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04/04/2023 | FRANCE | N°21/02636

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 04 avril 2023, 21/02636


04/04/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/02636

N° Portalis DBVI-V-B7F-OHEE

MD / RC



Décision déférée du 11 Mai 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de TOULOUSE (18/04193)

MME [M]

















[J] [N]





C/



[W] [I]

[T] [S]





























































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Monsieur [J] [N]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau ...

04/04/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/02636

N° Portalis DBVI-V-B7F-OHEE

MD / RC

Décision déférée du 11 Mai 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de TOULOUSE (18/04193)

MME [M]

[J] [N]

C/

[W] [I]

[T] [S]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [J] [N]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [W] [I]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté par Me Benoît TRANIER-LAGARRIGUE, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [T] [S]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Benoît TRANIER-LAGARRIGUE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon acte authentique du 13 juin 2014, M. [W] [I] et Mme [T] [S] ont acquis de M. [J] [N] une maison avec piscine située sur la commune de [Localité 9] (31) et figurant au cadastre sous les sections A [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Cette maison a été édifiée selon un permis de construire délivré le 3 juillet 2006.

La déclaration d'achèvement des travaux est intervenue le 1er février 2007, étant précisé que l'entreprise Lacroix construction SLC, était en charge du gros 'uvre. Elle est désormais radiée du RCS et était assurée chez Axa.

Se plaignant de divers désordres, inexécutions et malfaçons dont ils n'ont pu obtenir la reprise amiable de la part de M. [J] [N] et d'Axa, les consorts [I] - [S] ont saisi le juge des référés aux fins d'expertise par assignations des 13 et 17 octobre 2016.

Selon ordonnance du 10 novembre 2016, Ie juge des référés a désigné la Sarl Kheops - Mme [G] en qualité d'expert judiciaire. Son rapport a été déposé le 16 juillet 2018.

Aucun accord n'a pu intervenir ensuite entre les parties.

Les consorts [I] - [S] ont ainsi saisi le tribunal judiciaire de Toulouse par assignations délivrées par huissier de justice le 18 décembre 2018 à M. [J] [N] et le 27 décembre 2018 à Axa.

Par jugement contradictoire du 11 mai 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- mis hors de cause la compagnie Axa France iard, en l'absence de désordres imputables à la société Lacroix constructions ;

- rejeté les demandes à l'encontre de la compagnie Axa France iard ;

- dit que M. [J] [N] a engagé sa responsabilité décennale en tant que constructeur, vis-à-vis des consorts [I] - [S], pour une partie des désordres constatés ;

- rejeté les demandes au titre de l'abri voiture, des skimmers et liner de la piscine, de la porte d'entrée et des volets roulants ;

- condamné M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 16 478,45 euros HT soit 18 849,59 euros TTC, outre l'indexation selon l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport et celle du jugement à intervenir, les intérêts au taux légal au-delà, au titre des travaux de reprise du chemin d'accès, des menuiseries, du carrelage de la cuisine et des boîtier et raccordement électrique de la piscine ;

- condamné M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 600 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- condamné M. [W] [I] et Mme [T] [S] à payer à la Sa Axa France iard la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [J] [N] à relever et garantir indemne de cette condamnation les consorts [I] - [S] ;

- condamné M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [J] [N] à payer les entiers dépens, tant de l'instance en référé que de celle au fond, dont les frais d'expertise judiciaire, et dont distraction à la Selas Clamens Conseil, avocats qui est en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré :

- concernant le chemin d'accès ' que les désordres évolutifs constatés sur le chemin rendront à terme l'ouvrage impropre à sa destination, en l'absence de système de gestion de l'écoulement des eaux, et qu'ils sont de ce fait de nature décennale, engageant la responsabilité de plein droit de M. [J] [N], en tant que constructeur ayant contribué à la réalisation du dommage.'

- concernant les menuiseries que 'Les désordres relatifs à la porte de service du cellier liés à un défaut de fixation, ainsi que ceux affectant l'étanchéité des baies coulissantes du séjour sont de nature décennale, affectant la solidité de l'ouvrage et le rendant impropre à sa destination. Ces désordres sont imputables à M. [N] qui ne démontre pas que les travaux litigieux auraient été réalisés par l'entreprise Lacroix comme il a pu le déclarer pendant les opérations d'expertise.

En revanche, le défaut relatif au verrouillage de la porte d'entrée, d'une part, ne peut être imputé de façon certaine à M. [N], puisque d'après l'expert il peut être dû à un dérèglement de la serrure ; d'autre part, le dysfonctionnement des volets roulants peut aussi bien être dû à l'usure, compte tenu de l'ancienneté de leur pose, et ne résulte pas de l'intervention du défendeur.'

- concernant le carrelage de la cuisine que le désordre était de nature décennale compte tenu 'du danger que constitue pour les habitants le désaffleurement du carrelage'

- concernant la piscine que 'La non-conformité du raccordement électrique du projecteur de la piscine constitue un danger pour les personnes et de ce fait un désordre de nature décennale, imputable à M. [N].' Les autres éléments ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage ou ne le rendent pas impropre à sa destination.

- concernant l'abri de voiture que la responsabilité décennale de M. [N] ne sera pas engagée, bien que la solidité de l'ouvrage soit 'légère et précaire', elle n'a provoqué aucun désordre bien que bâti il y a plus de 10 ans.

***

Par déclaration en date du 14 juin 2021, M. [J] [N] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que M. [J] [N] a engagé sa responsabilité décennale en tant que constructeur, vis-à-vis des consorts [I] - [S], pour une partie des désordres constatés ;

- condamné M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 16 478,45 euros HT soit 18 849,59 euros TTC, outre l'indexation selon l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport et celle du jugement à intervenir, les intérêts au taux légal au-delà, au titre des travaux de reprise du chemin d'accès, des menuiseries, du carrelage de la cuisine et des boîtier et raccordement électrique de la piscine ;

- condamné M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 600 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- condamné M. [W] [I] et Mme [T] [S] à payer à la Sa Axa France iard la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [J] [N] à payer les entiers dépens, tant de l'instance en référé que de celle au fond, dont les frais d'expertise judiciaire, et dont distraction à la Selas Clamens Conseil, avocats qui est en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 1er septembre 2021, les consorts [I] - [S] ont sollicité la radiation de l'appel de M. [N] car celui-ci à cette date n'avait pas réglé intégralement les causes de l'exécution provisoire : seul un solde bancaire saisissable de 2 761,14 euros avait pu être appréhendé le 17 août 2021 auprès de la Sa Boursorama.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a notamment pris acte du désistement de l'incident introduit par les intimés et dits que les dépens de cet incident seront joints avec ceux de l'instance au fond.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 septembre 2021, M. [J] [N], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamné,

- débouter Mme [S] et M. [I] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner Mme [S] et M. [I] à une somme de 5 000 euros au visa des dispositions contenues à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, M. [N] expose s'agissant du chemin d'accès, ne pas être l'auteur des dommages constatés qui sont imputables à un tiers qui n'est pas dans la cause. Il invoque les dispositions conventionnelles régissant l'entretien de l'assiette de la servitude de passage qui prévoient que l'entretien se fait à frais commun.

S'agissant des menuiseries, il explique qu'il n'est pas établi que la porte de service aurait été originairement mal fixée, que les infiltrations des baies vitrées sont le fait de l'intervention des actuels propriétaires qui ont placé un joint en silicone qui a été ôté au cours des opérations d'expertise de sorte que le désordre est désormais réparé. Il conteste le caractère décennal du dysfonctionnement de la serrure de la porte d'entrée qui relève d'un défaut d'entretien.

S'agissant du carrelage de la cuisine, M. [N] soutient que les dommages sont minimes et que le risque causé aux personnes n'est pas établi.

Pour la piscine, il conteste sa responsabilité.

Enfin, s'agissant de l'abri voiture, il explique qu'il est toujours debout, malgré la description qui en a été faite par l'expertise.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 octobre 2021, M. [W] [I] et Mme [T] [S], intimés et appelants incident, demandent à la cour, au visa des articles 1147 ancien, 1792,1792-2 et 1792-3 du code civil, de :

- rejeter toutes conclusions contraires.

- confirmer le jugement dont appel sauf en ce qui concerne les six postes suivants :

*Abri voiture,

*Skimmers de la piscine,

*Liner de la piscine,

*Fixation de la serrure de la porte d'entrée,

*Dysfonctionnement de deux volets roulants motorisés dans le séjour et une chambre.

*Préjudice de jouissance pendant la reprise du carrelage de la cuisine.

- le réformer vis-à-vis des six postes précités et de condamner M. [J] [N] à leur payer :

* 3 074,91 € TTC au titre des travaux de renforcement de l'abri voiture,

* 1 800 € TTC pour la dépose repose des skimmers de la piscine,

* 240 € TTC pour la remise en place du liner décollé de la piscine.

* 300 € TTC pour repositionner correctement la fixation de la serrure de la porte d'entrée.

* 396 € TTC pour la reprise des deux volets-roulants en cause.

* outre pour ces cinq postes précités l'indexation selon l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport et celle de l'arrêt à intervenir, les intérêts au taux légal au-delà.

* 1 500 € en réparation de leur préjudice de jouissance pendant les travaux de reprise du carrelage de leur cuisine.

- condamner encore M. [J] [N] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

- condamner M. [J] [N] à payer les entiers dépens d'appel.

À l'appui de leurs prétentions, M. [I] et Mme [S] soutiennent que le chemin supportant les servitudes doit être réparé sur le fondement du contrat les liant à l'appelant et que les désordres affectant le chemin sont le fait de ce dernier.

S'agissant des menuiseries, ils soutiennent que le descellement de la porte de service et le défaut d'étanchéité des baies vitrées entre dans le champ d'application de la garantie décennale. Pour les désordres affectant la serrure de la porte d'entrée et les volets roulants, ils recherchent la responsabilité de droit commun de l'appelant.

Concernant le carrelage de la cuisine, ils soutiennent que les fissures desaffleurantes sont un désordre de nature décennale ; subsidiairement le défaut de pose permet d'engager la responsabilité du constructeur pour les désordres intermédiaires.

Pour la piscine, ils exposent que la connexion du projecteur est dangereuse, que les skimmer et le liner doivent être repris sur le fondement de la garantie décennale ou des désordres intermédiaires.

Concernant l'abri de voiture, ils se fondent sur la description de l'expert pour en demander la consolidation.

Encore, ils sollicitent la majoration de leur préjudice de jouissance pour la réfection du sol de la cuisine.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 22 novembre 2022.

MOTIVATION :

- Sur les désordres affectant le chemin d'accès :

La parcelle supportant le chemin d'accès est une servitude de passage ainsi qu'une servitude de passage de réseaux. L'usage et l'étendue des servitudes sont réglés par la convention des parties. Au titre du passage, il est convenu que dans l'acte de vente : « A titre de servitude réelle et perpétuelle, le propriétaire du fonds servant constitue au profit du fonds dominant et de ses propriétaires successifs un droit de passage en tous temps et avec tous véhicules. Ce droit de passage profitera aux propriétaires successifs du fonds dominant, à leur famille, ayants droits et préposés, pour leurs besoins personnels et le cas échéant pour le besoin de leur activité. Ce droit s'exercera exclusivement sur la totalité de la parcelle cadastrée section A numéro [Cadastre 5] [...] ce passage sera entretenu par tous ses usagers par parts égales de manière qu'il soit normalement carrossable en tout temps par un véhicule particulier. Le défaut ou le manque d'entretien le rendra responsable de tout dommage intervenu sur les véhicules et les personnes et matières transportées, dans la mesure où ces véhicules sont d'un gabarit approprié pour emprunter un tel passage ». Au titre du passage des réseaux, il est stipulé que « le propriétaire du fonds dominant fera exécuter les travaux nécessaires à ses frais exclusifs par les services compétents selon les règles de l'art et remettra le fonds servant dans son état primitif dès leur achèvement. »

En l'espèce, les dégradations du chemin d'accès sont suffisamment établies par le rapport d'expertise qui constate notamment une tranchée succinctement comblée avec du gravier. L'expert a de plus retenu que « la dégradation du chemin [était] la résultante du passage des engins de chantier lourds et des interventions tranchées sur ce chemin qui n'ont pas été comblées dans le respect de la destination de l'ouvrage ». Au cours des opérations d'expertise, l'appelant a déclaré que deux réseaux et deux tranchées distincts ont été mis en 'uvre, mais que lui-même n'a réalisé qu'un seul ouvrage, l'autre ayant été l''uvre de la société Malet. À cette occasion, il se déclarait prêt à remettre en état le chemin d'accès.

En annexe 13 du rapport d'expertise, figure un courrier adressé le 18 mars 2016 par les consorts [S]-[I] par lequel ces derniers indiquent que lors de l'achat de la maison, au printemps 2014, celle-ci était isolée et entourée de prairies (parcelles [Cadastre 6],[Cadastre 7] et [Cadastre 8]), le chemin ne desservant que leur maison et le vendeur leur ayant fait comprendre que la parcelle [Cadastre 6] pourrait être construite. Il est aussi précisé que M. [N] avait finalement fait construire une maison pour lui et que les consorts [S]-[I] ont alors dénoncé le fait qu'à la suite des diverses constructions opérées sur les parcelles desservies, ce chemin «coquet» est devenu boueux et impraticable.

Il résulte de l'acte de vente entre les parties que le fonds dominant est constitué des parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7] appartenant à Mme [O] [N] et qu'au regard des stipulations relatives à l'entretien de la servitude d'accès, celle-ci doit être entretenue par tous ses usagers, le défaut ou le manque d'entretien 'le rendra responsable de tous dommages intervenus'.

M. [N], vendeur, a déclaré à cet acte avoir créé cette servitude, demeure désormais au [Adresse 3] et l'immeuble vendu est sis au [Adresse 1]. Il n'est pas contesté qu'il a eu la main sur la création d'immeubles sur les parcelles lui appartenant ou à des membres de sa famille et il s'est abstenu de révéler l'identité du bénéficiaire des derniers travaux litigieux en offrant devant l'expert d'assumer la charge de la remise en état (page 14 du rapport).

Il ressort ainsi des éléments de la cause que si M. [N] n'est pas à l'origine de l'intégralité des dommages affectant ce chemin dont une partie est imputable à un tiers, celui-ci bénéficiaire de l'usage de cette servitude, dans son intérêt personnel pour l'exploitation des parcelles dominantes, a concouru de son fait au dommage causé à ce chemin selon une proportion qui doit être fixée à 50 %. L'expert a conclu à la nécessité de refaire ce chemin tout le long de la parcelle [Cadastre 5] appartenant aux consorts [S]-[I], devant intégrer un dispositif d'évacuation des eaux pluviales. Il a très précisément retenu que la surface du chemin à reprendre était sur cette dernière parcelle limitée à 90 m² soit environ 17 % de sa surface en relevant que le devis de l'entreprise envisage une surface de réfection évaluée à 538 m² de telle sorte qu'il convient de limiter la part imputable à M. [N] à 8,5 % du montant total de reprise des désordres et de condamner M. [N] à payer aux intimés la somme de 696,05 euros à ce titre.

- Sur les désordres affectant les menuiseries :

Aux termes de l'article 1792 du code civil, « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

En l'espèce, M. [I] et Mme [S] allèguent des désordres affectant la porte de service, le défaut d'étanchéité des menuiseries extérieures, le défaut de verrouillage partiel de la porte d'entrée et le dysfonctionnement des volets roulants.

6.1 S'agissant de la porte de service, le rapport d'expertise constate un vide d'environ 1 cm entre l'huisserie et le tableau. L'allégation de l'appelant selon laquelle la porte aurait été forcée ne se trouve corroborée par aucun élément. En revanche, elle se trouve contredite par les conclusions de l'expert qui retient que ce désordre est la conséquence d'un défaut de mise en 'uvre. Cette porte n'assurant pas sa fonction essentielle, à savoir la mise hors d'air de l'habitation, ce désordre est de nature décennale.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [N] est le constructeur de cet ouvrage. En effet, après avoir allégué au cours de l'expertise que la porte avait été posée par l'entreprise Lacroix construction Slc, il n'a aucunement étayé cette affirmation.

Le montant des travaux de reprise à ce titre sera fixé à la somme de 1 195,43 euros, conformément au devis retenu par l'expert.

6.2 S'agissant du défaut d'étanchéité des menuiseries extérieures, le rapport d'expertise fait état de deux défauts : d'une part, les orifices permettant l'écoulement de l'eau ont été bouchés avec du silicone, d'autre part, sous la traverse est présent un joint en polyuréthane non uniforme et partiellement dégradé, non conforme aux règles de l'art.

La réalité des infiltrations d'eau constatées par l'expert n'est pas contestée, seule la cause l'est. L'appelant soutient que l'expert y a remédié en ôtant les joints en silicone ajoutés par les actuels propriétaires. Toutefois, la présence de joints en silicone n'est pas la seule cause identifiée. En effet, le rapport d'expertise amiable complète les constatations de l'expertise judiciaire et impute également le défaut d'étanchéité à la pose du joint en polyuréthane, non conforme aux règles de l'art.

Ce désordre, qui entraine une entrée d'eau dans l'habitation est de nature décennale en ce qu'il rend l'habitation impropre à sa destination. Il est imputable à M. [N] qui ne justifie pas que la pose des baies vitrées serait l'ouvrage d'un tiers. Sa réparation nécessite la réfection de l'étanchéité des baies vitrées, opération qui été estimée par le devis validé par l'expert à la somme de 1 496,90 euros. Toutefois, cette somme forfaitaire doit être diminuée de la part des travaux relatifs au réglage de la porte d'entrée, étrangers à ce poste de préjudice, et qui peuvent être estimés à la somme de 300 euros. Le montant des travaux de reprise de l'étanchéité peut donc être fixé à la somme de 1 196,60 euros.

6.3 Concernant le défaut de verrouillage de la porte d'entrée, il ressort du rapport de l'expert que la cause en est un défaut de réglage de la serrure. À ce titre, il ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne peut donc ouvrir droit à indemnisation sur le fondement de la garantie décennale.

M. [I] et Mme [S], dans le cadre de leur appel incident invoquent également la responsabilité de droit commun de M. [N] pour ce désordre. Toutefois, pour prospérer à son encontre, leur demande exige que soit rapportée la preuve d'un dysfonctionnement consécutif à une faute du constructeur. Or, M. [I] et Mme [S] ne rapportent pas une telle preuve, de sorte que leur demande à ce titre, mal fondée, doit être rejetée.

6.4 Enfin, s'agissant des volets roulants, si l'expert judiciaire a pu constater leur fonctionnement imparfait, l'indemnisation de ce préjudice ne peut être prononcée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, dans la mesure où les volets constituent un élément d'équipement soumis à une garantie biennale. M. [I] et Mme [S], qui ne rapportent pas la preuve de la faute de M. [N] dans la survenue de ces désordres ne peuvent voir engagée la responsabilité de ce dernier sur un autre fondement, de sorte que leur demande à ce titre sera rejetée.

- Sur les désordres affectant sol de la cuisine :

En application de 1792 du code civil, lorsque la défaillance d'un élément d'équipement rend l'ouvrage impropre à sa destination, la responsabilité décennale du constructeur est susceptible de s'appliquer, peu importe que cet élément soit dissociable ou non de l'ouvrage.

Est impropre à sa destination l'ouvrage qui présente une dangerosité telle qu'elle porte atteinte à la sécurité de ses usagers.

En l'espèce, les désordres affectant le carrelage de la cuisine ne sont pas contestés et l'expert judiciaire a constaté « un désaffleurement taillant perceptible entre les lèvres des microfissures » susceptible de causer des blessures pour les occupants. Il s'ensuit que les désordres dénoncés sont bien de nature décennale.

Ces désordres seront réparés conformément aux devis retenus par l'expert, soit par une somme de 8 096 euros, outre la somme de 1320 euros pour la dépose et la repose des meubles installés dans la cuisine.

- Sur les désordres affectant la piscine :

En application de 1792 du code civil, lorsque la défaillance d'un élément d'équipement rend l'ouvrage impropre à sa destination, la responsabilité décennale du constructeur est susceptible de s'appliquer, peu importe que cet élément soit dissociable ou non de l'ouvrage.

Est impropre à sa destination l'ouvrage qui présente une dangerosité telle qu'elle porte atteinte à la sécurité de ses usagers.

En l'espèce, les problèmes signalés sur la piscine concernent un projecteur, la fixation du liner et un skimmer.

S'agissant du projecteur, il a été établi par l'expertise que son raccordement électrique n'était pas étanche et que les fils étaient connectés entre eux dans une boîte remplie d'eau. Cette mise en 'uvre du raccordement électrique est source de risque à la sécurité des utilisateurs, rendant l'ouvrage impropre à sa destination et doit conséquemment être réparé en application du texte précité. M. [N], qui ne rapporte pas la preuve de l'intervention d'un tiers dans la mise en 'uvre de cet équipement doit être considéré comme le constructeur de cet élément.

La réparation préconisée par l'expert consiste en le remplacement du boîtier existant par un boîtier étanche adapté et le raccordement électrique. Pour l'évaluation de cette reprise, le devis retenu par l'expert prévoit sans détailler la « fourniture et pose des deux projecteurs complets ainsi que la pose et dépose des câbles électriques » pour la somme de 409 euros HT. Le remplacement des projecteurs n'entre pas les travaux de reprise de sorte que ceux-ci seront évalués à la somme de 60 euros.

S'agissant du liner, celui-ci est ponctuellement dégrafé sur une quarantaine de centimètres. Ce désordre est insuffisant à rendre l'ouvrage impropre à sa destination au sens de l'article précité.

Subsidiairement, M. [I] et Mme [S] sollicitent la mise en 'uvre de la responsabilité de droit commun de M. [N] pour la faute consistant à ne pas avoir appliqué le liner de façon uniforme.

Cependant, aucun élément de l'expertise ne permet de dire que le désagrafage du liner est la conséquence d'un défaut de pose imputable à M. [N]. M. [I] et Mme [S], qui ne rapportent pas la preuve de la faute de M. [N] dans la mise en 'uvre du liner, seront déboutés de cette demande.

S'agissant du skimmer, l'expert a constaté un 'léger décalage des deux skimmers de la piscine' qui 'sont positionnés au niveau du fil de l'eau de sorte que leur fonction est assurée', ajoutant : 'le léger décalage entre les deux skimmers n'a pas d'incidence sur le fonctionnement du système de filtration' mais que le clapet anti-retour de l'un d'eux était bloqué en raison de la déformation de la paroi latérale du skimmeur, liée à la mise en oeuvre du skimmer lors de sa pose. Ce dysfonctionnement affectant cet élément de filtration de la piscine a pour conséquence de rendre l'ouvrage impropre à sa destination, son action visant à prévenir l'encombre des canalisations. Ce défaut de pose est imputable à M. [N].

L'expert ayant précisé que le skimmer ne pouvait être réparé et devait être remplacé.

Ce désordre n'affectant qu'un skimmer, la montant de la réparation sera limité à la somme de 900 euros TTC.

- Sur l'abri de voiture :

il ressort de la description de l'abri réalisée par l'expert judiciaire qu'il s'agit d' « une structure bois de faible section en appui côté mur de façade sur des sabots métalliques fixés au mur et de l'autre côté sur des poteaux bois de faible section. » Il résulte de cette description, que cet ajout à l'habitation doit être regardé comme un élément d'équipement détachable, sa dépose pouvant être réalisée sans dégradation de la maison d'habitation.

L'expert relève la précarité des fixations des sabots contre le mur et constate que les plaques ondulées reposent sur les pannes en bois de faible section et très espacées présentant des flexions, la structure étant 'visiblement sous-dimensionnée'.

En se contentant d'indiquer 'ce point doit être corrigé', l'expert ne détermine par aucune conclusion identifiable sur la portée de ces faiblesses sur la solidité pour l'ouvrage sur lequel cet abri détachable est appuyé ni une atteinte à la solidité de l'abri, à sa destination tant au regard de son usage que de l'existence d'un danger pour les personnes.

Il n'est d'ailleurs pas soutenu que la légèreté de la construction serait à l'origine de désordres survenus depuis l'édification de cet abri. En l'absence de tels désordres, la responsabilité du constructeur ne peut être efficacement recherchée sur ce fondement comme celui subsidiaire de la responsabilité contractuelle de droit commune, de sorte que la demande de M. [I] et Mme [S] doit être rejetée.

***

En conséquence de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [I] et Mme [S] au titre de l'abri voiture et du liner de la piscine, de la porte d'entrée et des volets roulants.

Il sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 16 478,45 euros HT soit 18 849,59 euros TTC, outre l'indexation selon l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport et celle du jugement à intervenir, les intérêts au taux légal au-delà, au titre des travaux de reprise du chemin d'accès, des menuiseries, du carrelage de la cuisine et des boîtier et raccordement électrique de la piscine.

Statuant à nouveau de ce chef, et conformément à ce qui précède, la cour condamne M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] les sommes suivantes :

- 696,05 euros au titre de la remise en état du chemin d'accès,

- 1 195,43 euros au titre des travaux de reprise de la porte de service,

- 1 196,60 euros au titre des travaux de reprise des baies vitrées,

- 8 096 euros au titre des travaux de reprise du sol de la cuisine,

- 1 320 euros au titre de la dépose et de la repose des meubles de la cuisine,

- 900 euros au titre du skimmer dont le clapet anti-retour est bloqué,

- 60 euros au titre des travaux de reprise du boîtier électrique du projecteur de la piscine.

Ces sommes seront indexées selon l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise et celle du présent arrêt. Postérieurement au prononcé de la présente décision, ces sommes indexées comme il a été dit précédemment produiront intérêt au taux légal.

- Sur le préjudice de jouissance de M. [I] et Mme [S] :

Ce chef du jugement entrepris n'est pas spécialement critiqué par l'appelant. Les intimées, dans le cadre de leur appel incident sollicitent la majoration des sommes allouées en première instance en raison des travaux qui vont affecter leur cuisine et qui ont été estimés à trois semaine.

Ils ne démontrent pas davantage leur préjudice qu'ils ne l'ont fait devant le premier juge qui a pu l'estimer à la somme de 600 euros. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dépens d'appel et de première instance ainsi que de l'instance de référé comprenant le coût du rapport d'expertise seront partagés par moitié entre les parties.

Le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. [J] [N] à payer les entiers dépens, tant de l'instance en référé que de celle au fond, dont les frais d'expertise judiciaire et confirmé en ce qu'il l'a condamné à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés en cause d'appel. Elles seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a :

- condamné M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 16 478,45 euros HT soit 18 849,59 euros TTC, outre l'indexation selon l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport et celle du jugement à intervenir, les intérêts au taux légal au-delà, au titre des travaux de reprise du chemin d'accès, des menuiseries, du carrelage de la cuisine et des boîtier et raccordement électrique de la piscine, du skimmer au clapet anti-retour bloqué,

- condamné M. [J] [N] à payer les entiers dépens, tant de l'instance en référé que de celle au fond, dont les frais d'expertise judiciaire.

Le confirme pour le surplus.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] les sommes TTC suivantes :

- 696,05 euros au titre de la remise en état du chemin d'accès,

- 1 195,43 euros au titre des travaux de reprise de la porte de service,

- 1 196,60 euros au titre des travaux de reprise des baies vitrées,

- 8 096 euros au titre des travaux de reprise du sol de la cuisine,

- 900 euros au titre du skimmer dont le clapet anti-retour est bloqué,

- 60 euros au titre des travaux de reprise du boîtier électrique du projecteur de la piscine.

Dit que ces sommes seront indexées selon l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise et celle du présent arrêt ; postérieurement au prononcé de la présente décision, ces sommes indexées produiront intérêt au taux légal.

Condamne M. [J] [N] à payer à M. [W] [I] et Mme [T] [S] la somme de 1 320 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre de la dépose et de la repose des meubles de la cuisine.

Partage par moitié les dépens d'appel et de première instance ainsi que de l'instance de référé comprenant le coût du rapport d'expertise.

Déboute M. [J] [N] de sa propre demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [W] [I] et Mme [T] [S] de leur propre demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/02636
Date de la décision : 04/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-04;21.02636 ?
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