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21/03/2023 | FRANCE | N°21/04725

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 21 mars 2023, 21/04725


21/03/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/04725

N° Portalis DBVI-V-B7F-OPVQ

CR / RC



Tribunal de Commerce de Dax du 25 juin 2013 sur renvoi de cassation partielle du 30 juin 2021



















S.A.R.L. ROY TP





C/



S.A.R.L. ATEC SERVICES




















































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Grosse délivrée



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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE SUR RENVOI APRES CASSATION



S.A.R.L. ROY TP

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MONT DE MARSAN sous le n...

21/03/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/04725

N° Portalis DBVI-V-B7F-OPVQ

CR / RC

Tribunal de Commerce de Dax du 25 juin 2013 sur renvoi de cassation partielle du 30 juin 2021

S.A.R.L. ROY TP

C/

S.A.R.L. ATEC SERVICES

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE SUR RENVOI APRES CASSATION

S.A.R.L. ROY TP

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MONT DE MARSAN sous le numéro B 414 503 565, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Pierre-Olivier DILHAC, avocat plaidant, avocat au barreau de DAX

INTIMEE SUR RENVOI APRES CASSATION

S.A.R.L. ATEC SERVICES

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de DAX sous le numéro 495 400 699, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es-qualités audit siège

[Adresse 8]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Virginie STEVA-TOUZERY de la SELARL STV AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. ROUGER, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS

La Sarl Atec Services, fabricant de carrosseries, remorques et bennes, a fabriqué et livré à l'Eurl Roy TP plusieurs bennes à béton que celle-ci loue à des centrales à béton. Ces bennes servent à la récupération de résidus et/ou d'excédents de béton livrés sur les chantiers par des camions toupies.

Douze bennes ont été commandées dans le cadre de ces relations commerciales, livrées entre mars et avril 2010, financées par un contrat de crédit-bail avec le Crédit Coopératif-Coopamat. Sept autres bennes ont été livrées courant janvier 2012.

La Sarl Atec Services a adressé une mise en demeure le 29 août 2012 à l'Eurl Roy TP en paiement d'une somme de 16.239,29 euros représentant le solde de factures impayées. L'Eurl Roy TP a refusé de payer le solde restant dû, invoquant une conception défectueuse des bennes à l'origine de la déformation des fonds de benne.

-:-:-:-:-:-

Dans ces conditions, la Sarl Atec Services a assigné en paiement l'Eurl Roy TP par acte d'huissier du 22 octobre 2012 devant le tribunal de commerce de Dax.

L'Eurl Roy TP a sollicité avant dire droit une expertise judiciaire et a fait assigner le Crédit Coopératif-Coopamat en intervention forcée pour que lui soient déclarées opposables les opérations de l'expertise qu'elle sollicitait.

Par jugement contradictoire du 25 juin 2013, le tribunal de commerce de Dax a :

- déclaré qu'une mesure d'expertise n'avait pas lieu d'être et débouté la Sarl Roy TP de sa demande,

- condamné la Sarl Roy TP à payer à la Sarl Atec Services la somme de 16.239,26 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 août 2012,

- condamné la Sarl Roy TP à payer à la Sarl Atec Services la somme de 463,35 euros au titre de la clause pénale contractuelle et 2.435,89 euros au titre de l'indemnité contractuelle,

- débouté la Sarl Roy TP de sa demande d'opposabilité à la société Crédit Coopératif de l'expertise judiciaire,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la Sarl Roy TP aux dépens de l'instance en ce compris les frais du jugement liquidés à la somme de 104.17 euros TTC,

- condamné la Sarl Roy TP à payer aux sociétés :

* Sarl Atec Services, la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

* société Crédit Coopératif, la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres chefs de demande, fins et conclusions.

Pour statuer ainsi le premier juge a considéré notamment que l'Eurl Roy TP ne produisait aucune pièce faisant état des éventuels désordres mettant en cause la construction des bennes par la Sarl Atec Services, que sa demande d'expertise était tardive, et qu'il était manifeste que les désordres étaient dus à un défaut de préparation et non à un défaut de construction mettant en cause la Sarl Atec Services. Il en a déduit, rejetant la demande d'expertise, que la demande en paiement formée par cette dernière était bien fondée, tout comme les pénalités contractuelles sollicitées.

-:-:-:-:-:-

Par déclaration en date du 7 août 2013, l'Eurl Roy TP a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt mixte du 27 février 2015, la cour d'appel de Pau a :

- confirmé le jugement du tribunal de commerce de Dax du 25 juin 2013 en ce qu'il a débouté la Sarl Roy TP de sa demande tendant à l'opposabilité des opérations de l'expertise au Crédit Coopératif-Coopamat, et en ce qu'il a condamné la Sarl Roy TP à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmé le jugement en ses autres dispositions et statuant à nouveau,

- ordonné une expertise et désigné à cet effet M. [Z] [K].

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 26 février 2018.

En lecture de ce rapport, par arrêt du 30 avril 2019, la cour d'appel de Pau a :

- constaté qu'il a déjà été statué sur les demandes du Crédit Coopératif Coopamat,

- condamné la société Atec services à verser à la société Roy TP la somme de 4.248,19 euros en remboursement des factures de travaux de remise en état des bennes de première génération,

- débouté la société Roy TP de ses autres demandes,

- condamné la société Roy TP à verser à la Sarl Atec services la somme de 11.991,10 euros au titre des factures restant dues et les sommes de 342,13 euros au titre de la clause pénale et 1.798,66 euros au titre de l'indemnité de 15%,

- fait masse des dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire,

- condamné chaque partie, l'Eurl Roy TP et la Sarl Atec services à régler la moitié de la masse des dépens,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

-:-:-:-:-:-

L'Eurl Roy TP a formé un pourvoi en cassation dont elle s'est désistée en ce qu'il était dirigé contre la société Crédit Coopératif-Coopamat.

Par arrêt rendu le 30 juin 2021, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Roy TP en payement de la somme de 48.856,63 euros à titre de dommages-intérêts pour le remplacement d'un camion, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau,

- remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse,

- condamné la société Atec services aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Atec services et l'a condamnée à payer à la société Roy TP la somme de 3.000 euros.

La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel avait violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis en estimant que la société Roy Tp n'avait produit ni les justificatifs des sommes qu'elle avait dû exposer au titre du remplacement du camion semi-remorque ni le constat d'huissier du 27 octobre 2015 alors que le bordereau de communication de pièces signifié le 15 janvier 2019 par la société Roy TP mentionnait le procès-verbal de constat d'huissier du 27 octobre 2015, la 'lettre-chèque de 21.143,37 euros pour le camion [Immatriculation 5]' et la 'facture de la société Dalby du 31 mars 2016 pour l'achat de la semi-remorque de remplacement'.

-:-:-:-:-:-

La Sarl Roy TP a saisi la cour d'appel de Toulouse par déclaration du 24 novembre 2021.

-:-:-:-:-:-

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 1er juin 2022, la Sarl Roy TP, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1147 du code civil (en sa rédaction applicable aux faits de l'espèce), de :

- déclarer la Sarl Atec Services responsable des désordres affectant la benne n°A5 qui lui a été vendue au titre de l'obligation de résultat dont elle était débitrice,

- déclarer que les désordres qui affectaient cette benne n°A5 sont à l'origine de l'accident survenu le 27 octobre 2015,

- en conséquence, condamner la Sarl Atec Services à l'indemniser de son préjudice matériel consécutif,

- condamner la Sarl Atec Services à lui régler la somme de 48 856,63 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter la Sarl Atec Services de ses demandes dirigées à son encontre,

- condamner la Sarl Atec Services à lui payer la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de l'instance devant la Cour de renvoi.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 10 mars 2022, la Sarl Atec Services, intimée, demande à la cour de :

- dire qu'il a d'ores et déjà été statué sur sa responsabilité contractuelle par l'arrêt du 30 avril 2019, arrêt ayant retenu que les bennes A1 à A10 n'étaient pas totalement impropres à leur destination et qu'il n'était pas établi un manquement au devoir de délivrance conforme,

- dire qu'il n'est pas établi que l'accident survenu le 27 octobre 2015 à un ensemble tracté appartenant à la Sarl Roy TP soit directement lié à des désordres sur la benne A5,

En conséquence de tout ce qui précède,

- 'dire et juger' les demandes de la Sarl Roy TP mal fondées et l'en débouter,

- condamner la Sarl Roy TP à lui verser la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre les entiers dépens à la charge de la société Roy TP.

-:-:-:-:-:-

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2023.

SUR CE, LA COUR ,

Au regard de la portée de la cassation prononcée par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation par arrêt du 30 juin 2021, le litige devant la cour de renvoi se limite à l'action en responsabilité diligentée par l'Eurl Roy TP à l'encontre de la Sarl Atec Services pour obtenir l'indemnisation des dommages subis par un ensemble tracté appartenant à l'Eurl Roy TP à l'occasion d'un accident survenu le 27 octobre 2015, accident que l'Eurl Roy TP impute directement à des vices ayant affecté la benne A5, benne livrée par la Sarl Atec Services à l'Eurl Roy TP avec quatre autres bennes le 19 mars 2010 selon le rapport d'expertise judiciaire de M. [Z] [K] du 26 février 2018.

Devant la cour d'appel de Pau l'Eurl Roy TP avait non seulement sollicité le remboursement d'une somme de 216.600 € au titre du remplacement de 19 bennes litigieuses, 39.672,51 € en remboursement de factures de travaux de remise en état de ces 19 bennes, 20.000 € de dommages et intérêts complémentaires pour préjudice de jouissance, mais aussi 48.856,63 € de dommages et intérêts pour l'achat d'une semi-remorque élevée d'un bras élévateur hydraulique en remplacement du camion accidenté le 27 octobre 2015.

La cour d'appel de Pau, saisie uniquement sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil pour manquement de la Sarl Atec Services à son obligation de résultat, a retenu que l'Eurl Roy TP ne pouvait invoquer ni la garantie des vices cachés ni un défaut de livraison conforme à la commande dès lors que les bennes avaient été livrées sans réserve particulière et que l'Eurl Roy TP avait continué à commander des bennes après la première génération de bennes livrées, en dépit du fait que les désordres constatés ont fait l'objet d'améliorations au fur et à mesure de leur utilisation, et que l'action en responsabilité ne pouvait être fondée que sur une mauvaise exécution des réparations des bennes après leur livraison à l'égard du fabricant tenu d'une obligation de résultat. Ecartant toute responsabilité contractuelle de la société Atec Services concernant les bennes de seconde génération, elle a retenu un manquement contractuel du vendeur qui n'avait pas été en mesure de livrer des bennes utilisables sans l'apparition de désordres à réparer au fur et à mesure de leur mise en service pour les seules bennes de première génération ( A1 à A10) sans quelles soient totalement impropres à leur destination. Ecartant au titre du préjudice réparable la demande fondée sur le prix d'acquisition de 19 nouvelles bennes, la demande forfaitaire d'indemnisation à hauteur de 20.000 € pour préjudice de jouissance jugée injustifiée, et celle relative au remplacement d'un camion accidenté le 27 octobre 2015 lors du chargement de la benne A5 remplie de béton qui aurait ripé, ripage imputé au constructeur par l'Eurl Roy TP , notamment au motif que n'auraient été produits au débat ni le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 27 octobre 2015 ni les justificatifs des sommes avancées, et retenant uniquement un préjudice résultant des factures de réparation concernant les bennes de 1ère génération, réparations n'ayant pas permis de rendre l'utilisation de ces bennes pérennes, elle a, dans son dispositif, seul siège de l'autorité de la chose jugée, condamné la société Atec Services à verser à la société Roy TP la somme de 4.248,19 € en remboursement desdites factures, rejetant les autres demandes d'indemnisation de l'Eurl Roy TP. La cassation ne porte en l'espèce que sur la disposition de cet arrêt par laquelle la cour d'appel de Pau a débouté l'Eurl Roy TP de sa demande d'indemnisation à hauteur de 48.856,63 € au titre du camion accidenté.

Il appartient en conséquence à l'Eurl Roy TP de justifier que l'accident survenu au camion semi-remorque le 27 octobre 2015 qui a dû être remplacé est imputable à un défaut ou une défaillance de la benne A5 résultant d'un manquement de la société Atec Services à ses obligations, qu'il soit d'origine ou qu'il résulte d'une mauvaise réparation par le fabricant tenu d'une obligation de résultat.

L'Eurl Roy TP soutient que l'accident du 27 octobre 2015 à l'occasion duquel le tracteur routier immatriculé [Immatriculation 6] et sa remorque attelée immatriculée [Immatriculation 5] se sont couchés sur le flanc lors du chargement de la benne A5 sur le site de la Cemex à [Localité 7], serait la conséquence du mauvais état de la benne n'ayant pas permis son chargement dans de bonnes conditions, en ce que, après soulèvement de la benne au moyen d'un crochet élévateur de la semi-remorque équipée d'un bras hydraulique, au moment où elle devait être posée sur l'une des extrémités sur le rail de guidage de la semi-remorque, elle aurait ripé en raison d'une déformation des rails de guidage situés sous la benne du fait de sa mauvaise conception, ce qui aurait déséquilibré l'ensemble routier. Il lui appartient de justifier l'imputabilité alléguée.

Il résulte du constat établi par Me [B], huissier de justice, le 27 octobre 2015 sur le lieu de l'accident , environ deux heures après sa survenance, que le camion et sa remorque attelée se trouvaient couchés sur le côté sur une plate-forme béton tout à fait horizontale, qu'une benne contenant du béton durci était tombée sur un bac béton de la société Cemex, cette benne étant toujours accrochée à la grue de levage du camion, que l'élément levant de la grue avec les vérins reposait sur le mur en béton du bac de la société Cemex, que les roues métalliques sur lesquelles coulissent la benne étaient en place sur le camion et que les traverses métalliques se trouvant plus à l'avant de la remorque par rapport au point d'impact sur le bac de béton étaient écrasées et pliées. Sur demande de M. Roy l'huissier a procédé à diverses photographies de l'état de la benne, hors choc du jour, relevant des points de rouille et des « pliages » qualifiés « d'anormaux » par l'huissier, tant sous le dessous de la benne que sur la structure arrière de celle-ci et la porte. Il a ensuite constaté que la remorque portait un autocollant attestant de vérifications par l'Apave.

Une expertise contradictoire a été réalisée le 9 novembre 2015 par M.[J] ingénieur expert du cabinet Saretec mandaté à la demande de l'Eurl Roy TP, en la présence de M. [K], expert-judiciaire dont les opérations étaient en cours depuis le 26 mai 2015 des suites de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 27 février 2015, de l'Eurl Roy TP en la personne de son gérant assisté de son avocat et de divers conseils techniques, et de la Sarl Atec Services représentée par un responsable administratif et financier assisté d'un avocat conseil. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. [K] figurant au dossier de procédure transmis par la cour d'appel de Pau à la présente cour de renvoi, que la benne A5 litigieuse a été uniquement examinée par lui après l'accident survenu le 27 octobre 2015, lors de la visite sur le site de Saint Paul les Dax du 9/11/2015 (pages 6 et 7 du rapport) et qu'en raison de cet état, il n'a pas été en mesure d'identifier sur cette benne les défauts type relevés sur les autres bennes de première génération A2 à A10 (tableau page 7 du rapport d'expertise).

L'expert du cabinet Saretec a examiné la benne A5 accidentée, constatant qu'il manquait un rouleau d'appui arrière, déplacé sur le côté, que la traverse de rive arrière était déformée, qu'à gauche cette traverse était fendue, que les soudures étaient cassées entre montants et flasques. La remorque accidentée a elle aussi été examinée, sur laquelle a été constatée une déformation du rail inférieur, des déformations des entretoises espacées de 46 cm, les rails inférieurs paraissant constitués de profilés IPE et non IPN. Lors de cette expertise l'expert judiciaire a refusé de se prononcer sans éléments de calcul, admettant que les traces sur les entretoises provenaient de leur appui inapproprié sur les bras doubles de l'engin de levage, concédant uniquement une déformation de la benne ayant conduit à un appui de la benne sur l'engin de levage en dehors d'un endroit prévu à cet effet, relevant la disparition des rouleaux d'appui en extrémité de la remorque en raison de la rigidité de la benne, mais demandant des éléments techniques de la remorque de ripage (où se trouvait l'engin de levage) pour confirmer les hypothèses d'une modification du polygone de sustentation de la benne afin d'être en mesure d'appréhender si la déformation de la benne était à l'origine du déplacement du centre de gravité en dehors d'une limite verticale de sustentation par rétrécissement de ce polygone, ou bien si un déréglage de la remorque en était à l'origine. Il n'est justifié d'aucune investigation technique postérieure sur ce point permettant d'identifier la cause précise du ripage de la benne.

Dans le cadre de l'expertise judiciaire le bureau Atecal a établi des notes de calcul de résistance aux éléments finis des bennes à béton de première génération à partir d'une benne type de première génération, la benne A10. Dans la configuration de benne pleine, à mi-chargement, en phase de levage au crochet et en appui milieu sur les galets du porteur (cas 4 page 12 du rapport d'expertise), il a conclu à des déformations successives des ridelles résultant d'un sous dimensionnement d'origine engendrant des plastifications irréversibles incompatibles avec une utilisation prolongée de la benne et à la déformation plastique irréversible des bennes pendant les opérations de levage entraînant des dégradations dans le temps. Ces déformations ont, selon l'expert judiciaire, été constatées de façon répétitive par l'observation de chacune des bennes A2 à A10 expertisées, étant néanmoins rappelé qu'il n'y a eu aucune constatation matérielle réalisée en ce sens sur la benne A5 d'ores et déjà accidentée. Cela étant, l'expert judiciaire a précisé en page 14 de son rapport que si les bennes de première génération montraient un défaut à la conception de nature à les considérer comme impropres à leur destination en raison de leur défaut de rigidité et de solidité, même en l'absence d'une mauvaise utilisation, force était néanmoins de constater sur la période 2010/2011 et après examen des factures de réparations communiquées, que ces bennes avaient pu être utilisées par la société Roy TP sans qu'aucune ne soit conduite à sa ruine.

En l'espèce, la benne A5 accidentée, livrée le 19 mars 2010, avait fait l'objet en mars 2012 d'interventions réparatrices réalisées par la société Atec Services. Selon facture 2020 du 26/03/2020, la société Atec a réalisé sur cette benne une modification de longueur, sablé le fond de la benne, le dormant et la portée de joint de la porte, découpé et posé en recouvrement une tôle d'acier soudée étanche, posé un coude raccordé à une vanne et redressé le fond de la benne par débosselage hydraulique de la tôle de fond (pièce 6 de l'intimée), réparations que l'expert judiciaire qualifie de mineures dans sa réponse au dire de Me [P] du 17 février 2018. Cette facture rappelait que la pression de service devait être de 1.2 bar maximum. Postérieurement à ces interventions, il n'est justifié d'aucun incident sur cette benne avant l'accident survenu plus de trois ans plus tard en octobre 2015 ni des conditions de son utilisation.

En l'état de ces seuls éléments, rien ne permet objectivement d'établir que l'accident du 27 octobre 2015 ait eu pour origine une défectuosité de la benne A5 imputable à la société Atec qui l'a fabriquée, livrée le 19 mars 2010, et en a assuré les interventions réparatrices ou d'adaptation postérieures de mars 2012.

En l'état de l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Dax du 25 juin 2013 d'ores et déjà prononcée par la cour d'appel de Pau dans l'arrêt mixte de la cour d'appel de Pau du 27 février 2015, il convient de débouter l'Eurl Roy TP de son action en responsabilité et indemnisation diligentée à l'encontre de la Sarl Atec Services au titre des conséquences dommageables de l'accident survenu le 27 octobre 2015 sur le site de la Cemex à Saint Paul les Dax.

Par application de l'article 624 du code de procédure civile, les effets de la cassation partielle s'étendent nécessairement aux condamnations prononcées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile. En application de l'article 639 du même code, la juridiction de renvoi doit statuer sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Les deux parties restant en litige depuis l'intervention de l'arrêt mixte du 27 février 2015 succombant en leurs prétentions respectives jusqu'à l'intervention de l'arrêt du 30 avril 2019 partiellement cassé, les dépens de première instance, ainsi que ceux d'appel jusqu'à l'intervention dudit arrêt, y compris les frais d'expertise judiciaire, seront supportés pour moitié par chacune des parties. Au regard de cette situation, l'équité ne justifie pas l'octroi à l'une ou l'autre des parties d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de celle d'appel suivie jusqu'à l'intervention de l'arrêt du 30 avril 2019.

En revanche, étant la seule partie succombante devant la présente cour, l'Eurl Roy TP supportera les dépens inhérents à la procédure suivie devant la cour de renvoi. Elle se trouve redevable d'une indemnité au titre de cette procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Vu l'arrêt mixte de la cour d'appel de Pau du 17 février 2015,

Vu l'arrêt partiellement cassé de la cour d'appel de Pau du 30 avril 2019,

Vu l'arrêt de cassation partielle du 30 juin 2021,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Déboute l'Eurl Roy TP de son action en responsabilité et dommages et intérêts à l'encontre de la Sarl Atec Services au titre des conséquences dommageables de l'accident survenu le 27 octobre 2015 sur le site de la Cemex à [Localité 7]

Dit que les dépens de première instance et les dépens d'appel exposés jusqu'à l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 30 avril 2019, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, seront supportés pour moitié chacune par l'Eurl Roy TP et la Sarl Atec Services

Dit que les dépens d'appel inhérents à la procédure devant la cour d'appel de renvoi seront supportés par l'Eurl Roy TP

Condamne l'Eurl Roy TP à payer à la Sarl Atec Services une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile exclusivement au titre de la procédure suivie devant la cour d'appel de renvoi

Rejette le surplus des demandes sur ce même fondement.

Le Greffier Le Président

N. DIABY C. ROUGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/04725
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;21.04725 ?
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