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24/03/2023 | FRANCE | N°20/02370

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 24 mars 2023, 20/02370


24/03/2023





ARRÊT N°132/2023



N° RG 20/02370 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NWKS

M.S/LSLA



Décision déférée du 28 Juillet 2020



Pole social du TJ de MONTAUBAN



18/00327



V.BAFFET-LOZANO























[B] [J] [K]





C/



Société [6]

Organisme CAISS PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE TARN ET GARONNE


















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CONFIRMATION







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



Madame [B] [J] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]...

24/03/2023

ARRÊT N°132/2023

N° RG 20/02370 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NWKS

M.S/LSLA

Décision déférée du 28 Juillet 2020

Pole social du TJ de MONTAUBAN

18/00327

V.BAFFET-LOZANO

[B] [J] [K]

C/

Société [6]

Organisme CAISS PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE TARN ET GARONNE

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [B] [J] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Lou LEVI de la SELARL LEVI-EGEA-LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE substituée par Me Aziz HEDABOU, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.018970 du 05/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEES C

SAS [6]

[Adresse 7]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Mathias JOURDAN de la SELAS DELOITTE SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

CPAM DE TARN ET GARONNE

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Mme [F] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2023, en audience publique, devant Mmes M.SEVILLA et MP.BAGNERIS conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

N.ASSELAIN,conseillère faisant fonction de présidente

MP. BAGNERIS, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par M. SEVILLA, président, et par K. BELGACEM, greffier de chambre.

Mme [B] [K], employée en qualité de technicienne gestion du personnel par la société [6] a déclaré le 10 novembre 2010, avoir été victime le 1er octobre 2010, d'un accident du travail, suite à une altercation avec un collègue de travail.

Mme [K] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 janvier 2014.

Par jugement en date du 28 mai 2013, confirmé par arrêt de cour d'appel de Toulouse, en date du 4 septembre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Tarn et Garonne a reconnu le caractère professionnel de cet accident.

La caisse a déclaré Mme [K] consolidée à la date du 30 septembre 2013, en retenant un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %.

Après échec de la procédure de conciliation, Mme [K] a saisi le 18 mars 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans cet accident.

Par jugement du 9 novembre 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montauban a reconnu la faute inexcusable de son employeur et ordonné une expertise judiciaire.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 8 février 2019.

Le Docteur [U] a déposé son rapport le 13 octobre 2019.

Par jugement du 28 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Montauban a fixé les indemnités dues à Mme [K] aux sommes suivantes:

-8780 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

-15.000 euros au titre de l'incidence professionnelle(perte de chance de promotion)

-12.000 euros au titre des souffrances endurées

-1.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

-5000 euros au titre du préjudice sexuel

-3.800 euros au titre de l'assistance tierce personne

Mme [K] a été déboutée de sa demande de préjudice d'agrément.

Mme [K] a formé appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, elle demande de fixer ses préjudices comme suit:

-11.424,6 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

-200.000 euros au titre de la perte de chance promotionnelle

-20.000 euros au titre des souffrances endurées

-20.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

-4.000 euros au titre du préjudice esthétique

-20.000 euros au titre du préjudice sexuel

-6.468 euros au titre de l'assistance tierce personne

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, la CPAM du Tarn et Garonne s'en remet sur l'indemnisation des préjudices,

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé, la société [6] demande de fixer les préjudices de Mme [K] à:

-500 euros au titre du préjudice esthétique

-2090 euros au titre de l'assistance tierce personne

-8000 euros au titre des souffrances endurées

-8780 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

L'audience a eu lieu le 26 janvier 2023. La décision a été mise en délibéré au 24 mars 2023.

Motifs de la décision:

Sur l'indemnisation des préjudices:

En cas de faute inexcusable , la victime a droit à une indemnisation complémentaire prévue à l'article L 452-1 du même code , laquelle prend la forme d'une majoration de la rente forfaitaire ainsi qu'à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle , conformément à l'article L452-3.

Le docteur [U] a retenu dans son rapport, comme lésions imputables à l'accident du travail des manifestations sévères anxio-dépressives. Il a précisé qu'aucun antécédent médical n'est susceptible d'interférer avec les lésions imputables à l'accident du travail du 1er octobre 2020.

L'expert a précisé que Mme [K] bénéficie d'un traitement associant anti-psychotiques, anxiolytiques , hypnotiques et anti-depresseurs, d'un suivi psychiatrique et psychologique régulier et a été hospitalisée à cinq reprises pour état dépressif sévère.

déficit fonctionnel temporaire:

Ce poste de préjudice traduit l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à la date de la consolidation dans sa sphère personnelle.

Ce poste permet ainsi d'indemniser les périodes d'hospitalisation et surtout « la perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante ». Ces pertes prennent de multiples formes : incapacité fonctionnelle en tant que telle qui peut se traduire par des durées d'alitement plus ou moins longues sans possibilité de se déplacer, séparation de la victime de son environnement familial et amical non seulement à l'hôpital mais aussi dans le centre de rééducation, privation temporaire des activités quotidiennes, culturelle, sportives, ludiques et/ou spécifiques en tous genres, préjudice sexuel.

Il s'agit d'indemniser les gênes de tous ordres subies par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à la consolidation.

Ce déficit fonctionnel temporaire est classé par les médecins-experts en «'classes'» pour tenir compte de l'évolution de l'incapacité tout au long de la maladie traumatique.

En l'espèce Mme [K] conteste l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire évalué à 25 euros par jour par le tribunal judiciaire de Montauban.

Toutefois, au regard du handicap ayant affecté la victime au cours de la période considérée par l'expert et de la nature des troubles afférents, la cour estime que le premier juge, a fait une exacte appréciation de la cause et des droits des parties, et qu' il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé à 25 euros par jour l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire et alloué à la victime la somme totale de 8.780 euros.

Préjudice d'agrément:

Le préjudice d'agrément vise à réparer le préjudice « lié à l'impossibilité pour

la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ».

Ce préjudice concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident. Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités (licences sportives, adhésions d'associations, attestations...) et de l'évoquer auprès du médecin expert.

Le tribunal a débouté Mme [K] de sa demande en l'absence de justificatif.

Le docteur [U] retient une gêne dans la pratique des activités de loisirs.

Mme [K] justifie en produisant une attestation circonstanciée, de sa pratique antérieure de loisirs créatifs, tels que peinture sur verre, poterie, décorations de Noël et bricolage et de l'arrêt de ses activités au regard de sa détresse psychologique.

La décision du tribunal judiciaire sera par conséquent infirmée sur ce point et la somme de 5.000 euros sera allouée à Mme [K] à ce titre.

Perte de chance promotionnelle:

Il résulte des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que la victime d'une faute inexcusable de l'employeur a le droit de demander réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle .

Ce préjudice est distinct de celui résultant de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice professionnel indemnisés par la rente.

L'indemnité au titre de la perte de chance de promotion professionnelle suppose la démonstration que l'accident a privé la victime de perspectives réelles et concrètes d'obtenir un poste mieux qualifié ou rémunéré.

Il appartient au salarié d'établir qu'il aurait eu , au jour de l'accident , de sérieuses chances de promotion professionnelle .

L'expert a retenu que l'état de santé de Mme [K] était incompatible avec la poursuite d'une activité professionnelle nécessitant une charge mentale importante en relation avec un poste de travail en ressources humaines.

Mme [K] justifie avoir été embauchée le 1er juillet 2009 en qualité de technicienne gestion personnelle coefficient 305. Elle démontre avoir bénéficié d'une promotion trois mois plus tard pour devenir responsable des ressources humaines avec une rémunération brute mensuelle de 2.600 euros.

Elle se prévaut en outre de l'application de la convention collective qui prévoit en son article 22, une progression de coefficient de rémunération tous les trois ans.

Elle affirme qu'en fin de carrière elle aurait pu prétendre à une rémunération de 6.685,58 euros et chiffre son préjudice financier à 358.573,15 euros.

Toutefois, pour solliciter une indemnisation de 64% de cette somme, la salariée produit des tableaux non explicités qui ne sauraient suffire à entériner le calcul proposé.

Si la réalité et la certitude de la perte de chance de promotion professionnelle sont parfaitement établis, le chiffrage précis proposé n'est pas suffisamment étayé et ne saurait être considéré comme satisfactoire.

Dès lors l'évaluation retenue par le tribunal judiciaire de Montauban à hauteur de 15.000 euros sera confirmée et jugée suffisante pour indemniser les pertes de chance de promotion professionnelle de Mme [K].

souffrances endurées:

Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime .

Le docteur [U] les a évalué à 4/7 au regard des cinq périodes d'hospitalisation , du suivi psychiatrique régulier et des caractéristiques du traitement.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le montant de l'indemnisation due au titre des souffrances endurées, a été fixé à la somme de 12. 000 euros par le tribunal.

La victime ne produit pas d'éléments pertinents de nature à modifier cette évaluation qui sera confirmée par la cour.

Sur le préjudice esthétique

Le tribunal judiciaire a alloué à Mme [K] la somme de 1.000 euros à ce titre conformément à l'évaluation de l'expert qui l'a chiffré à 1/7 au regard de la prise de poids alléguée.

En l'absence d'élément versé aux débats de nature à modifier cette évaluation, la décision sera confirmée de ce chef.

Sur le préjudice sexuel

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement,

partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le

préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité

(fonction de reproduction). (Civ. 2, 17 juin 2010, n° 09-15.842).

L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la

fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

En l'espèce, le docteur [U] retient un préjudice sexuel caractérisé par une perte de libido consécutif aux troubles de l'humeur et au traitement médical.

C'est par de justes motifs que la cour s'approprie que le tribunal a considéré qu'au regard de l'âge de la victime, de sa situation de famille et de l'atteinte limitée à un aspect du préjudice sexuel, son indemnisation à ce titre devait être chiffrée à 5.000 euros.

Sur l'assistance tierce personne

Le docteur [U] a considéré que l'état de santé de Mme [K] a nécessité une assistance tierce personne à hauteur de deux heures par semaine durant 95 semaines.

L'appelante sollicite une indemnisation de 6.468 de ce chef .

Le tribunal a alloué 3.800 euros à ce titre considérant qu' au regard des besoins de Mme [K] et de l'absence de spécialisation de l'aide requise, un taux horaire de 20 euros était adapté.

La décision sera confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes:

Les dépens seront laissés à la charge de la Sas [6] qui sera condamnée à payer la somme de 2.000 euros à Mme [K].

Par ces motifs:

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort

Infirme le jugement du Tribunal judiciaire de Montauban en ce qu'il a rejeté la demande de préjudice d'agrément de Mme [K]

Fixe le préjudice d'agrément de Mme [K] à la somme de 5.000 euros

Confirme le jugement du Tribunal judiciaire de Montauban pour le surplus

Y ajoutant,

Condamne la Sas [6] aux entiers dépens et à payer à Mme [K] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et garonne fera l'avance de l'intégralité des sommes dans les conditions des articles L452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, et en récupérera le montant auprès de l'employeur ou son substitué,

Rejette les autres demandes des parties.

Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par L.SAINT-LOUIS-AUGUSTIN, greffière de chambre.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

L.SAINT-LOUIS-AUGUSTIN N.ASSELAIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 20/02370
Date de la décision : 24/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-24;20.02370 ?
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