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04/04/2023 | FRANCE | N°21/00597

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 04 avril 2023, 21/00597


04/04/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/00597

N° Portalis DBVI-V-B7F-N635

AMR/JT



Décision déférée du 27 Novembre 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE ( 1119003435) Mr [X]

















S.A.R.L. SOCIETE EUROPEENNE DU MEUBLE





C/



[M] [A]

[I] [K] épouse [A]







































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



S.A.R.L. SOCIETE EUROPEENNE DU MEUBLE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Re...

04/04/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/00597

N° Portalis DBVI-V-B7F-N635

AMR/JT

Décision déférée du 27 Novembre 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE ( 1119003435) Mr [X]

S.A.R.L. SOCIETE EUROPEENNE DU MEUBLE

C/

[M] [A]

[I] [K] épouse [A]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.R.L. SOCIETE EUROPEENNE DU MEUBLE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Barthélémy MARIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [M] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Yan FRISCH, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [I] [K] épouse [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Yan FRISCH, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A.M. ROBERT, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La Sarl Société Européenne du Meuble (Sem) est une société ayant pour activité le commerce de détail de meubles. Un de ses magasins est établi à [Localité 5] sous l'enseigne Franck Marti Design et participe à la foire internationale de [Localité 5].

Le 13 avril 2019, M. [M] [A] et Mme [I] [K] épouse [A] se sont rendus à cette foire et ont conclu un contrat avec cette société pour l'achat et la pose d'une cuisine équipée au prix de 16 000 euros, la livraison étant prévue au plus tard le 5 mai 2020. A cet effet, ils ont versé un acompte par chèque d'un montant de 6000 euros.

Par courriers recommandés en date des 16 et 19 avril 2019 M. et Mme [A] ont manifesté leur volonté de se rétracter puis ont relevé que le contrat ne comportait aucune mention les informant de l'absence de droit de rétractation pour un achat effectué dans une foire ou un salon et ont réclamé le remboursement de l'acompte versé.

Par acte d'huissier du 29 juillet 2019 M. et Mme [A] ont fait assigner la Sarl Société Européenne du Meuble devant le tribunal d'instance de Toulouse aux fins de voir constater, à titre principal, la nullité du bon de commande du 13 avril 2019 et retenir, à titre subsidiaire, la responsabilité délictuelle de la société Européenne du Meuble pour manquement à son obligation d'informer le consommateur de l'absence de droit de rétractation pour les commandes passées à la foire.

Par jugement contradictoire du 27 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- prononcé la résolution de la vente conclue entre les parties le 13 avril 2019,

- condamné la Sarl Société Européenne du Meuble à rembourser à M. et Mme [A] la somme de 6 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la Sarl Société Européenne du Meuble à payer à M. et Mme [A] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté la Sarl Société Européenne du Meuble de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la Sarl Société Européenne du Meuble à payer à M. et Mme [A] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Société Européenne du Meuble aux dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi le tribunal, constatant que M. et Mme [A] n'avaient pas été informés de l'absence de droit de rétraction et avaient manifesté clairement par courrier des 16 et 19 avril 2019 leur volonté de se rétracter, a considéré que le professionnel ne pouvait leur opposer l'absence totale de droit de rétractation.

Il a relevé par ailleurs que la Sarl Société Européenne du Meuble avait proposé à M. et Mme [A] un aménagement réalisé sur la base d'un plan non coté apporté sur la foire par ces derniers et que le projet se révélait de fait irréalisable. Il a considéré qu'en l'état des imprécisions et inadaptations du projet à la consistance réelle des lieux destinés à être équipés la réalisation effective du projet ne pouvait qu'aboutir à des modifications substantielles pouvant conduire à l'application de plus-values conséquentes et qu'ainsi la chose vendue était partiellement indéterminée en violation de l'article L 111-1 du code de la consommation.

Par déclaration du 8 février 2021, la Sarl Société Européenne du Meuble a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses dispositions.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 16 novembre 2021, la Sarl Société Européenne du Meuble, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1113, 1240, 1315, 1353 et 1583 du code civil, L.221-18, L224-59 et L.242-23 du code de la consommation, 32-1 et 700 du code de procédure civile et de l'arrêté du 2 décembre 2014 relatif aux modalités d'information sur l'absence de délai de rétractation au bénéfice du consommateur dans les foires et salons, de :

- la recevoir en son appel et l'y déclarer recevable et bien fondée,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :

* a prononcé la résolution de la vente conclue entre les parties le 13 avril 2019,

* l'a condamnée à rembourser à M. et Mme [A] la somme de 6 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* l'a condamnée à payer à M. et Mme [A] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts,

* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

* l'a condamnée à payer à M. et Mme [A] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

* a ordonné l'exécution provisoire,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- 'dire et juger' qu'elle a satisfait à son obligation d'information pré-contractuelle,

- 'dire et juger' que le contrat conclu le 13 avril 2019 est parfaitement valable,

- 'dire et juger' que les époux [A] devront exécuter leurs obligations contractuelles sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner solidairement les époux [A] à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

A titre subsidiaire,

- condamner M. et Mme [A] au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 9 937 euros à son profit en réparation du préjudice subi,

En toutes hypothèses,

- condamner M. et Mme [A] solidairement à payer la somme de 1600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. et Mme [A] aux entiers dépens.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 7 juillet 2022, M. [M] [A] et Mme [I] [K] épouse [A], intimés et sur appel incident, demandent à la cour, au visa des articles L.224-59 et L.111-1 du code de la consommation, de l'article 1240 du code civil et de la recommandation n°82-03 du BOCC du 22 décembre 1982, de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf celles relatives au quantum des dommages-intérêts qui leur sont alloués en réparation de leurs entiers préjudices qui sera fixé à la somme de 2 000 euros,

- débouter la Sarl société Européenne du Meuble de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- condamner la Sarl société Européenne du Meuble à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles outre les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 29 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La validité du contrat

M. et Mme [A] soulèvent la nullité du contrat en faisant valoir que la chose vendue est partiellement indéterminée.

La Sarl Sem soutient que le bon de commande signé par M. et Mme [A] est une vente parfaite au sens de l'article 1583 du code civil en ce qu'il comprend la liste complète des meubles vendus, les conditions générales de vente, un plan descriptif de la cuisine portant la mention « bon pour implantation » et l'information selon laquelle le passage ultérieur d'un technicien est prévue pour la validation du projet. Elle fait valoir que la circonstance selon laquelle la mise en oeuvre de la cuisine se révèle impossible à réaliser n'a d'incidence que dans l'appréciation de sa responsabilité. Elle relève que le contrat ne contient aucune clause ayant pour objet de permettre au professionnel de modifier le prix de l'installation en raison de circonstances imprévues tenant aux caractéristiques de l'immeuble où elle est effectuée.

En vertu de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

En vertu de l'article L 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service considéré, et le prix du bien ou du service et le prix du bien ou du service.

L'article L 111-5 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application des dispositions des articles L 111-1, L111-2 et L111-4, il appartient au professionnel de prouver qu'il a exécuté ses obligations.

Le bon de commande signé le 13 avril 2019 comporte un descriptif détaillé des éléments électroménagers ainsi que des meubles, plan de travail et éléments de rangement, le coût de leur pose (hors électroménager), le coût de l'intervention d'un technicien à domicile pour l'élaboration d'un dossier technique (plan, perspective), ainsi que le prix global de 16 000 euros dont 6000 euros payables à la commande.

A été annexé au bon de commande un plan de cuisine incluant les 11 meubles commandés ainsi que l'électroménager sans aucune cote ni échelle et sur lequel figure la mention «13/04/2019 bon pour implantation» suivie d'une signature. M. et Mme [A] ne contestent pas avoir signé ce document.

Ces informations sont toutefois insuffisantes pour considérer que la Sarl Sem a respecté son obligation d'information et que M. et Mme [A] se sont engagés en toute connaissance de cause dès lors qu'en l'absence de toute cote ou métré précis l'armoire rideau, le frigidaire et le meuble au-dessus, la porte passage ainsi que l'armoire four et micro-onde se révèlent surdimensionnés et la porte à galandage donnant accès au cellier rend impossible l'implantation du frigidaire, ce qui modifie totalement l'économie du projet qui s'avère irréalisable, comme l'indique M. [F] [C], maître d'oeuvre de M. et Mme [A], éléments non contestés par la Sarl Sem.

La clause 9 du bon de commande mentionne certes, mais de manière succincte, une intervention d'un technicien à domicile pour l'élaboration d'un dossier technique mais l'article II « Prix » des conditions générales stipule notamment : «Le client déclare avoir informé la société des éléments spécifiques de la pièce devant recevoir l'installation (cotes, arrivées des fluides, ouvertures, etc...) et que le projet et le bon de commande ont été réalisés sur sa demande et ses indications. En conséquence, le contrat est réputé parfait dès la signature du bon de commande ( '). ».

A défaut d'avoir proposé à M. et Mme [A] un aménagement constitué sur la base d'un métré précis des lieux ou de s'être assuré, en tant que professionnel, que les éléments d'information donnés par ces derniers étaient adaptés à l'agencement proposé en sollicitant tout document utile en ce sens et sans qu'elle ne puisse transférer cette obligation qui lui incombe en qualité de professionnel sur ses clients, la Sarl Sem a manqué à son obligation d'information.

Il doit être considéré que M. et Mme [A] n'ont pas consenti à cette opération en toute connaissance de cause et que l'objet du contrat de vente, constitué du bon de commande signé le 13 avril 2019 et du plan annexé, n'est pas déterminé.

Il en résulte, s'agissant d'une irrégularité concomitante à la formation du contrat et non d'une inexécution d'obligations contractuelles, que le contrat doit être annulé et non résolu, le jugement étant infirmé sur ce point.

Le contrat étant anéanti de façon rétroactive, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la Sarl Sem à rembourser à M. et Mme [A] la somme de 6000 euros versée à titre d'acompte outre intérêts au taux légal à compter du jugement et en ce qu'il a débouté la Sarl Sem de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier.

Les autres demandes

M. et Mme [A] demandent des dommages et intérêts au regard des diverses pertes de temps et tracasseries administratives à la suite du refus injustifié du vendeur d'annuler leur commande.

La nullité du contrat étant précisément l'objet du présent litige, l'erreur de la Sarl Sem sur la portée de ses droits et le seul mal fondé de son argumentation ne sont pas susceptibles de caractériser un abus de droit de sorte que M. et Mme [A] seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts à ce titre, le jugement étant infirmé.

Succombant, la Sarl Sem supportera les dépens de première instance ainsi que retenu par le premier juge, et les dépens d'appel.

Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance, telle qu'appréciée justement par le premier juge, qu'au titre de la procédure d'appel, dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt et ne peut elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement rendu le 27 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse sauf sa disposition ayant prononcé la résolution du contrat et celle ayant condamné la Sarl Sem à payer à M. et Mme [A] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

- Prononce la nullité de la vente intervenue la 13 avril 2019 ;

- Déboute M. [M] [A] et Mme [I] [K] épouse [A] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Condamne la Sarl Société Européenne du Meuble aux dépens d'appel ;

- Condamne la Sarl Société Européenne du Meuble à payer à M. [M] [A] et Mme [I] [K] épouse [A] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

- Déboute la Sarl Société Européenne du Meuble de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00597
Date de la décision : 04/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-04;21.00597 ?
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