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10/03/2023 | FRANCE | N°20/03455

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 10 mars 2023, 20/03455


10/03/2023





ARRÊT N°120/2023



N° RG 20/03455 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N3FS

MS/KB



Décision déférée du 09 Novembre 2020

Pole social du TJ de TOULOUSE



19/10156



Carole MAUDUIT























CIPAV





C/



[N] [S]










































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INFIRMATION PARTIELLE







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



CIPAV

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Sonia BRUNET-RICHOU de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES...

10/03/2023

ARRÊT N°120/2023

N° RG 20/03455 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N3FS

MS/KB

Décision déférée du 09 Novembre 2020

Pole social du TJ de TOULOUSE

19/10156

Carole MAUDUIT

CIPAV

C/

[N] [S]

INFIRMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

CIPAV

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Sonia BRUNET-RICHOU de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Clémence BARDOU, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Madame [N] [S]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant Mmes M. SEVILLA et MP BAGNERIS, conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président

MP. BAGNERIS, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffier, lors des débats : S.THAUVIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par N.ASSELAIN,conseillère faisant fonction de président et par K. BELGACEM, greffier de chambre.

Mme [N] [S] exerce sous le statut d'auto-entrepreneur depuis 2012.

Le 17 octobre 2018, elle se procurait un relevé de situation individuelle via le site info retraite.

Elle apprenait que la CIPAV (caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales) lui reconnaissait :

-10 points de retraite complémentaire pour 2012

-9 points pour 2013

-4 points pour 2014

-9 points pour 2015

Le 19 octobre 2018, Mme [S] contestait devant la commission de recours amiable de la CIPAV cette quantification et sollicitait la rectification de ses points de retraite complémentaire acquis sous le statut d'auto-entrepreneur.

En l'absence de réponse de la commission de recours amiable de la CIPAV, Mme [S] a saisi le tribunal judiciaire de Toulouse.

Par jugement du 9 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse a notamment :

- Déclaré recevable et bien fondé le recours de Mme [S],

-Dit y avoir lieu à rectification des points de retraite complémentaire acquis par Mme [S] sur la période 2012-2018 pour un total retenu de 256 points,

- Ordonné à la CIPAV de mettre en conformité le relevé de situation individuelle de Mme

[S],

- Condamné la CIPAV à payer à Mme [S] la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts,

- Condamné la CIPAV à verser à Mme [S] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CIPAV a fait appel de la décision dans des conditions de délai et de forme non contestées.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, elle demande de:

- Débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes

- Condamner Mme [S] à verser à la CIPAV la somme de 1 500€, au titre de

l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Mme [S] aux dépens.

Elle soutient que l'appel est irrecevable, le relevé de situation individuelle ne constituant pas une décision d'un organisme mais uniquement une fiche de renseignement aux données indicatives.

Sur le fond des demandes, la CIPAV affirme que les autoentrepreneurs ont un statut dérogatoire optionnel dont le niveau de cotisation est inférieur aux professionnels libéraux et dont les droits ne peuvent être que proportionnels aux cotisations versées.

La CIPAV insiste sur le principe de proportionnalité des points de retraite complémentaire qui doivent être attribués proportionnellement aux cotisations effectivement versées.

L'appelante affirme qu'il ressort du décret du 21 mars 1979 que ce n'est pas la classe de cotisation fonction du revenu de l'affilié qui engendre un nombre de points de retraite complémentaire, mais le paiement de la cotisation dont le montant est déterminé par décret.

Elle ajoute que ses statuts sont applicables à l'ensemble des affiliés de la CIPAV, que le principe de proportionnalité impose que les droits ne soient octroyés qu'en fonction des cotisations réglées, et qu'en toute hypothèse l'affilié, en se plaçant sous le régime de l'auto-entreprenariat, a nécessairement sollicité le paiement de cotisations moindres.

**************************

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé, Mme [N] [S] demande:

'de confirmer le jugement du pôle social

-de condamner la CIPAV à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Elle soutient que le relevé de situation individuelle constitue une décision susceptible de recours direct devant la commission de recours amiable.

Sur le fond elle affirme que la Cour de cassation a retenu que les auto-entrepreneurs bénéficiaient de l'attribution d'un nombre de points de retraite complémentaire forfaitaire en fonction de la classe de revenu déterminé selon le chiffre d'affaire et non pas proportionnellement aux cotisations versées.

Elle soutient qu'est donc inévitable la censure de la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe, à savoir moins de 40 points en « classe 1 » entre 2009 et 2012 et moins de 36 points depuis 2013 en « classe A ».

Elle précise que l'assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable de l'auto-entrepreneur est celle du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette spécifique des cotisations selon l'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, et indique que cet article garantit aux auto-entrepreneurs l'acquisition de droits identiques à ceux des professionnels libéraux « classiques » par référence à un niveau de contribution réputé équivalent.

Elle soutient qu'en toute hyppthèse, elle n'a pas sollicité le bénéfice d'une réduction des cotisations telle qu'elle résulte des statuts et n'en n'a pas fait la demande expresse.

Les parties ont été entendues à l'audience du 15 décembre 2022. La décision a été mise en délibéré au 10 mars 2023.

Motifs:

Sur la recevabilité:

Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension.

Il en résulte qu'un tel relevé de situation individuelle constitue une décision au sens de l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale, et que l'assuré est recevable, s'il les estime erronés, à contester devant la commission de recours amiable puis devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurite sociale le report des durées d'affiIiation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé.

En l'espèce, Mme [N] [S] a obtenu le 17 octobre 2018, par le site internet du groupement d'intérêt public Info Retraite, un relevé de situation individuelle lui reconnaissant, au titre des droits acquis auprès de la CIPAV:

- 10 points de retraite complémentaire en 2012,

- 9 points de retraite complémentaire en 2013,

- 4 points de retraite complémentaire en 2014.

-9 points de retraite complémentaire en 2015,

Par courrier du 19 octobre 2018 elle a formé un recours devant la commission de recours amiable de la CIPAV contestant l'attribution des points pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015.

La commission de recours amiable a implicitement rejeté ses demandes en ne répondant pas au courrier de contestation.

Par conséquent, l'action de Mme [S] devant le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse au titre de cette période est parfaitement recevable.

A contrario aucune contestation n'a été soumise à la commission de recours amiable de la CIPAV concernant les années 2016 et 2017. Le courrier de saisine n'évoque pas ces deux années et Mme [S] ne pouvait donc valablement saisir directement le tribunal judiciaire du pôle social de Toulouse pour cette période sans recours préalable devant la commission de recours amiable.

Le recours de Mme [S] concernant les années 2016 et 2017 est donc irrecevable et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le fond:

Le décret du 21 mars 1979 institue le régime de retraite complémentaire de la CIPAV. L'article 2 de ce décret prévoit que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire comporte plusieurs classes de cotisations, à chacune desquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite, qui procède directement de la classe de cotisation de l'intéressé. Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret du 28 décembre 2012, applicable aux cotisations dues à compter du ler janvier 2013, et à chacune de ces classes de cotisations correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite, fixé pour la première de ces classes à 40 points jusqu'à l'année 2012, puis à 36 points à compter de 2013. Il résulte de ce même article 2 que la classe de cotisation de chaque assujetti est déterminée en considération de son revenu d'activité, constitutif de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

De la date de la création du régime des auto-entrepreneurs jusqu'au 1er janvier 2016, les personnes affiliées à ce régime bénéficiaient, en contrepartie du paiement de leurs cotisations calculées de façon forfaitaire auxquelles venait s'ajouter un différentiel versé par l'Etat, de l'ouverture de droits au titre de l'assurance vieillesse complémentaire . Compte tenu des spécificités du régime de retraite complémentaire de la CIPAV, l'Etat a calculé ce différentiel sur la base d'une cotisation de référence égale à « la plus faible cotisation non nulle » dont ces assurés auraient pu être redevables en fonction de leur activité.

L'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause, précise que les cotisations dues par les auto-entrepreneurs sont calculées 'de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants'.

L'absence de compensation appropriée, par l'Etat, au profit de la CIPAV, de la différence entre la cotisation versée en application du statut de l'auto-entreprise et la cotisation dont le professionnel aurait été redevable s'il n'avait pas opté pour ce statut, ne peut en elle-même être opposée à l'auto-entrepreneur, qui bénéficie du statut incitatif instauré par les textes et des dispositions réglementaires applicables.

La cour de cassation a par ailleurs retenu dans un arrêt du 23 janvier 2020, concernant le nombre de points de retraite complémentaire attribué par la CIPAV à un auto-entrepreneur au titre de la période de 2010 à 2014, que les dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 modifié sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, et que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité.

La CIPAV ne démontre pas en quoi ses statuts feraient en l'espèce, pour la période antérieure au 1er janvier 2016, obstacle à l'application des dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 au profit de Mme [N] [S].

En particulier, le seul fait pour Mme [N] [S] d'avoir bénéficié du statut des auto-entrepreneurs n'équivaut pas à une demande de réduction de la cotisation pour insuffisance de revenus au sens de l'article 3.12 des statuts de la Cipav, entraînant une réduction proportionnelle du nombre de points de complémentaire retraite.

Dans son rapport annuel 2017 (p 427), la cour des comptes dénonce le fait que la CIPAV ait 'appliqué systématiquement et automatiquement, sans leur consentement, une disposition de ses statuts permettant aux professionnels libéraux de droit commun de demander expressément, s'ils le souhaitent, en cas de faibles revenus, un abattement sur leurs cotisations se traduisant par une réduction de leurs droits'. Il n'est pas contesté en l'espèce que la partie intimée ait régulièrement acquitté l'ensemble des cotisations dont elle était redevable. L'article 3.12 bis des statuts n'est d'autre part pas applicable à la période antérieure au 1er janvier 2016, date à laquelle la compensation de l'Etat a pris fin.

En considération de ces éléments, le tribunal a justement déterminé le nombre de points de retraite complémentaire auquel Mme [N] [S] pouvait prétendre, par application de l'article 2 du décret du 21 mars 1979, au regard de son revenu d'activité et de la classe correspondante, pour les années 2012 à 2015.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a attribué à Mme [S]:

-40 points de retraite complémentaire pour 2012

-36 points de retraite complémentaire pour 2013

-36 points de retraite complémentaire pour 2014

-36 points de retraite complémentaire pour 2015

Sur les autres demandes:

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne l'attribution de dommages et intérêts, au regard notamment de la dénonciation préalable de la cour des comptes, en 2014 et en 2017, de la minoration injustifiée des points de retraite complémentaire alloués aux auto-entrepreneurs.

Dans son rapport annuel 2017 (p 427), la cour des comptes dénonce 'une absence anormale de rétablissement des auto-entrepreneurs dans leurs droits' et 'réitère sa recommandation de rétablir dans la plénitude de leurs droits les auto-entrepreneurs concernés entre 2009 et 2015, sur la base d'une cotisation minimale recalculée'. Le non respect de cette recommandation est à l'origine des tracas subis par Mme [N] [S] dans le cadre du présent litige.

En cause d'appel, il n'y a pas lieu à nouvelle indemnité au titre des frais irrépétibles.

Les dépens d'appel sont à la charge de la CIPAV.

Par ces motifs:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort:

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 9 novembre 2020 en ce qu'il a déclaré recevable le recours de Mme [N] [S] pour les années 2016 et 2017;

Statuant à nouveau,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a attribué à Mme [S]:

-40 points de retraite complémentaire pour 2012

-36 points de retraite complémentaire pour 2013

-36 points de retraite complémentaire pour 2014

-36 points de retraite complémentaire pour 2015

Rejette les autres demandes,

Laisse les dépens d'appel à la CIPAV

Le présent arrêt a été signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président et K.BELGACEM, greffier de chambre.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

K.BELGACEM N.ASSELAIN

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 20/03455
Date de la décision : 10/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-10;20.03455 ?
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