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10/03/2023 | FRANCE | N°18/03822

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 10 mars 2023, 18/03822


10/03/2023





ARRÊT N°117/2023



N° RG 18/03822 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MPYD

MS/KB



Décision déférée du 16 Août 2018

TASS HAUTE GARONNE



21601557





Carole MAUDUIT























[B] [P]





C/



CPAM DE LA HAUTE GARONNE



SARL [5]

































r>




























LIQUIDATION PREJUDICE CORPOREL







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS



***



APPELANT



Monsieur [B] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Olivier BORDES-GOUGH de la SCP D'AV...

10/03/2023

ARRÊT N°117/2023

N° RG 18/03822 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MPYD

MS/KB

Décision déférée du 16 Août 2018

TASS HAUTE GARONNE

21601557

Carole MAUDUIT

[B] [P]

C/

CPAM DE LA HAUTE GARONNE

SARL [5]

LIQUIDATION PREJUDICE CORPOREL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [B] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Olivier BORDES-GOUGH de la SCP D'AVOCATS BORDES-GOUGH-GALINIE-LAPORTE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

CPAM DE LA HAUTE GARONNE

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Mme [H] [J] (membre de l'organisme) en vertu d'un pouvoir spécial

SARL [5]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Mathilde MOLINIER-KOUAS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant Mmes M. SEVILLA et MP BAGNERIS, conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président

MP. BAGNERIS, conseillère

M. SEVILLA, conseillère

Greffier, lors des débats : S.THAUVIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par N.ASSELAIN,conseillère faisant fonction de président et par K. BELGACEM, greffier de chambre

M. [B] [P], employé en qualité d'ouvrier opérateur polyvalent puis d'opérateur régleur depuis le 19 juin 2002, par la société [7], aux droits de laquelle se trouve la société [5], a déclaré le 28 janvier 2011, être atteint d'une hernie discale lombaire L5-S1 depuis le 31 août 2009 en demandant sa reconnaissance à titre de maladie professionnelle relevant du tableau n° 98 A.

Après enquête, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a décidé le 5 juillet 2011 la transmission pour avis du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 8], en retenant que la condition relative au délai de prise en charge de six mois était dépassée, puis, faute d'avis du dit comité, a notifié le 21 juillet 2011, un refus de prise en charge à titre conservatoire.

Suite à l'avis défavorable en date du 5 août 2011 du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a notifié le 25 août 2011 son refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée.

Par décision en date du 27 janvier 2011, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapé a reconnu à M. [P] le statut de travailleur handicapé pour la période du 1er novembre 2010 au 30 novembre 2015.

M. [P] a été licencié le 31 mars 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Après rejet le 8 décembre 2011 de sa contestation de la décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée, M. [P] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne qui a:

* par jugement en date du 20 mars 2013 ordonné la saisine pour avis d'un deuxième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (de [Localité 6]),

* par jugement en date du 10 juin 2015, compte tenu de l'avis en ce sens du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6] du 5 juillet 2013, reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a alors notifié le 8 juillet 2015 la prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation professionnelle, puis déclaré M. [P] consolidé à la date du 31 octobre 2015 en retenant un taux d'incapacité permanente partielle de 9%.

M. [P] a saisi le 17 septembre 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l'origine de sa maladie professionnelle.

Par jugement en date du 16 août 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne a:

* déclaré le recours de M. [P] recevable mais mal fondé,

* débouté M. [P] de ses demandes,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant arrêt rendu le 20 décembre 2019, la cour d'appel de Toulouse a infirmé le jugement et dit que la maladie professionnelle de M.[P] est due à la faute inexcusable de son employeur.

La Cour a ordonné une expertise médicale et a désigné le Docteur [C]

pour y procéder.

Elle a en outre alloué une indemnité provisionnelle de 2.000 € à M. [P] à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ainsi qu'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'expert a déposé son rapport le 10 mai 2021.

Dans ses dernières conclusions, reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, M. [B] [P] demande de:

- Condamner la Sarl [5] à lui payer les sommes suivantes :

- Souffrances endurées 5.000,00 €

- Préjudice d'agrément 5.000,00 €

- Déficit fonctionnel temporaire 6.902,00 €

- Assistance tierce personne 2.610,12 €

- Préjudice sexuel 5.000,00 €

- Incidence professionnelle 40.000,00 €

-Condamner la Sarl [5] à lui payer la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner la Sarl [5] aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.

Dans ses dernières écritures, reprises oralement et auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé, la Sarl [5] demande:

- D'ordonner la majoration de l'indemnité en capital dans la limite de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale ;

- D'allouer à M.[P] les sommes suivantes :

o 5.630 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

o 1.568 € au titre de l'assistance tierce personne

o 4.000 au titre des souffrances endurées

- De débouter M.[P] de l'ensemble de ses autres demandes.

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé, la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Garonne demande de:

-fixer à son maximum la majoration de rente calculée sur la base du taux d'IPP de 9% soit le montant de l'indemnité en capital qui s'élève à 4.105,96 euros

-Débouter M.[P] de ses demandes au titre des préjudices d'agrément et de promotion professionnelle,

-réduire les demandes au titre du déficit fonctionnel temporaire, de la tierce personne et du préjudice sexuel,

-déduire la provision de 2.000 euros

-rappeler que la caisse primaire d'assurance maladie fera l'avance de ces sommes auprès de M.[P] et dispose d'une action récursoire à l'encontre de l'employeur, la Sarl [5], concernant les sommes dues à l'assuré et concernant les frais d'expertise,

-accueillir également l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie à l'encontre de l'employeur qui récupérera directement auprès de l'employeur le montant de la majoration de rente,

Les débats se sont déroulés le 15 décembre 2022. La décision a été rendue le 10 mars 2023.

Motifs:

Sur les souffrances endurées:

Il s'agit d'indemniser les souffrances physiques et psychiques endurées par la victime.

M. [B] [P] sollicite une somme de 5.000 euros.

L'expert a mentionné dans son rapport qu'au regard des lésions initiales des soins , des deux séances d'infiltration et de rééducation et de la thérapeutique antalgique on peut retenir des souffrances de 2,5/7.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande à hauteur de 5.000 euros.

Sur le préjudice d'agrément:

Le préjudice d'agrément vise à réparer le préjudice « lié à l'impossibilité pour

la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ».

Ce préjudice concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident. Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités (licences sportives, adhésions d'associations, attestations...) et de l'évoquer auprès du médecin expert.

En l'espèce, M. [P] sollicite la somme de 5.000 euros et évoque une gêne dans la pratique du basket ball, du vélo du football et du ping pong. L'expert a retenu l'existence d'une limitation dans l'exercice de ses activités.

Le salarié produit aux débats l'attestation de M. [N] [W] qui confirme avoir pratiqué avec lui les activités sportives alléguées.

Ce témoignage est circonstancié et précis et suffit à démontrer la pratique effective avant la maladie professionnelle de ces sports.

Par conséquent il y a lieu d'indemniser le préjudice d'agrément, de M.[P] âgé de 40 ans au jour de la consolidation, en lui allouant la somme de 5.000 euros.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice traduit l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à la date de la consolidation dans sa sphère personnelle.

Ce poste permet ainsi d'indemniser les périodes d'hospitalisation et surtout « la perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante ». Ces pertes prennent de multiples formes : incapacité fonctionnelle en tant que telle qui peut se traduire par des durées d'alitement plus ou moins longues sans possibilité de se déplacer, séparation de la victime de son environnement familial et amical non seulement à l'hôpital mais aussi dans le centre de rééducation, privation temporaire des activités quotidiennes, culturelle, sportives, ludiques et/ou spécifiques en tous genres, préjudice sexuel.

Il s'agit d'indemniser les gênes de tous ordres subies par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à la consolidation.

Ce déficit fonctionnel temporaire est classé par les médecins-experts en «'classes'» pour tenir compte de l'évolution de l'incapacité tout au long de la maladie traumatique.

L'expert a retenu en l'espèce, une période de classe 1 (10%) entre le 31 août 2009 et le 31 octobre 2015.

En retenant une indemnité journalière de 25 euros au titre d'un déficit total, il convient d'indemniser cette période à hauteur de (25X2252 jours)X10%= 5.630 euros.

Sur l'assistance tierce personne:

L'expert a noté la nécessité d'une aide pour certaines activités de la vie quotidienne: habillage, déshabillage, découpage des aliments et déplacements extérieurs à hauteur de 3h30 par semaine du 31 août 2009 au 18 mars 2010.

Au regard des qualifications requises pour effectuer l'aide mentionnée, il convient de retenir un taux horaire de 18 euros comme satisfactoire et d'indemniser ce préjudice à hauteur de (28 semainesX 3,5 heuresX 18)= 1.764 euros.

Sur le préjudice sexuel:

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement,partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction). (Civ. 2, 17 juin 2010, n° 09-15.842).

L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

En l'espèce, l'expert a indiqué dans son rapport retenir l'existence d'un préjudice sexuel au regard des données de l'examen clinique relatant une raideur lombaire liée à la hernie discale et des plaintes concernant la sexualité émise par M [B] [P] en terme de positions sexuelles.

M [B] [P] produit aux débats une attestation de son épouse qui confirme l'existence de ce préjudice.

Il convient au regard de l'âge de M [B] [P] au jour de la consolidation et de l'atteinte partielle décrite ci dessus, de lui allouer de ce chef la somme de 3.000 euros.

Sur le préjudice professionnel:

Il appartient à la victime d'un accident du travail résultant de la faute inexcusable de son employeur qui sollicite la réparation d'un préjudice au titre de la perte de chance ou d'une diminution des possibilités de promotion professionnelle de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de la promotion dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable.

En l'espèce, l'expert a indiqué dans son rapport que l'état de santé de M [B] [P] suite à la maladie professionnelle n'était plus compatible avec les postes de travail antérieurement réalisés et que l'absence de reclassement professionnel au sein de l'entreprise aurait engendré son licenciement. A ce jour M. [P] retravaille mais à un poste d'affûteur sans port de charge lourde.

L'expert a considéré qu'il était possible de retenir une perte de chance professionnelle si M [B] [P] pouvait disposer d'une évolution de carrière au sein de l'entreprise.

M [B] [P] affirme qu'il pouvait compter sur une évolution de carrière normale pour un technicien en usinage qui l'aurait conduit à exercer la fonction de technicien de gestion de production, de technicien méthodes puis de chef d'atelier usinage.

Toutefois M [B] [P] se contente d'évoquer une promotion hypothétique et ne démontre pas la réalité de la chance de promotion perdue en ne produisant aucune pièce probante permettant de faire droit à sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes:

Il sera fait droit à la demande de fixation à son maximum de la majoration.

La Sarl [5] sera condamnée à payer à M [B] [P] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du caisse primaire d'assurance maladie et aux entiers dépens.

Par ces motifs:

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

-Fixe à son maximum la majoration de rente calculée sur la base du taux d'IPP de 9% soit le montant de l'indemnité en capital qui s'élève à 4.105,96 euros

-Fixe les préjudices de M. [B] [P] comme suit:

-5.000 euros au titre des souffrances endurées

- 5.630 euros euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 5.000 euros au titre du préjudice d'agrément

- 1.764 euros au titre de l'assistance tierce personne

- 3.000 euros au titre du préjudice sexuel,

Condamne la Sarl [5] aux entiers dépens et à payer à M. [B] [P] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Garonne fera l'avance de l'intégralité des sommes dans les conditions e L452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, sous déduction de la provision de 3.000 euros et en récupérera le montant auprès de l'employeur ou son substitué,

Rejette les autres demandes,

Le présent arrêt a été signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président et K.BELGACEM, greffier de chambre.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

K.BELGACEM N.ASSELAIN

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 18/03822
Date de la décision : 10/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-10;18.03822 ?
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