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07/03/2023 | FRANCE | N°21/03011

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 07 mars 2023, 21/03011


07/03/2023



ARRÊT N°



N° RG 21/03011

N° Portalis DBVI-V-B7F-OIPA

SL / RC



Décision déférée du 27 Mai 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE 16/01045

MME [T]

















[J] [I]

[H] [N] épouse [I]





C/



[F] [A]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTS



Monsieur [J] [I]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Local...

07/03/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/03011

N° Portalis DBVI-V-B7F-OIPA

SL / RC

Décision déférée du 27 Mai 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE 16/01045

MME [T]

[J] [I]

[H] [N] épouse [I]

C/

[F] [A]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Monsieur [J] [I]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Vincent PARERA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [H] [N] épouse [I]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent PARERA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

Madame [F] [A]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE, prise en la personne de son directeur général domicilié ès-qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandrine BEZARD de la SCP VPNG, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

***

Exposé des faits et procédure :

Après la découverte d'un nodule au sein droit, Mme [V] [N] épouse [I], née le [Date naissance 1] 1962, a subi une opération du sein droit par segmentectomie et curage axillaire pour cancer du sein avec chimiothérapie et radiothérapie.

Au mois de mai 1999, le diagnostic était le suivant : rémission clinique complète.

Les examens de contrôle qui se sont succédés ont tous confirmé la rémission du cancer mais le sein droit de Mme [V] [I] conservait une déformation disgracieuse et était de plus petit volume que le sein gauche.

Le 10 mai 2011, Mme [V] [I] a consulté le docteur [F] [A], chirurgien plasticien à la [Adresse 6]. Le docteur [A] et Madame [I] sont alors convenus d'une intervention pour hypertrophie mammaire gauche et pour reconstruction mammaire droite avec dédoublement du sein opposé : prélèvement de lambeau contro latéral servant à la réfection plastique du côté droit.

L'opération s'est déroulée le14 juin 2011. Madame [I] est restée hospitalisée du 14 au 22 juin 2011.

Dans les suites, des complications très importantes se sont déclarées à type de surinfection d'une nécrose tissulaire du lambeau de sein gauche ayant servi à la réparation du sein droit par souffrance veineuse. Il existait également une nécrose au niveau du sein gauche.

Elle a été réhospitalisée au CHU de [Localité 8] le 19 août 2011 pour être opérée en urgence le jour même. Elle est restée hospitalisée du 19 août 2011 au 16 septembre 2011.

Aujourd'hui, le sein droit qui devait être reconstruit a été totalement amputé avec greffe cutanée fine prélevée sur la cuisse. Le sein gauche qui devait simplement être réduit est aujourd'hui réduit et déformé.

Par ordonnance de référé du 18 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Toulouse a fait droit à la demande d'expertise de Madame [I] et a désigné le professeur [B] [K], spécialisé en chirurgie plastique.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 21 décembre 2012.

Par acte d'huissier de justice délivré les 15 et 16 mars 2018, Mme [V] [N] épouse [I] et son mari, M. [J] [I], ont fait citer Mme [F] [A], la [Adresse 6] et l'Oniam devant le tribunal de grande instance de Toulouse, aux fins d'obtenir leur condamnation ainsi que l'indemnisation des préjudices subis, au contradictoire de la Cpam de la Haute-Garonne.

Par un jugement du 17 mai 2018, le tribunal a principalement :

- déclaré Mme [F] [A] responsable des dommages causés à la suite de l'intervention chirurgicale du 14 juin 2011 ;

- condamné Mme [F] [A] à verser à :

* Mme [I] [H] les sommes de :

- 60 000 euros à titre de provision ;

- 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* la Cpam de la Haute Garonne les sommes de :

- 72 834, 58 euros à titre de provision ;

- 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le recours formé par Mme [F] [A] contre la [Adresse 6] ;

- mis la [Adresse 6] et l'Oniam hors de la cause ;

- ordonné une expertise judiciaire confiée au Dr [C] [M] ou, en cas d'indisponibilité, au Dr [R] [U].

Il a relevé que le docteur [K] estimait que Mme [A] avait manifestement fait un choix risqué dans le mesure où elle a réopéré un sein irradié par un lambeau du sein opposé à la fiabilité vasculaire non garantie ; que l'expert avait mis en évidence l'insuffisance du suivi post-opératoire à partir du moment où la nécrose, apparue après la période d'hospitalisation, s'était manifestée ; que l'expert démontrait que les antécédents de Mme [I], son surpoids, la période choisie pour opérer, le suivi ponctuel de la clinique auraient dû être pris en compte pour une administration plus précoce, voire préventive d'un antibiotique à large spectre afin de contrôler le risque infectieux connu ; que les pansements conduits par une infirmière isolée en pleine nécrose étaient insuffisants et que le docteur [A], indisponible, aurait dû déléguer un autre plasticien pour un vrai suivi chirurgical.

Il a estimé que l'accumulation des erreurs précitées, tenant l'une au choix d'une technique opératoire et l'autre à l'insuffisance du suivi post-opératoire d'un patient sous sa responsabilité, caractérisaient la faute du praticien l'obligeant à réparer le dommage causé à la patiente.

Il a rejeté le recours du praticien contre la [Adresse 6].

Il a ordonné une nouvelle expertise médicale, afin de voir si la consolidation était acquise.

Le Docteur [R] [U] a déposé son rapport le 15 octobre 2018.

Par un jugement du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- fixé le préjudice corporel de Mme [H] [I] à la somme globale de 169 293,22 euros se décomposant ainsi :

I) Préjudices patrimoniaux

A/ Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles à la Cpam : 56 831,67 euros

Frais divers : 3 746 euros

Dont assistance du médecin conseil à Mme [I] : 350 euros

Dont Frais de transport : 372 euros

Dont assistance par tierce personne : 3 024 euros

Perte de gain professionnel actuel : 2 5381 ,55 euros

dont pour Mme [I] : 2 443,91 euros

B/ Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

incidence professionnelle : 10 000 euros

ll) Préjudices extra-patrimoniaux

A/ Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire : 9 734 euros

Souffrances endurées : 10 000 euros

Préjudice esthétique temporaire : 20 000 euros

B/ Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent : 15 600 euros

Préjudice esthétique permanent : 6 000 euros

Préjudice sexuel : 7 000 euros

Préjudice d'établissement : 5 000 euros

- condamné en conséquence Mme [F] [A] à payer à Mme [H] [I] la somme de 29 151,91 euros, après déduction de la provision versée de 60 000 euros et imputation de la créance de la Cpam, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté Mme [H] [I] de ses demandes indemnitaires complémentaires,

- condamné en conséquence Mme [F] [A] à payer à M. [J] [I] la somme de 7 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné en conséquence Mme [F] [A] à payer à la Cpam de la Haute-Garonne la somme de 7 306,73 euros, après déduction de la provision de 72 834,58 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2016 ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné Mme [F] [A] à payer à la Cpam de la Haute-Garonne au titre des prestations servies la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- condamné Mme [F] [A] à payer à Mme [H] [I] et M. [J] [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [F] [A] à payer à la Cpam Haute-Garonne la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [F] [A] aux dépens ;

-accordé aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ; .

- ordonné l'exécution provisoire.

S'agissant de l'évaluation du préjudice, deux rapports d'expertise ont été établis, celui du professeur [K] déposé le 21 décembre 2012 alors que la consolidation n'était pas acquise et celui du docteur [U] en date du 15 octobre 2018 fixant la date de consolidation au 31 août 2018 et procédant à l'évaluation des préjudices permanents. Il en résulte que suite à cette opération, Mme [I] conserve comme séquelles une amputation totale du sein droit, un sein gauche réduit et déformé, une souffrance psychologique pour laquelle elle est suivie, des douleurs thoraciques permanentes traitées par voie médicamenteuse et une gêne thoracique.

Le tribunal s'appuie sur ces deux rapports, relevant qu'aucune critique médicale n'est formulée par les parties à leur encontre, comme constituant une base valable d'évaluation des préjudices corporel subis par Mme [I].

Par déclaration en date du 6 juillet 2021, M. et Mme [I] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- fixé le préjudice corporel de Mme [I] à la somme globale de 169 293,22 euros se décomposant ainsi :

I) Préjudices patrimoniaux

A/ Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dont assistance par tierce personne : 3 024 euros

Perte de gain professionnel actuel : 2 5381 ,55 euros

dont pour Mme [I] : 2 443,91 euros

B/ Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

incidence professionnelle : 10 000 euros

ll) Préjudices extra-patrimoniaux

A/ Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire : 9 734 euros

B/ Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent : 15 600 euros

Préjudice esthétique permanent : 6 000 euros

Préjudice sexuel : 7 000 euros

Préjudice d'établissement : 5 000 euros

- condamné en conséquence Mme [F] [A] à payer à Mme [I] la somme de 29 151,91 euros, après déduction de la provision versée de 60 000 euros et imputation de la créance de la Cpam, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté Mme [I] [H] de ses demandes indemnitaires complémentaires,

- condamné Mme [F] [A] à payer à M. [J] [I] la somme de 7 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Prétentions des parties :

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 mars 2022, M. [J] [I] et Mme [H] [I], appelants, demandent à la cour, au visa des articles L. 1142-1 et suivants du Code de la santé publique, de :

- confirmer que le Docteur [F] [A] sera tenu d'indemniser les préjudices subis par Madame [I], victime directe, du fait de l'accident médical fautif dont elle a été victime, ainsi que par la victime indirecte,

- confirmer le jugement concernant la liquidation des préjudices des appelants comme suit :

o Perte de gains professionnels actuels : 2.443,91 euros

o Préjudice esthétique temporaire : 20.000,00 euros

o Souffrances endurées : 10.000,00 euros

En revanche, réformer concernant la liquidation des préjudices des appelants comme suit :

- Au titre des préjudices de Madame [I] :

' Tierce personne actuelle : 30.376,08 euros

' Tierce personne future : 111.045,71 euros

' Incidence professionnelle : 40.000,00 euros

' Déficit fonctionnel temporaire : 15.807,00 euros

' Déficit fonctionnel permanent : 24.000,00 euros

' Préjudice esthétique permanent : 15.000,00 euros

' Préjudice d'agrément : 20.000,00 euros

' Préjudice sexuel : 20.000,00 euros

' Préjudice d'établissement : 25.000,00 euros

- Au titre des préjudices de Monsieur [I] :

' Préjudice d'affection et d'accompagnement : 22.000,00 euros

' Préjudice sexuel : 20.000,00 euros

- voir le docteur [A] condamnée à verser aux requérants lesdites sommes, outre les intérêts de droit y afférent, à compter du jour de la délivrance de l'assignation, sous déduction des indemnités provisionnelles déjà allouées,

- dire que le jugement à intervenir sera opposable aux organismes sociaux, et que la liquidation de la créance de l'organisme social interviendra poste par poste conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale.

- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

- condamner le Docteur [A] à leur verser la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

- débouter les défendeurs de toutes demandes contraires.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 avril 2022, Mme [F] [A], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures, la disant bien fondée,

A titre principal :

' Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer aux consorts [I] les sommes suivantes :

- 3 024 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

- 25 381, 55 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles

- 9 734 euros au titre du DFT,

- 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 10 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 6 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 7 000 euros au titre du préjudice sexuel de Mme [I] ,

- 5 000 euros au titre du préjudice d'établissement,

- 5 000 euros au titre du préjudice d'affection et d'accompagnement de M. [I]

- 2 500 euros au titre du préjudice sexuel de M. [I]

- 80 141 euros au titre de la créance de la Cpam,

- 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion de la Cpam

- 1 000 euros au titre des frais irrépétibles accordés à la Cpam

' rejeter la demande d'indemnisation de Madame [I] au titre des pertes de gains actuels, de l'incidence professionnelle, du préjudice d'établissement, du préjudice esthétique temporaire, et des souffrances endurées ;

' rejeter les demandes formées par la Cpam au titre de sa créance, de l'indemnité forfaitaire de gestion et des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau :

- rejeter la demande d'indemnisation de Madame [I] au titre des pertes de gains actuels, de l'incidence professionnelle, du préjudice d'établissement, du préjudice esthétique temporaire, et des souffrances endurées ;

- rejeter les demandes formées par la Cpam au titre de sa créance, de l'indemnité forfaitaire de gestion et des frais irrépétibles ;

- déduire des montants alloués à Madame [I] la somme de 60 000 euros perçue à titre de provision.

- limiter les autres indemnités accordées aux montants suivants :

- 1 701 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

- 8 084 euros au titre du DFT,

- 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 6 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 1 000 euros au titre du préjudice sexuel de Mme [I],

- 1 000 euros au titre du préjudice d'affection et d'accompagnement de M. [I],

- 800 euros au titre du préjudice sexuel de M. [I],

- confirmer le jugement en ce qu'il a évalué l'indemnité accordée au titre du DFP à 15 600 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de l'assistance par tierce personne permanente,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [I] au titre du préjudice d'agrément,

- condamner la Cpam à payer au docteur [A] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

A titre subsidiaire :

- limiter l'indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne à un taux horaire de 14 euros ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

- statuer sur ce que de droit quant aux frais et dépens,

- déduire du montant alloué à la Cpam la somme de 72 834,58 euros perçue à titre de provision ;

Très subsidiairement :

- limiter l'indemnité accordée au titre de l'assistance par tierce personne permanente à la somme de 28 136,16 euros.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 juillet 2022, la Cpam de la Haute Garonne, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et de l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, de :

- confirmer le jugement dont appel,

Ce faisant,

- fixer à la date du 21 mars 2019, sa créance définitive pour les prestations servies à Mme [H] [I] à la somme totale de 80 141,31 euros au titre des postes dépenses de santé actuelles, des frais divers et des pertes de gains professionnels actuels ;

- condamner le docteur [F] [A] à lui régler la somme de 80.141,31 euros, au titre de sa créance définitive, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande décomposée comme suit :

Des dépenses de santé actuelles : 56 831,67 euros ;

Des frais divers : 372,00 euros ;

Des pertes de gains professionnels actuels : 22 937,64 euros.

- condamner le docteur [F] [A] à lui régler la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la Sécurité sociale ;

Y ajoutant,

- condamner le docteur [F] [A] à lui régler la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont la distraction au profit Maître [P] [L] de la Scp Vinsonneau-Palies Noy Gauer & associés sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 21 novembre 2022.

Motifs de la décision :

Sur la saisine de la cour :

La responsabilité de Mme [A] pour faute a été jugée. L'indemnisation à 100% des préjudices en lien de causalité n'est pas contestée.

La cour n'est saisie que de l'évaluation des préjudices.

Sur les données des expertises judiciaires :

Il ressort du rapport du docteur [K] qu'il n'y avait aucun état antérieur, si ce n'est l'irradiation post-cancer du sein droit et la forte hypertrophie ptose du sein donneur. A la date du rapport, la victime était non consolidée.

Elle se plaignait de douleurs importantes qui avaient nécessité une prise en charge au centre de traitement de la douleur au CHU de [Localité 8], disant que ces douleurs l'empêchaient notamment de se baisser, qu'elle ne pouvait plus jardiner comme auparavant, qu'elle présentait des difficultés pour porter du poids, que la conduite était devenue difficile en raison de la douleur.

Le docteur [K] avait retenu :

- DFT à 100% deux mois du 14 juin au 14 août 2011 (post-opératoire) puis à 100% du 19 août au 1er octobre 2011 et à 30% du 2 octobre 2011 au 9 janvier 2012 ;

- DFT professionnel du 14/06/11 au 31/12/11 : arrêt de travail de 6 mois ; le docteur [K] indiquait que le DFP entraînait l'obligation de cesser totalement l'activité professionnelle et d'envisager de changer d'activité ; que le DFP entraînait d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, dévalorisation sur le marché du travail ;

- IPP à 10% en fonction de séquelles fonctionnalles sur sa mobilité du membre supérieur droit et de son thorax droit dominant : ankylose avec raideur moyenne de l'épaule droite (abduction à 60°) ;

- l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne a été nécessaire pour effectuer les démarches et pour accomplir les actes de la vie quotidienne, et ce pendant les 3 mois post-opératoires depuis le 19/08/11 et donc jusqu'au 19/11/11 ; actuellement, aucune assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne n'est nécessaire ;

- souffrances endurées importantes à 4/7 en raison de suites difficiles de la première opération, de la reprise opératoire et de ses suites propres certes simples mais avec un prélèvement de greffe sur la cuisse gauche ;

- préjudice esthétique temporaire évalué à 5/7 par l'amputation greffée du sein droit et la cicatrice péri-aréolaire du sein gauche ;

- préjudice sexuel important évalué à 5/7 en raison de la gêne au déshabillage, à la gêne à l'apparence de sa greffe sur son amputation mammaire droite ;

- prévoir les frais d'une réintervention de reconstruction éventuelle du sein droit par un TRAM (8 jours d'hospitalisation, prothèse éventuelle et chirurgien).

Il ressort du rapport du docteur [U] que la date de consolidation peut être fixée au 31/08/2018 (56 ans).

L'expert retrouve une gêne à la mobilité du bras droit, l'abduction complète est difficile, l'élévation du bras est douloureuse. Il existe une bride cutanée axillaire droite gênante dans la mobilité du bras.

En plus du DFT partiel relevé par le docteur [K], l'expert évalué le DFT partiel du 10/01/12 au 31/08/18 à 10%.

Le DFP est évalué à 10% pour la mammectomie unilatérale et la souffrance psychologique. Le docteur [U] fait état d'un certificat du 7 juin 2018 du docteur [E], psychologue clinicienne, indiquant l'avoir prise en charge sur le plan psychologique de 2013 à 2015 dans le cadre de sa pathologie douloureuse chronique. Il indique que les douleurs et gênes thoraciques entraînent une limitation de l'activité et une restriction de la participation à la vie en société.

Mme [I] est aidée au quotidien pour les courses et le ménage par son mari. Elle dit ne plus pouvoir réaliser ces gestes en raison des douleurs thoraciques et axillaires à droite. Par contre elle dit pouvoir faire les repas. Elle fait sa toilette elle-même.

Il n'y a pas de changement d'activité professionnelle, pas de dévaluation sur le marché du travail, pas de reclassement professionnel, pas de perte de poste, pas d'emploi à temps partiel depuis la reprise à temps complet du 28 janvier 2015.

Il y a une perte de gains professionnels alléguée par Mme [I] liée à une perte de primes et à un travail à temps partiel à mi-temps thérapeutique.

Un préjudice de formation interne à la société est allégué par Mme [I].

Un préjudice d'agrément est allégué au niveau des loisirs avec impossibilité de faire des voyages, impossibilité de réaliser des sports type marche ou randonnée.

Le préjudice esthétique permanent est évalué à 3/7. Il prend en compte uniquement l'ensemble des cicatrices et la perte du sein droit qui était déjà réduit.

L'expert n'a pas chiffré les souffrances endurées. Il n'y a pas de soins futurs à prévoir. Mme [I] ne souhaite pas bénéficier d'une chirurgie réparatrice pour la perte du sein droit.

Une perte de libido est alléguée, ainsi qu'une perte de projet d'établissement avec un projet d'adoption qui était envisagé et qui a été abandonné par M. et Mme [I].

Sur l'évaluation des préjudices de Mme [I] :

Le préjudice corporel de Mme [I] peut être fixé de la façon suivante, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Il sera fait application pour la capitalisation du barème de la gazette du Palais publié le 15 septembre 2020, le plus adapté à la conjoncture économique existante et à l'évolution de la durée de la vie humaine.

Date de consolidation : 31 août 2018.

I. Préjudices patrimoniaux :

I. 1. Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Dépenses de santé actuelles :

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par Mme [I], qui n'invoque aucun frais de cette nature restée à sa charge.

La Cpam de la Haute Garonne a chiffré sa créance définitive au titre des dépenses de santé actuelles à la somme de 56.831,67 euros dans le décompte définitif du 21 mars 2019.

Le docteur [A] conteste que les soins se rattachent à l'accident médical.

Le décompte de la Cpam est étayé par l'attestation d'imputabilité établie par le docteur [S] [Y] le 18 février 2020, médecin-conseil du recours contre tiers.

Le fait que l'attestation d'imputabilité soit établie par le médecin-conseil chargé du contrôle médical du régime de la sécurité sociale ne fait pas obstacle à ce que cette attestation

soit prise en compte pour apprécier les droits de la caisse, dès lors que :

- il résulte de l'article R. 315-5 du code de la sécurité sociale que les médecins-conseils sont nommés par le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie et choisis parmi les candidats qui ont fait l'objet d'une inscription sur une liste d'aptitude établie annuellement par le directeur général de la caisse nationale dans des conditions fixées par la convention collective et sont nommés à l'issue d'un processus de recrutement organisé au niveau national, ce qui fait présumer l'impartialité dudit médecin-conseil,

- le médecin-conseil en l'espèce, le docteur [Y], en vertu de ces dispositions n'est pas salarié de la Cpam de Haute-Garonne et ne lui est pas soumis par un lien de subordination hiérarchique.

Il convient de considérer que le document dit 'attestation d'imputabilité' se présente comme l'avis d'un tiers technicien, sur l'imputabilité des frais considérés à l'accident médical survenu.

Il vaut jusqu'à ce que la partie adverse démontre le contraire.

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de la Cpam de la Haute Garonne à la somme de 56.831,67 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

Frais divers :

Ce sont les frais autres que les frais médicaux restés à la charge de Mme [I].

- Frais de transport :

La Cpam de la Haute Garonne a chiffré le 21 mars 2019 sa créance définitive au titre des frais divers à hauteur de la somme de 372 euros, correspondant à des frais de transport rendus nécessaires pour effectuer les consultations médicales.

Le décompte de la Cpam est étayé par l'attestation d'imputabilité établie par le docteur [S] [Y] du 18 février 2020. Pour les mêmes motifs que ci-dessus, ceci démontre le lien avec l'accident médical.

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de la Cpam de la Haute Garonne à la somme de 372 euros au titre des frais divers pour les frais de transport.

- Assistance d'un médecin-conseil :

Peu important que l'assistance par un médecin conseil soit un choix de la victime, cette dernière peut prétendre au remboursement des frais engagés pour l'exercice de ce droit, et qu'elle n'aurait pas eu à supporter si le dommage ne s'était pas produit.

Mme [I] verse aux débats la note d'honoraires du docteur [X] pour un montant de 350 euros. Ce dernier l'a assistée lors de la première réunion d'expertise en 2012 en tant que médecin conseil.

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de Mme [I] à la somme de 350 euros pour l'assistance d'un médecin conseil.

- Tierce personne temporaire :

La tierce personne est la personne qui apporte une aide à la victime incapable d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante, pour la restaurer dans sa dignité ou pour suppléer sa perte d'autonomie.

Le docteur [K] a estimé que l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne a été nécessaire pour effectuer les démarches et pour accomplir les actes de la vie quotidienne, et ce pendant les 3 mois post-opératoires depuis le 19/08/11 et donc jusqu'au 19/11/11.

Cependant, Mme [I] est restée hospitalisée du 19 août 2011 au 16 septembre 2011. Elle n'avait pas besoin d'une tierce personne pendant cette hospitalisation.

Du 17 septembre au 19 novembre 2011, elle avait besoin d'une assistance pour effectuer les démarches et accomplir les actes de la vie quotidienne (63 jours).

On peut retenir un coût de 16 euros de l'heure pour une aide humaine active non spécialisée.

Ceci représente 63 X 3 X 16 = 3.024 euros du 17 septembre au 19 novembre 2011.

Au-delà du 19 novembre 2011, le docteur [K] estime qu'aucune assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne n'est nécessaire.

Il apparaît cependant que la perte d'autonomie subsistait. Le docteur [K] note des doléances de Mme [I] pour se mobiliser, se baisser, jardiner, porter du poids et que la conduite automobile est difficile. Au titre du DFP de 10% il retient des séquelles fonctionnelles réelles sur sa mobilité du membre supérieur droit et de son thorax droit dominant : ankylose avec raideur moyenne de l'épaule droite (abduction à 60°). L'abduction est le mouvement qui permet d'éloigner les bras de l'axe médian du corps, dans un plan frontal.

Le docteur [U] retient également l'absence de besoin d'une tierce personne. Mme [I] lui a indiqué être capable de faire sa toilette seule et de cuisiner. Elle a indiqué qu'elle bénéficiait d'une aide apporté par M. [I] pour les courses et le ménage.

Cependant, il note comme le docteur [K] une gêne à la mobilité du bras droit, l'abduction complète est difficile, l'élévation du bras est douloureuse. Il indique que les douleurs et gênes thoraciques entraînent une limitation de l'activité et une restriction de la participation à la vie en société.

Il apparaît que Mme [I] compte tenu de la gêne fonctionnelle du bras droit et du thorax droit, et des douleurs qu'elle ressentait, ne pouvait pas après le 19 novembre 2011 faire le ménage ni porter des charges lourdes. Ce sont des activités particulières qu'elle ne pouvait plus assumer. L'indemnisation de ce poste de préjudice n'est pas limitée à l'impossibilité d'accomplir certains seulement des actes de la vie courante.

Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille.

Il y a donc lieu de prendre en compte l'impossibilité de faire le ménage et de porter des charges lourdes, sans qu'il y ait lieu de déduire l'assistance que lui apporte son mari.

On peut retenir, sur la période du 20 novembre 2011 au 31 août 2018, pour le ménage et le port de charges lourdes, un besoin d'assistance d'une tierce personne de 3 heures par semaine, soit 3/7 h par jour.

Ainsi, ceci représente entre le 20 novembre 2011 et le 31 août 2018 soit 2.476 jours, 3/7 X 16 X 2.476 jours = 16.978,29 euros.

Infirmant le jugement dont appel, le préjudice d'assistance par tierce personne temporaire sera fixé à 3.024 + 16.978,29 = 20.002,29 euros.

Perte de gains professionnels actuels :

Ce poste vise à compenser la perte effective de revenus liée à l'incapacité temporaire spécifique, concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime.

Mme [I] était agent de sécurité depuis 1999 au sein de la même société. Le docteur [K] indiquait qu'elle n'était plus en mesure d'exercer la profession d'agent de sécurité, que la position de travail en station debout n'était plus possible. Néanmoins, elle a repris son travail en janvier 2012. Elle a bénéficié d'un nouvel arrêt de travail en juin 2012. Elle a recommencé à travailler en août 2013, mais en mi-temps thérapeutique, et ce jusqu'au 13 juin 2014.

Les arrêts de travail postérieurs au mois de juin 2012 sont bien en lien exclusif avec les faits de l'espèce. En effet, le médecin conseil de la Cpam de la Haute Garonne indique que les indemnités journalières versées à cette occasion sont imputables à la faute de Mme [A]. Cette attestation d'imputabilité fait foi en l'absence de preuve contraire, comme indiqué ci-dessus.

La perte de salaires justifiée est de 25.381,55 euros.

Au titre des indemnités journalières perçues au cours de la période, la Cpam a chiffré sa créance définitive au titre des pertes de gains professionnels actuels à hauteur de la somme de 22.937,64 euros.

Après imputation des indemnités journalières, la part revenant personnellement à Mme [I] est de 2.443,91 euros.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de la Cpam de la Haute Garonne au titre de la perte des gains professionnels actuels à la somme de 22.937,64 euros et celle de Mme [I] à la somme de 2.433,91 euros.

I.2. Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Incidence professionnelle :

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l'obligation de devoir abandonner la profession exercée avant le dommage au profit d'une autre choisie en raison de la survenance du handicap.

Ce poste de préjudice permet également d'indemniser le risque de perte d'emploi qui pèse sur une personne atteinte d'un handicap, la perte de chance de bénéficier d'une promotion, la perte de gains espérés à l'issue d'une formation scolaire ou professionnelle, les frais nécessaires à un retour à la vie professionnelle.

Mme [I] a pu reprendre son emploi de vigile à plein temps en janvier 2015. Si la profession exercée a pu être conservée, elle a changé de poste pour pouvoir rester plus souvent assise. Ainsi, le poste a dû être modifié en raison d'une pénibilité accrue du poste antérieurement occupé. En septembre 2020 elle a accepté une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Dans son avis du 29 novembre 2018, le médecin du travail la déclare apte avec restriction : 'pas de station debout de plus de 6 heures et pas d'effort physique des membres supérieurs.' Ceci constitue une dévalorisation sur le marché du travail.

Cette incidence professionnelle caractérisée mais limitée a justement été évaluée à 10.000 euros.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé l'incidence professionnelle à la somme de 10.000 euros.

Assistance par tierce personne permanente :

Mme [I] subit une perte d'autonomie qui a été mise en lumière par les constations du docteur [U] selon lesquelles il existe une gêne à la mobilité du bras droit, l'abduction complète est difficile, l'élévation du bras est douloureuse. Certes, elle a pu reprendre son activité professionnelle. Le médecin du travail dans son avis du 29 novembre 2018 a noté cependant des restrictions : 'pas de station debout supérieure à 6 heures ; pas d'effort physique des membres supérieurs.' Mme [I] a indiqué être capable de faire sa toilette seule et de cuisiner. Elle indique qu'elle bénéficie d'une aide apporté par M. [I] pour les courses et le ménage.

Il apparaît que Mme [I] ne peut pas faire le ménage ni porter des charges lourdes. Ce sont des activités particulières qu'elle ne peut plus assumer et qui nécessitent une assistance par tierce personne de 3 heures par semaine, viagère.

Les arrérages échus entre la consolidation et la date de l'arrêt soit entre le 1er septembre 2018 et le 7 mars 2023 (1.648 jours) représentent : 3/7 X 16 X 1.648 jours = 11.300,57 euros.

La capitalisation à compter de la date de l'arrêt (Mme [I] est âgée de 61 ans) représente 3 X 16 X 52 X 24,998 = 62.395,01 euros.

Total tierce personne permanente : 73.695,58 euros.

Infirmant le jugement, le préjudice au titre de la tierce personne permanente sera fixé à la somme de 73.695,58 euros.

II. Préjudices extra-patrimoniaux :

II. 1. Préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

déficit fonctionnel temporaire :

Ce poste inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, le préjudice temporaire d'agrément, le préjudice sexuel temporaire.

Il résulte de la combinaison des deux rapports d'expertise du docteur [K] et du docteur [U] que peuvent être retenues les périodes de déficit fonctionnel suivantes :

- 100% du 22 juin 2011 (et non pas 22 mai 2011 ; jusqu'au 22 juin 2011 l'hospitalisation était liée aux suites prévisibles de l'opération ) au 1er octobre 2011, soit 101 jours ;

- 30% du 2 octobre 2011 au 9 janvier 2012 soit 99 jours ;

- 10% du 10 janvier 2012 au 31 août 2018 soit 2.425 jours.

Le montant de 15% demandé pour la période du 10 janvier 2012 au 31 août 2018 n'est pas justifié. En effet, le docteur [U] a bien pris en compte la mammectomie unilatérale afin d'évaluer le déficit fonctionnel, lui attribuant 5%, et les autres 5% à la souffrance psychologique.

Le taux peut être fixé à 24 euros par jour.

Total : (101 X 24) + (99X0,3X24) + (2.425X0,1X24) = 2.424 + 712,8 + 5.820 = 8.956,80 euros.

Infirmant le jugement, le préjudice au titre du déficit fonctionnel temporaire sera fixée à 8.956,80 euros.

préjudice esthétique temporaire :

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers.

Il a été évalué à 5/7 par le docteur [K] avant consolidation au vu de la greffe thoracique particulièrement disgracieuse et du sein gauche avec une forme altérée et des cicatrices.

Il y a lieu de tenir compte de son caractère temporaire. Le préjudice permanent est indemnisé lui aussi.

Il y avait comme état antérieur l'irradiation post-cancer du sein droit et la forte hypertrophie ptose du sein donneur.

Infirmant le jugement, le préjudice au titre du préjudice esthétique temporaire sera fixé à 10.000 euros.

souffrances endurées :

Le docteur [K] les a chiffrées à 4/7 en raison des suites difficiles de la première opération, de la reprise opératoire et du prélèvement de greffe sur la cuisse gauche. En outre, Mme [I] a subi une souffrance psychologique et le traitement de la douleur par médicaments jusqu'à la consolidation.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé les souffrances endurées à 10.000 euros.

II. 2. Préjudices extra-patrimoniaux permanents :

déficit fonctionnel permanent :

Mme [I] estime que le taux est de 15%. Les deux experts l'ont évalué à 10%, le docteur [U] précisant en réponse à un dire que la mammectomie unilatérale représente 5%, les 5% restant prenant en compte la souffrance psychologique.

Dès lors, le taux de 10% sera retenu.

Mme [I] avait 56 ans à la consolidation

La valeur du point est de 1.560 euros.

Le DFP doit être indemnisé par la somme de 10 X 1.560 = 15.600 euros.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé le déficit fonctionnel permanent à 15.600 euros.

préjudice esthétique permanent :

Il a été chiffré à 3/7 par le docteur [U] en raison des cicatrices thoraciques mammaires droite et gauche ainsi que la cicatrice de la cuisse gauche. Mme [I] porte une prothèse et une lingerie spécifique.

Il y avait comme état antérieur l'irradiation post-cancer du sein droit et la forte hypertrophie ptose du sein donneur

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé le préjudice esthétique permanent à 6.000 euros.

préjudice d'agrément :

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir, et non pas la perte de qualité de vie qui est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, Mme [I] n'apporte pas la preuve d'activités sportives ou de loisir pratiquées de façon habituelle avant les faits.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande au titre du préjudice d'agrément.

préjudice sexuel :

Le docteur [K] évalué le préjudice sexuel à 5/7 en raison de la gêne au déshabillage, de la gêne à l'apparence de sa greffe sur son amputation mammaire droite. Le docteur [U] indique qu'une perte de libido est alléguée.

Mme [I] subit par la faute du docteur [A] un préjudice morphologique lié à l'ablation du sein droit et la suppression du mamelon gauche, et également un préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

Il y avait comme état antérieur l'irradiation post-cancer du sein droit et la forte hypertrophie ptose du sein donneur.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé le préjudice sexuel à 7.000 euros.

préjudice d'établissement :

Il s'agit d'indemniser la perte d'espoir ou de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap et de l'âge de la victime.

Mme [I] est mariée et n'a pas d'enfant.

Dans le courant de l'année 1997, Mme [I] et son mari ont consulté le centre de stérilité masculine de l'hôpital [7] à [Localité 3]. Ceci s'est traduit par des inséminations artificielles en 1997. C'est à cette occasion qu'un nodule du sein de Mme [I] a été découvert et qu'elle a dû être traitée pour un cancer du sein droit.

Par la suite, le couple indique avoir eu un projet d'adoption d'un enfant à compter de 2010, après la rémission du cancer. Les démarches entreprises sont démontrées alors que Mme [I] était âgée de 49 ans. Un courrier de la direction de l'action sociale du ministère de la protection sociale et de la famille à Mostaganem de décembre 2018 indique : 'Suite à votre passage en nos bureaux le 9 février 2010 vous avez déposé un dossier de demande d'adoption d'un enfant. Nous vous avons remis une convocation pour récupérer l'enfant en septembre 2011.'

Mme [I] dit qu'en septembre 2011 elle a dû y renoncer complètement car ce n'était plus physiquement et moralement possible. Physiquement elle ne pouvait pas porter l'enfant dans ses bras. Moralement elle avait besoin de soins psychologiques. Un certificat médical du 3 septembre 2018 du centre anti-douleur de Purpan note 'une grande souffrance psychologique, difficultés majeures sur le plan relationnel avec tendance isolement, sentiment de honte.' Mme [I] dit que compte tenu de son âge à la consolidation (56 ans), le projet d'adoption n'a pas été repris.

Il apparaît que le lien de causalité entre l'accident médical et la renonciation au projet d'adoption est démontré.

La perte de chance de fonder une famille peut être évaluée à 5.000 euros.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé le préjudice d'établissement à 5.000 euros.

En conséquence, l'indemnité représentative du préjudice corporel global de Mme [I] s'établit à la somme totale de 231.189,89 euros, se décomposant comme suit :

I. Préjudices patrimoniaux :

I. 1. Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Dépenses de santé actuelles : 56.831,67 euros ;

Frais divers : frais de transport : 372 euros ;

Assistance d'un médecin-conseil : 350 euros ;

Tierce personne temporaire : 20.002,29 euros ;

Perte de gains professionnels actuels : 25.381,55 euros ;

Dont pour Mme [I] : 2.443,91 euros ;

I.2. Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Incidence professionnelle : 10.000 euros ;

Assistance par tierce personne permanente : 73.695,58 euros.

II. Préjudices extra-patrimoniaux :

II. 1. Préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

déficit fonctionnel temporaire : 8.956,80 euros ;

préjudice esthétique temporaire : 10.000 euros ;

souffrances endurées : 10.000 euros ;

II. 2. Préjudices extra-patrimoniaux permanents :

déficit fonctionnel permanent : 15.600 euros ;

préjudice esthétique permanent : 6.000 euros.

préjudice sexuel : 7.000 euros.

préjudice d'établissement : 5.000 euros.

L'indemnité revenant à cette victime, après imputation des débours de la Cpam de la Haute Garonne, s'établit ainsi à la somme de 151.048,58 euros.

En conséquence, infirmant le jugement, déduction faite de la créance de la Cpam de la Haute Garonne, Mme [A] sera condamnée à payer à Mme [I] la somme de 151.048,58 euros au titre de son préjudice corporel, dont il y a lieu de déduire la provision de 60.000 euros versée, avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 29.151,91 euros, et intérêts au taux légal à compter du présent arrêt sur le surplus.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [A] à payer à la Cpam de la Haute Garonne la somme de 80.141,31 euros, dont il y a lieu de déduire la provision de 72.834,58 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2016.

Sur le préjudice de M. [I] :

M. [I] est victime par ricochet.

M. [I] a subi un préjudice moral d'affection et d'accompagnement face à la souffrance physique et morale de son épouse.

Ce préjudice sera évalué à 5.000 euros.

M. [I] a subi un préjudice sexuel lié à l'acte sexuel lui-même, qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

Ce préjudice sera évalué à 2.500 euros.

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [A] à payer à M. [I] la somme de 7.500 euros au titre de son préjudice moral d'affection et d'accompagnement et de son préjudice sexuel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

En vertu de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, la Cpam de la Haute Garonne a droit à l'indemnité forfaitaire en contrepartie des frais qu'elle a engagés. Elle s'élève à un montant maximum de 1.091 euros.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [A] à payer à la Cpam de la Haute Garonne l'indemnité forfaitaire de gestion de 1.091 euros prévue par l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [A], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et aux dépens d'appel, avec application au profit de Me [P] [L] de la Scp Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, avocat qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle est redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance. Elle sera condamnée à payer à M. et Mme [I] pris ensemble la somme de 4.000 euros et à la Cpam de la Haute Garonne la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 27 mai 2021, sauf sur le montant de la tierce personne temporaire et de la tierce personne permanente, et sauf sur le montant des condamnations au profit de Mme [V] [N] épouse [I],

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que l'indemnité représentative du préjudice corporel global de Mme [I] s'établit à la somme totale de 231.189,89 euros, se décomposant comme suit :

I. Préjudices patrimoniaux :

I. 1. Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Dépenses de santé actuelles : 56.831,67 euros ;

Frais divers : frais de transport : 372 euros ;

Assistance d'un médecin-conseil : 350 euros ;

Tierce personne temporaire : 20.002,29 euros ;

Perte de gains professionnels actuels : 25.381,55 euros ;

Dont pour Mme [I] : 2.443,91 euros ;

I.2. Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Incidence professionnelle : 10.000 euros ;

Assistance par tierce personne permanente : 73.695,58 euros.

II. Préjudices extra-patrimoniaux :

II. 1. Préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

déficit fonctionnel temporaire : 8.956,80 euros ;

préjudice esthétique temporaire : 10.000 euros ;

souffrances endurées : 10.000 euros ;

II. 2. Préjudices extra-patrimoniaux permanents :

déficit fonctionnel permanent : 15.600 euros ;

préjudice esthétique permanent : 6.000 euros.

préjudice sexuel : 7.000 euros.

préjudice d'établissement : 5.000 euros.

Dit que l'indemnité revenant à cette victime, après imputation des débours de la Cpam de la Haute Garonne, s'établit à la somme de 151.048,58 euros ;

En conséquence, déduction faite de la créance de la Cpam de la Haute Garonne, condamne Mme [F] [A] à payer à Mme [I] la somme de 151.048,58 euros au titre de son préjudice corporel, dont il y a lieu de déduire la provision de 60.000 euros versée, avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 29.151,91 euros, et intérêts au taux légal à compter du présent arrêt sur le surplus ;

Condamne Mme [A] aux dépens d'appel, avec application au profit de Me [P] [L] de la Scp Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, avocat, qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

La condamne .à payer à M. et Mme [I] pris ensemble la somme de 4.000 euros et à la Cpam de la Haute Garonne la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

La déboute de sa demande sur le même fondement.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/03011
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;21.03011 ?
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