000 euros.

À titre encore subsidiaire,

- juger que la Sa Enedis est responsable du dommage qu'il a subi sur le fondement de l'article 1242 du code civil,

- ordonner avant dire droit une expertise médicale, et condamner la Sa Enedis au paiement des sommes correspondant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi et en l'absence d'expertise médicale la condamner au paiement de la somme de 350 000 euros,

Dans tous les cas,

- condamner la partie succombante au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 février 2020, la Sa Gan assurances, intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 124-3 et L. 124-5 du code des assurances, des articles 1240, 1242 et 1353 du code civil, et de l'article 9 du code de procédure civile, de confirmer le jugement dont appel et,

Y ajoutant,

- condamner M. [V] [P] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

À titre infiniment subsidiaire,

- déclarer que sa garantie n'est pas acquise à la Sci de l'Industrie,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,

- condamner M. [P] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens,

À plus infiniment subsidiaire,

- déclarer que le plafond de garantie prévu au contrat souscrit par la Sci de l'industrie auprès d'elle s'élève à 8 000 000 euros,

- débouter M. [V] [P] de sa demande de provision.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2020, la Cpam de l'Haute-Garonne, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de :

- statuer ce que de droit sur les responsabilités, les garanties et la demande d'expertise médicale formulée par M. [P],

- réserver ses droits dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

- condamner solidairement la partie succombante à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont la distraction au profit Maître [S] [D] de la Scp Vinsonneau-Paliès Noy Gauer & associés sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

-:-:-:-:-

La société Enedis, anciennement dénommée Erdf, qui avait été intimée n'est plus dans la cause à la suite d'une décision du conseiller de la mise en état du 10 décembre 2020 ayant relevé l'incompétence du juge judiciaire concernant l'action visant cette société.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022. L'affaire a été examinée à l'audience du 28 novembre 2022.

MOTIVATION

1. Il sera constaté à titre liminaire que tant le propriétaire des locaux dans lesquels se sont produits les faits sur lesquels est fondée l'action en responsabilité engagée par M. [P] que le fournisseur d'électricité sont absents de l'instance à savoir l'un pour avoir été irrégulièrement assigné et l'autre pour avoir été attrait devant une juridiction incompétente. Reste principalement dans la cause l'assureur de la société propriétaire des locaux.

2. Il résulte des pièces de la procédure pénale que M. [P] a déposé plainte au Commissariat de Police de [Localité 6] le 18 mars 2009 en expliquant que 'le 26 juin 2008" il a été victime d'une électrocution dans un local, sis [Adresse 3] à [Localité 6], décrit comme ouvert dans lequel il indique avoir pénétré sans effraction. L'examen médico-légal réalisé le 13 août 2009 évoque notamment de 'multiples lésions cicatricielles de brûlures hyperthrophiques intéressant la région cervicale, la totalité du thorax et de l'abdomen à sa face antérieure et les faces internes des deux bras'. Ces lésions ont été décrites comme compatibles avec des brûlures d'origine électriques et ont entraîné une ITT au sens pénal du terme 'du 9 juin 2008 au 5 février 2009", l'intéressé ayant été hospitalisé au Centre de Rééducation fonctionnelle du 18 juin 2008 au 5 février 2009.

Dans son courrier au procureur de la République du 17 juillet 2011, M. [P] écrit : 'Accident qui a eu lieu le 26 juin 2008". Cette date est reprise dans les conclusions de l'appelant comme étant la date des faits. Un bulletin d'entrée à l'hôpital de [10] mentionne effectivement une entrée de l'intéressé dans cet établissement le 26 juin 2008 et sa sortie le 3 septembre 2009. Le certificat adressé par le docteur [B] de la Clinique de rééducation et réadaptation fonctionnelle au médecin traitant de M. [P] le 4 février 2009 précise : 'Il s'agit d'un patient ayant présenté le 19 juin 2008 : brûlures atteignant 54 % de la surface corporelle par flash électrique haute tension'.

Suivant procès-verbal de constat dressé le 26 juin 2008 par voie d'huissier à la requête Erdf suite à un accident survenu le jour même, il était procédé à la description du poste situé en limite d'un entrepôt désaffecté.

Ainsi, il apparaît que la date du 26 juin 2008 doit être retenue comme celle des faits en dépit des mentions contradictoires figurant sur les diverses pièces médicales produites.

3. M. [P] a indiqué, dans sa déclaration initiale lors du dépôt de plainte, qu'il venait voir un des responsables de l'entreprise implantée à cette adresse qu'il affirmait connaître pour 'y être passé plusieurs fois mais' s'adressant au policier en évoquant le nom du chef du responsable 'je ne saurais vous en donner le nom'. Il expliquait que cette personne lui avait précisé que cette entreprise aller fermer et qu'il pouvait aller sur les lieux pour éventuellement récupérer les pièces qui pouvaient l'intéresser 'à savoir des établis métalliques', ajoutant 'je transforme les piètements d'établi en table de décoration pour les revendre'.

Il précise que passant devant les bureaux et ayant vu qu'il n'y avait personne, il s'est rendu aux ateliers qui étaient fermés, a rebroussé chemin et s'être aperçu qu'il avait sur sa gauche en sortant près de la clôture et de la route un local avec la porte ouverte, rabattue contre le mur. Il indique s'être dirigé vers ce local 'pensant y trouver un responsable ou un gardien des lieux pour [le] renseigner'. Après l'accommodation de sa vision en raison du contraste entre le soleil de la matinée et la pénombre du local, M. [P] a constaté ainsi qu'il le déclare deux parties, l'une désaffectée et l'autre fermée par des grilles métalliques portant une plaque avec la mention 'défense d'ouvrir cette cellule tant que les conducteurs qu'elle contient sont sous tension'. Il a ajouté que c'est en revenant sur ses pas que l'arc électrique s'est déclenché, 'une boule de feu arrivant du plafond à droite [lui] tombant sur le thorax'. Ces faits ont entraîné le rupture d'alimentation du quartier.

Lors de sa seconde audition par les policiers, M. [P] a précisé : 'je suis fautif de ce qu'il s'est passé, je n'aurais pas dû pénétrer dans ce local. Mais il aurait dû être fermé. Ce n'est pas la première fois que j'allais dans ce secteur, ce local était toujours fermé'. Il a considéré que sauf négligence, Erdf n'avait pu laisser la porte couverte en ajoutant 'je porterai mes soupçons sur la société Frères Brun, le côté droit du local était complètement dépouillé. Des fils étaient déconnectés, les grilles ouvertes. Du côté de la partie de la société, il n'y avait plus le capot qui protège le bloc d'alimentation électrique et les grilles protégeant ce capot étaient ouvertes'. Dans son courrier adressé au procureur de la République, il a au contraire insisté sur la responsabilité d'Erdf en raison d'un local 'hors norme de sécurité'.

4. Il est constant que le local commercial situé au [Adresse 3] avait été occupé par la société Etablissements métallurgiques Brun Frères qui a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Paris le 31 octobre 2002. Cette procédure a donné lieu à une vente aux enchères réalisée le 20 mars 2008. Le gérant de la Sci de l'Industrie, adjudicataire de l'immeuble, a déclaré aux policiers qu'à la date des faits le bâtiment était entièrement vide et tous les abonnements dont celui Edf étaient clôturés, le portail étant fermé à clé depuis le 31 mars 2008 et qu'aucune activité professionnelle n'était exercée depuis cette date dans ces lieux finalement promis à la démolition en vue de l'implantation d'un centre commercial.

Le transfert de propriété du bien à la Sci de l'Industrie a donc eu lieu à l'expiration du délai pour surenchérir, soit le 31 mars 2008 et donc quatre mois avant les faits.

5. Il ressort de l'audition, réalisée le 19 septembre 2011, de l'assistant d'exploitation ayant eu à connaître des installations Erdf dans le quartier que le local litigieux était un point d'arrivée de la ligne haute tension 'en coupure d'artère puisqu'on est en milieu urbain' et qu'il était découpé en deux cellules, l'une pour le réseau, l'autre 'protection transformateur qui alimente le client'. Cet agent a précisé que la 'limite de propriété entre nous et le client se situe au niveau des boîtes d'extrémité'. Il a ajouté que ce local était équipé d'une porte d'accès donnant sur la voie publique et empruntée par les techniciens d'Erdf ainsi que d'une porte située à l'opposée 'à l'usage du client', les deux entrées étant verrouillées à clé tout en ajoutant 'dans tous les cas de figure, ne peuvent entrer dans un tel local que des personnels habilités', justifiant la signalétique affichée sur les portes. L'agent a précisé qu'à la suite de la demande de résiliation du contrat par le liquidateur, la cellule 'protection transfo' qui était sous haute tension a été mise hors tension tout en reconnaissant : 'nous sommes tenus de laisser les boucles arrivées sous tension parce qu'en aval d'autres installations sont alimentées par le même réseau haute tension. Le poste est maintenu par Erdf le temps de savoir si un autre client reprend les lieux ou de savoir ce que va devenir le site'. L'explication donnée par cet agent à l'arc électrique qui s'est produit, présentée comme la seul possible, est que M. [P] a touché directement une installation sous tension, le seul fait de passer à côté ne pouvant être à l'origine de l'accident.

M. [W] [G] a ajouté : 'Lorsque nous sommes intervenus sur le site, nous avons constaté que la grille de protection de la cellule Transfo était forcée de même que la porte côté client d'accès au local'. L'huissier saisi par Erdf le jour même de l'accident a constaté que dans une cellule dont la porte était ouverte, des câbles ont été sectionnés et que quatre câbles de cuivre ont été coupés au niveau du boîtier du disjoncteur. Il est aussi relevé sur la poignée de la porte grillagée la présence d'un flash caractérisé par de la suie noirâtre et du métal fondu tant sur la poignée que sur le montant de la porte.

6. Enfin, l'agent a nettement déclaré que ce local ne pouvait être confondu avec un poste de surveillance ou de gardien, parce que d'une part la signalétique située à l'intérieur était 'parfaitement visible, même si celle de la porte avait été cachée ou dégradée' et, d'autre part vu la petitesse du local, il n'était pas nécessaire d'y entrer pour se rendre compte qu'il s'agissait d'un local vide d'occupant.

L'enquête pénale a été classée sans suite par le ministère public.

7. M. [P] fonde son action au visa des articles 1240 et suivants du code civil, principalement sur le fondement de l'article 1240 de ce code et, subsidiairement, sur celui de l'article 1242. Il doit être rappelé que l'accident s'étant réalisé en juin 2008, les textes applicables sont ceux dans leur rédaction en vigueur à la date des faits.

7.1 Selon l'article 1382 du code civil en cette rédaction en vigueur à cette date et qui est intégralement reprise par l'article 1240 précité, 'tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

En réalité, M. [P] invoque une faute d'imprudence et de négligence de la Sci de l'Industrie à l'origine de l'électrocution dont il a été victime 'dans le local haute-tension dont elle était propriétaire au moment des faits'.

Outre le fait que le bon visa serait l'article 1383 du code civil (article 1241 actuel), il convient de relever qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la Sci de l'Industrie était bien propriétaire de ce local à la date des faits. M. [M], gérant de la société et entendu le 20 avril 2010, a déclaré aux policiers : 'le local décrit par le plaignant a une surface de 8 m² environ qui contenait en effet un ancien transformateur en pyralen et qui a été démantelé avant que nous en soyons propriétaire'. Il vient d'être constaté que cette société s'est portée adjudicataire de l'immeuble appartenant à la société liquidée seulement quatre mois avant les faits sans qu'il soit démontré que l'adjudication ait porté sur ce local. Le démantèlement n'a pu être réalisé que postérieurement aux faits et aux travaux d'aménagement rendus nécessaires par l'accident et l'alimentation du quartier.

Les explications données par M. [P], sans profession, sur les raisons de sa présence dans les lieux, six ans après la mise en liquidation de la société exploitante dont il ne peut livrer le nom du responsable qui lui aurait prétendument autorisé à venir se servir sont des plus confuses et contredites par les constatations qui viennent d'être rapportées.

En entrant sans autorisation sur le terrain d'autrui, sans but légitime, puis en pénétrant dans un local manifestement étranger à l'objet affiché de sa visite, ledit local présentant, par sa taille, par sa construction typique d'un local Erdf, bien apparente malgré la végétation abondante ainsi que cela est mis en évidence par les photographies produites, et enfin par les interdictions signalées que l'intéressé a d'ailleurs indiqué avoir vues au moins à l'intérieur, M [P] a commis une faute exclusive de toute faute de négligence qu'il impute à la Sci de l'Industrie qui n'avait pas la charge de l'exploitation comme de l'entretien du local litigieux.

Il n'est en effet nullement établi que l'enceinte de la propriété acquise par la Sci de l'Industrie ait été restée ouverte au public, aucune constatation n'ayant été faite de nature à infirmer l'affirmation de son gérant selon laquelle l'accès à son fonds a été fermé à clé le 31 mars 2008 ni que l'accès au local avait été fracturé avant l'entrée dans les lieux de M. [P]. La plainte déposée en février 2009 par cette société pour dénoncer le vandalisme dont ont fait l'objet les locaux lui appartenant est bien postérieure à ces faits.

La responsabilité civile de la Sci de l'Industrie ne peut donc être retenue sur ces fondements.

7.2 Au visa de l'article 1242, 'ancien 1384 du code civil', il est subsidiairement soutenu que la Sci de l'Industrie doit être retenue comme responsable en tant que gardienne du local haute-tension. Cette prétention est fondée sur l'affirmation que la Sci de l'Industrie serait la propriétaire de ce local alors qu'il vient d'être rappelé que cette propriété n'était pas démontrée et que si le client d'Erdf avait la possibilité d'y accéder comme indiqué par l'assistant d'exploitation Erdf dans son audition précitée, ce n'était que dûment habilité, supposant tout à la fois la qualité de client qui avait cessé depuis la résiliation du contrat par le mandataire liquidateur de la société, précédemment propriétaire, et l'existence d'une habilitation démontrant que la Sci de l'Industrie qui n'était délégataire d'aucune mission d'exploitation ou d'entretien de ce local ne pouvait avoir sur cette installation les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle au moment où celle-ci a été l'instrument du dommage subi par M. [P].

La responsabilité civile de la Sci de l'Industrie ne peut donc être retenue sur le fondement de la garde.

8. L'action directe engagée par M. [P] contre l'assureur se trouve donc dépourvue de fondement en l'absence de démonstration de la responsabilité civile de la société assurée. Ainsi, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le moyen tiré du déni de la garantie subsidiairement opposée par le Gan, il convient de débouter purement et simplement M. [P] de l'ensemble de ses demandes présentées contre ce dernier.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes tendant à ce que soit reconnue la responsabilité de la Sci de l'Industrie.

9. La demande présentée contre la société Enedis dans les uniques conclusions déposées au fond par l'appelant est devenue sans objet depuis la décision ayant déclaré la cour d'appel incompétence pour en connaître. L'appel en la cause de l'organisme social est par ailleurs devenu sans objet par l'effet du rejet des autres demandes saisissant encore la cour.

10. M. [P], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu aux dépens d'appel, la décision entreprise l'ayant condamné aux dépens de première instance étant pour sa part confirmée.

11. En raison de la situation économique de la partie perdante et conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il ne sera pas fait droit à la demande présentée par la compagnie Le Gan et à celle présentée par la Cpam de la Haute-Garonne au titre de l'indemnisation de leur frais respectifs non compris dans les dépens.

Tenu aux dépens, M. [P] ne peut prétendre au bénéfice d'une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 précité.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 23 septembre 2019 en toutes ses dispositions soumise à la cour.

Y ajoutant,

Condamne M. [V] [P] aux dépens d'appel.

Autorise conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Luc Moreau de la Scp Vinsonneau-Paliès Noy Gauer & Associés, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Déboute la Sa Gan et la Caisse d'assurance maladie de la Haute-Garonne de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [V] [P] de sa propre demande au titre des dispositions de ce même article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/04556
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;19.04556 ?
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