La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2023 | FRANCE | N°20/02412

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 25 avril 2023, 20/02412


25/04/2023



ARRÊT N°



N° RG 20/02412 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NWRB

MD/NB



Décision déférée du 16 Juin 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE -

(M. [J])

















[T] [B]

[N] [Y]





C/



[U] [L]





























































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTS



Madame [T] [B]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphanie MACE, avocat au barreau de TOULOUSE



Monsieur [N] [Y]
...

25/04/2023

ARRÊT N°

N° RG 20/02412 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NWRB

MD/NB

Décision déférée du 16 Juin 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE -

(M. [J])

[T] [B]

[N] [Y]

C/

[U] [L]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Madame [T] [B]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphanie MACE, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [N] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Stéphanie MACE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [U] [L]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Alain ANDORNO, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J-C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [U] [L] est propriétaire occupant d'une maison d'habitation avec terrain et piscine sise [Adresse 3]. Son fonds est contigu à la propriété de Mme [T] [B], sise au [Adresse 2].

M. [L] a fait assigner Mme [B] et M. [Y], compagnon de cette dernière, devant le tribunal d'instance de Toulouse par déclaration au greffe du 25 juillet 2018 aux fins de voir ordonner l'arrachage et le maintien en conformité de plantations et d'arbres qui ne respecteraient pas les distances et hauteurs réglementaires prescrites par l'article 671 du code civil ainsi qu'en paiement de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les défendeurs se sont opposés à ces demandes, soulevant une fin de non- recevoir tirée du défaut de tentative préalable de conciliation et ont formulé des demandes reconventionnelles.

-:-:-:-:-

Par jugement mixte du 16 juin 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de conciliation préalable, formée par Mme [T] [B] et M. [N] [Y],

- écarté des débats la pièce nouvelle n°16 par les défendeurs,

- déclaré recevable la demande en arrachage ou réduction des arbres formée par M. [L] faute de prescription établie,

- rejeté la demande reconventionnelle d'indemnisation liée au surcoût de consommation d'eau formée par Mme [T] [B] et M. [N] [Y].

Avant dire droit sur le surplus des demandes, le tribunal a ordonné une expertise confiée à M. [V] [W], finalement remplacé par M. [O], avec notamment pour mission de dire si les lieux présentent des désordres ou défectuosités ou non-conformités aux règles de l'urbanisme visés dans les dernières conclusions des parties 'et ou' expressément invoqués dans une liste exhaustive à lui remise au cours du premier accédit, dans l'affirmative, les décrire, en préciser le siège, indiquer la date de leur apparition, en déterminer l'origine et les causes, leur gravité et leurs conséquences, et d'établir la liste des travaux qu'il conviendrait d'exécuter pour mettre fin aux désordres ou défectuosités ou non-conformités aux règles de l'urbanisme, en chiffrer le coût et en apprécier la durée.

Les dépens et les autres demandes ont été réservés.

Pour statuer ainsi, le tribunal a jugé que M. [L] avait justifié de diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du litige et, pour écarter la pièce n° 16, les enregistrements vidéo à l'aide d'une caméra dirigée vers la piscine de M. [L] étaient illicites et disproportionnés aux intérêts antinomiques en présence.

Sur le fond, le tribunal a considéré qu'il ne disposait pas d'éléments suffisants afin de déterminer les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles de voisinage et statuer sur les préjudices croisés allégués par les deux parties, justifiant ainsi le recours à un expert à frais partagés par moitié.

Etaient en cause, d'une part la réclamation par M. [L] d'une barrière anti-rhizomes pour prévenir de la repousse de bambous, la plantation de résineux en proximité immédiate de la clôture d'une hauteur supérieure à la limite légale et dont les branchages empiètent sur le terrain de M. [L] sans établissement de la prescription et, d'autre part la rupture d'une canalisation sur le fond des consorts [B]-[Y] à proximité de la clôture dont l'imputabilité à M. [L] n'était pas établie en l'état des éléments du dossier soumis au premier juge.

-:-:-:-:-

Par déclaration du 1er septembre 2020, Mme [T] [B] et M. [N] [Y] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

- écarté des débats la pièce nouvelle n°16 produite par les défendeurs,

- déclaré recevable la demande en arrachage ou réduction des arbres formée par M. [L] faute de prescription établie,

- rejeté la demande reconventionnelle d'indemnisation liée au surcoût de consommation d'eau formée par Mme [T] [B] et M. [N] [Y].

-:-:-:-:-

Par conclusions d'incident notifiées le 11 janvier 2021, M. [U] [L] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir condamner sous astreinte Mme [T] [B] et M. [N] [Y] à retirer sous contrôle d'huissier l'ensemble des caméras vidéos disséminées dans leur haie et les arbres et qui leur permettent de porter atteinte à sa vie privée ainsi qu'à celle de son épouse.

Par ordonnance du 6 mai 2021, le magistrat chargé de la mise en état a :

- débouté M. [U] [L] de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [T] [B] et M. [N] [Y],

- condamné M. [U] [L] aux dépens de l'incident,

- dit que le dossier sera appelé à l'audience de mise en état du 7 octobre 2021 à 9 h pour fixation éventuelle.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 11 janvier 2023, Mme [T] [B] et M. [N] [Y], appelants, demandent à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel qu'ils ont interjeté,

- prendre connaissance du dossier pénal ayant donné lieu au jugement rendu le 29 mars 2022 par la chambre collégiale du tribunal correctionnel (n° de parquet 20358000031) actuellement en attente d'audiencement devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Toulouse et du dossier du juge d'application des peines,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la pièce n°16 du bordereau de pièces qu'ils ont produit,

- déclarer en conséquence recevable la production du constat d'huissier du 22 septembre 2019 portant le n°16 dudit bordereau,

- débouter M. [U] [L] de toutes ses demandes tendant à l'irrecevabilité des pièces qu'ils ont produites,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la demande en arrachage ou réduction des arbres formulée par M. [U] [L],

- déclarer irrecevable la demande en arrachage ou réduction des arbres en application des dispositions du PLU de la commune,

En toute hypothèse, la déclarer prescrite et la rejeter,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de M. [U] [L] au paiement de la somme de 1 069,60 euros au titre de la surconsommation d'eau,

- condamner en conséquence M. [U] [L] à leur payer la somme de 1 069,60 euros,

Y ajoutant,

- condamner M. [U] [L] à payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant le coût des constats d'huissier des 26 octobre 2018, 20 mai et 22 septembre 2019, 17 septembre 2020.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 29 novembre 2022, M. [U] [L], intimé, demande à la cour, au visa des articles 9, 544, 1240, 671 et suivants du code civil et 9 du code de procédure civile, de :

- accueillir les présentes conclusions, et les déclarer recevables, les dire bien fondées et y faire droit,

- écarter des débats les pièces adverses n°16, 46, 47, 48 et 49,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs fins, prétentions et moyens,

En conséquence,

- confirmer purement et simplement la décision entreprise en toutes ses dispositions,

À titre reconventionnel,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 559 du code de procédure civile,

- condamner les appelants payer à une amende civile de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile,

- condamner les appelants à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil en réparation de son préjudice moral,

En toute hypothèse,

- condamner les consorts [B]/[Y] aux entiers frais et dépens en ce compris la somme de 1 270 euros correspondant à l'ensemble des frais de constat d'huissier qu'il a déboursés pour les besoins de la présente instance,

- condamner les consorts [B]/[Y] à verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-:-:-:-:-

La clôture de l'affaire est intervenue le 17 janvier 2023 et l'affaire a été examinée à l'audience du 30 janvier 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Sur la demande de rejet des pièces n°16, 46, 47, 48 et 49 produites par les appelants, il convient de rappeler que l'illicéité d'un moyen de preuve, au regard notamment des dispositions des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En l'espèce, les appelants produisent :

- la pièce n° 16 déjà communiquée en première instance et qui est un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 22 septembre 2019 décrivant le contenu d'une clé USB comportant des fichiers vidéo,

- la pièce n° 46 communiquée en appel et qui est un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 17 septembre 2020 comportant une sommation interpellative de M. [L], des prises de photographies prises dans la propriété de M. [L] en mentionnant 'Monsieur [L] ne s'y oppose pas' et en relevant le positionnement de caméras sur un arbre planté sur la propriété de Mme [B] et l'exploitation de nouveaux fichiers vidéo,

- la pièce n° 47 communiquée en appel qui contient des tirages de photographies numériques prises dans la propriété de M. [L],

- les pièces n° 48 et 49 communiquées en appel qui contiennent des tirages de photographies numériques prises par les caméras installées par les appelants.

Il n'échappe pas à la cour que les relations de voisinage entre les parties sont particulièrement conflictuelles et ont donné lieu au dépôt de multiples plaintes.

L'action engagée devant la juridiction civile a toutefois été initiée par M. [L] et avait pour objet l'arrachage et le maintien en conformité des plantations et arbres situés sur la propriété de Mme [B] en méconnaissance des règles de distance prévues par l'article 671 du code civil. Dans le cadre de la première instance, Mme [B] et M. [Y] ont présenté à titre reconventionnel des demandes de réparation du préjudice moral subi du fait de l'arrachage de clôtures et claustras en reprochant à M. [L] de se livrer au voyeurisme, de remise en état des clôtures dégradées et d'indemnisation de la surconsommation d'eau due à la rupture de canalisation imputée à une tranchée réalisée par M. [L].

Force est de constater que M. [L] avait saisi le conseiller de la mise en état d'une demandant tendant à voir 'condamner les consorts [B]/[Y] à retirer, sous contrôle d'huissier, l'ensemble des caméras vidéo disséminées, dans leur haies, arbres, etc... qui leur permettent de porter atteinte à la vie privée de Monsieur [L] et de son épouse, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir' et que le requérant a été débouté de cette demande par ordonnance du 6 mai 2021 au motif que les éléments produits ne permettaient pas de caractériser une atteinte disproportionnée à la vie privée de M. [L] compte tenu du litige de voisinage soumis à l'appréciation de la cour opposant les parties ni un trouble actuel, persistant et manifestement illicite qu'il appartiendrait au conseiller de la mise en état de faire cesser à titre conservatoire.

Cette ordonnance dépourvue de l'autorité de la chose jugée dès lors qu'elle ne tranchait pas une exception de procédure d'appel ni ne statuait sur les questions énumérées à l'article 794 du code de procédure civile ne concernait que le principe du maintien de l'installation de des caméras et ne pouvait se prononcer directement ou indirectement sur la validité de l'exploitation des enregistrements vidéo réalisés à l'aide de ces caméras dont la pièce 16 qui en retranscrit le contenu avait déjà été considérée comme illicite par le jugement frappé d'appel que seule la cour, saisie du recours, a le pouvoir d'examiner.

En droit, les particuliers ne peuvent filmer que l'intérieur de leur propriété sauf à méconnaître les dispositions de l'article 9 du code civil protégeant la vie privée ou à s'exposer aux sanctions pénales prévues par l'article 226-1 du code pénal en fixant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

Le procès-verbal de constat figurant au dossier en pièce n° 16 ne précise pas le positionnement exact des caméras ayant capté les vidéos visionnées par l'huissier décrivant l'activité d'un homme sur ou à proximité de la clôture séparative des fonds respectifs des parties de sorte qu'à supposer que l'axe directionnel du matériel vidéo installé par les consorts [B]-[Y] soit braqué sur cette clôture, le champ de vision s'étend nécessairement sur une partie du fonds appartenant à M. [L].

Le second procès-verbal de constat établi par huissier un an plus tard donne les coordonnées topographiques exactes d'une première caméra et son orientation Nord-est 'dans le sens de la longueur de la clôture, de façon légèrement oblique', l'officier ministériel ajoutant 'Sur la gauche on voit une partie de la propriété de mes requérants et sur la droite, j'aperçois une partie de la propriété de M. [L]'.

De multiples plaintes qui ont été déposées devant les services de gendarmeries sont régulièrement produites au dossier et à l'occasion desquelles les vidéos litigieuses ont été spontanément remises aux enquêteurs au soutien de leurs plaintes.

M. [L] a été condamné par le Tribunal correctionnel de Toulouse le 29 mars 2022 pour des faits de 'harcèlements, propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie altérant la santé, vol' à une peine de 12 mois avec sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation de réparer les dommages causés par l'infraction (2 000 €) et celle de s'abstenir d'entrer en contact avec les victimes. M. [L] a relevé appel de cette décision le 5 avril 2022. De nouvelles plaintes ont été déposées et une audience est prévue devant le tribunal correctionnel de Toulouse le 4 octobre 2023.

Si l'emploi d'un procédé de vidéo surveillance dont les modalités de mise en oeuvre excédent les limites posées par la loi quant au respect de la vie privée peut être admis comme mode de preuve dans le cadre d'une procédure pénale visant des infractions commises dans la situation particulière d'un conflit de voisinage au sujet duquel les parties s'accusent mutuellement de harcèlement quotidien depuis plusieurs années, le cadre de la présente procédure civile ne vise qu'à voir juger irrégulière l'implantation de haies et voir réparer les conséquences dommageables d'une atteinte à la clôture et à une 'canalisation'. Le recours par le juge civil, comme en l'espèce à une expertise, est de nature à permettre régulièrement et pleinement l'administration de la preuve par les parties au présent litige de telle sorte que la production des pièces n°16, 46, 47, 48 et 49 n'est pas proportionnée aux enjeux du litige civil dont a été saisi le premier juge par déclaration au greffe du 25 juillet 2018 et que ces pièces doivent être écartées des débats en confirmant ainsi le jugement entrepris ayant statué sur la pièce n° 16 produite en première instance.

2. L'examen des causes de la saisine de la juridiction civile et les règles de la procédure civile ne permettent pas de faire droit à la demande des appelants invitant la cour à prendre connaissance du dossier pénal ayant donné lieu au jugement rendu le 29 mars 2022 par la chambre collégiale du tribunal correctionnel (n° de parquet 20358000031) actuellement en attente d'audiencement devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Toulouse et du dossier du juge d'application des peines.

En effet, il appartient aux appelants soit de produire les pièces de la procédure pénale dans les limites posées par le régime de celle-ci soit de solliciter, le cas échéant, une sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction pénale à charge de démontrer que les conditions d'un tel sursis sont réunies.

Or, en l'espèce, les appelants ont déjà produit les diverses plaintes déposées devant les services de gendarmerie ainsi que la décision du tribunal correctionnel et l'objet de la procédure civile engagée en première instance qui n'a pas pour finalité la réparation des dommages liés aux infractions poursuivies ne justifie pas la connaissance par la cour des autres pièces pénales qui ne pourrait d'ailleurs être prise que dans le respect du principe du contradictoire.

Cette demande sera donc rejetée.

3. Selon l'article 671 al. 1er du code civil, 'Il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations'.

3.1 L'article 672 al. 1er du même code dispose pour sa part : 'Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire'.

Pour opposer la prescription à l'action engagée par M. [L], les appelants produisent une attestation de Mme [I] qui résidait à l'époque sur un fonds voisin de ceux des parties et par laquelle elle indiquait 'les tuyas existants au niveau de la clôture de Madame [B], à la limite séparative avec Monsieur [L], faisaient partie d'une haie clôturant la propriété actuelle de Mme [B]. Ces arbres mesuraient en 1989 déjà entre 3,50 et 4 m'.

Le procès-verbal de constat établi par voie d'huissier le 3 juillet 2018 au soutien de l'action entreprise par M. [L] constate que des bambous sont implantés sur le fonds de Mme [B] en limite de propriété 'dépassant largement la hauteur réglementaire de 2 mètres', que des pins également en limite de cette même propriété dépassent cette hauteur et que des branches surplombent la propriété de M. [L], que des racines de bambous arrivents sur le fonds de ce dernier.

Outre le fait que l'attestation précitée fait état de 'thuyas' non évoqués dans ledit procès-verbal de constat et que les circonstances de rédaction de l'attestation précitée sont controversées, Mme [B] reconnaissant avoir rédigé elle-même cette attestation soumise à la signature de Mme [I], il sera rappelé que le point de départ de la prescription trentenaire pour la réduction des arbres à la hauteur déterminée par l'article 671 du code civil n'est pas la date à laquelle les arbres ont été plantés mais la date à laquelle ils ont dépassé la hauteur maximum permise.

Les deux autres attestations versées n'apportent pas d'éléments pertinents sur l'identification des arbres ou arbustes qu'elles évoquent et sur la date à laquelle les plantations litigieuses ont atteint la hauteur interdite. L'expert judiciaire précise que les arbres résineux ont été plantés par le précédent propriétaire du fonds appartenant à Mme [B] à une date inconnue et qu'ils apparaissent sur des photos IGN en 1996 et de manière certaine en 1998, la qualité de ces clichés aériens ne permettant pas de dater avec précision leur implantation, leur nature et leur taille. L'expert ajoute que les 'bambous ont été plantés par Mme [B] en 2013 d'après ses dires'.

L'action engagée n'est donc pas prescrite.

3.2 Les appelants produisent devant la cour le plan local d'urbanisme de la zone UB de la commune de [Localité 1] et opposent l'article 6.4 de ce document précisant que 'la conservation des plantations existantes ou le remplacement par des plantations en nombre ou qualité équivalente pourra être exigé. Les espaces verts doivent comporter au moins un arbre de haute tige par 100 m² de terrain aménagé en espace vert'. Considérant que le fonds de Mme [B] est d'une superficie de 2 102 m² et ne comporte que cinq arbres, ils soutiennent que l'arrachage de deux arbres serait contraire aux prescriptions du PLU.

Il est de principe que les prescriptions de l'article 671 du code civil relatives aux distances et hauteurs des plantations sont supplétives et ne s'appliquent qu'à défaut de règlements particuliers et d'usages locaux.

Toutefois, le document d'urbanisme invoqué ne comporte aucune disposition contraire à celles édictées par l'article 671 du code civil, recommande le cas échéant le remplacement des plantations qui pourraient être supprimées sans soumission préalable à une autorisation administrative et sans exigence d'implantation de nouvelles essences selon une distance des fonds voisins inférieure ou une hauteur supérieure à celles prescrites par la loi civile de sorte que les condamnations qui pourraient être prononcées quant à la hauteur ou aux distances des végétations litigieuses ne sont pas par principe impossibles à exécuter.

Ce moyen développé au soutien de l'irrecevabilité soulevée doit être écarté.

3.3 La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action engagée par M. [L] sera donc rejetée et le jugement l'ayant déclaré recevable sera confirmé.

4. Le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle d'indemnisation présentée par Mme [B] et M. [Y] et liée au surcoût de consommation d'eau à la suite d'une 'rupture de canalisation' à proximité de la clôture séparant leur fonds de celui de M. [L] au motif qu'aucun élément du débat ne permettait d'en imputer la cause à ce dernier.

Le procès-verbal de constat dressé le 26 septembre 2018 par Maître [C], huissier de justice, précise : 'Entre le grillage et la palissade en bois, se situe un tuyau qui part de l'arrosage intégré de mes requérants et qui longe ainsi le grillage. Je note que ce tuyau jouxte ainsi la tranchée de Monsieur et Madame [L]. Madame [B] allume la vanne d'eau et je constate que ce tuyau est percé et qu'il fuit abondamment à l'endroit où il y a tranchée'.

Tout d'abord, il sera relevé que le tuyau litigieux qui n'est pas une canalisation au sens propre du terme et fixe par nature, est percé et non 'sectionné' comme indiqué dans les dernières conclusions des appelants en page 22. Les photographies prises lors de ce constat ne permettent pas de vérifier le siège exact et l'étendue de l'atteinte à ce tuyau qui n'avait pas vocation à passer sur le fonds de M. [L].

Ensuite, il n'est pas produit un courrier du Sicoval alertant Mme [B], abonnée du service d'alimentation en eau de la commune, sur une consommation anormale d'eau entre le 1er septembre 2017 et le 17 octobre 2018 comme indiqué dans leurs dernières conclusions en page 23 sans aucune référence à une pièce de leur dossier mais il est seulement produit des factures d'eau faisant effectivement apparaître une consommation de 582 m3 sur cette période d'un an bien supérieure à celle de l'année précédente (182 m3) sans pour autant renseigner sur la cause de l'augmentation de cette consommation (conditions d'occupation de l'immeuble ou d'entretien de la maison, entretien de la piscine, fuite imputable à un tuyau d'arrosage percé et à usage a priori discontinu et situé exclusivement sur le fond des appelants derrière une palissade, acte malveillant).

Il n'est donc pas plus démontré en appel qu'en première instance l'existence d'un dommage imputable au fait de M. [L]. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] et M. [Y] de leur demande reconventionnelle formée à ce titre.

5. Selon l'article 559 du code de procédure civile, 'En cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle'.

À la lumière des développements qui précédent sur l'ensemble des prétentions articulées par les appelants, il n'est nullement démontré que Mme [B] et M. [Y] ont commis une quelconque faute dans l'exercice de leur droit d'exercer un recours à l'endroit de dispositions du jugement qui leur faisaient grief, l'appel qu'ils ont interjeté n'étant ni abusif ni dilatoire.

Il convient en conséquence d'écarter toute idée d'amende civile et de débouter M. [L] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il invoque.

6. Mme [B] et M. [Y], parties principalement perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront tenues aux dépens de l'instance d'appel étant spécialement rappelé que les frais d'un constat d'huissier, établi au soutien des prétentions des parties sans décision préalable d'un juge l'ordonnant, constituent des frais irrépétibles entrant dans les prévisions de l'article 700 du code de procédure civile et selon le régime édicté par celui-ci et non dans la définition des dépens dont la liste est limitativement énumérée à l'article 695 du code de procédure civile.

5. Il n'est nullement inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de M. [L] les frais qu'il a pu exposer à l'occasion de cette procédure. Il sera intégralement débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 précité.

Mme [B] et M. [Y] étant tenus aux entiers dépens, ne peuvent réclamer une indemnisation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse en sa disposition ayant écarté des débats la pièce n° 16 produite par Mme [T] [B] et M. [N] [Y].

Écarte des débats les pièces n° 46, 47, 48 et 49 produites en appel par Mme [T] [B] et M. [N] [Y].

Rejette la demande présentée par Mme [T] [B] et M. [N] [Y] tendant à la prise de connaissance par la cour du dossier pénal pendant devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Toulouse et du dossier ouvert devant le juge de l'application des peines du tribunal judiciaire de Toulouse.

Confirme en toutes ses autres dispositions du jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse et entrant dans la saisine de la cour.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à amende civile.

Déboute M. [U] [L] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif ou dilatoire.

Condamne Mme [T] [B] et M. [N] [Y] aux dépens de l'instance d'appel.

Dit que les frais de constat d'huissier n'entrent pas dans les dépens et constituent des frais irrépétibles.

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/02412
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;20.02412 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award