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28/03/2023 | FRANCE | N°21/03628

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 28 mars 2023, 21/03628


28/03/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/03628 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OKR5

J-C.G/NB



Décision déférée du 23 Juillet 2021 - Juge de la mise en état de TOULOUSE ( 20/04326)

(Mme. GIGAULT)

















[N] [D]





C/



S.A.S. IFB FRANCE





























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Monsieur [N] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE







...

28/03/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/03628 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OKR5

J-C.G/NB

Décision déférée du 23 Juillet 2021 - Juge de la mise en état de TOULOUSE ( 20/04326)

(Mme. GIGAULT)

[N] [D]

C/

S.A.S. IFB FRANCE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [N] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. IFB FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant J-C. GARRIGUES , conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J-C. GARRIGUES, conseiller

A-M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par J.C. GARRIGUES, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS

La société Finaxis, promoteur immobilier, s'est chargée de la construction d'un ensemble immobilier situé à [Localité 6] (59), constituant la [Adresse 5].

La Sas Ifb France a été chargée de la commercialisation des biens de cet ensemble immobilier.

Suivant contrat en date du 15 septembre 2006, M. [N] [D] a réservé un appartement de type T1bis situé au sein de la [Adresse 5], moyennant le prix de 119 000 euros.

Par acte authentique en date du 23 février 2007, M. [N] [D] a procédé à l'achat définitif dudit bien en l'état futur d'achèvement.

Le bien a été livré courant 2010.

Courant 2020, la mise en vente du bien a été confiée à une agence immobilière au prix de 77.000 euros.

Par acte d'huissier en date du 21 octobre 2020, M. [N] [D] a fait assigner la Sas Ifb France devant le tribunal judiciaire de Toulouse, afin notamment de voir prononcer la nullité de la vente et à défaut de voir condamner la Sas Ifb France à lui payer des dommages et intérêts en raison de manquements contractuels qu'elle aurait commis.

Par conclusions d'incident signifiées le 14 juin 2021, la Sas Ifb France a saisi le juge de la mise en état afin d'entendre :

- déclarer les actions en nullité et en responsabilité introduites par M. [D] irrecevables, comme étant mal dirigée pour l'une et prescrite pour l'autre ;

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre, en ce compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [D] à lui payer une indemnité de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 23 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- déclaré irrecevable l'action en nullité de la vente introduite par M. [N] [D] à l'encontre de la Sas Ifb France pour défaut de qualité à défendre de cette dernière ;

- dit que le dol allégué par M. [N] [D] n'est pas établi ;

- déclaré irrecevable car prescrite l'action en dommages et intérêts de M. [N] [D] à l'encontre de la Sas Ifb France et fondée tant sur un manquement contractuel que sur l'existence d'un dol ;

- rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles ;

- condamné M. [N] [D] aux entiers dépens de l'instance ;

- admis la Selarl Thevenot & Associés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a, sur la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de qualité, constaté que le vendeur du bien litigieux et seul contractant de M. [D], était la Sccv Sébastopol, la Sas Ifb France n'étant intervenue qu'au stade de la commercialisation. Il en a conclu que la Sas Ifb France n'avait aucune qualité pour défendre à une action en nullité de la vente.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le juge de la mise en état a considéré que c'était au plus tard à la date de l'acte définitif que M. [D] aurait dû se rendre compte des manquements allégués, que l'action fondée sur d'éventuels manquements à l'obligation d'information et au devoir de conseil se prescrivait le 19 juin 2013 compte tenu de la signature de l'acte authentique et de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, et que, l'assignation datant d'octobre 2020, l'action de M. [D] était prescrite.

Sur l'action fondée sur le dol, le juge de la mise en état a estimé qu'il était pertinent de déterminer en premier lieu si les manoeuvres dolosives alléguées étaient caractérisées pour vérifier dans un second temps à quel moment le demandeur avait été mis en mesure de s'en apercevoir.

Il a ensuite souligné que M. [D] se contentait de comparer un prix de revente et un prix d'achat pour soutenir qu'il aurait été trompé, alors même que le prix de vente stipulé comprenait d'autres frais tels que les frais notariés ou la TVA, les frais de procuration et les frais d'inscription d'hypothèque, et, surtout, qu'il n'avait été produit aucune évaluation sérieuse du bien litigieux et qu'il n'était pas non plus fait état de programmes immobiliers équivalents dont les prix auraient été sensiblement inférieurs à ceux pratiqués par la Sccv Sébastopol au moment de la vente.

M. [D] ne rapportant pas la preuve de l'existence de manoeuvres dolosives de la part du commercialisateur, le juge de la mise en état a estimé qu'il ne justifiait pas d'un motif légitime devant conduire à retarder le point du départ du délai de prescription. Il a en conséquence fixé ce point de départ à la date du contrat de vente et accueilli la fin de non-recevoir soulevée par la Sas Ifb France.

-:-:-:-:-

Par déclaration du 10 août 2021, M. [N] [D] a relevé appel de cette ordonnance en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable l'action en nullité de la vente introduite par M. [N] [D] à l'encontre de la Sas Ifb France pour défaut de qualité à défendre de cette dernière,

- dit que le dol allégué par M. [N] [D] n'est pas établi,

- déclaré irrecevable car prescrite l'action en dommages et intérêts de M. [N] [D] à l'encontre de la Sas Ifb France et fondée tant sur un manquement contractuel que sur l'existence d'un dol,

- rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles,

- condamné M. [N] [D] aux entiers dépens de l'instance.

-:-:-:-:-

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 2 février 2022, M. [N] [D], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1992, 2224 et 1304 (ancien) du code civil, ainsi que des articles 143 et suivants, 256, 463 et 789 du code de procédure civile, de :

- le déclarer recevable et bien fondé, et en conséquence,

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action en nullité de la vente qu'il a introduite à l'encontre de la Sas Ifb France pour défaut de qualité à défendre de cette dernière,

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état entreprise en ce qu'elle a :

* dit que le dol qu'il a allégué n'est pas établi,

* déclaré irrecevable car prescrite son action en dommages et intérêts à l'encontre de la Sas Ifb France et fondée tant sur un manquement contractuel que sur l'existence d'un dol,

* rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles,

* condamné M. [D] aux entiers dépens de l'instance,

* admis la Selarl Thevenot & Associés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

- déclarer recevable et non prescrite l'action qu'il a introduite à l'encontre de la Sas Ifb France sur le fondement de la nullité de la promesse de vente,

- déclarer recevable et non prescrite l'action en réparation qu'il a introduite à l'encontre de la Sas Ifb France sur le fondement d'un manquement au devoir de conseil,

- déclarer recevable et non prescrite l'action en réparation qu'il a introduite à l'encontre de la Sas Ifb France sur le fondement de l'existence d'un dol,

Et dans l'hypothèse où la Cour estimerait nécessaire de trancher au fond la question de l'existence du dol,

- constater que le juge de la mise en état a tranché le fond sans avoir préalablement recueilli l'avis des parties,

- constater que le juge de la mise en état a donc tranché le fond tout en privant les parties du droit de pouvoir formuler leurs observations sur le fond de façon contradictoire et du droit de bénéficier d'un procès équitable,

- ordonner le renvoi de l'affaire devant la formation de jugement compétente en première instance,

A titre de subsidiaire,

- ordonner une mesure de consultation judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de déterminer si le prix de vente de l'appartement litigieux a été surévalué par le vendeur ou son mandataire,

Y additant :

- condamner la société Ifb France à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Ifb France aux entiers dépens de l'incident de première instance et de l'appel,

- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Sophie Crepin recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

M. [D] précise que la société venderesse ayant été radiée du RCS de Paris le 23 septembre 2011 et n'existant plus à la date de l'introduction de l'instance, il n'entend pas poursuivre son action en nullité de la vente à l'égard du seul mandataire. Il sollicite en conséquence la confirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, il soutient que l'acquéreur d'un appartement n'a pas, avant de conclure la vente, à réaliser une étude globale du marché immobilier afin de déterminer le prix moyen du secteur géographique concerné et de s'assurer que le prix de vente n'est pas déconnecté de la réalité, et par ailleurs que la charge de prouver la communication effective des informations déterminantes et de l'exécution parfaite du devoir de conseil pèse en tout état de cause sur le vendeur professionnel ou son mandataire.

Il demande à la cour de déclarer non prescrite l'action fondée sur la nullité de la promesse de vente, point sur lequel le juge de la mise en état a omis de statuer. Il précise qu'il a cru signer un contrat préliminaire de réservation et que la qualification erronée affectant cet acte n'a été révélée à sa connaissance que lorsqu'il a pris conseil auprès d'un avocat, s'estimant victime de manoeuvres dolosives de la part de la Sa Ifb France.

Sur le manquement au devoir de conseil, il estime que le juge de la mise en état a inversé la charge de la preuve en établissant une présomption de connaissance de l'existence d'un risque affectant l'opération en cause à la charge de l'acquéreur profane. Il explique qu'il n'a découvert le manquement au devoir de conseil commis par l'intimée qu'à compter du 2 mars 2020, le bon sens commandant en effet qu'il ne puisse lui être reproché de ne pas avoir manifesté son intention de revendre le bien dès le moment de son acquisition et de ne s'être rendu compte de la privation d'une chance de revendre à de meilleures conditions qu'à l'issue de la période couverte par le dispositif 'Robien'.

Sur le dol, il rappelle que la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le cocontractant a découvert l'erreur qu'il allègue. Il fait observer que le juge de la mise en état n'a pas déterminé ce point, estimant qu'il était plus pertinent de trancher ce point au fond. Il estime que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action fondée sur le dol ne nécessitait pas de trancher au préalable la question de l'existence du dol, et que le juge de la mise en état a donc excédé sa compétence.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 10 novembre 2021, la Sas Ifb France, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 23 juillet 2021 (RG N°20/04326), ce faisant :

- déclarer les demandes de M. [D] relatives à l'action en nullité de l'acte authentique de vente ainsi qu'à l'action en responsabilité pour défaut de conseil et d'information irrecevables, comme prescrites, l'en débouter intégralement,

- déclarer que le dol allégué par M. [D] n'est pas établi,

- débouter M. [D] de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Thevenot et Associés,

Y ajoutant,

- déclarer la demande de M. [D] fondée sur le défaut d'enregistrement de la promesse unilatérale de vente irrecevable comme prescrite,

- condamner M. [D] à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Thevenot et Associés sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que la prescription de l'action fondée sur le défaut d'enregistrement de la promesse unilatérale de vente était acquise le 19 juin 2013.

S'agissant de la prescription de l'action fondée sur le dol, elle rappelle que le point de départ du délai de prescription correspond à la date à laquelle l'investisseur était en mesure de prendre conscience des mensonges.

Elle soutient, s'agissant de la valeur du bien, que c'est au plus tard à compter de la date à laquelle le demandeur est devenu propriétaire qu'il a été en mesure d'apprécier les conditions de l'opération. Elle considère que la prescription était acquise, soit le 23 février 2012, soit au plus tard le 12 février 2015, bien antérieurement à la saisine du tribunal le 21 octobre 2020.

Concernant la rentabilité de l'opération économique, elle estime que c'est au plus tard à compter de la première carence locative que se situe le point de départ du délai de prescription, mais que M. [D] ne se plaint d'aucune carence locative.

Concernant les défauts d'information et de conseil, elle soutient que le point de départ de la prescription se situe au jour de la souscription de l'acte authentique.

Si la cour, à l'instar de ce qu'a fait le juge de la mise en état, estimait qu'il est nécessaire que soit tranchée une question de fond, elle soutient que l'ordonnance entreprise ne pourra qu'être confirmée, le dol allégué n'étant pas établi.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité de l'action en nullité de la vente introduite par M. [D] à l'encontre de la Sas Ifb France pour défaut de qualité à défendre de cette dernière

L'appel porte sur toutes les dispositions de la décision, y compris celle ayant déclaré irrecevable l'action en nullité de la vente introduite par M. [D] à l'encontre de la Sas Ifb France pour défaut de qualité à défendre de cette dernière.

Cependant au regard des dispositifs respectifs des dernières écritures, lesquels seuls lient la cour en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, aucune des parties ne critique cette disposition qui sera confirmée par la cour sans examen au fond, étant précisé, même si le juge de la mise en état ne l'a pas indiqué, que cette irrecevabilité concerne la demande de nullité de la vente pour dol, mais aussi la demande de nullité de la vente pour défaut d'enregistrement de la promesse unilatérale de vente du 15 septembre 2006.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Selon l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de l'acte de vente, 'les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation'.

L'article 2224 du code civil en vigueur à compter de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dispose désormais que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

La loi du 17 juin 2008 précitée n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur (Civ. 3ème 16 sept 2021, n° 20-17.625).

Aux termes de l'acte introductif d'instance et de ses conclusions, M. [D] estime avoir commis une erreur sur la valeur vénale de l'appartement lors de l'achat et sur sa valeur de revente.

Il soutient que cette erreur serait due aux mensonges et silences de la Sas Ifb France et que cette dernière, tenue de l'informer et de le conseiller dans le cadre de l'acquisition du bien immobilier litigieux, a manqué à ses obligations.

Il fonde son action tant sur le dol que sur l'obligation d'information et le devoir de conseil aux fins d'engagement de la responsabilité civile de la Sas Ifb France et d'indemnisation des préjudices qui en auraient découlé.

La recevabilité de ses demandes doit être analysée sous ces deux fondements, séparément, les points de départ des délais de prescription devant s'apprécier au regard des conditions de mise en oeuvre spécifiques à chaque fondement de l'action.

Sur l'action fondée sur le dol

Il résulte des articles 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1304 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, que la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue.

Dans la projection financière établie par la Sas Ifb France, il est prévu une opération de défiscalisation d'une durée de dix ans avec un paragraphe spécifique relatif à la revente du bien au bout de dix ans :

' J'envisage une sortie en capital à 10 ans, que se passe-t-il à la revente '

Personne ne peut prédire l'avenir, cependant il est certain que la revente s'effectuera dans d'excellentes conditions. En effet, vous avez mis tous les atouts de votre côté :

- le prix d'achat est inférieur ou égal au prix du marché.

- L'emplacement est choisi selon des critères de rentabilité économique en fonction du besoin locatif et non sur des considérations affectives.

- Les matériaux de construction garantissent la bonne tenue du produit dans le temps.

- Le délai de revente est pris en compte sur un an maximum.

(...)

Puis-je espérer une plus-value lors de la revente '

Les implantations des résidences dans des régions à fort potentiel économique, l'exigence d'une architecture soignée et la pénurie de logements permettent une plus-value significative lors de la revente. Celle-ci dépasse souvent largement la simple réévaluation du bien'.

Il s'en suit que si le dommage lié à l'absence d'information sur la valeur réelle de l'immeuble est né au jour de la vente, celui-ci était susceptible de n'être révélé à l'acquéreur qu'après l'expiration du délai de dix ans de location continue du bien nécessaire pour le bénéfice des avantages fiscaux ayant couru à compter de la date de première location ayant suivi la livraison du bien qui est intervenue le 12 février 2010, soit au mois de février 2020. C'est à cette date que M. [D] a fait réaliser des estimations de son bien et a ensuite régularisé un mandat de vente avec l'agence Citya Flandres Immobilier le 2 mars 2020 au prix de 77.000 €.

Il en résulte, à défaut de tous autres éléments de preuve sur une connaissance antérieure du dommage, que c'est au plus tôt le 12 février 2020 que le dommage allégué par M. [D] s'est révélé dans sa globalité, de sorte qu'au 21 octobre 2020, date de l'assignation introductive d'instance, son action n'était pas prescrite.

Sur l'action fondée sur l'obligation d'information et le devoir de conseil

Conformément aux dispositions de l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de l'acte de vente, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation, à savoir la date de la connaissance effective par la victime, à moins que l'on établisse qu'elle pouvait avoir cette connaissance avant.

En l'espèce, à défaut de tous éléments de preuve établissant que M. [D] pouvait avoir une connaissance plus précoce du dommage allégué, et notamment en l'absence de toute période de vacance locative significative, couverte ou non par une assurance, et alors que l'acquéreur d'un appartement n'a pas l'obligation, avant de conclure la vente, de réaliser une étude globale du marché immobilier afin de déterminer le prix moyen du secteur géographique concerné et de s'assurer que le prix de vente n'est pas déconnecté de la réalité, le point de départ de la prescription doit également être fixé au 12 février 2020, date à laquelle l'action de M. [D] n'était pas prescrite.

- - - - - - - - - -

Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que le dol allégué par M. [D] n'était pas établi et en ce qu'elle a déclaré irrecevable car prescrite l'action en dommages et intérêts de M. [D] à l'encontre de la Sas Ifb France et fondée tant sur un manquement contractuel que sur l'existence d'un dol.

L'action en réparation introduite par M. [D] sur ces deux fondements sera déclarée recevable.

Il appartiendra donc au tribunal de statuer sur le fond des prétentions ainsi jugées recevables.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La Sas Ifb France, partie principalement perdante, doit supporter les dépens de l'incident et de la présente procédure d'appel, avec application au profit de Maître Sophie Crepin, avocat qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

Elle ne peut elle-même prétendre à une indemnité sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 23 juillet 2021, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en nullité de la vente introduite par M. [D] à l'encontre de la Sas Ifb France pour défaut de qualité à défendre de cette dernière.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevable l'action en réparation introduite par M. [D] à l'encontre de la Sas Ifb France sur le fondement du dol.

Déclare recevable l'action en réparation introduite par M. [D] à l'encontre de la Sas Ifb France sur le fondement d'un manquement au devoir de conseil.

Ordonne le renvoi de l'affaire devant la juridiction de première instance.

Condamne la Sas Ifb France aux dépens de l'incident et de la présente procédure d'appel.

Condamne la Sas Ifb France à payer à M. [D] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Accorde à Maître Sophie Crepin, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/03628
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;21.03628 ?
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