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07/03/2023 | FRANCE | N°22/01835

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 07 mars 2023, 22/01835


07/03/2023



ARRÊT N°



N° RG 22/01835

N° Portalis DBVI-V-B7G-OZBS

MD / RC



Décision déférée du 29 Mars 2022

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI 21/00765

Mme MALLET

















[S] [N]





C/



[G] [M]

Caisse CPAM DU TARN















































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Monsieur [S] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Dominique LAURENT de la SCP ALBAREDE ET AS...

07/03/2023

ARRÊT N°

N° RG 22/01835

N° Portalis DBVI-V-B7G-OZBS

MD / RC

Décision déférée du 29 Mars 2022

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI 21/00765

Mme MALLET

[S] [N]

C/

[G] [M]

Caisse CPAM DU TARN

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [S] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Dominique LAURENT de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocat au barreau D'ALBI

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2022.010633 du 18/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMES

Monsieur [G] [M]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Géraud VACARIE de l'ASSOCIATION VACARIE - DUVERNEUIL, avocat au barreau de TOULOUSE

Caisse CPAM DU TARN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

J.C GARRIGUES, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Après que M. [S] [N], atteint de la maladie de [R] [P] [T], l'ait consulté pour un basculement de la cheville gauche, le Docteur [G] [M] a pratiqué une arthrodèse tibio-talienne le 11 mars 2013. Le 24 juin 2013, le Docteur [M] a retiré le matériel d'ostéosynthèse et réalisé une nouvelle arthrodèse par enclouage transplantaire rétrograde.

Selon ses dires, M. [N] aurait par la suite souffert de fortes douleurs au talon ayant conduit le Docteur [M] à lui retirer la vis de chevillage du tibia le 06 décembre 2013. Après le départ de ce dernier à la retraite, le Docteur [J] lui a retiré une vis le 13 mai 2014 puis finalement à lui retirer le matériel d'ostéosynthèse et à pratiquer une nouvelle arthrodèse avec greffe osseuse.

Après avoir désigné en qualité d'expert le docteur [U], la Commission de conciliation et d'indemnisation, a rejeté la demande d'indemnisation de [S] [N] par avis du 09 février 2017 après que l'expert ait déposé un rapport concluant à un aléa thérapeuthique.

Saisi par M. [N], le juge des référés du tribunal de grande instance d'Albi a par ordonnance du 10 août 2018 ordonné la réalisation d'une expertise médicale et désigné le Docteur [E] pour y procéder, lequel a déposé le 13 mai 2019 un rapport concluant à l'absence de faute du Docteur [M].

Par acte d'huissier délivré le 07 mai 2021, M. [N] a fait assigner le Docteur [G] [M] et la Caisse primaire d'assurance maladie du Tarn devant le tribunal judiciaire d'Albi afin que soit ordonnée une contre-expertise médicale.

À l'appui de sa demande, M. [N] a fait état d'un rapport réalisé par le Docteur [C], expert inscrit auprès de la cour d'appel de Toulouse qu'il a lui-même sollicité. Ledit rapport estime, contrairement aux deux rapports contradictoires précités, que l'intervention chirurgicale du 11 mars 2013 n'a pas été réalisée conformément aux données acquises de la science de l'époque dans la mesure où le contact entre les coupes du talus et du tibia était insuffisant pour permettre la consolidation de l'arthrodèse et que cela n'a pas été compensé par une greffe osseuse. Le Docteur [C] a conclu que l'intenvention du 24 juin 2013 avait, elle aussi, laissé subsister un espace entre la surface de coupe du talus et celle du tibia.

Par un jugement contradictoire du 29 mars 2022, le tribunal judiciaire d'Albi a :

- rejeté la demande de contre expertise formée par [S] [N],

- condamné [S] [N] aux dépens,

- condamné [S] [N] à payer à [G] [M] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné [S] [N] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn la somme de 400 euros au titre des frais irrépétibles,

- rappelé que le présent jugement est exécutoire de droit par provision.

Pour statuer ainsi, le juge a considéré que M. [N] ne justifiait d'aucun motif légitime ni fondement juridique pour la réalisation d'une nouvelle expertise, l'expert judiciaire ayant déjà répondu de manière détaillée à la question du contact estimant la conformité aux règles de l'art du contact constaté sur les clichés radiographiques.

Par déclaration en date du 11 mai 2022, M. [S] [N] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté la demande de contre expertise et l'a condamné :

- aux dépens,

- à payer à [G] [M] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles,

- à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn la somme de 400 euros au titre des frais irrépétibles.

L'affaire a été orientée en circuit à bref délai sous le régime de l'article 905 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 septembre 2022, M. [S] [N], appelant, demande à la cour, au visa de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, d'infirmer le jugement dont appel et, en conséquence, d'ordonner une contre-expertise médicale.

Il considère que son action est fondée sur l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et que la demande de contre-expertise relève bien du juge du fond. Il soutient que l'existence d'un écart de l'ordre de 2 mm entre les surfaces de coupe du talus et du tibia est démontrée par l'ensemble des radiographies opératoires et post-opératoires et que la reprise chirurgicale ansi qu'une nouvelle artrodèse tibio-talienne du 24 juin 2013, soit trois mois et demi après la première intervention, prématurée pour poser le diagnostic de pseudarthrose constitue une faute compte tenu de l'absence de consolidation constatée par le chirurgien lui-même. Il reproche aussi au docteur [M] une reprise chirugicale selon 'la technique Inductos' n'ayant reçue aucune autorisation de mise sur le marché

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 septembre 2022, le docteur [G] [M], intimé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel,

- rejeter toutes les demandes de M. [N],

- condamner M. [N] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimé se fonde sur les conclusions du rapport du docteur [U] désigné par la commission de conciliation concluant à l'absence de faute et sur celle du rapport de l'expert judiciaire, les conclusions concordantes et respectant les règles du contradictoire ne pouvant que conduire à la confirmation de l'analyse du tribunal.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Tarn à laquelle l'acte d'appel a été signifié par acte d'huissier du 9 juin 2022 en la personne d'un agent d'accueil ayant déclaré être habilité à recevoir l'acte n'a pas constitué avocat et a écrit pour indiqué avoir pris en charge la victime au titre du risque maladie et qu'elle n'est pas en mesure de chiffrer sa créance définitive.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2022. L'affaire a été examinée à l'audience du 17 octobre 2022.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Il sera constaté à titre liminaire que la cour n'est saisie comme le premier juge que d'une demande de contre-expertise en lecture d'un rapport d'expertise médicale déposé à la suite d'une décision de référé rendue sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile dans le cadre d'un litige portant sur la qualité des soins apportés par un chirurgien orthopédiste à M. [N].

La cour recherchera donc seulement si la mesure d'expertise critiquée est de nature à éclairer suffisamment sur les faits au coeur du litige et leur portée sur la responsabilité du médecin qui pourrait être recherchée sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique étant par ailleurs relevé qu'il n'est soulevé aucune irrégularité affectant la validité de l'expertise litigieuse.

2. Il est constant que M. [S] [N] est porteur d'une maladie hérédo-dégénérescente sensitivo-motrice, responsable d'amyotrophie, d'abolition des réflexes et d'importantes altérations myéliniques avec allongement des vitesses de conduction nerveuse. Cette maladie, diagnostiquée lors de son engagement dans l'armée, comme étant celle de [R] [P] [T] montrait en 1997 une évolution avec une importante dégradation.

2.1 L'expert désigné par la commission de conciliation avait relevé que les 'pieds neurologiques liés à la maladie de [R] [P] [T], associés à un pied creux, comme cela est classique dans les pieds neurologiques, avaient nécessité avant 2012 plusieurs interventions chirurgicales, en particulier avec artrhodèse sous-astragalienne et médio-tarsienne, à droit comme à gauche'. Cette déformation de l'arche du pied est, chez M. [N], l'une des nombreuses manifestations de cette maladie relevées lors de l'examen clinique effectué lors de cette première expertise.

Dans ce contexte, M. [N] a consulté en 2012 le docteur [M] en raison d'un problème de basculement de la cheville gauche qui, n'étant pas réglé par le port de semelles orthopédiques, a donné lieu à une nouvelle consultation de ce médecin en février 2013. Ce dernier a finalement procédé, le 11 mars 2013, à une arthrodèse de l'articulation tibio-astragalienne gauche selon la technique de Meary que l'expert judiciaire a considérée comme conforme aux règles de l'art.

À la suite des doléances du patient et de radiographies réalisées le 14 mai 2013, le docteur [M] a, le 24 juin 2013, pratiqué une seconde intervention par enclouage centro-médullaire et mise en place de 'l'inductos, produit du laboratoire Medtronic, qui avait reçu l'ANM en tant que traitement des fractures du tibia chez l'adulte, comme complément standard comprenant la réduction de la fracture et la fixation par enclouage sans alésage'. Le docteur [U] a considéré que l'indication de la reprise chirurugicale de ce qui était selon ce dernier 'manifestement une pseudarthrodèse' suivant une méthode alternative à une greffe osseuse, lui apparaissait comme étant également conforme aux règles de l'art.

Cet expert a précisé que cette deuxième intervention avait donné lieu à une bonne consolidation en considération d'un suivi sur un an sans trouble au niveau de la cheville hormis une 'douleur en regard d'une vis' qui sera retirée le 6 décembre 2013. Il est ensuite fait état d'une 'fracture du clou', l'expert précisant qu'il lui était 'difficile par contre d'établir une relation de cause à effet directe et certaine entre les interventions du docteur [M] et l'accident survenu 2 ans et demi après'.

2.2 Le docteur [E], désigné en référé, a également considéré que les techniques chirurgicales considérées ont été conformes aux 'préconisations retrouvées dans la littérature' soulignant que l'absence de fusion osseuse autrement dénommée pseudarthrose) est retrouvée dans 10 à 15 % des cas quelque soit la technique utilisée et ajoutant qu'il n'existe aucun lien unique, direct et certain entre la durée de l'immobilisation sans appui et l'apparition d'une pseudarthrose après une arthrodèse de la cheville.

Répondant de manière circonstanciée en annexe de son rapport à des observations d'un 'docteur [V]', l'expert judiciaire a constaté la mention dans le compte rendu opératoire de l'avivement de la surface articulaire du tibia et de l'astragale comme de surfaces articulaires des malléoles médiale et latérale pour augmenter les chances de fusion de l'arthrodèse et a considéré que l'avivement des surfaces articulaires devait se faire en conservant un certain degré de concavité et de convexité, précisant qu' 'aplanir les surfaces articulaires par excès, risquerait d'être trop large dans la résection osseuse'.

Il était ajouté qu'il 'n'existe aucune recommandation stipulant que les deux surfaces articulaires doivent être en contact à 100 % pour obtenir une artrhodèse'.

Il est spécialement précisé par l'expert judiciaire que la 'zone de clarté dans l'angle qui se trouve entre l'astragale, la malléole externe et le pilon tibial correspond à la zone d'articulation tibiofibulaire inférieure qui présente un écart de 2 mm environ. Cet espace est minime et ne justifie pas l'absence de consolidation de l'arthrodèse compte tenu des bons contacts osseux par ailleurs'.

L'expert judiciaire analysant les clichés radiographiques pris le 14 mai 2013 a ajouté que le filetage visible de la vis n'avait eu aucune incidence sur la qualité de compression du montage et que ces éléments radiographiques ne laissaient pas préjuger d'une absence de consolidation ni d'une nécessité de modifier le positionnement de la vis. Il a justifié la nouvelle intervention suite à l'importance des douleurs du patient exprimées en juin 2013 et l'absence d'évolution radiographique et l'a considérée comme conforme aux recommandations, confirmant que M. [N] entrait dans les 10 à 15 % des patients dont l'état évolue vers la pseudarthrose, complication documentée de l'atrhodèse tibio-astragalienne.

3. Pour justifier sa demande de contre-expertise, M. [N] produit le rapport d'un expert honoraire près la cour d'appel, unilatéralement établi dans l'intérêt de l'appelant et insistant sur un écart entre les surfaces de coupe du talus et du tibia n'ayant pas été compensé par une greffe osseuse, considérant que ce défaut de recours à cette greffe est contraire aux données de la science au moment des faits et a dû justifier la nouvelle intervention du docteur [M] sans attendre le délai habituel de six mois pour porter le diagnostic de pseudarthrose. Il est par ailleurs dénoncé une non autorisation de mise sur le marché de la membrane 'inductos' pour des artrhodèses autres que lombaires et les fractures de jambe.

4. Il résulte toutefois de la lecture du rapport d'expertise judiciaire, confortant et développant celui établi à la demande de la commission de conciliation, que la question de la conformité aux règles de l'art de la première intervention réalisée par le docteur [M] a été analysée dans le cadre d'un débat contradictoire en examinant la base des clichés radiographiques d'ailleurs clairement reproduits dans le rapport, en s'appuyant sur des références bibliographiques non discutées et en répondant très précisément aux observations portant sur la qualité de l'avivement des surfaces articulaires et la rapidité de la seconde intervention.

La question portant sur l'autorisation de la mise sur le marché de la membrane 'inductos' employée pour le seconde intervention est une question juridique sans qu'il soit articulé par le docteur [C] une discussion de la technique employée autrement que par l'absence de contact entre les surfaces de coupes déjà examinée par l'expert judiciaire.

5. Il suit des explications qui précèdent que la demande de contre expertise formulée par M. [N] doit être rejetée. Le jugement sera confirmé.

6. M. [N], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile sera condamné aux dépens d'appel.

7. M. [M] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer à l'occasion de cette procédure d'appel. M. [N] sera tenu de lui payer la somme 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 mars 2022 par le tribunal judiciaire d'Albi.

Y ajoutant,

Condamne M. [S] [N] aux dépens d'appel.

Condamne M. [S] [N] à payer à M. [G] [M] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/01835
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;22.01835 ?
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