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14/03/2023 | FRANCE | N°21/02406

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 14 mars 2023, 21/02406


14/03/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/02406

N° Portalis DBVI-V-B7F-OGEE

SL/RC



Décision déférée du 09 Avril 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CASTRES 20/01428

Mme [N]

















S.A. HYDROSTADIUM





C/



[L] [X]

[U] [G] épouse [X]

S.A. AXA FRANCE IARD

EPIC ENERGIES SERVICES LAVAUR PAYS DE COCAGNE

Société SMABTP

S.C.P. VITANI [R]














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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



...

14/03/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/02406

N° Portalis DBVI-V-B7F-OGEE

SL/RC

Décision déférée du 09 Avril 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CASTRES 20/01428

Mme [N]

S.A. HYDROSTADIUM

C/

[L] [X]

[U] [G] épouse [X]

S.A. AXA FRANCE IARD

EPIC ENERGIES SERVICES LAVAUR PAYS DE COCAGNE

Société SMABTP

S.C.P. VITANI [R]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A. HYDROSTADIUM

Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d'Annecy sous le numéro 438 289 662, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Sophie CREPIN, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Laurent COURTECUISSE, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [L] [X]

[Adresse 4]

[Localité 19]

Représenté par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Marie MALRIC-LAROCHE, avocat au barreau D'ALBI

Madame [U] [G] épouse [X]

[Adresse 4]

[Localité 19]

Représenté par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Marie MALRIC-LAROCHE, avocat au barreau D'ALBI

S.A. AXA FRANCE IARD

Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 722 057 460, représentée par dirigeants légaux, demeurant en leur qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Localité 18]

Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

ENERGIES SERVICES LAVAUR PAYS DE COCAGNE (EPIC)

Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Castres sous le numéro 431 452 010, prise en la personne de son mandataire légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 3]

[Localité 19]

Représentée par Me Bernard DE FROMENT de PUBLICA AVOCATS AARPI, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE

SMABTP

Société d'assurance mutuelle à cotisations variables, immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés sous le numéro 775 684 764, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE

S.C.P. VITANI [R]

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège es qualité de liquidateur de la SARL AGRI 2000

ZAC Espace Entreprises

[Localité 11]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

******

Exposé des faits et procédure :

M. [L] [X] et Mme [U] [G], son épouse, sont propriétaires d'un ensemble immobilier sis [Adresse 4]), cadastré section D n°[Cadastre 10], [Cadastre 13], [Cadastre 14] lieudit [Localité 20], et section D n°[Cadastre 1], surplombant le lit de la rivière Agoût d'une hauteur supérieure à 10 mètres.

L'EPIC Energies Services Lavaur Pays de Cocagne, ci-après EPIC ESL, assurée auprès de la société Axa France, a entrepris la construction d'une centrale hydroélectrique [Localité 19]-Fonteneau et d'un barrage sur l'Agoût en aval de la propriété des époux [X].

Suivant ordre de service du 14 mars 2014, l'EPIC ESL a confié à la société Hydrostadium la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction de la centrale.

Le défrichement de la zone impactée par la remontée du niveau de l'eau devait être effectué, car la construction du barrage impliquait une rehausse de la ligne d'eau de l'Agout à 107,24 m GNF. Un déboisement des berges en-deça de la cote 107,24 m GNF était de ce fait indispensable. La fin des travaux d'abattage et de défrichement était prévue pour le 30 novembre 2016.

L'EPIC ESL a confié à la société Agri 2000, assurée auprès de la Smabtp, les opérations de déboisement et défrichement de la végétation, selon acte d'engagement notifié le 22 août 2016, pour une somme de 127 004,04 euros TTC.

La société Agri 2000 a débuté le chantier en septembre 2016.

La société Agri 2000, pour évacuer les bois objets du marché, a modifié la berge en bas du talus à l'arrière de l'ancienne centrale. La société Hydrostadium a constaté des éboulements le 10 janvier 2017. Deux constats d'huissier ont été dressés à la demande de M. et Mme [X] les 24 janvier et 19 avril 2017.

L'EPIC ESL a déclaré le sinistre à son assureur la société Axa France Iard le 19 avril 2017. La société Agri 2000 l'a déclaré à son assureur la Smabtp le 20 avril 2017.

L'assureur des époux [X] a mandaté le cabinet Elex qui a rendu plusieurs rapports entre mai et juillet 2018. Ces rapports mettaient notamment en cause les travaux effectués par la société Agri 2000 en aval de la propriété des époux [X].

La société Agri 2000 a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 24 avril 2018, et Maître [D] [R] de la Scp Vitani [R] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Le 7 janvier 2019, les époux [X] ont assigné l'EPIC ESL, Maître [D] [R] de la Scp Vitani [R] en qualité de mandataire liquidateur de la société Agri 2000, la société Hydrostadium, la société Axa France Iard et la Smabtp en référé devant le tribunal judiciaire de Castres.

Par ordonnance du 22 février 2019, le juge des référés a ordonné une expertise, confiée à M. [F] [W]. Sa mission a été étendue le 17 juillet 2019.

Le rapport d'expertise judiciaire a été clôturé le 28 juillet 2020.

Les époux [X] ont été autorisés à assigner à jour fixe pour l'audience du 28 janvier 2021, l'EPIC ESL, Maître [D] [R] de la Scp Vitani [R] en qualité de mandataire liquidateur de la société Agri 2000, la société Hydrostadium, la société Axa France Iard et la Smabtp devant le tribunal judiciaire de Castres.

Par un jugement du 9 avril 2021, le tribunal judiciaire de Castres a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'EPIC ESL ;

- condamné l'EPIC ESL d'avoir à exécuter les travaux de reprise conformément aux préconisations de l'expert judiciaire ;

- dit que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard si les travaux ne sont pas achevés dans un délai de 10 semaines à compter de la signification de la décision ;

- dit que si les travaux de reprise sont effectués par l'EPIC ESL, la propriété de l'ouvrage sera dissociée de la propriété du sol et l'EPIC ESL sera déclarée propriétaire de la paroi clouée et devra assumer son entretien, sa conservation et sa maintenance ;

- dit qu'il appartiendra aux époux [X], une fois l'ouvrage réalisé de publier la décision en ce qu'elle vaut renonciation à l'accession, pour qu'elle soit opposable aux tiers ;

- condamné la société Hydrostadium d'avoir à exécuter les travaux de reprise conformément aux préconisations de l'expert judiciaire dans l'hypothèse où l'EPIC ESL n'aurait pas exécuté la condamnation ;

- condamné in solidum la société Axa France Iard et la Smabtp d'avoir à régler les indemnités nécessaires à l'exécution des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire directement entre les mains de l'EPIC ESL et de la société Hydrostadium ou toute entité juridique qui leur serait déléguée ;

- condamné en sus in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium d'avoir à régler aux époux [X] les sommes ci après :

- frais divers : 2016,18 euros ;

- préjudice patrimonial : 1.000,00 euros ;

- remplacement des clôtures : 888,72 euros ;

- préjudice de jouissance : 6.000,00 euros ;

- perte des végétaux : 1571,59 euros ;

- perte d'un chien : 1.500,00 euros ;

- rejeté les demandes dirigées à l'encontre de Maître [R] en qualité de liquidateur d'Agri 2000 ;

- rejeté les demandes tendant à exclure la prise en charge de l'aggravation des préjudices ;

- dit que la société Agri 2000 est responsable à hauteur de 80% des préjudices subis ;

- dit que la société Hydrostadium est responsable à hauteur de 20% des préjudices subis ;

- dit que la société Hydrostadium devra garantir la Smabtp à hauteur de 20% des sommes mises à sa charge ;

- dit que la Smabtp sera fondée à opposer aux tiers le montant des franchises contractuelles prévues aux conditions particulières de la police souscrite ;

- dit que la Smabtp et la société Hydrostadium seront tenues in solidum de payer les travaux de reprise exécutés par l'EPIC ESL conformément aux préconisations de l'expert judiciaire ;

- condamné in solidum la Smabtp en qualité d'assureur de la société Agri 2000 et la société Hydrostadium à relever et garantir la société Axa France Iard de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre en qualité d'assureur de l'EPIC ESL ;

- condamné in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium à payer aux époux [X] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium aux entiers dépens, frais d'expertise compris ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire que l'EPIC ESL avait confié des travaux de construction d'une centrale électrique à plusieurs sociétés, dont la société AGRI 2000 qui avait occasionné les éboulements sur la propriété des époux [X], ayant causé une instabilité du terrain de la propriété de M. et Mme [X], une dégradation par glissement de la végétation en tête du talus et une perte de superficie du terrain sur 57 ml.

La solution de reprise préconisée consistait en la réalisation d'une paroi clouée partiellement enracinée sur les parcelles propriété de l'EPIC ESL et dans la propriété [X].

Le tribunal a jugé que l'EPIC ESL avait commis un trouble anormal du voisinage en tant que voisin occasionnel, et qu'il devait faire les travaux de reprise sous astreinte.

Il a estimé que la société Hydrostadium, maître d'oeuvre, en tant que voisin occasionnel avait connaissance dès le 25 octobre 2016 de travaux en pied de talus de stabilité précaire ainsi que de passages d'engins lourds. Par conséquent, il a considéré qu'il existait un lien direct entre la mission de coordination et de surveillance des travaux confiée à la société Hydrostadium et le trouble anormal constitué par l'effondrement du talus, et que cette société avait causé un trouble anormal de voisinage. Il a dit qu'elle devait faire les travaux de reprise, mais ne devait pas être condamné à une astreinte ; qu'il était préférable que les travaux soient pris en charge par l'EPIC ESL. Le tribunal a condamné la société Hydrostadium à effectuer les travaux de reprise pour le cas où l'EPIC ESL n'y procéderait pas.

Il a dit que la société Axa France Iard et la Smabtp devraient régler les indemnités nécessaires à l'exécution des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire directement entre les mains de l'EPIC ESL ou de la société Hydrostadium ou de toute entité juridique qui leur serait déléguée.

Le tribunal a considéré que la propriété de la partie de construction à venir qui serait réalisée par l'EPIC ESL sur des parcelles lui appartenant ne posait pas de difficultés compte tenu de l'identité entre le propriétaire du sol et le constructeur, et que la propriété de cette partie d'ouvrage appartiendrait donc à l'EPIC ESL. Il a considéré que la problématique demeurait concernant la partie de construction édifiée par l'EPIC ESL sur la propriété [X]. Il a considéré que les demandes des époux [X] concernant le sort des constructions que l'EPIC ESL devrait édifier sur leur fonds, s'analysaient en une renonciation expresse à l'accession ; que dès lors, il y avait lieu de faire application de la dissociation des propriétés et de dire que la propriété de la construction édifiée par l'EPIC ESL sur la propriété [X] demeurera la propriété de l'EPIC ESL, les époux [X] demeurant propriétaires du sol.

Il a jugé : 'la présente décision devra faire l'objet d'une publication dès édification de l'ouvrage de reprise pour être opposable aux tiers.' Il a dit que la décision sur la propriété de l'ouvrage de reprise serait caduque si l'EPIC ESL n'exécutait pas la condamnation sous astreinte et que la société Hydrostadium réalisait les travaux.'

Il a dit qu'en application du principe de réparation intégrale du préjudice, l'EPIC ESL, la Smabtp, la Sa Axa France Iard et la société Hydrostadium devaient indemniser financièrement les époux [X] de leurs dommages non réparables en nature.

Il a relevé que dès 2018, les époux [X] avaient connaissance en lecture des rapports ELEX de la responsabilité de la société Agri 2000 ; qu'il leur appartenait de solliciter un relevé de forclusion pour voir leur créance provisoire admise ou ajouter la mention « procédure en cours » sur l'état des créances, et que leur demande à ce stade de la procédure se heurtait donc à la forclusion ; qu'il convenait par conséquent de rejeter les demandes de déclaration de jugement commun et de fixation des créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Agri 2000.

Il a fixé la part de responsabilité de la société Agri 2000 à 80% et celle de la société Hydrostadium à 20%.

Il a dit qu'il n'était pas possible d'attribuer l'aggravation du préjudice au comportement fautif d'une partie, et que les demandes de limitation de la prise en charge de l'aggravation du préjudice seraient rejetées.

Il a jugé qu'il y avait lieu de faire droit à la demande de la Smabtp et de dire que la société Hydrostadium devait la garantir à hauteur de 20% des sommes mises à sa charge. Il a dit que la Smabtp était également bien fondée à opposer aux tiers le montant des franchises contractuelles prévues aux conditions particulières de la police souscrite .

Il a fait droit à la demande reconventionnelle de l'EPIC ESL de dire que la Smabtp et la société Hydrostadium seraient tenues in solidum de payer les travaux de reprise exécutés par l'EPIC ESL conformément aux préconisations de l'expert judiciaire.

Il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Hydrostadium, à l'exception de celle qui fixait sa part de responsabilité à 20% des préjudices subis.

Il a accueilli la demande de la société Axa France Iard consistant à condamner in solidum la Smabtp en qualité d'assureur de la société Agri 2000 et la société Hydrostadium à relever et garantir la société Axa France Iard de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre en qualité d'assureur de l'EPIC ESL.

Par déclaration en date du 28 mai 2021, la société Hydrostadium a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Hydrostadium d'avoir à exécuter les travaux de reprise conformément aux préconisations de l'expert judiciaire dans l'hypothèse où l'EPIC ESL n'aurait pas exécuté la condamnation,

- condamné in solidum la société Axa France Iard et la Smabtp d'avoir à régler les indemnités nécessaires à l'exécution des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire directement entre les mains de l'EPIC ESL et de la société Hydrostadium ou toute entité juridique qui leur serait déléguée ;

- condamné en sus in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium d'avoir à régler aux époux [X] les sommes ci après :

- 2016,18 euros au titre des frais divers.

- préjudice patrimonial : 1.000,00 euros

- remplacement des clôtures : 888,72 euros

- préjudice de jouissance : 6.000,00 euros

- perte des végétaux : 1571,59 euros

- perte d'un chien : 1.500,00 euros

- rejeté les demandes dirigées à l'encontre de Maître [R] es qualité de liquidateur d'Agri 2000,

- rejeté les demandes tendant à exclure la prise en charge de l'aggravation des préjudices ;

- dit que la société Hydrostadium devra garantir la Smabtp à hauteur de 20% des sommes mises à sa charge,

- dit que la Smabtp sera fondée à opposer aux tiers le montant des franchises contractuelles prévues aux conditions particulières de la police souscrite.

- dit que la Smabtp et la société Hydrostadium seront tenues in solidum de payer les travaux de reprise exécutés par l'EPIC ESL conformément aux préconisations de l'expert judiciaire ;

- condamné in solidum la Smabtp en qualité d'assureur de la société Agri 2000 et la société Hydrostadium à relever et garantir la société Axa France de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre en qualité d'assureur de l'EPIC ESL.

- condamné in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France, la Smabtp et la société Hydrostadium à payer aux époux [X] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France, la Smabtp et la société Hydrostadium aux entiers dépens, frais d'expertise compris.

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Prétentions des parties :

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 janvier 2022, la société Hydrostadium, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a :

' condamnée à avoir à exécuter les travaux de reprise conformément aux préconisations de l'expert judiciaire dans l'hypothèse où l'EPIC ESL n'aurait pas exécuté la condamnation,

' condamnée in solidum avec la Sa Axa France Iard et la Smabtp d'avoir à régler les indemnités nécessaires à l'exécution des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire directement entre ses mains ou celles de l'EPIC ESL ou toute entité juridique qui leur serait déléguée ;

' condamnée en sus in solidum avec l'EPIC ESL, la Sa Axa France Iard et la Smabtp d'avoir à régler aux époux [X] les sommes ci-après :

- frais divers :2016,18 euros ;

- préjudice patrimonial : 1.000,00 euros ;

- remplacement des clôtures : 888,72 euros ;

- préjudice de jouissance : 6.000,00 euros ;

- perte des végétaux : 1571,59 euros ;

- perte d'un chien : 1.500,00 euros ;

* rejeté les demandes dirigées à l'encontre de Maître [R] en qualité de liquidateur d'Agri 2000 ;

' rejeté les demandes tendant à exclure la prise en charge de l'aggravation des préjudices ;

' dit qu'Agri 2000 est responsable à hauteur de 80% des préjudices subis ;

' dit qu'Hydrostadium est responsable à hauteur de 20% des préjudices subis ;

' dit qu'Hydrostadium devra garantir la Smabtp à hauteur de 20% des sommes mises à sa charge ;

' dit que la Smabtp sera fondée à opposer aux tiers le montant des franchises contractuelles prévues aux conditions particulières de la police souscrite ;

' dit que la Smabtp et la société Hydrostadium seront tenues in solidum de payer les travaux de reprise exécutés par l'EPIC ESL conformément aux préconisations de l'expert judiciaire ;

' condamnée in solidum avec la Smabtp en qualité d'assureur de la société Agri 2000 à relever et garantir la Sa Axa France Iard de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre en qualité d'assureur de l'EPIC ESL ;

' condamnée in solidum avec l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la Smabtp à payer aux époux [X] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamnée in solidum avec l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la Smabtp aux entiers dépens, frais d'expertise compris ;

' ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

' condamné l'EPIC ESL d'avoir à exécuter les travaux de reprise conformément aux préconisations de l'expert judiciaire,

' dit que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard si les travaux ne sont pas achevés dans un délai de 10 semaines à compter de la signification de la décision.

Et, statuant de nouveau :

A titre principal :

- constater que la société Agri 2000 est seule responsable des désordres subis par les époux [X],

- débouter les époux [X], la société Smabtp, l'EPIC ESL et la société Axa France Iard de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formulées à son encontre, en ce compris les nouvelles demandes indemnitaires complémentaires formées par les époux [X],

- prononcer sa mise hors de cause,

A titre subsidiaire :

- constater que sa responsabilité ne peut être engagée s'agissant de l'aggravation des désordres intervenue à compter du 10 janvier 2017,

- limiter le montant des travaux de reprise à la somme de 200.000 euros HT,

Et ce faisant,

- juger qu'elle ne pourra être condamnée qu'à la somme maximum de 20.000 euros, après avoir retenu un pourcentage maximal de responsabilité à hauteur de 10%,

Ce faisant :

- ordonner que le paiement des travaux, selon la proportion déterminée, se fasse sur présentation d'une facture définitive de la société MTPS ;

En tout état de cause :

- juger qu'elle n'aura pas la charge de la maîtrise d''uvre des travaux de reprise,

- condamner les époux [X] ainsi que la Smabtp à la somme respective de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 novembre 2021, l'EPIC ESL Pays de Cocagne, intimée, demande à la cour, au visa de l'article1231-1 du code civil et des articles 564 et 700 du code de procédure civile , de :

- confirmer partiellement le jugement du 9 avril 2021 du tribunal judiciaire de Castres en ce qu'il a :

o condamné in solidum la Sa Axa France Iard et la Smabtp d'avoir à régler les indemnités nécessaires à l'exécution des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire directement entre les mains de l'EPIC ESL ;

o dit que la Smabtp et la société Hydrostadium seront tenues in solidum de payer les travaux de reprise exécutés par l'EPIC ESL conformément aux préconisations de l'expert judiciaire ;

Y ajoutant :

- dire que la somme totale devant être réglée à l'EPIC ESL et correspondant à la réalisation des travaux de reprise s'élève à 399 600 euros TTC ;

- dire l'appel incident de l'EPIC ESL recevable et bien fondé ;

- réformer partiellement le jugement du 9 avril 2021 du tribunal judiciaire de Castres en ce qu'il a :

o dit que si les travaux de reprise sont effectués par l'EPIC ESL, la propriété de l'ouvrage sera dissociée de la propriété du sol et l'EPIC ESL sera déclarée propriétaire de la paroi clouée et devra assumer son entretien, sa conservation et sa maintenance ;

o dit qu'il appartiendra aux demandeurs, une fois l'ouvrage réalisé de publier la décision en ce qu'elle vaut renonciation à l'accession, pour qu'elle soit opposable aux tiers ;

o condamné en sus in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium d'avoir à régler aux époux [X] les sommes ci-après :

- frais divers : 2.016,18 euros ;

- préjudice patrimonial : 1.000,00 euros ;

- remplacement des clôtures : 888,72 euros ;

- préjudice de jouissance : 6.000,00 euros ;

- perte des végétaux : 1.571,59 euros ;

- perte d'un chien : 1.500,00 euros ;

En conséquence,

- ' dire et juger' que les époux [X] sont seuls propriétaires de l'ouvrage de reprise exécuté et doivent en assumer son entretien, sa conservation et sa maintenance ;

- limiter leur indemnisation à la somme de 5.616,5 euros TTC ;

- condamner in solidum tous succombants au versement de la somme de 6.000 € au profit de l'EPIC ESL au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum tous succombants aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 décembre 2021, la Sa Axa France Iard, intimée, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et notamment en ce qu'il a condamné in solidum la Smabtp en qualité d'assureur de la société Agri 2000 et la société Hydrostadium à la relever et la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre en qualité d'assureur de l'EPIC ESL,

Et y ajoutant,

- juger que la franchise contractuelle de 1 000 euros qu'elle oppose à son assurée trouvera le cas échéant à s'appliquer,

- condamner la ou les succombant à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700, ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'appel.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 novembre 2022, Mme [U] [G] épouse [X] et M. [L] [X], intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 551, 1240, 1241 du code civil et de l'article 564 du code de procédure civile, de :

- réformer partiellement le jugement dont appel en ce qu'il a :

* limité le préjudice patrimonial des époux [X] à la somme de 1.000 €

* mis à la charge des époux [X] les formalités de publication à la conservation des hypothèques,

- confirmer pour le surplus le jugement dont appel,

- déclarer recevable en sus leurs demandes additionnelles en indemnisation des préjudices causés par l'exécution des travaux,

- constater que les travaux de reprise ont été exécutés par l'EPIC ESL ;

- condamner in solidum l'EPIC ESL, la société Hydrostadium, la Sa Axa France Iard, la Smabtp d'avoir à leur régler en indemnisation de leur préjudice patrimonial la somme de 5.000 euros ;

- condamner in solidum l'EPIC ESL, la société Hydrostadium, la Sa Axa France Iard, la Smabtp d'avoir à leur régler en indemnisation de leurs préjudices complémentaires générés par l'exécution des travaux les sommes ci-après :

- dégâts végétaux et remise en état jardin : 3.315 € TTC ;

- trouble de jouissance complémentaire : 3.000 € ;

- travaux de nettoyage et remise en état des lieux : 450 € TTC ;

- compléter le dispositif de la décision de première instance pour la publicité à intervenir s'agissant de la propriété de l'ouvrage pour les travaux de reprise avec les précisions ci après:

* désignation du propriétaire de l'ouvrage :

Etablissement public industriel et commercial Energies services Lavaur Pays de Cocagne

Etablissement public et commercial

Immatriculé au RCS de [Localité 11] sous le n°431 452 010

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

Prise en la personne de son mandataire légal domicilié es qualité audit siège

* désignation de l'ouvrage concerné :

Un ouvrage en paroi clouée édifié sur les parcelles n°[Cadastre 17], [Cadastre 12] et [Cadastre 2] répertoriées au cadastre de la commune d'[Localité 19] ([Localité 19])

- condamner l'EPIC ESL à procéder aux formalités de publicité pour la propriété de l'ouvrage composé d'une paroi clouée cela sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

- confirmer pour le surplus la décision de première instance ;

A titre subsidiaire et pour le cas où l'ouvrage leur serait attribué en propriété,

- condamner l'EPIC ESL d'avoir à assumer à ses frais exclusifs tous travaux de construction, entretien, conservation, et maintenance de cet ouvrage composé d'une paroi clouée ;

- rejeter toutes demandes, fins et prétentions formulées à leur encontre ;

- condamner enfin la ou les parties succombantes d'avoir à leur régler la somme complémentaire de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de publicité à intervenir à la conservation des hypothèques.

Ils font valoir qu'ils sont fondés à mettre en cause la responsabilité de l'EPIC ESL, à l'origine des travaux litigieux, outre celles de la société Agri 2000 et de la société Hydrostadium, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage en tant que voisins occasionnels.

Ils invoquent également la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle des intervenants.

Ils exposent leurs préjudices.

Ils indiquent renoncer à l'accession concernant la paroi clouée construite en partie dans leur propriété ; subsidiairement, pour le cas où ils en seraient propriétaires, ils demandent de ne pas avoir à en assurer l'entretien.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 novembre 2021, la Smabtp, intimée, demande à la cour, au visa de l'article 1241 du code civil, de :

- dire qu'elle n'a jamais dénié devoir assumer une partie du sinistre litigieux,

- constater qu'elle a offert de préfinancer pour le compte de qui il appartiendra le coût des travaux de reprise depuis le 25 février 2020,

- confirmer le décision dont appel en ce qu'elle a fixé la part de responsabilité de la société Hydrostadium à 20 %,

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle n'a pas retenu une responsabilité exclusive de la société Hydrostadium s'agissant de l'aggravation des dommages,

Statuant à nouveau, condamner la société Hydrostadium à supporter :

* 20 % du coût du sinistre initial soit 54 195, 16 euros TTC ;

* 100 % de l'aggravation soit 129 607, 16 euros TTC ;

- confirmer la décisions dont appel en ce qu'elle a débouté la société Hydrostadium de ses demandes,

- infirmant la décision, dire que les demandes des époux [X] relatives à l'indemnisation de leurs préjudices autres que les travaux ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur étendue,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé fondée sa demande d'opposer aux tiers le montant des franchises contractuelles prévues aux conditions particulières de la police souscrite,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure.

Me [D] [R] de la Scp Vitani [R], en qualité de liquidateur de la Sarl Agri 2000, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 2 août 2021, à personne habilitée, avec assignation devant la cour d'appel n'a pas constitué avocat.

En vertu de l'article 474 du code de procédure civile, la décision sera réputée contradictoire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 21 novembre 2022.

Motifs de la décision :

Sur la saisine de la cour :

La cour n'est pas saisie des chefs du jugement ayant :

- rejeté l'exception d'incompétence ;

- condamné l'EPIC ESL à exécuter les travaux de reprise conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, sous astreinte ;

- rejeté les demandes dirigées à l'encontre de Me [R] en qualité de liquidateur de la société Agri 2000.

Sur les données de l'expertise judiciaire :

La tête du talus propriété [X] a subi des éboulements partiels, et de fait le talus en lui-même.

Ces éboulements ont pour conséquence :

- une instabilité du terrain de la propriété de M. et Mme [X] ;

- une dégradation par glissement de la végétation en tête de talus ;

- une perte de surface du terrain sur 57 ml de long et 1,00 à 1,50m de large (soit 57 à 85 m²).

Sur le point de savoir si les désordres compromettent la solidité de l'immeuble ou sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination, l'expert judiciaire indique que le pied de talus est bloqué par la conservation d'une partie de la centrale hydroélectrique aujourd'hui démolie. Ce procédé est anecdotique et n'assure aucune stabilité du pied du talus. Les éboulements qui ont eu lieu ont compromis l'homogénéité de ce talus. Les éboulements sont évolutifs.

La stabilité du talus est donc compromise, avec des répercussions sur la stabilité en sa tête sur la propriété [X].

L'expert judiciaire indique que les désordres consistent en une instabilité engendrant ainsi des éboulements dans cette zone ainsi que sur une longueur de 35 à 40 ml en tête de talus sur la propriété [X]. Les désordres évolutifs ont conduit au 25 février 2000 à une longueur de 57 ml environ.

Dans le pré-rapport, l'expert judiciaire donne les éléments suivants sur les responsabilités. Il estime que les causes des désordres sont une déstabilisation du talus suite à une excavation en son pied par Agri 2000. Cela a eu pour conséquence de créer une instabilité du talus engendrant ainsi des éboulements dans la zone de cette excavation. Il indique que la société Agri 2000 a dans un premier temps débroussaillé le pied du talus contre la centrale, et ce pour assurer l'évacuation du bois objet de son marché. Il estime que la photographie au 25 octobre 2016 montre le talus débroussaillé et non excavé. Dans un second temps, la société Agri 2000 a décaissé ce pied de talus afin de pouvoir y faire passer des engins. Il estime que ce décaissement en pied de talus en période hivernale pluvieuse est la cause des désordres sur la propriété [X].

Dans le rapport définitif, l'expert judiciaire estime qu'indépendamment du débat sur le décaissé en hauteur et/ou en largeur, c'est la modification de la zone en pied de talus qui a créé son instabilité jusqu'à la propriété des époux [X] en surplomb. La société Agri 2000 pendant ses travaux a modifié le pied du talus contre la centrale et ce pour assurer l'évacuation du bois objet de son marché. Il estime que la photographie au 25 octobre 2016 montre le talus modifié. L'expert indique qu'il ne fait aucun doute que la modification du pied d'un talus constituant les berges de l'Agout, et ce en période hivernale pluvieuse, est la cause des désordres sur la propriété [X].

L'expert indique que le maître d'oeuvre Hydrostadium avait dès le 25 octobre 2016 connaissance de travaux en pied de talus de stabilité précaire ainsi que de passage d'engins lourds, avant les opérations préalables à la réception (OPR) du 16 novembre 2016.

Les désordres n'existaient pas le 29 novembre 2016, date de la dernière réunion de chantier. La société Agri 2000 a réalisé des transports de bois en pied de talus jusqu'au 15 décembre 2016. Les deux dernières semaines de décembre étaient les vacances hivernales tant pour la société Hydrostadium que pour la société Agri 2000. Le 10 janvier 2017,la société Hydrostadium lors d'une visite a constaté les éboulements.

L'expert judiciaire estime que la responsabilité de la société Agri 2000 est prépondérante par modification d'un pied de talus de berge de l'Agout de stabilité précaire.

Il estime que la société Hydrostadium qui avait connaissance de cette modification dès le 25 octobre 2016 et avant les opérations préalables à la réception du 16 novembre 2016 a aussi une part de responsabilité.

L'expert judiciaire indique que le tuyau d'évacuation des eaux en provenance de la propriété [X] est une cause infinitésimale dans la survenance des désordres. Les travaux de la société Agri 2000, la stabilité précaire préexistante du talus sont très largement prépondérants voire totaux.

Sur les responsabilités :

Responsabilités initiales :

L'EPIC ESL a commis un trouble anormal du voisinage en tant que voisin occasionnel, en faisant réaliser les travaux.

La société Agri 2000 avait la charge des opérations suivantes (article 1.3.2 du CCTP) :

- déboisement et défrichement de la végétation de la future retenue, depuis l'Agout jusqu'à la côté 107,24 NGF en élévation, et depuis le futur barrage jusqu'au seuil d'[Localité 19] en plan (3 km de cours d'eau environ sur les deux rives), soit une surface totale estimée de déboisement de 6,2 ha ;

- déboisement et défrichement de la berge rive droite du site de construction du barrage ;

- déplacement des arbres à coléoptères saproxyliques ;

- abattage et stockage des arbres gîtes à chiroptère.

En vertu de l'article 1.3.3 du CCTP, elle avait également pour mission, notamment :

- les études préparatoires : organisation du chantier, planning des travaux, procédures d'exécution, plans, notes justificatives ;

- l'amenée et le repli des matériels nécessaires à l'exécution complète, dans les délais impartis, de l'ensemble des travaux ;

- l'installation et la protection du chantier, y compris signalétique et balisage réglementaires, aménagements des accès aux zones de travaux ;

- l'encadrement du chantier ;

- le repli du chantier, le nettoyage et la remise en état des lieux.

L'article 2.3 'prise de connaissance du site' indique que 'le titulaire se sera obligatoirement rendue sur place de manière à prendre connaissance :

- de toutes les conditions physiques et de toutes les sujétions relatives aux lieux des travaux et aux accès ;

- de l'exécution des travaux à pied d'oeuvre, ainsi qu'à l'organisation et au fonctionnement du chantier ;

- d'apprécier exactement toutes les conditions d'exécution des travaux et s'être totalement rendu compte de leur importance et de leur particularité.

Le titulaire ne pourra donc arguer d'ignorances quelconques à ce sujet pour prétendre à des suppléments de prix ou à des prolongations de délais.

Le titulaire aura déclaré avoir une parfaite connaissance des dispositions d'ensemble, de l'importance, de la situation des travaux à exécuter, de la nature et de l'état des terrains mis à sa disposition, des voies et des moyens d'accès au chantier et des conditions climatiques de la région (chutes de neige possibles, planning imposé).'

Le CCTP relatif au déboisement de la retenue prévoyait à l'article 2.6 accès, transport et stockage :

'Le titulaire a à sa charge l'étude, la réalisation et la maintenance de tous les moyens d'accès nécessaires à l'exécution des travaux.

Le titulaire devra garantir la stabilité et la traficabilité des pistes et plate-formes par tout temps.

Le titulaire sera responsable des conséquences du trafic exceptionnel occasionné par l'exécution des travaux sur les voiries publiques et privés, qu'il s'agisse de la circulation de ses propres véhicules ou de ceux de ses fournisseurs ou sous-traitants. Les éventuels frais d'entretien ou de remise en état des routes et chemins, résultant de ce trafic, seront à sa charge.'

Le CCTP prévoit : 'A la demande du maître d'oeuvre, des réunions de chantier seront organisées sur site. La fréquence maximale de ces réunions est hebdomadaire. Le conducteur de travaux ou son représentant désigné est tenu d'y assister.'

La société Agri 2000 a commis une faute d'exécution dans l'évacuation du bois. Elle a modifié le pied de talus côté ancienne centrale et a fait passer des engins lourds en pied de talus, sans prendre en compte l'instabilité du terrain.

Sa responsabilité est engagée sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage en tant que voisin occasionnel, en tant qu'entreprise d'exécution de travaux.

La société Hydrostadium a reçu une mission de maîtrise d'oeuvre complète portant notamment sur les opérations de déboisement / défrichage et évacuation des bois préalables à l'édification de la nouvelle centrale hydroélectrique et du barrage.

La mission de la société Hydrostadium comprenait notamment la direction de l'exécution des travaux.

Le CCAP maîtrise d'oeuvre joint au marché indique que la direction de l'exécution des travaux (DET) a pour objet notamment :

- de s'assurer que les documents d'exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions des études effectuées ;

- de s'assurer que les documents qui doivent être produits par l'entrepreneur, en application du contrat de travaux ainsi que l'exécution des travaux sont conformes audit contrat ;

- de délivrer tous ordres de service, établir tous procès-verbaux nécessaires à l'exécution du contrat de travaux, procéder aux constats contradictoires et organiser et diriger les réunions de chantier.

Le mémoire technique et financier établi par la société Hydrostadium, annexé à son marché, prévoit qu'une réunion officielle hebdomadaire de chantier sera programmée, en présence du maître d'ouvrage, de l'entreprise et du coordonnateur SPS.

La société Hydrostadium savait qu'il allait y avoir des travaux d'évacuation de bois. Elle devait vérifier qu'ils étaient bien exécutés selon les directives. Or, elle a eu connaissance au 25 octobre 2016 de travaux de modification du pied de talus pour le passage d'engins lourds côté ancienne centrale.

Elle dit que cet itinéraire n'était pas prévu par le plan qui prévoyait les divers accès et qui prévoyait le passage sur l'autre rive. Cependant, le déboisement était prévu sur les deux rives, ce qui nécessitait le passage d'engins sur les deux rives. Il y avait bien un accès par la [Adresse 21].

La société Hydrostadium savait que la stabilité du talus était précaire, par les calculs géotechniques réalisés, ce qui impliquait qu'aucune action ne devait avoir lieu en son pied direct.

Elle devait exercer un suivi adapté. Or, les réunions de chantier qui étaient prévues à une fréquence hebdomadaire n'ont pas eu lieu à la fréquence prévue à compter du 29 novembre 2016, alors même que la quantité de bois à évacuer était importante.

L'acte d'engagement prévoyait une exécution des prestations de la société Agri 2000 avant le 20 octobre 2016.

Le compte-rendu de chantier du 4 novembre 2016 indique : 'avancement : déboisement ancienne centrale rive droite/rive gauche : terminé ; évacuation des bois sur le méandre et au niveau de l'ancienne centrale rive droite : en cours.' 'Prévision avancement pour la semaine prochaine : fin d'abattage des arbres sur tout le linéaire ; défrichement sur tout le linéaire ; évacuation des stocks de bois progressif'.

Le compte-rendu de chantier du 15 novembre 2016 indique : 'Agri 2000 indique que la quantité de bois à évacuer sera supérieure au prévisionnel marché. Environ 2.500 m3 de bois ont déjà été évacués. Agri 2000 indique que ce chiffre risque de doubler au vu des quantités de bois abattus au niveau de l'ancienne centrale.'

Le compte-rendu de chantier du 29 novembre 2016 fait état de bois non évacués en totalité. Ils pourront être évacués après le 30 novembre 2016, mais tous les bois doivent être a minima stockés au-dessus de la cote 107,24 m NGF pour le 30 novembre 2016, car au-delà de cette date, la circulation d'engins en-dessous de cette cote et à proximité du lit de l'Agout sera formellement interdite. L'évacuation terrestre des bois pourra se poursuivre au-dessus de la cote 107,24 m NGF au-delà du 30 novembre 2016. La prochaine réunion était à convenir suivant évacuation des bois : semaine 50 ou 51.

Des courriels de la société Agri 2000 des 9 décembre et 22 décembre 2016 font état de l'avancement de l'évacuation du bois.

Un compte-rendu de visites 'déboisement de la retenue aléa glissement de terrain' du 19 janvier 2017 de la société Hydrostadium indique que lors d'une visite sur site le 10 janvier 2017, la société Hydrostadium a constaté un glissement de terrain à l'arrière de l'ancienne centrale.

Ce compte-rendu montre qu'il y a eu des terrassements dans le talus, et un décaissement en pied de talus.

Dans le compte-rendu de chantier du 31 janvier 2017, la société Agri 2000 a indiqué avoir débroussaillé le talus au démarrage du chantier pour se créer un accès aux engins ; élargi le chemin d'accès pour permettre le passage du porteur forestier fin 2016 ; abaissé le chemin d'accès d'environ 1,50 m pour permettre le passage du porteur forestier sous la toiture du bâtiment, y compris en pied de talus, fin 2016. La hauteur décaissée est d'1,50 m environ. Il est indiqué qu'en 2014 la largeur du chemin d'accès était de 3 m environ. La pente du talus était de 55°.

Le 25 octobre 2016, le décaissement d'1,50 m n'avait pas encore eu lieu. Dans les réunions de chantier des 22 et 29 novembre 2016, l'excavation n'est pas abordée.

Cependant, il y avait eu un débroussaillage ainsi qu'un élargissement du chemin en pied de talus, pour permettre le passage d'engins. Ainsi, le pied de talus avait été modifié, mais pas encore décaissé.

Le maître d'oeuvre aurait dû mettre la société Agri 2000 en garde contre tous travaux supplémentaires en pied de talus, et notamment contre un décaissement. Il aurait dû la mettre en garde contre le passage d'engins lourds en pied de talus.

Sa responsabilité est engagée sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage en tant que voisin occasionnel, en tant que maître d'oeuvre, in solidum avec la société Agri 2000.

Infirmant le jugement, la responsabilité de la société Agri 2000 étant prépondérante, il y a lieu de dire que dans les rapports entre eux, la société Agri 2000 est responsable de 90 % des préjudices subis, et la société Hydrostadium de 10%.

Responsabilités dans l'aggravation des dommages :

L'expert judiciaire chiffre le coût des travaux de réparation à 400.592,98 euros TTC, outre le coût de la remise en état de la propriété [X]. Il indique que les coûts sont évolutifs et exponentiels compte tenu de la date où ils seront réalisés. Les travaux de reprise sont à réaliser dans les plus brefs délais, au risque que les 57 ml ne se prolongent.

Effectivement, en cours d'expertise, l'effondrement de talus sur 40 ml s'est aggravé de 17 ml supplémentaires : depuis 2018 l'effondrement était sur 40 ml ; lors de la réunion d'expertise du 17 mai 2019, l'expert judiciaire avait retenu 40 ml d'emprise de désordres. Le 31 janvier 2020, le conseil des époux [X] l'a informé d'une évolution des désordres. Lors de la réunion du 25 février 2020, il a été constaté des désordres sur 57 ml.

Ainsi, une aggravation s'est produite en cours d'expertise judiciaire.

La question se pose de savoir à qui imputer cette aggravation.

Le compte-rendu de chantier du 31 janvier 2017 par la société Hydrostadium est annexé au rapport d'expertise. Il mentionne que la remise en état de l'accès à l'ancienne centrale est en cours. Le retalutage du pied de talus de la piste d'accès a été réalisé. La société Hydrostadium après sa visite du 10 janvier 2017 a fait purger les parties de terrain instables. Elle a demandé à la société Agri 2000 de remblayer en pied de talus à l'aide des terres éboulées afin de créer une butée de pied provisoirement.

Cependant, elle n'a pas reconnu sa responsabilité, et ainsi n'a pas offert de payer une partie du coût de la remise en état.

Le cabinet Elex, mandaté par l'assureur protection juridique de M. et Mme [X], à la suite de nombreuses réunions notamment en date des 6 juillet 2017, 8 septembre 2017, 22 mai 2018 et 2 juillet 2018, a dressé plusieurs rapports.

Une étude géotechnique de type G 5 selon la NFP 94.500 a été menée par BEFES le 14 juin 2018. Elle a permis de déterminer les travaux réparatoires, à savoir une paroi clouée avec 5 lits de clous, un béton projeté fibré d'épaisseur 20 cm.

Dans un dernier rapport du 9 juillet 2018, le cabinet Elex a indiqué valider la solution technique sur la base du devis MTPS, consistant en la réalisation d'une paroi clouée d'une longueur de 40 ml et d'une hauteur de 12 m. La paroi intégrera 120 clous. Des drains devront être créés avec la mise en oeuvre de barbacanes. Il indique : 'Le premier devis obtenu s'élève à la somme de 299.952 euros TTC. Nous pensons que ce chiffrage pourra être revu légèrement à la baisse. Il convient d'attendre le devis de la société Soltechnic.'

L'EPIC ESL a acquis les parcelles section D n°[Cadastre 17] et section D n°[Cadastre 2] de Mme [J] le 22 septembre 2017. C'est sur ces parcelles qui constituaient le talus que devaient être exécutés les travaux de reprise, notamment la paroi clouée. Mais la paroi clouée impactait aussi le sous-sol de M. et Mme [X]. Or, ils ne voulaient pas devenir propriétaires de l'ouvrage qui serait situé dans leur propriété.

La Smabtp, assureur de la société Agri 2000, a reconnu garantir son assuré et proposé de financer 80% des travaux de reprise (courrier du 23 octobre 2018). Elle a finalement accepté de préfinancer pour le compte de qui il appartiendra le coût des travaux de reprise (dire du 16 juin 2020 et courrier officiel du 27 août 2020 de la Smabtp, assureur de la société Agri 2000). Cette proposition est intervenue après l'aggravation des désordres.

Il apparaît que les divergences de vues entre la société Hydrostadium, la Smabtp, M. et Mme [X] suite au sinistre, ont amené à une issue contentieuse, et qu'ainsi, les désordres se sont aggravés durant l'expertise judiciaire.

Il y a lieu de retenir que la responsabilité quant aux aggravations n'est pas différente de la responsabilité dans le sinistre initial, c'est-à-dire une responsabilité in solidum de la société Hydrostadium et de la société Agri 2000. Dans leurs rapports entre eux, elle est de 90% à la charge de la société Agri 2000 et de 10% à la charge de la société Hydrostadium.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à exclure la prise en charge de l'aggravation des préjudices.

Sur la réalisation des travaux de reprise et leur coût :

Les travaux de reprise ont été réalisés conformément aux préconisations de l'expert judiciaire par l'EPIC ESL, qui a confié les travaux à la société MTPS.

Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 3 août 2021. La facture de la société MTPS du 27 août 2021 s'élève à 390.000 euros TTC.

La maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société I-TERRE. La facture du 3 septembre 2021 s'élève à 9.600 euros TTC.

La demande de confirmation de la condamnation subsidiaire de la société Hydrostadium à effectuer les travaux de reprise dans l'hypothèse où l'EPIC ESL n'aurait pas exécuté sa condamnation devient sans objet.

De même est sans objet la demande de juger que la société Hydrostadium n'aura pas la charge de la maîtrise d'oeuvre des travaux de reprise.

La demande de confirmation du chef de jugement condamnant la société Axa France Iard et la Smabtp in solidum à régler les indemnités nécessaires à l'exécution des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire directement entre les mains de l'EPIC ESL et de la société Hydrostadium est devenue sans objet, les travaux ayant été exécutés.

La somme totale devant être réglée à l'EPIC ESL et correspondant à la réalisation des travaux de reprise s'élève à 399 600 euros TTC

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la Smabtp et la société Hydrostadium à payer les travaux de reprise exécutés par l'EPIC ESL. A ce titre, la société Hydrostadium et la Smabtp seront condamnées in solidum à payer à l'EPIC ESL la somme de 399.600 euros TTC au titre des travaux de reprise.

Sur l'entretien, la conservation et la maintenance de la paroi clouée :

En vertu de l'article 545 du code civil, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

En vertu de l'article 551 du code civil, tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, suivant les règles qui seront ci-après établies.

En vertu de l'article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

En vertu de l'article 555 du même code :

'Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.

Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.

Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent.'

En l'espèce, les travaux de reprise ont nécessité la mise en place d'une paroi clouée qui a été construite par l'EPIC ESL en partie sur le fonds de M. et Mme [X]. Le reste est construit sur des parcelles appartenant à l'EPIC ESL. Les travaux ont été réalisés notamment sur les parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 2] lieudit [Localité 20]. Elles appartenaient à Mme [J] puis ont été cédées à l'EPIC ESL le 22 septembre 2017.

Des clous viennent s'ancrer dans le sous-sol de la parcelle de M. et Mme [X] pour assurer le maintien de la paroi béton.

Cette solution réparatoire s'imposait pour assurer la stabilité du talus. Aussi, M. et Mme [X] ne demandent pas la démolition de la partie d'ouvrage construite dans leur fonds. Cependant, les époux [X] souhaitent renoncer à l'accession de façon définitive. Les époux [X] demandent que l'EPIC ESL soit déclaré propriétaire de l'ouvrage et soit condamné à assumer à ses frais exclusifs tous travaux de construction, entretien, conservation, et maintenance de cet ouvrage.

L'EPIC ESL demande au contraire que les époux [X] soient considérés comme propriétaires de la paroi clouée située sur leur fonds. L'EPIC ESL demande qu'à titre de propriétaires, M. et Mme [X] assurent à titre exclusif l'entretien, la maintenance et la conservation de l'ouvrage.

En l'espèce, la règle d'accession par incorporation ne s'applique pas. En effet, on est en présence d'un empiétement d'une partie d'ouvrage sur le fonds du voisin. Cet empiétement a été réalisé dans le cadre de travaux de réparation imposés par une décision de justice pour faire cesser un trouble de voisinage imputable à l'EPIC ESL. L'empiétement a été toléré par M. et Mme [X] uniquement parce qu'en application du principe de la réparation intégrale, l'obligation en nature judiciairement imposée à l'EPIC ESL, exécutée sur les deux fonds, était le seul mode réparatoire propre à faire cesser le trouble, sans que l'acceptation de cette solution caractérise un libre consentement à l'incorporation à leur propriété de la paroi litigieuse dont ils ne demandent ni l'enlèvement ni l'appropriation. Les conditions de la mitoyenneté ne sont pas non plus réunies en l'espèce au regard de la configuration et de l'objet de cette paroi. Dès lors, l'EPIC ESL est tenu d'une obligation d'entretien, conservation et maintenance de l'intégralité de la paroi clouée.

Confirmant le jugement, il y a lieu de condamner l'EPIC ESL à assumer l'entretien, la conservation et la maintenance de l'intégralité de la paroi clouée.

La présente décision n'emporte pas transfert de propriété. Elle n'a donc pas à être publiée à la conservation des hypothèques.

Sur les dommages causés aux époux [X] :

Préjudice patrimonial :

L'expert judiciaire a indiqué que les éboulements de terrain en tête de talus empêchaient sa pleine utilisation sur une bande de 57 ml sur 1 à 1,5 m de large.

L'EPIC ESL dit que la réalisation de la paroi clouée a été faite de telle manière que la surface de terrain perdue par les époux [X] en raison des éboulements a été totalement reconstituée par la réalisation d'un coffrage en haut de talus.

M. et Mme [X] n'établissent pas avoir été privés d'une partie de la surface de leurs parcelles. Le terrain étant classé en zone N et zone inondable, ils n'ont pas non plus subi de perte d'aménagement.

Le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.

M. et Mme [X] seront déboutés de leur demande au titre du préjudice patrimonial.

Préjudice de jouissance :

M. et Mme [X] ont subi à partir de l'éboulement initial survenu en janvier 2017, une perte de jouissance de leur propriété en bordure des berges de l'Agout avec l'angoisse d'une aggravation des dégâts subis. Ils justifient de leur préjudice d'angoisse en versant des certificats médiaux, et plusieurs attestations disant que l'accès au jardin a dû être limité entre le sinistre et l'exécution des travaux de reprise, notamment pour les enfants du couple (dont la dernière, née en 2011) et leurs amis, du fait d'un risque de chute : terrain encore plus instable et pente à pic (talus quasiment vertical).

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum l'EPIC ESL, la Sa Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium à payer à M. et Mme [X] la somme de 6.000 euros au titre du préjudice de jouissance.

Frais divers :

Les frais divers exposés par M. et Mme [X] représentent :

- deux constats d'huissier des 24 janvier et 19 avril 2017 : 480,09 + 480,09 = 960,18 euros TTC ;

- procès-verbal de constat complémentaire du 5 février 2021 : 386 euros TTC ;

- frais de géomètre pour un bornage partiel avec délimitation de leur propriété au regard des éboulements subis : 720 euros TTC.

Infirmant le jugement, l'EPIC ESL, la Sa Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme [X] la somme de 2.036,18 euros qu'ils réclament au titre des frais divers.

Remplacement des clôtures :

L'expert judiciaire a pu constater et a validé la facture de 888,72 euros.

Le jugement dont appel sera confirmé sur la condamnation au titre du remplacement des clôtures.

Perte des végétaux :

Les éboulements ont provoqué la chute de plantations. L'expert judiciaire a pu vérifier la réalité de ces désordres et valider le coût des travaux de reprise, soit 1.571,59 euros TTC.

Le jugement dont appel sera confirmé sur la condamnation au titre de la perte de végétaux.

Perte d'un animal domestique :

M. et Mme [X] allèguent qu'un chien serait décédé en tombant en bas de la pente. Le lien de causalité avec le sinistre n'est pas démontré.

Infirmant le jugement, M. et Mme [X] seront déboutés de leur demande au titre de la perte d'un animal domestique.

Demandes additionnelles en indemnisation des préjudices causés par l'exécution des travaux de paroi clouée :

Sur la recevabilité :

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les demandes additionnelles en indemnisation des préjudices causés par l'exécution des travaux de paroi clouée sont recevables en appel, car elles sont liées à des faits nouveaux : c'est l'exécution des travaux de reprise qui est à l'origine des nouveaux dommages allégués.

Sur le fond :

- dégâts végétaux et remise en état du jardin :

Des engins de chantier sont intervenus dans le jardin à l'occasion des travaux de reprise, créant des ornières. Une haie a été abîmée à l'aplomb de la paroi clouée. M. et Mme [X] se prévalent d'un devis de 3.315,60 euros TTC. Cependant, la somme de 986,40 euros TTC ont été pris en charge par la société MTPS pour une partie gazon et la haie du haut. M. et Mme [X] n'apportent pas la preuve de coûts supplémentaires.

- trouble de jouissance complémentaire :

Les travaux de reprise depuis le jardin des époux [X] du 31 mai au 24 juillet 2021 ont créé un trouble de jouissance qui peut être évalué à 400 euros.

- travaux de nettoyage et remise en état des lieux :

Un devis de 450 euros TTC pour le nettoyage intérieur et extérieur des fenêtre a déjà été pris en charge par la société MTPS ; cependant il y a eu de la poussière aussi sur le mobilier de jardin, dans la piscine. Ceci peut être évalué à 450 euros.

Il y a lieu de condamner in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la société Hydrostadium et la Smabtp à payer à M. et Mme [X] au titre des préjudices additionnels la somme de 850 euros.

Sur la demande de la société Axa France Iard d'être relevée et garantie :

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Hydrostadium et la Smabtp à relever et garantir la Sa Axa France Iard des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les rapports entre la société Hydrostadium et la Smabtp :

Infirmant le jugement, il y a lieu de dire que dans les rapports entre elles, la société Hydrostadium supportera la charge finale de 10 % des condamnations et la Smabtp 90 %.

Sur les franchises contractuelles :

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a dit que la Smabtp peut opposer aux tiers le montant des franchises contractuelles prévues aux conditions particulières de la police souscrite.

Il y a lieu d'ajouter que la Sa Axa France Iard peut opposer aux tiers sa franchise contractuelle.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'EPIC ESL, la Sa Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium seront condamnées in solidum aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, ainsi que décidé par le premier juge, et aux dépens d'appel, en ce compris les frais de publicité à intervenir à la conservation des hypothèques.

Ils sont redevables in solidum envers M. et Mme [X] d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel.

Ils seront déboutés de leurs demandes sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant dans la limite de sa saisine,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Castres du 9 avril 2021, sauf :

- sur le préjudice de remplacement des clôtures, le préjudice de jouissance, la perte de végétaux ;

- en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à exclure la prise en charge de l'aggravation des préjudices ;

- en ce qu'il a dit que la Smabtp et la société Hydrostadium seront tenues in solidum de payer les travaux de reprise exécutés par l'EPIC ESL conformément aux préconisations de l'expert judiciaire ;

- en ce qu'il a condamné l'EPIC ESL à assumer l'entretien, la conservation et la maintenance de la paroi clouée ;

- en ce qu'il a condamné la société Hydrostadium et la Smabtp à relever et garantir la Sa Axa France Iard des condamnations prononcées à son encontre ;

- en ce qu'il a dit que la Smabtp peut opposer aux tiers le montant des franchises contractuelles prévues aux conditions particulières de la police souscrite ;

- en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que dans leurs rapports entre elles, la société Agri 2000 est responsable de 90 % des préjudices subis, et la société Hydrostadium de 10% ;

Constate que les travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire ont été exécutés par l'EPIC ESL ;

Déclare sans objet la demande de confirmation de la condamnation subsidiaire de la société Hydrostadium à effectuer les travaux de reprise dans l'hypothèse où l'EPIC ESL n'aurait pas exécuté sa condamnation, ainsi que la demande de juger que la société Hydrostadium n'aura pas la charge de la maîtrise d'oeuvre des travaux de reprise, et la demande de confirmation du chef de jugement condamnant la société Axa France Iard et la Smabtp in solidum à régler les indemnités nécessaires à l'exécution des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire directement entre les mains de l'EPIC ESL ;

Constate que la facture définitive de la société MTPS est produite ;

Condamne in solidum la société Hydrostadium et la Smabtp à payer à l'EPIC ESL la somme de 399.600 euros TTC au titre des travaux de reprise ;

Dit que la présente décision n'a pas à être publiée à la conservation des hypothèques ;

Déboute M. et Mme [X] de leur demande au titre du préjudice patrimonial et de la perte d'un animal domestique ;

Condamne in solidum l'EPIC ESL, la Sa Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium à payer à M. et Mme [X] la somme de 2.036,18 euros demandée au titre frais divers ;

Déclare recevables les demandes additionnelles en indemnisation des préjudices causés par l'exécution des travaux de paroi clouée ;

Condamne in solidum l'EPIC ESL, la société Axa France Iard, la société Hydrostadium et la Smabtp à payer à M. et Mme [X] la somme de 850 euros au titre des préjudices additionnels ;

Dit que dans les rapports entre elles, la société Hydrostadium supportera la charge finale de 10 % des condamnations, et la Smabtp 90 % ;

Dit que la Sa Axa France Iard peut opposer aux tiers sa franchise contractuelle ;

Condamne in solidum l'EPIC ESL, la Sa Axa France Iard, la Smabtp et la société Hydrostadium aux dépens d'appel ;

Les condamne in solidum à payer à M. et Mme [X] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel ;

Les déboute de leurs demandes sur le même fondement.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/02406
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.02406 ?
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